25 grands auteurs en stratégie

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STRATEGOR
7 édition
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25 grands auteurs en stratégie
Coordonné par :
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Laurence LEHMANN-ORTEGA
Frédéric LEROY
Bernard GARRETTE
Pierre DUSSAUGE
Rodolphe DURAND
Sommaire
Kenneth R. ANDREWS 3
H. Igor ANSOFF 4
Chris ARGYRIS 5
Jay B. BARNEY 6
Alfred D. CHANDLER 7
Carl von CLAUSEWITZ 8
Michel CROZIER 9
Peter F. DRUCKER 10
Kathleen M. EISENHARDT 11
Henri FAYOL 12
Sumantra GHOSHAL 13
Gary HAMEL 14
15
Henry MINTZBERG 16
Edith PENROSE 17
18
C.K. PRAHALAD 19
Richard P. RUMELT 20
Joseph SCHUMPETER 21
Philip SELZNICK 22
Herbert SIMON 23
David J. TEECE 24
Karl E. WEICK 25
Oliver E. WILLIAMSON 26
27
James G. MARCH Michael E. PORTER Abraham ZALEZNIK 2
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
25 grands auteurs en stratégie
25 grands auteurs en stratégie
Kenneth R. ANDREWS (1916–2005)
Le fondateur de la corporate strategy
Kenneth Andrews voit son doctorat en lettres interrompu par la Seconde Guerre mondiale.
Il se retrouve dans l’armée de l’air sur le campus de Harvard, dont il côtoie les enseignants.
À l’issue de la guerre, il revient terminer son PhD sur Mark Twain à Harvard. Alors que sa
formation en lettres ne l’y prédispose pas, il deviendra une figure emblématique de la
Business School de Harvard pendant ses quarante années de présence.
Dans les années 1950, Andrews enseigne en MBA et devient membre d’un groupe de travail
chargé de refondre le cours obligatoire de Business Policy. Ce groupe articule le cours autour
du concept de corporate strategy, proposant une démarche intégrative d’analyse et de
formulation de la stratégie. En collaboration avec Learned, Christensen et Guth, il développe
l’un des premiers modèles généraux d’analyse stratégique. Ce modèle, parfois désigné par
l’acronyme LCAG (du nom des auteurs : Learned, Christensen, Andrews et Guth) est plus connu
sous le sigle SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats). Combinant analyse interne
et analyse externe, il consiste à confronter les forces (strengths) et faiblesses (weaknesses) de
l’entreprise face aux opportunités (opportunities) et menaces (threats) de l’environnement.
Sur cette base, on peut ensuite recenser les possibilités d’actions et aboutir, en fonction
des valeurs de l’entreprise, à la formulation de la stratégie. Ce modèle se veut avant tout
pragmatique. Fondé sur l’observation des pratiques d’entreprises performantes, il est destiné
à des praticiens expérimentés. S’il paraît quelque peu simpliste aujourd’hui, sa logique reste à
la base de toute démarche d’analyse stratégique.
Par ailleurs, de 1972 à 1985, Andrews est un membre influent du comité éditorial de la Harvard
Business Review. En tant que directeur, il a contribué à en faire une revue de référence
internationale dans le monde des affaires. Il veille notamment à la publication d’articles
portant sur l’éthique et préface un ouvrage regroupant les meilleurs articles sur le sujet en
1989 : Ethics in Practice: Managing the Moral Corporation.
Même si le terme « management stratégique » est préféré à celui de « corporate strategy » à
partir du milieu des années 1970, Andrews, en tant que chef de file du groupe d’enseignants
en Business Policy de Harvard, reste considéré comme l’un des fondateurs de la discipline,
notamment en ce qui concerne l’enseignement par la méthode des cas.
✔Concepts clés :
Corporate strategy. Modèle LCAG. Modèle SWOT.
✔Principales publications :
Andrews K.R., Learned E.P., Christensen C.R. et Guth W.D., Business Policy, Text and Cases, Irwin, 1965.
Andrews K.R., The Concept of Corporate Strategy, Dow Jones-Irwin, 1971.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Andrews K.R., Ethics in Practice: Managing the Moral Corporation, Harvard Business School
Press, 1989.
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25 grands auteurs en stratégie
H. Igor ANSOFF (1918–2002)
Le père du management stratégique
Né à Vladivostok en Russie, docteur en mathématiques appliquées, Igor Ansoff débute sa
carrière en entreprise, à la Lockheed Aircraft Corporation, où il fut notamment responsable
des plans et programmes. Ces quinze années d’expérience en entreprise le confrontent à
la complexité et à la turbulence de l’environnement et le convainquent de la nécessité de
structurer la démarche stratégique. C’est ce qu’il cherchera à faire en devenant professeur à
partir de 1963. Tout en restant consultant pour de grandes entreprises multinationales, Ansoff
développe, à travers plus de 120 articles et ouvrages, des outils cherchant à faire le pont entre
théorie et pratique.
Dès 1965, Ansoff publie Corporate Strategy, qui devient rapidement un ouvrage de référence.
Ses concepts clés imprègnent encore les outils actuels de la stratégie : la construction du
système d’objectifs, la synergie, la mission, la célèbre matrice de développement (distinguant
pénétration, extension, développement et diversification), les types de diversification
(horizontale, verticale, concentrique, conglomérale), l’analyse concurrentielle des écarts ainsi
que les choix du portefeuille d’activité. Ce ne sont pas tant les concepts en eux-mêmes qui
sont novateurs (la plupart ont été développés précédemment par d’autres auteurs), mais
l’intégration et l’articulation de ces concepts. La principale contribution d’Ansoff est de
proposer un cadre d’analyse structuré, cohérent et systématique. En combinant analyse et
mise en œuvre, Ansoff inscrit la planification stratégique dans un cadre plus large qu’il nomme
le management stratégique.
Dans un article notable de 1975, Ansoff revient sur l’importance de l’analyse de
l’environnement et souligne la nécessité de détecter les signaux faibles (weak signals)
permettant d’éviter les surprises stratégiques. Il remet ainsi en cause l’approche habituelle de
la planification stratégique, essentiellement fondée sur l’étude d’informations passées : selon
lui, les plans stratégiques du milieu des années 1970 sont mal construits, puisqu’ils n’ont pas
su prévoir un événement tel que le premier choc pétrolier. L’entreprise doit donc disposer d’un
processus d’examen systématique de l’information : Ansoff insiste sur la veille stratégique et
l’intelligence économique.
