CONTRIBUTION DU MANAGEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE DANS LA REORGANISATION DES SERVICES HOSPITALIERS l’approche socio-économique des organisations : une approche globale de l’efficacité (l) [i;Z Une approche globale de l’efficacité i.$j La gestion socio-économique innovatrice La qualité des produits et des services est apparue dès 1974 dans l’analyse socio-économique des organisations comme un indicateur de coût caché. Un coût est dit caché lorsqu’il n’apparaît pas explicitement dans les systèmes d’information de l’entreprise tels que le budget, la comptabilité générale et analytique ou les tableaux de bord usuels. Notre méthode d’analyse des coûts cachés d’une organisation comporte cinq rubriques d’indicateurs socio-économiques :~I’absentéisme, les accidents du travail, la rotation du personrkl, la qualité des produits (biens et services) et la productivité directe (quantités produites). La gestion socio-économique innovatrice, créée et expérimentée par I’ISEOR, est un mode de gestion intégrant étroitement la dimension sociale de l’entreprise et sa performance économique. Elle comporte des méthodes de management global s’appuyant sur le développement humain de l’entreprise comme facteur principal d’efficacité à court, à moyen et long termes. La gestion socio-économique des organisations s’appuie sur une construction théorique appelée analyse socioéconomique et se met en place dans les entrepr,ises et les organisations au moyen d’une méthode d’intervention dénommée intervention socio-économique. Les premiers travaux expérimentaux de I’ISEOR c2) sur les coûts cachés relatifs à la qualité remontent à 1976 et ils ont été suivis de très nombreux autres tiavaux approfondis sur la qualité dans les entreprises de I’industrie, du tertiaire lucratif et des organisations de service public, de toutes tailles et d’implantations géographiques diverses en France et à l’étranger. Ces travaux ont notamment permis de mettre au point une méthode de diagnostic, une méthode de pilotage des actions d’amélioration de la qualité et une méthode d’évaluation des résultats de telles actions. L’organisation est considérée comme un ensemble complexe comprenant cinq types de structures (physiques, technologiques, organisationnelles, démographiques et mentales) en interaction avec cinq types de comportements humains (individuels, de groupe d’activité, de groupe de pression, catégoriels et collectifs). 1. Henri SAVALL : « Le développement socio-économique de l’entreprise et S~E enjeux aa, Revue française de Gestion ; juin-juiliet- août 1985, Henri SAVALL et Véronique ZARDET : r Maîtriser les coûts et per- formances cach&. Le contrat d’activité périodi uement n@aciable. », Editions Economica, Pr&~e de M.A. LAN 1ELLE, Avant-pro- pas de I.M. DOUBLET, Prix Harvard-I’Expanrion de Management Stratégique, 1987, P édition augmentée, septembre 1989, 351 p. 2. ISEOR : Instiwf de Socio-Economie des Entreprises et des Organisations. Centre de Recherches en Sciences de Gestion associé à l’Université Lumi& Lyon 2 et au Croupe Ecole Supérieure de Commerce de Lyon. Cette interaction permanente et complexe crée le5 pulsations d’activité qui constituent le fonctionnement de l’entreprise. Or, l’on discerne dans ce fonctionnement des anomalies, des perturbations, des écarts entre le fonctionnement souhaité et le fonctionnement constaté : ce sont les dysfonctionnements, que l’on peut classer en six familles : les conditions de travail, I’organisation du travail, la gestion du temps, la communication-coordination-concertation, la formation intégrée et la mise en ceuvre stratégique. Ces six familles constituent à la fois des variables explicatives du fonctionnement et des domaines de solutions aux dysfonctionnements recensés dans le diagnostic de l’entreprise. Les dysfonctionnements engendrent des coûts pour l’organisation qui sont en général des coûts cachés. Ces coûts cachés affectent la performance économique de l’entreprise. En effet, les coûts cachés comprennent cinq composants. Les trois premiers constituent des charges que l’entreprise pourrait éviter, du moins partiellement, si son niveau de dysfonctionnement était moins élevé. Le quatrième et le cinquième sont de nature particulière, car ils ne constituent pas vraiment une charge mais plutôt un non-produit c’est-à-dire une perte de production ou d’activité engendrée par le dysfonctionnement. La théorie socio-économique peut-être sommairement présentée à l’aide de deux schémas (cf. schéma ci-dessous). Les recherches sur la gestion socio-économique expérimentée au sein des organisations montrent que seule une approche globale de l’organisation est susceptible, d’une part, d’expliquer le niveau et les mécanismes de sa performance économique et, d’autre part, d’inspirer des actions d’amélioration durable de cette performance économique. mateur dans l’environnement externe, et la qualité interne, jugée par les producteurs de la qualité, euxmêmes’ au sein de l’entreprise (environnement interne) c3). Les deux ne coïncident pas car certaines entreprises et organisations ne parviennent à une bonne qualité externe qu’au prix de contrôles et de régulations de dysfonctionnements très coûteux. Nos diagnostics