1 – Economie : Aspects Historiques 1 – Antiquité : Une Economie Marchande contestée L’économie naturelle est une économie dans laquelle la production et la répartition sont organisées directement en quantité physiques (nature). Système de troc. L’économie marchande est une économie qui repose sur l’échange monétaire. Pour Platon, les règles économiques découlent des recherches philosophiques sur la justice sociale. Cette dernière consiste, dans le but d’assurer le « salut de l’âme », à attribuer à chaque individu la fonction sociale qu’il mérite d’après ses qualités morales, intellectuelles et physiques. Dans la réalité, il existe toujours un risque que les classes aisées détournent le pouvoir à leur profit, et instaurent une oligarchie. C’est pourquoi Platon prône un retour à une économie naturelle basée sur le communautarisme en matière de biens (pas de propriétés personnelles, et en particulier, non détention à titre privée de métaux précieux, maisons communes) comme de famille (les femmes et les enfants appartiennent à tous, non identification des parents). Pour Aristote, la compréhension de l’univers découle de la science, de l’observation. Ainsi, il fonde ses idées en matière d ‘économie sur la réalité d’une économie marchande, et tente d’en expliquer les mécanismes. Il rejoint toutefois Platon sur le plan de la recherche de l’harmonie dans la cité, et sur le sujet du détachement à encourager vis-à-vis des richesses matérielles. Par contre, pour Aristote, le bonheur doit être atteint sur terre, et non dans une vie ultérieure. Ainsi, si les objectifs en matière de justice sociale sont identiques, les moyens d’y parvenir diffèrent. Constatant les nombreux conflits générés par les régimes de communautés de bien, Aristote autorise la propriété privée pour des raisons d’efficacité, et tolère la monnaie pour son coté pratique. Cependant, la monnaie ne doit pas être richesse en soi, mais moyen de faire du commerce (qui lui seul crée de la richesse). Pour preuve, on peut disposer de moyens monétaires considérables et manquer de la nourriture la plus indispensable. Aristote dénonce la pratique monopolistique des commerçants comme source de création de richesse et s’insurge contre l’idée d’intérêt (une monnaie née d’une monnaie). Par ailleurs, il considère le travail manuel comme dégradant pour le corps (donc à réserver aux esclaves) et condamne l’activité salariée. En conclusion, Aristote ne s’oppose pas à une économie marchande, mais considère que son contrôle est indispensable afin d’éviter toute accumulation de richesse (en dehors de l’acquisition légitime de biens de consommation domestique). 2 – Moyen Age (5 ème-10 ème siècle): Retour à une Economie Naturelle La mise en place progressive du système féodal amène une dissolution des pouvoirs politiques comme des échanges commerciaux. Il se crée ainsi une économie locale fondée sur régime domanial. Dans ce système quasi-autarcique, les paysans (souvent d’anciens esclaves) échangent une partie de leur production contre la protection des seigneurs. L’Eglise prend à cette période un rôle considérable, d’abord du point de vue culturel (conservation de la tradition de l’écriture) mais aussi d’un point de vue économique (puisqu’elle possède de nombreux domaines). C’est pourquoi les doctrines économiques de l’époque nous sont parvenues par le biais de religieux (St Augustin en particulier). 3 – Moyen-Age (A partir du 11 ème siècle) : Vers une Economie de plus en plus Marchande Sous l’impulsion des Capétiens, la restauration du pouvoir royal s’accompagne de progrès économiques importants. Grâce à l’amélioration des techniques de labourage, la productivité agricole augmente. Après les ravages des grandes épidémies (peste noire en 1359) et des guerres (guerre de cent ans), la mise en place du système communal accélère la renaissance des villes, tandis que les croisades ont permis au commerce méditerranéen de se développer. La population augmente. L’économie recommence à se monétariser. Parallèlement, la doctrine de l’Eglise s’adapte. St Thomas d’Aquin tente de concilier la pensée d’Aristote et la doctrine ecclésiale. Il réhabilite le travail manuel, condamne l’esclavage, et soumet le salut de l’âme, non plus à la mise en place d’une cité idéale, mais au respect des règles édictées dans le cadre de pensée religieuse. Au point de vu économique, il réaffirme le principe du contrôle de l’économie marchande, et propose d’en moraliser le fonctionnement. Ainsi, même s’il est admis , le commerce reste suspect (surtout dans ses éventuelles pratiques monopolistiques) et l’intérêt est condamné. St Thomas d’Aquin argumente sa doctrine en explicitant les concepts de juste prix (qui permet de rentrer dans ses frais, et d’assurer une existence matérielle convenable), de juste salaire (considéré comme normal par la collectivité), et de juste profit. L’économie médiévale : une représentation bipartite Campagne Villes ◄ Echange des surplus ► Production agricole