Si ses travaux ultérieurs, notamment son ouvrage de 1984, Implanting Strategic Management,
ont moins de retentissement, l’œuvre essentiellement prescriptive d’Ansoff, qui a su être à la
fois manager, consultant et enseignant, demeure fondatrice pour le management stratégique.
✔Concepts clés :
Planification stratégique. Matrice produits-marchés. Diversification. Veille stratégique. Weak
signals.
✔Principales publications :
Ansoff I., « Managing Strategic Surprise by Response to Weak Signals », California Management
Review, n° 18, pp. 21-33, 1975.
Ansoff I., Implanting Strategic Management, Prentice Hall, 1984.
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© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Ansoff I., Corporate Strategy: An Analytic Approach to Business Policy for Growth and Expansion,
McGraw-Hill, 1965.
25 grands auteurs en stratégie
Chris ARGYRIS (1923–2013)
L’apprentissage organisationnel
Titulaire d’un master en psychologie et économie et d’un PhD en comportement des
organisations de l’université de Cornell, Chris Argyris a été attiré vers la stratégie du fait
de son intérêt pour le comportement des managers au sein d’équipes. Il a enseigné à Yale
pendant vingt ans avant de rejoindre la Harvard Business School à partir de 1971.
Argyris est principalement connu pour ses travaux fondateurs sur l’apprentissage
organisationnel, qui ont un ancrage pluridisciplinaire et concernent à la fois l’individu et
l’organisation. Argyris s’intéresse à la capacité de changement, inhibée par les routines
défensives mises en œuvre par les acteurs. L’apprentissage implique la détection et la
correction d’erreurs : en étudiant des organisations ayant réussi à faire face au changement,
Argyris identifie deux formes d’apprentissage. L’apprentissage en boucle simple implique
la correction de l’erreur en recherchant une solution à l’intérieur des cadres de référence
habituels. L’apprentissage en double boucle en revanche consiste à remettre en cause ces
cadres de référence afin de trouver une solution nouvelle et inhabituelle. Or, cette seconde
forme d’apprentissage est particulièrement difficile à mettre en œuvre.
Grâce à son expérience de conseil auprès de nombreuses entreprises, Argyris a mis au point
des modèles permettant de résoudre les difficultés inhérentes au changement et favorisant
l’apprentissage en double boucle. À la fois chercheur et consultant, Argyris ne conçoit
son travail de recherche que dans le cadre d’interventions en entreprise. Cette approche
donne naissance à des « connaissances actionnables », c’est-à-dire opérationnelles pour les
managers.
✔Concepts clés :
Apprentissage organisationnel. Apprentissage en boucle simple et en double boucle. Routines
défensives.
✔Principales publications :
Argyris C., « Double Loop Learning in Organizations », Harvard Business Review, vol. 55, n° 5,
pp. 115-125, 1977.
Argyris C., Organizational Learning. A Theory of Action Perspective, Addison-Wesley, 1978.
Argyris C., Knowledge for Action: A Guide to Overcoming Barriers to Organizational Change,
Jossey-Bass Publishers, 1993 (traduction française : Savoir pour agir : surmonter les obstacles à
l’apprentissage organisationnel, Dunod, 2003).
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Argyris C. et Schön D., Organizational Learning II: Theory, Method and Practice, Addison-Wesley,
1996 (traduction française : Apprentissage organisationnel : Théorie, méthode, pratique,
De Boeck Université, 2002).
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25 grands auteurs en stratégie
Jay B. BARNEY (né en 1954)
Les ressources stratégiques
Jay Barney a obtenu son doctorat en sciences administratives et en sociologie à l’université
de Yale. Il a publié plus de 50 articles dans des revues académiques, ainsi que trois ouvrages.
Il enseigne la stratégie au Fisher College of Business de l’Ohio State University.
Barney doit sa réputation à son rôle pionnier dans l’approche de la stratégie par les ressources,
qu’il a contribué à faire émerger. Dans son article fondateur de 1991, « Firm Resources
and Sustained Competitive Advantage », il cherche à identifier les sources de l’avantage
concurrentiel. Contestant les arguments de Porter, Barney montre que la performance des
entreprises n’est pas tant liée au choix d’opérer dans une industrie plutôt que dans une autre,
mais qu’elle découle de la détention de ressources qui confèrent à l’entreprise un caractère
unique. Les sources de l’avantage concurrentiel sont donc, d’après lui, exclusivement internes
et n’ont rien à voir avec les déterminants hérités de l’économie industrielle que Porter met en
avant.
Il existe selon Barney trois catégories de ressources : le capital physique, le capital humain
et le capital organisationnel. Seules les ressources dotées de certaines caractéristiques,
connues sous l’acronyme VRIN, contribuent à l’avantage concurrentiel durable : celles qui sont
Valorisables (qui permettent d’exploiter des opportunités ou de neutraliser des menaces dans
l’environnement), Rares (pour conférer à l’entreprise son caractère unique), Inimitables (pour
garantir l’avantage concurrentiel lui-même) et Non substituables (pour assurer la durabilité de
l’avantage concurrentiel). En 2006, Barney regroupe l’inimitabilité et la non-substituabilité en
un seul critère et en rajoute un autre, l’Organisation, aboutissant ainsi au modèle VRIO.
Même si Barney s’est plus intéressé à la sélection et à l’exploitation des ressources qu’à leur
construction, il est toujours l’un des contributeurs majeurs à l’approche de la stratégie par les
ressources.
✔Concepts clés :
Ressources de capital physique, de capital humain et de capital organisationnel. Modèle VRIN.
Modèle VRIO.
✔Principales publications :
Barney J.B., « Firm Resources and Sustained Competitive Advantage », Journal of Management,
vol. 17, n° 1, pp. 99-121, 1991.
