Carlson, Sacha: «L’essence du phénomène»
Eikasia. Revista de Filosofía, año VI, 34 (septiembre 2010). http://www.revistadefilosofia.com 203
prise à une sorte d’illusion d’optique déterminant sa place et son champ - d’une rationalité ayant
pour fonction de totaliser ce que son illusion lui donne comme étant le réel. Cette science, dont
la psychanalyse et le marxisme ne constituent encore que les prémisses, n’a bien entendu plus
rien à voir avec les sciences positives auxquelles le XIXéme siècle faisait confiance pour
résoudre tous les problèmes qu’il se posait. Le positivisme est aussi une idéologie.(Le problème
du psychologisme, 1969, p. 109)
C’est ainsi que s’exprimait Richir lors d’une conférence tenue à Bruxelles le 14
décembre 1968 (il était tout juste licencié), décrivant la situation philosophique à
laquelle il était alors confronté. Une chose au moins appert de ce texte : le climat
général de la philosophie était celui d’une crise ; et cela se manifestait essentiellement
sur deux plans. On le sait, la crise était tout d’abord sociale : les événements autour de
mai 68 avaient remis en cause une bonne partie du dispositif socio-politique. Ensuite,
mais corrélativement, la crise était aussi celle portant sur fondements épistémologiques
des différentes sciences, mais aussi sur ceux de la philosophie elle-même. Richir fut
bien évidemment interpellé par cette double crise, comme en témoignent les sujets
traités dans ses tout premiers articles : il y est question de la pensée politique de G.
Bataille, de la fin de l’Histoire, des « faye et impasses de la poésie classique », de mai
68, etc. Mais il est caractéristique que jamais Richir ne tentera de conjurer la crise et la
disparition des anciennes valeurs par une nouvelle fondation scientifique, comme on le
tentait alors dans le mouvement structuraliste. La question de Richir était plutôt la
suivante : comment vivre par temps de crise ? Et à une telle époque, que faire de la
tradition qui, malgré tout et quoi qu’on en pense, nous poursuit comme notre ombre. La
démarche adoptée par Richir s’est en fait décidée très tôt : loin de rompre avec la pensée
traditionnelle, il faut au contraire se mesurer à celle-ci. Et c’est ce que fait très
rapidement Richir : il lit Husserl6, commente Fichte7, traduit et commente Schelling. La
lecture proposée de Schelling est en fait fort révélatrice de la démarche de Richir.
Pourquoi lire et étudier Schelling ? C’est en effet la question que Richir pose en
6 Son mémoire de licence (1968) est consacrée à la pensée du premier Husserl : « La fondation de la
phénoménologie transcendantale (1887-1913) ». Signalons qu’un exemplaire de ce travail se trouve aux
archives-Husserl de Louvain.
7 Sa thèse (1973) : « Au-delà du renversement copernicien. La question de la phénoménologie et de la
cosmologie philosophique dans le jeune Idéalisme allemand », porte essentiellement sur Fichte. Notons
que Au-delà du renversement copernicien, publié en 1977, et Le Rien et son apparence, publié en 1979,
ne sont que la reprise de deux parties de cette même thèse. Notons aussi que en 1974, Richir publie aussi
chez Payot un long commentaire des « Considérations sur la révolution française » de Fichte.