Production artisanale (équilibre précaire) Système seigneurial Système corporatiste L’économie médiévale dépend donc du délicat équilibre entre les productions des campagnes et celles des villes. En particulier, les conditions sociales plus favorables en ville (absence de contraintes féodales) ce qui crée un exode des paysans vers la ville. Pour endiguer ce phénomène, des mécanismes de régulation sont mis en place : - le système des corporations limite l’accession à un corps de métier (en rendant difficile l’obtention de la maîtrise, en limitant le nombre d’apprentis) et évite la transformation de l’artisan en capitaliste - l’instauration de monopoles d’achat sur les productions agricoles d’un terroir avoisinant assure au paysan l’écoulement de son surplus Dans ce contexte, la doctrine thomiste participe elle aussi au maintien de l’équilibre ville-campagne. 4 – La Renaissance : l’Age des marchands 4a – Contexte historique Cette période, qui s’étant du milieu du 16 ème siècle au milieu du 18 ème siècle , est caractéristique d’une transition entre le système médiéval et la révolution industrielle. C’est l’époque des grandes découvertes (favorisées par les progrès de la navigation) et de la conquête du monde. La colonisation du continent américain (métaux précieux), l’ouverture de comptoirs en Asie (route des épices) et en Afrique (traite des esclaves), développent de façon considérable le commerce extérieur, et en particulier le commerce transatlantique. Parallèlement, l’économie intérieure est dopée par les progrès techniques : - découverte de l’imprimerie - perfectionnement des techniques d’extraction minière - abandon progressif des jachères au profit d’un système de rotation de cultures - développement de l’industrie lainière, et avec elle de l’élevage ovin La monétarisation augmente, et avec elle, la puissance de la classe des marchands, c’est à dire des manufacturiers, armateurs, et banquiers. Au niveau politique, la centralisation du pouvoir (monarchie absolue) crée souvent des conflits entre la noblesse terrienne et le monarque. Dans ce contexte, ce dernier trouve naturellement l’appui des marchands qui participent au financement d’une politique royale qui repose désormais sur l’entretien d’une armée permanente. Dans le même temps, les marchants assoient leur pouvoir en investissant les structures de l’Etat. 4b - Les Mercantilistes Du domaine de l’économie politique, le mercantilisme se préoccupe essentiellement de l’enrichissement des marchands, et de la puissance de l’Etat. L’idée est donc de trouver les moyens d’accroître la puissance politique du royaume en développant sa puissance économique. C’est la justification des activités commerciales et manufacturières. La politique monétaire en découle : la perception de l’impôt est d’autant plus aisée que la circulation monétaire (or et argent) est abondante. Il faut donc assurer cette abondance. Comme l’approvisionnement en or est le quasi monopole des espagnols (qui contrôlent l‘Amérique du Sud), il convient donc de mettre en place des systèmes permettant de récupérer cet or, par exemple en ayant une balance commerciale excédentaire. Ainsi, en favorisant l’activité des marchants, on participe à l’entrée de monnaie sur le territoire, et on participe dans une certaine mesure à l’appauvrissement des autres pays. Le commerce est vécu comme un prolongement de la guerre, et il n’est pas question ici qu’il puisse être mutuellement profitable : les gains des uns sont les pertes des autres. D’où il résulte un certain interventionnisme de l’Etat dans le but de favoriser cette activité mercantile : - restriction des importations et incitation aux exportations de produits manufacturés - restriction, voire interdiction, des exportations de produits agricoles et autres produits bruts dans le but de réserver les matières premières au manufactures, et de restreindre le coût de la main-d’œuvre (grâce au faible prix des subsistances) - mesures favorisant les armateurs (le développement de la flotte a un double but : commercial et militaire) - incitation au développement des industries à « forte valeur ajoutée » (politique de qualité des produits mise en place par Colbert) La Théorie Quantitative de la Monnaie L’arrivée des richesses des colonies en stimulant la consommation, favorise la hausse des prix., et entraîne une augmentation des importations. Ce mouvement commence en Espagne, puis s’internationalise du fait des échanges crées. C’est l’inflation : la hausse des prix est directement liée à l’accroissement des moyens de paiement en circulation. 