Barney J.B., Gaining and Sustaining Competitive Advantage, Addison-Wesley, 1997.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Barney J.B., Ray G. et Muhanna W.A., « Capabilities, Business Processes and Competitive
Advantage: Choosing the Dependant Variable in Empirical Tests of the Resource-Based View »,
Strategic Management Journal, vol. 25, n° 1, pp. 23-37, 2004.
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25 grands auteurs en stratégie
Alfred D. CHANDLER (1918–2007)
L’historien du lien stratégie-structure
Historien, Alfred DuPont Chandler s’est intéressé à l’organisation des entreprises par une
sorte d’atavisme. Comme son middle name l’indique, il était lié à la famille DuPont, héritière
du groupe chimique DuPont de Nemours qui fait l’objet d’un chapitre dans son livre Strategy
and Structure. De plus, son arrière-grand-père, Henry V. Poor, rédacteur en chef de l’American
Railroad Journal dans les années 1850, puis des Poor’s Manuals of Railroads après la guerre
de Sécession, a laissé son nom à la célèbre agence de cotation Standard and Poor’s. C’est en
rédigeant une biographie d’Henry V. Poor à partir des archives de son aïeul qu’Alfred Chandler
obtient son doctorat d’histoire à Harvard. Au cours de ce travail, il comprend que les chemins
de fer ont donné naissance aux premières organisations « modernes », conviction qui irrigue
toute son œuvre. Il enseigne ensuite au MIT puis à la John Hopkins University avant de
retourner à Harvard à partir de 1970 en tant que professeur de Business History.
Chandler a été le premier à s’intéresser aux liens entre stratégie d’entreprise et structure
organisationnelle. Ses recherches se concentrent sur l’émergence et l’histoire de « l’entreprise
moderne ». En 1962, il publie Strategy and Structure. À partir de quatre monographies
historiques portant sur DuPont, General Motors, Standard Oil et Sears Roebuck, ce livre
analyse l’apparition de la structure multidimensionnelle décentralisée, dite « forme M », née
de la croissance et de la diversification de ces grands groupes. Chandler oppose la forme M à
la structure fonctionnelle centralisée, dite « forme U ». Ce faisant, il montre que la structure
de l’entreprise doit s’articuler étroitement avec les stratégies poursuivies, ce qui exige des
restructurations souvent douloureuses et complexes. Bien que Chandler lui-même considère
que le lien entre stratégie et structure est réciproque, son livre deviendra célèbre pour la
recommandation qu’il suggère : la structure doit découler de la stratégie.
En 1977, dans The Visible Hand: The Managerial Revolution in American Business, Chandler
brosse une fresque historique de la grande entreprise américaine en analysant notamment
l’évolution de la fonction de direction générale. Il montre dans ce livre que la « main visible »
des managers s’est largement substituée à la « main invisible du marché », chère à Adam
Smith, pour allouer les ressources et coordonner les activités économiques. L’approche de
Chandler s’apparente ainsi à celle de Williamson dans la mesure où elle étudie la substitution
du marché par l’organisation structurée (que Williamson appelle « hiérarchie »).
✔Concepts clés :
Lien stratégie-structure. Forme en U. Forme en M.
✔Principales publications :
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Chandler A.D., Strategy and Structure, Chapters in the History of the Industrial Enterprise,
MIT Press, 1962 (traduction française : Stratégies et structures de l’entreprise, Éditions
d’Organisation, 1972 et 1989).
Chandler A.D., The Visible Hand: The Managerial Revolution in American Business, Belkmap
Press, 1977 (traduction française : La Main visible des managers : une analyse historique,
Économica, 1989).
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25 grands auteurs en stratégie
Carl von CLAUSEWITZ (1780–1831)
Le théoricien de la stratégie militaire
Carl von Clausewitz intègre l’armée prussienne à l’âge de douze ans, participe aux batailles
du siège de Mayence (1793) et entre à l’Académie militaire de Berlin en 1801, où il étudie
notamment Kant. Après avoir été prisonnier des Français entre 1807 et 1808, il est promu
major et devient professeur à l’Académie militaire, en charge de la formation du prince héritier
de Prusse. Il laisse à son élève princier des manuscrits intitulés « Des principes de la guerre ».
En 1818, il est élevé au grade de major général et nommé directeur de l’administration de
l’Académie militaire de Berlin, poste qu’il occupe pendant douze années, en se consacrant à la
rédaction de son livre. Nommé chef d’état-major de l’armée levée pour contrer l’insurrection
polonaise, il meurt des suites du choléra contracté sur le champ de bataille. Sa femme fait
publier son œuvre, De la guerre.
Clausewitz a été le premier à « penser » la guerre, c’est-à-dire à affirmer qu’elle ne peut se
résumer à un plan simple ou à l’application de recettes. Il distingue le niveau stratégique (la
guerre) du niveau tactique (la bataille). L’objectif est bien de détruire l’ennemi mais, face à
l’incertitude, il s’agit de faire évoluer ses manœuvres tout au long de la bataille, en fonction
des événements. De plus, il insiste sur les facteurs humains, tels que le leadership, le moral, le
courage.
Considérées encore aujourd’hui comme majeures en matière de stratégie militaire
occidentale, ses idées ont été transférées dans d’autres disciplines telles que les sciences
politiques, l’économie et le management stratégique.
✔Concepts clés :
Étrange trinité. Guerre théorique vs guerre réelle. Friction.
✔Principales publications :
Clausewitz C., Vom Kriege, Dümmlers Verlag, 1832 (traduction française : De la Guerre,
Minuit, 1955).
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
von
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25 grands auteurs en stratégie
Michel CROZIER (1922–2013)
Le sociologue des organisations
Diplômé d’HEC, Michel Crozier obtient après la guerre une bourse pour étudier les syndicats
aux États-Unis, ce qui lui donne le goût du terrain. De retour en France, il devient docteur en
droit et chercheur au CNRS. Il alterne les périodes de recherche et d’enseignement en France
et aux États-Unis (Stanford, Harvard…), forgeant les principaux concepts de la sociologie des
organisations, en associant recherche théorique et enquête empirique.