nous ont montré que l’image interne de la qualité est, dans ce cas, faible voire mauvaise, alors même que l’image externe est satisfaisante voire très satisfaisante. Nos expériences au sein des entreprises ont montré qu’il existe une continuité entre la qualité des produits et la qualité du fonctionnement au sein du concept incluant l’efficacité globale interne de l’organisation. C’est à ce titre que l’approche socio-économique est aussi dénommée « Approche française de la Qualité Totale ». EJl la double image de la qualité II existe deux définitions et deux niveaux d’évaluation de la qualité : la qualité externe, jugée par le consom- DIAGNOSTIC SOCIO-ECONOMIOUE DES 0Rt3ANlSATl0~9 3. Cf. Henri SAVALL, V&onique ZARDET, « Ingénierie stratégique du Roseau », Préface de Serge PASQUIER, Editions ECONOMICA, 1995,447 p. LA GESTION SOCIO-ECONOMIQUE ap*r IntaNentbn roclo4conomlque TSF! Processus d’intervention pour implanter ;::’ i;2ij un management stimulant Le processus d’intervention socio-économique comporte deux axes principaux pour assurer la qualité intégrale (interne et externe) des organisations et pour améliorer le pilotage de la performance économique et sociale : - Une méthodologie de résolution de problèmes comportant 4 étapes : Diagnostic des dysfonctionnements et évaluation des coûts cachés. l l Projet de recherche de solutions. - Mise en oeuvre des actions d’amélioration. l Evaluation des performances. - La Mise en place d’une structure de pilotage à l’aide de 6 outils stimulants : 1. Le contrat d’activité périodiquement négociable (CAPN) formalise les objectifs prioritaires et les moyens mis à disposition, pour chaque personne de l’organisation (y compris ouvriers et employés), au travers d’un double dialogue semestriel personnalisé avec le supérieur hiérarchique direct. II lui est attaché un complément de rémunération substantiel lié à l’atteinte d’objectifs collectifs, d’équipe et individuels, autofinancé par la baisse des coûts cachés. 2. La grille de compétences (CC) est un synoptique permettant de visualiser les compétences effectives disponibles d’une équipe et de son organisation. Elle permet d’élaborer un plan de formation intégrée particulièrement bien adapté à chaque personne et aux besoins évolutifs de l’unité. 3. Le plan d’actions prioritaires (PAPI est l’inventaire concerté des actions à réaliser dans un semestre pour atteindre les objectifs prioritaires après arbitrage sur les priorités et test de faisabilité. 4. Le tableau de bord de pilotage (TDBP) regroupe les indicateurs qualitatifs, quantitatifs ou financiers utilisés par chaque membre de l’encadrement pour piloter concrètement les personnes et les activités de sa zone de responsabilité. II permet de mesurer, d’évaluer, de suivre la réalisation des actions et de surveiller les paramètres sensibles des activités opérationnelles et stratégiques. Recherche en soins infirmiers 5. La grille d’auto-analyse du temps ou gestion du temps (GDT) permet la recherche d’une structure plus efficace de l’emploi du temps en développant la programmation individuelle et collective ainsi que la délégation concertée. 6. Le plan d’actions stratégiques internes et externes (PASINTEX) clarifie la stratégie de l’organisation à trois ans, voire cinq ans, aussi bien vis-à-vis de ses cibles externes (clients, fournisseurs) que de ses cibles internes (du Directeur Général à l’employé et ouvrier), il est réactualisé chaque année pour tenir compte de I’évolution de son environnement externe pertinent et de son « environnement » interne (le personnel, en effet, fait la navette entre l’extérieur et l’intérieur de I’entreprise, en permanence). Les nombreuses expérimentations dans les organisations hospitalières montrent que I’Approche socio-économique développe des méthodes et des outils de management facilitant la réorganisation des services hospitaliers dans le cadre d’une stratégie globale de l’hôpital. En effet, l’intervention socio-économique, présentée ci-dessus, permet à la fois de mieux connaître les dysfonctionnements de l’hôpital et par conséquent de proposer un projet de réorganisation adapté à ses contraintes particulières, élaboré par l’ensemble du personnel N gestionnaire » et soignant (médecins, infirmières). Les outils de gestion socio-économique implantés en phase d’intervention permettent de maîtriser lescoûtsdefonctionnement, aujourd’hui en dérive, px l’accroissement d’efficacité et en particulier par la réduction permanente des coûts cachés, conséquences des dysfonctionnements de l’organisation. L’accroissement de la qualité des soins et des services passe par la réduction des coûts et une stratégie innovante (prenant la forme d’un projet de l’hôpital construit en interaction avec les projets de service) qui soit active et concertée entre le corps des gestionnaires et celui des soignants. Les résultats d’une intervention socio-économique, conduite par Chantal THOUVEREZ, dans un bloc opératoire d’un hôpital français illustre cette démarche et montre l’intérêt et les enjeux de la découverte des dysfonctionnements, base nécessaire pour la construction d’un projet de restructuration et d’une stratégie innovante et concertée de l’hôpital. N” 42 Septembre 1995