4c – Les Physiocrates A la fin du 17 ème siècle, les idées mercantilistes sont contestées. Une nouvelle doctrine prône que l’économie est régulée par des phénomènes naturels que l’on ne doit pas contrarier. Bien qu’il n’y ait pas de rupture franche avec le système précédent, on tente de cesser de privilégier la balance commerciale extérieure pour se recentrer sur les mécanismes de la macro-économie au niveau national. A cette époque, la diminution des arrivées de métaux précieux provoque une baisse des prix et une augmentation de la fiscalité, d’où baisse de la consommation et crise de l’agriculture. La ruine des agriculteurs qui à leur tour cessent de consommer des produits manufacturés entretient l’engrenage de la baisse de la consommation (notion de multiplicateur). A coté des ces deux catégories productives (agriculteurs et marchants), existe une catégorie de personnes improductives (souverain, propriétaires terriens, clergés) qui perçoivent des « revenus de fonds » (fermages, impôts). La dépense de ces revenus contribue en temps normal à stimuler le circuit économique. Or, la crise agricole, en privant ce « beau monde » de revenus, contribue encore un peu plus à l’entretien de la crise. Pour remédier à cette crise, il faut relancer la consommation. Pour ce faire, deux solutions sont proposées (Boisguillebert): - une réforme fiscale qui, en augmentant l’assiette de l’impôt (c’est à dire le nombre de personnes susceptibles de le payer), contribuerait à en diminuer le taux - une libéralisation du commerce (en particulier des grains) qui permettrait aux agriculteurs d’élargir leurs débouchés, et à l’économie de se réguler grâce à la vente des excédents dans d’autres régions ou pays déficitaires Ces propositions ne trouveront pas d’écho favorable tant le poids des privilèges et des préjugés est important. Dans ce contexte, les physiocrates (France 1750-1770) recadrent la production agricole comme étant l’activité de base, seule productrice de « richesses nécessaires » (c’est à dire permettant de satisfaire les besoins essentiels). Les nonagriculteurs constituent de fait la « classe stérile ». En effet, si les agriculteurs multiplient la matière, les manufacturiers ne font que la transformer. Cette thèse sera réfutée un peu plus tard par les travaux de Lavoisier (« …rien ne se crée, tout se transforme »). Il faut donc laisser aux agriculteurs la liberté d’écouler leur production, en particulier en supprimant les barrières administratives, et ne pas les écraser d’impôts. Ainsi, en intervenant le moins possible (principe du « laissez faire »), l’Etat facilite l’expression de la « Loi Naturelle ». Le Tableau Economique de Quesnay Il introduit les notions de comptabilité nationale et annonce les prémices de la notion de capital (avances primitives = capital fixe, avances annuelles = capital circulant). Ce tableau présente dans l’idéal ce que seraient les flux monétaires sur une année, entre la classe productive (agriculteurs), la classe stérile (artisans et manufacturiers) et la classe qui reçoit des revenus de fonds (propriétaires fonciers, souverain, décimateurs = ceux qui lèvent la dîme = fermiers généraux). Dans le cas de la classe stérile, l’activité lui permet juste de reconstituer ses avances, puisqu’à deux reprises au cours de l’année, le chiffre d’affaire est dépensé (d’abord en produits agricoles, puis en impôts). Il n’y a donc pas de profit. Classe Productive (Agriculteurs) Avances = solde de l’année précédente 2 milliards + 1 milliard 2 milliards Classe Stérile (Artisans et Manufactures) 1 milliard - 2 milliard ▼ ◄────────────┴────────────► (achat de produits agricoles et manufacturés) + 1 milliard + 1 milliard ◄─────────────────────────◄ (achat / vente de produits agricoles) - 1 milliard - 1 milliard ►─────────────────────────► (achat / vente de produits manufacturés) + 1 milliard - 1 milliard SOLDE Propriétaires terriens, Souverain et Décimateurs + 2 milliard ▲ ►────────────┴────────────◄ (impôts) 2 milliards 2 milliard - 1 milliard 1 milliard Turgot et la Loi des Rendements Décroissants Turgot énonce un principe selon lequel le rendement de la terre n’est pas illimité. En deça d’un certain seuil, son rendement pourra augmenter, mais au delà de ce même seuil, toute augmentation des avances productives se traduira par des suppléments de produit de plus en plus faibles (idée de productivité marginale décroissante). Les progrès techniques sont de nature à ralentir l’apparition des effets de cette loi. Au niveau monétaire, il adhère à la théorie quantitative de la monnaie (augmentation de la masse monétaire circulante entraîne hausse des prix = inflation), et perçoit que la fixation de l’intérêt dépend de l’offre et de la demande de fonds prêtables. Ce faisant, il explique que la fixation d’un taux d’intérêt faible est plus utile au développement de l’économie que la création monétaire. Enfin, il décrit le modèle du producteur-consommateur isolé. Celui-ci définit la « valeur estimative » d’un produit en fonction de deux paramètres : le « degrés d’estime » attribué à sa consommation, et le rapport des « portions de ses facultés » qu’il doit consacrer à leur obtention. Si deux individus possèdent chacun un bien désiré par l’autre, la négociation qui s’ensuit aboutit à la fixation d’un taux d’échange se situant dans la fourchette des « valeurs estimatives » individuelles.