À partir de 1950, il conduit des études sur l’organisation et le comportement des travailleurs,
essentiellement dans des administrations et des entreprises publiques. Son objectif est de
comprendre et d’expliquer les dysfonctionnements de ces organisations. En 1959, invité à
l’université de Stanford, il s’inspire des écrits de la sociologie des organisations américaine
pour développer ses propres concepts, présentés en 1964 dans son livre Le Phénomène
bureaucratique. Ce livre, qui esquisse ce qui deviendra l’analyse stratégique des organisations,
connaît un fort retentissement. Ce succès conduit Crozier à fonder en 1965 le Centre de
Sociologie des Organisations, dont l’équipe entreprend un programme de recherche sur
l’administration française. En collaboration avec E. Friedberg, Crozier publie en 1977 L’Acteur et
le système, qui présente les éléments d’une théorie organisationnelle de l’action collective.
En résumé, Crozier a développé une nouvelle théorie des formes bureaucratiques qui établit
des corrélations entre le système bureaucratique et les relations de pouvoir : un système
bureaucratique qui ne sait pas corriger ses erreurs, et donc s’adapter au changement,
ne fonctionne que par crises, qu’il faut à la fois susciter et contrôler. Afin de faciliter le
développement des organisations, il faut en assouplir le fonctionnement et développer la
coopération.
Pour Crozier, la sociologie doit être non seulement un champ théorique mais aussi une
connaissance utile, c’est-à-dire un outil de changement qui permet aux acteurs de la vie
économique de mieux appréhender leur situation.
✔Concepts clés :
Analyse stratégique des organisations. Zone d’incertitude organisationnelle.
✔Principales publications :
Crozier M., Le Phénomène bureaucratique, Le Seuil, 1964.
Crozier M., La Société bloquée, Le Seuil, 1970.
Crozier M. et Friedberg E., L’Acteur et le système, Le Seuil, 1977.
Crozier M., On ne change pas la société par décret, Grasset, 1979.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Crozier M., À quoi sert la sociologie des organisations ? vol. 1 : Théorie, culture et société ; vol. 2 :
Vers un nouveau raisonnement pour l’action, Éditions Seli Arslan, 2000.
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25 grands auteurs en stratégie
Peter F. DRUCKER (1909–2005)
Le père du management moderne
Né dans une famille influente de Vienne (Schumpeter est un ami de son père), Peter Drucker
y obtient un doctorat en droit public et international. Il travaille d’abord comme journaliste à
Francfort puis, face à l’avènement du régime nazi, il part à Londres, où il devient économiste à
la London Banking House. Il émigre aux États-Unis en 1937. Il concilie son métier de
professeur (à la New York University puis à la Claremont Graduate University, en Californie)
avec celui de consultant pour de grandes entreprises (General Motors, General Electric…).
Drucker n’est pas un théoricien stricto sensu mais plutôt un praticien cherchant à formaliser,
dans une quarantaine d’ouvrages, son expérience dans le but de la transférer à des managers.
Il a souvent été qualifié de « gourou », même s’il détestait ce terme.
Drucker a été le premier à mettre en lumière l’importance du rôle du manager dans la réussite
de l’entreprise. Afin d’être efficace, le manager doit exercer cinq activités essentielles : fixer
des objectifs, organiser le travail, motiver, communiquer, établir des normes de performances.
Pour ce faire, Drucker préconise des structures décentralisées et simplifiées. Drucker analyse
l’émergence de la société de services, où les individus travaillent plus avec leur cerveau qu’avec
leurs mains, et où les organisations tayloriennes ne sont donc pas toujours adaptées. Dès
1959, il invente le terme de « knowledge worker », travailleur du savoir : il a compris que la
connaissance devenait une ressource essentielle pour le xxie siècle, plus encore que le capital
financier. La gestion de la connaissance prend tout son sens dans une approche centrée sur
le marché : il faut selon Drucker donner la priorité au client et innover en permanence. Plus
généralement, il souligne l’importance d’envisager toutes les activités de l’entreprise sous
l’angle du client. Le profit n’est pas le but de l’organisation : c’est le client. Selon lui, cette
focalisation sur le client générera mécaniquement du profit.
✔Concepts clés :
Management par objectifs. Travailleur du savoir. Approche centrée sur le marché.
✔Principales publications :
Drucker P. F., Concept of the Corporation, John Day, 1946.
Drucker P. F., The Practice of Management, Harper & Row, 1954.
Drucker P. F., Management: Tasks, Responsibilities and Practices, Heinemann, 1974.
Drucker P. F., Management Challenges for the 21st Century, HarperBusiness, 2001.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Drucker P. F., Maciariello J. A., The Daily Drucker: 366 Days of Insight and Motivation for Getting
The Right Things Done, HarperBusiness, 2004.
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25 grands auteurs en stratégie
Kathleen M. EISENHARDT
Vitesse, changement et chaos
Après son diplôme d’ingénieur, Kathleen Eisenhardt obtient un PhD à Stanford, où elle
fera toute sa carrière académique. Elle est professeur au département de management et
d’ingénierie au sein de l’école d’ingénieurs. Sa formation, son environnement académique, ses
activités de conseil ainsi que sa position au cœur de la Silicon Valley imprègnent l’ensemble de
ses travaux.
Eisenhardt est en effet connue pour ses recherches sur la prise de décision stratégique
et l’innovation dans des secteurs en rapide évolution et à fort contenu technologique.
« Construisant des théories à partir de recherches basées sur des études de cas » (titre de
l’un de ses articles sur la méthodologie de recherche), elle a développé des concepts, utiles
à la fois sur les plans théorique et pratique. Eisenhardt a d’abord montré que dans ces
environnements fortement changeants, inconfortables, la vitesse était un facteur décisif, à
la fois dans les processus de prise de décision et d’introduction de nouveaux produits. Dans
ces contextes, elle montre que certaines caractéristiques, perçues habituellement comme des
faiblesses, peuvent en fait constituer des avantages. Ainsi, afin d’aboutir à une décision rapide,
l’entreprise doit simplifier son processus de décision en s’appuyant sur un nombre limité de
règles simples, qui servent de fil conducteur (par exemple, des critères simples pour décider
ou non d’une acquisition). Par ailleurs, les conflits dans les équipes de dirigeants peuvent être
positifs, en contribuant à faire émerger des remises en cause. Enfin, la gestion du portefeuille
d’activité est présentée comme un rapiéçage stratégique permanent (patching), contrastant
avec les approches habituelles, visant à la stabilité. En résumé, le défi est donc d’instaurer un
chaos structuré.
Mettant ainsi en exergue le fait que la stratégie se situe plus dans l’action que dans l’analyse,
Eisenhardt contribue à développer le courant des capacités dynamiques, définies comme
l’aptitude de l’organisation à gérer, voire provoquer le changement. Au final, cette aptitude
devient le seul avantage concurrentiel durable, les autres n’étant que temporaires.
✔Concepts clés :
Strategy as simple rules. Capacités dynamiques. Rapiéçage stratégique. Chaos structuré.
✔Principales publications :
Eisenhardt K.M., « Building Theories from Case Study Research », Academy of Management
Review, vol. 14, n° 4, pp. 532-551, 1989.
Brown S.L. et Eisenhardt K.M., « The Art of Continuous Change: Linking Complexity Theory
and Time-paced Evolution in Relentlessly Shifting Organizations », Administrative Science
Quarterly, vol. 42, n° 1, pp. 1-34, 1997.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Eisenhardt K.M. et Martin J.A., « Dynamic Capabilities: What Are They? », Strategic Management
Journal, vol. 21, n° 10-11, pp. 1105-1122, 2000.
Eisenhardt K.M. et Sull D.N., « Strategy as Simple Rules », Harvard Business Review, vol. 79, n° 1,
pp. 106-117, 2001.
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25 grands auteurs en stratégie
Henri FAYOL (1841–1925)
Le premier théoricien du management
Diplômé de l’école des Mines de Saint-Étienne, Henri Fayol a fait toute sa carrière à la Société
industrielle et minière de Commentry-Fourchambault, dont il est devenu directeur général en
1888, après lui avoir évité la faillite. Sa conception de l’administration est largement inspirée de
sa propre expérience. Fayol est considéré comme le père de l’école classique du management,
puisqu’il a été le premier à théoriser l’administration des entreprises et du commandement.
Partant du constat que la majorité des dirigeants de l’époque étaient issus d’écoles
d’ingénieurs, il cherche à développer des concepts pouvant être intégrés dans leur formation.
Dans son ouvrage de 1916, Administration industrielle et générale, considéré comme le
fondement de la théorie classique de l’organisation, il propose la première théorie générale du
management et de ses principes.
Selon Fayol, une entreprise s’analyse à travers six fonctions principales : technique,
commerciale, financière, de sécurité, comptable et administrative. En étudiant la fonction
administrative (celle de la direction), Fayol a défini les cinq principes universels du
management moderne : prévoir et planifier, organiser, commander, coordonner et contrôler.
Afin d’optimiser le fonctionnement de l’entreprise, les dirigeants doivent tenir compte de
quatorze principes généraux d’administration : la division du travail, l’autorité, la discipline,
l’unité de commandement, l’unité de direction, la subordination des intérêts particuliers à
l’intérêt général, la rémunération, la centralisation, l’ordre, la hiérarchie, l’équité, la stabilité du
personnel, l’initiative et l’esprit de corps.
Paradoxalement, les idées de Fayol ont d’abord été appliquées aux États-Unis avant de trouver
un écho en France après la Seconde Guerre mondiale. Ses principes sont complémentaires de
ceux de Taylor, son contemporain américain, dont le pivot d’analyse est l’ouvrier, alors que
celui de Fayol est le dirigeant. L’œuvre de Fayol est finalement très en avance sur son temps, et
se révèle encore pertinente aujourd’hui.
✔Concepts clés :
Cinq principes universels. Principes généraux d’administration.
✔Principales publications :
Fayol H., Administration industrielle et générale, Dunod, 1916.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Fayol H., « L’Industrialisation de l’État », Bulletin de la société de l’industrie minérale, 1919.
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25 grands auteurs en stratégie
Sumantra GHOSHAL (1948–2004)
L’entreprise transnationale
Après des études de physique, Sumantra Ghoshal débute sa carrière au sein de la Indian Oil
Corporation. Il décide en 1981 de devenir chercheur en management, et réussit à obtenir
presque simultanément un PhD de la Sloan School of Management du MIT (1985) et un DBA de
la Harvard Business School (1986). Il débute à l’INSEAD en 1985 puis rejoint, en 1994, la London
Business School.
Ghoshal est connu essentiellement pour ses travaux sur le management des grandes
entreprises internationales. Son ouvrage Managing Across Borders, publié en 1989 avec
Bartlett, est considéré par le Financial Times comme l’un des ouvrages de management les
plus influents des dernières décennies. Les auteurs y exposent les résultats de leurs recherches
menées auprès de grandes entreprises opérant sur des marchés internationaux. Ils en tirent
une typologie en quatre catégories :
–– le groupe multinational est une fédération d’entreprises libres de leurs décisions
stratégiques, ce qui favorise l’adaptation aux marchés locaux ;
–– l’entreprise globale est fortement centralisée et laisse peu d’initiative aux différents pays,
ce qui permet d’exploiter fortement les économies d’échelle ;
–– l’entreprise internationale se situe entre ces deux extrêmes et bénéficie des transferts
d’apprentissages entre entités nationales ;
–– l’entreprise transnationale, quant à elle, est considérée comme une sorte d’idéal type,
vers lequel les autres devraient tendre afin de s’adapter à un environnement en perpétuelle
mutation. L’entreprise transnationale sait en effet combiner les avantages des autres formes,
favorisant à la fois l’adaptabilité aux marchés locaux, l’exploitation d’économies d’échelle et le
transfert d’expérience.
Peu avant sa disparition, Ghoshal s’était donné pour objectif de mener des recherches
s’attaquant aux dérives du management stratégique et de son paradigme dominant, la
maximisation de la valeur pour l’actionnaire.
✔Concept clé :
Entreprise transnationale.
✔Principales publications :
Ghoshal S. et Bartlett C.A., Managing Across Borders: The Transnational Solution, Harvard
Business School Press, 1989 (traduction française : Le Management sans frontières, Éditions
d’Organisation, 1991).
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Ghoshal S. et Bartlett C.A., The Individualized Corporation: A Fundamentally New Approach to
Management, HarperCollins Publishers, 1997 (traduction française : L’Entreprise individualisée,
une nouvelle logique de management, Maxima, 1998).
Ghoshal S., « Bad Management Theories are Destroying Good Management Practices »,
Academy of Management Learning and Education, vol. 4, n° 1, pp. 75-91, 2005.
13
25 grands auteurs en stratégie
Gary HAMEL (né en 1954)
L’agitateur
Premier dans le classement des vingt penseurs en stratégie les plus influents du Wall Street
Journal et qualifié de « meilleur expert mondial en stratégie » par le magazine Fortune, Gary
Hamel assume pleinement sa qualité de « gourou ». Incitant les dirigeants à s’opposer aux
idées dominantes, il applique également cette stratégie à lui-même.
Après son MBA, Hamel est pendant quelques années administrateur d’hôpital avant de
reprendre ses études pour obtenir, en 1990, son PhD en affaires internationales à l’université
du Michigan, où il rencontre C.K. Prahalad. Jusqu’au milieu des années 1990, Hamel et
Prahalad coécrivent les articles qui les ont rendus célèbres. Rejetant l’approche déterministe
de Porter, dominante à l’époque, ils travaillent à l’élaboration d’un cadre d’analyse alternatif.
En observant les entreprises japonaises performantes, ils constatent que celles-ci se
focalisent peu sur leurs concurrents et sur l’environnement. Considérant que le moteur de la
performance des entreprises est donc essentiellement interne, ils donneront naissance aux
concepts d’« intention stratégique » et de « compétence clé », d’abord à travers des articles
dans la Harvard Business Review, puis dans leur ouvrage Competing for the Future. Prônant
une approche pro-active de la stratégie, ils expliquent que l’entreprise doit développer une
vision, également appelée « intention stratégique », c’est-à-dire une description de ce qu’elle
aspire à devenir dans le long terme. Forte de cette vision, l’entreprise doit s’appuyer sur ses
compétences clés pour croître, en modifiant les règles du jeu du secteur à son profit.
En 1995, Hamel fonde le cabinet de conseil Strategos. Consultant auprès de grandes
sociétés multinationales, Hamel conseille les dirigeants sur les questions d’innovation,
d’entrepreneuriat et de compétitivité industrielle. Il exhorte les dirigeants à s’engager dans
une révolution stratégique. Il préconise la créativité stratégique qui commande une approche
plus générale de l’innovation, stimulée par une culture d’entreprise ouverte et démocratique.
Au total, Hamel propose un état d’esprit plus que de véritables outils. Il manie la métaphore et
la preuve par l’exemple, ce qui se retourne parfois contre lui, comme dans le cas d’Enron qu’il
avait érigé en modèle. Son approche peu scientifique ainsi que son marketing personnel lui
valent d’être souvent rejeté par la communauté académique.
✔Concepts clés :
Intention stratégique. Compétence clé. Révolution stratégique. Innovation.
✔Principales publications :
Hamel G. et Prahalad C.K., « Strategic Intent », Harvard Business Review, vol. 67, n° 3, pp. 63-77,
1989.
Hamel G. et Prahalad C.K., « The Core Competence of the Corporation », Harvard Business
Review, vol. 68, n° 3, pp. 79-87, 1990.
Hamel G. et Doz Y.L., Alliance Advantage: The Art of Creating Value Through Partnering, Harvard
Business School Press, 1998.
Hamel G., Leading the Revolution, Harvard Business School Press, 2000 (traduction française :
La Révolution en tête, Village mondial, 2000).
Hamel G., What Matters Now, Jossey-Bass, 2012 (traduction française : Ce qui compte vraiment,
Eyrolles, 2012).
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© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Hamel G. et Prahalad C.K., Competing for the future, Harvard Business School Press, 1994
(traduction française : La Conquête du futur, Dunod, 1999).
25 grands auteurs en stratégie
James G. MARCH (né en 1928)
Ambiguïté et décision
Après son doctorat en Sciences Politiques à l’université de Yale en 1953, James March est
recruté comme professeur assistant par Herbert Simon au Carnegie Institute of Technology.
Il rejoint l’université de Stanford en 1970, enseignant dans différents domaines des sciences
sociales (sciences politiques, sociologie, sciences de l’éducation et management international).
Avec une centaine d’articles et de nombreux ouvrages, March est un auteur de référence, en
particulier pour ses recherches remettant en cause les modèles classiques de prise de décision
dans les organisations et ses travaux sur le changement organisationnel.
Présentant l’entreprise comme une coalition d’acteurs aux intérêts divergents, March propose
une vision chaotique voire anarchique de la décision. Rejetant à la fois les modèles rationnel,
organisationnel et politique, il développe, avec Cohen et Olsen, le « modèle de la poubelle »
(garbage can model), en 1972. Ce dernier modèle suggère que dans les organisations, les
solutions sont en quête de problèmes, et non l’inverse. Une décision est vue comme le résultat
de la rencontre fortuite de problèmes (en suspens), de solutions (toutes prêtes) et de décideurs
plus ou moins concernés. Cette vision permet d’expliquer des phénomènes fréquents dans
les organisations, tels que des décisions ne résolvant pas les problèmes visés, l’adoption de
solutions alors que la situation n’était pas problématique ou la persistance de problèmes non
résolus. Le modèle de la poubelle remet finalement en cause l’idée selon laquelle la décision
serait en soi un phénomène important.
En s’intéressant au processus de prise de décision, March est amené à se préoccuper
des changements dans les organisations, et en particulier de l’apprentissage lié à ces
changements. Il publie en 1991 un article de référence sur le sujet, présentant le conflit entre
activités d’exploitation et d’exploration. L’exploitation fait référence à des notions telles que le
perfectionnement, la production, l’efficience, la sélection, l’exécution ; elle consiste à exploiter
les routines existantes. L’exploration renvoie à des notions telles que la recherche, la variation,
la prise de risque, la découverte, l’innovation ; elle consiste à explorer de nouvelles voies. La
difficulté provient du conflit entre exploitation et exploration : il s’agit de trouver un équilibre
entre les deux.
Empruntant à divers domaines des sciences sociales, March a contribué à développer une
vision plus réaliste, moins rationaliste du fonctionnement de l’organisation.
✔Concepts clés :
Modèle de la poubelle (garbage can model). Exploitation vs exploration.
✔Principales publications :
Cyert R. et March J.G., A Behavioral Theory of the Firm, Prentice Hall, 1963.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Cohen M.D., March J.G. et Olsen J.P., « A Garbage Can Model of Organizational Choice »,
Administrative Science Quarterly, vol. 17, n° 1, pp. 1-25, 1972.
March J.G., Decisions and Organizations, Basil Blackwell, 1988 (traduction française : Décisions
et organisations, Éditions d’Organisation, 1991).
March J.G., « Exploration and Exploitation in Organizational Learning », Organization Science,
vol. 2, n° 1, pp. 71-88, 1991.
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25 grands auteurs en stratégie
Henry MINTZBERG (né en 1939)
Le généraliste prolifique
Ingénieur en génie mécanique, Henry Mintzberg débute sa carrière aux Chemins de fer
nationaux canadiens avant de se réorienter dès 1968 vers une carrière académique classique,
suite à l’obtention d’un PhD de la prestigieuse Sloan School of Management du MIT. Mintzberg
est un auteur prolifique, tant par l’ampleur (plus de 140 articles et 13 ouvrages) que par
l’étendue des thèmes qu’il traite.
Ses travaux, qui critiquent la vision traditionnellement normative et rationnelle de la stratégie,
peuvent être classés en quatre thèmes plus ou moins chronologiques.
–– Le premier s’intéresse au travail du manager : le suivi systématique de plusieurs dirigeants
lors de sa recherche doctorale a permis à Mintzberg de montrer un quotidien du manager
chaotique et frénétique, bien éloigné du penseur systématique et réfléchi généralement décrit
dans la littérature académique.
–– Le deuxième concerne la variété des structures organisationnelles, présentée à travers les
cinq célèbres configurations : la structure simple, la bureaucratie mécaniste, la bureaucratie
professionnelle, la structure divisionnelle et l’adhocratie.
–– Le troisième aborde la formation de la stratégie : à la planification stratégique délibérée
et analytique, chère à Ansoff, Mintzberg oppose la stratégie réalisée, émergente, non
intentionnelle et empreinte d’intuition.
–– Enfin, les travaux récents de Mintzberg dénoncent de manière virulente les méthodes
de formation au management, notamment la méthode des cas. Il plaide pour la formation
de « managers, pas de MBA », ouverts à l’innovation et dotés d’un esprit entrepreneurial, à
travers un apprentissage et une réflexion collective à partir de l’expérience.
Le point commun des travaux de Mintzberg, outre un style incisif et l’utilisation de
métaphores, se situe dans son approche. En combinant une analyse exhaustive de la
littérature et une observation empirique minutieuse (en entreprise ou dans d’autres formes
d’organisations, notamment dans le secteur public), il développe une vision synthétique et
renouvelée des questions traitées, en proposant souvent des typologies et configurations.
✔Concepts clés :
Configurations organisationnelles. Stratégie délibérée et émergente.
✔Principales publications :
Mintzberg H., Structuring of Organizations, Prentice Hall, 1978 (traduction française : Structure et
dynamique des organisations, Éditions d’Organisation, 1982).
Mintzberg H., Lampel J. et Ahlstrand B., Strategy Safari: A Guided Tour Through The Wilds of
Strategic Management, Free Press, 1998 (traduction française : Safari en pays stratégie, Village
mondial, 1999).
Mintzberg H., Managers, not MBAs, Berrett-Koehler, 2004 (traduction française : Des managers,
des vrais ! Pas des MBA, Éditions d’Organisation, 2004).
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© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Mintzberg H., The Rise and Fall of Strategic Planning, Free Press, 1993. (traduction française :
Grandeur et décadence de la planification stratégique, Dunod, 1994).
25 grands auteurs en stratégie
Edith PENROSE (1914–1996)
L’économiste des ressources
Diplômée de l’université de Californie, Edith Tilton épouse en 1945 Ernest Penrose, un
économiste britannique, et obtient son doctorat en 1951 à la Johns Hopkins University à
Baltimore, où elle enseigne jusqu’en 1955. Fuyant le maccarthysme, le couple part pour
l’Australie puis pour l’Irak. À Bagdad, Penrose s’intéresse à l’industrie pétrolière. En 1959, les
époux Penrose s’installent à Londres, où Edith enseigne à la London School of Economics ainsi
qu’à la School of Oriental and African Studies. En 1978, elle devient professeur d’économie
politique à l’INSEAD en France. En 1984, elle prend sa retraite et s’installe au Royaume-Uni.
À la Johns Hopkins University, Penrose participe à un projet de recherche portant sur la
croissance des firmes. Elle aboutit à la conclusion que les théories économiques existantes
ne permettent pas d’expliquer cette croissance : elle présente sa nouvelle approche dans son
ouvrage, The Theory of the Growth of the Firm, en 1959. S’éloignant de la théorie économique
classique, Penrose a été l’une des premières à mettre en lumière l’importance des ressources
dans la croissance de l’entreprise et également du rôle du management dans la gestion de
ces ressources : c’est pour trouver de nouveaux usages à des ressources sous-exploitées que
les managers développent l’entreprise et la font croître. De ce fait, Penrose est aujourd’hui
considérée comme l’économiste précurseur de l’approche de la stratégie par les ressources et
les compétences.
✔Concepts clés :
Ressources. Croissance de la firme.
✔Principale publication :
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Penrose E.T., The Theory of the Growth of the Firm, Wiley, 1959.
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25 grands auteurs en stratégie
Michael E. PORTER (né en 1947)
L’apport de l’économie industrielle
Auteur de plus de 125 articles et de 17 ouvrages, Michael Porter est une figure incontournable
de la stratégie concurrentielle, tant pour les chercheurs que pour les managers et les
enseignants. Sa double formation (PhD en économie et MBA, tous deux de l’université de
Harvard) explique en grande partie l’origine de ses thèses.
Au cours des années 1980, Porter a en effet « traduit » les concepts de l’économie industrielle
en trois outils fondamentaux d’analyse concurrentielle. Il a tout d’abord identifié cinq forces
(concurrence, pouvoir de négociation des fournisseurs et des clients, pression des produits de
substitution et des nouveaux entrants) qui s’exercent sur toute industrie et qui expliquent
selon lui la rentabilité intrinsèque du secteur. Pour affronter ces forces, les entreprises doivent
choisir entre trois stratégies génériques : la domination par les coûts, la différenciation ou la
focalisation. Enfin, troisième outil, la chaîne de valeur découpe les opérations de l’entreprise
en diverses sous-activités. Elle constitue une grille de lecture des sources de l’avantage
concurrentiel de la firme.
Consultant en stratégie, Porter intervient auprès de décideurs économiques et politiques.
Dans les années 1980, il est nommé par Ronald Reagan à la Commission sur la compétitivité
industrielle. Il s’intéresse par la suite au développement économique des nations, et conseille
les gouvernements et les collectivités locales dans de nombreux pays. Dans les années 1990, il
se préoccupe du développement des quartiers défavorisés et des zones rurales aux États-Unis,
ainsi que des questions de santé et d’environnement. Plus récemment, ses travaux se sont
portés vers la responsabilité sociale des organisations.
Les travaux de Porter ont été critiqués pour leur côté rigide, impliquant que la stratégie
consiste à mettre l’entreprise en adéquation avec un environnement donné, considéré
comme stable. Dans sa conception, la stratégie relève d’une démarche de positionnement,
essentiellement déterminée par les conditions externes, ce que contestent les paradigmes
plus récents fondés sur une meilleure prise en compte de la dimension interne de la firme,
comme notamment l’approche par les ressources.
✔Concepts clés :
Les cinq forces. Les stratégies génériques. La chaîne de valeur.
✔Principales publications :
Porter M.E., « How Competitive Forces Shape Strategy », Harvard Business Review, vol. 57, n° 2,
pp. 137-145, 1979.
Porter M.E., Competitive Strategy, Macmillan Publishing, 1980 (traduction française : Choix
stratégiques et concurrence, Économica, 1982).
Porter M.E., The Competitive Advantage of Nations, Harvard Business School Press, 1990
(traduction française : L’Avantage concurrentiel des nations, InterÉditions, 1993).
Porter M.E., « What is Strategy? », Harvard Business Review, vol. 74, n° 6, pp. 61-79, 1996.
Porter M.E. et Kramer M., « Strategy & Society: The Link Between Competitive Advantage and
Corporate Social Responsibility », Harvard Business Review, vol. 84, n° 12, pp. 78-92, 2006.
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© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Porter M.E., Competitive Advantage, Free Press, 1985 (traduction française : L’Avantage
concurrentiel, InterÉditions, 1986).
25 grands auteurs en stratégie
C.K. PRAHALAD (1941–2010)
Le rejet de la logique dominante
Coimbatore Krishnarao (C.K.) Prahalad est né à Madras, en Inde. Après un diplôme en
physique, il a travaillé pour Union Carbide, avant de rejoindre les États-Unis et d’obtenir un
doctorat de la Harvard Business School en 1975. Il a ensuite enseigné à la business school
d’Ahmedabad, avant de retourner aux États-Unis, où il est devenu professeur à l’université du
Michigan. Cette double culture a largement influencé son œuvre.
Prahalad s’est d’abord rendu célèbre par les articles coécrits avec Gary Hamel dont il est
directeur de thèse à l’université du Michigan. S’opposant à la logique de Porter fondée sur
l’économie industrielle, dominante au début des années 1990, ils travaillent ensemble à
l’élaboration d’une nouvelle forme de pensée stratégique fondée sur l’exploitation originale
de compétences clés internes à l’entreprise et sur la capacité des entreprises à transformer les
industries dans lesquelles elles opèrent.
Ses travaux plus récents portent sur le marché inexploité que représentent les pauvres.
Dans son livre Fortune at the Bottom of the Pyramid, Prahalad explique comment les
multinationales, à condition de remettre en cause leur mode de fonctionnement habituel,
peuvent trouver de nouvelles sources de croissance profitables dans les pays émergents.
En inventant de nouveaux modèles économiques visant les populations vivant « au bas de
la pyramide » des revenus, c’est-à-dire avec moins de 1,90 dollars par jour, Prahalad affirme
que les grandes compagnies peuvent à la fois dégager des profits et contribuer à éliminer la
pauvreté.
Même si ses travaux ont été largement critiqués, ses apports sont indéniables et Prahalad
reste considéré aujourd’hui comme l’un des penseurs en stratégie les plus originaux.
✔Concepts clés :
Intention stratégique. Compétence clé. Base de la pyramide.
✔Principales publications :
Hamel G. et Prahalad C.K., « Strategic Intent », Harvard Business Review, vol. 67, n° 3, pp. 63-77,
1989.
Hamel G. et Prahalad C.K., « The Core Competence of the Corporation », Harvard Business
Review, vol. 68, n° 3, pp. 79-87, 1990.
Hamel G. et Prahalad C.K., Competing for the future, Harvard Business School Press, 1994
(traduction française : La Conquête du futur, Dunod, 1999).
Prahalad C.K. et Ramaswamy V., « The New Frontier of Experience Innovation », MIT Sloan
Management Review, vol. 44, n° 4, pp. 12-19, 2003.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Prahalad C.K., Fortune at the Bottom of the Pyramid, Wharton School Publishing, 2004
(traduction française : 4 milliards de nouveaux consommateurs : vaincre la pauvreté grâce au
profit, Village mondial, 2004).
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25 grands auteurs en stratégie
Richard P. RUMELT (né en 1942)
Le scientifique de la stratégie
Richard Rumelt débute des études d’ingénieur avant de s’orienter vers un doctorat en
Management de Harvard qu’il obtient en 1972. Il effectue toute sa carrière académique à la
UCLA (University of California, Los Angeles), à l’exception des années 1993-1996, qu’il passe à
l’INSEAD en France.
Dans ses premiers travaux, Rumelt s’intéresse aux grandes entreprises et à la relation entre
stratégie de diversification, structure organisationnelle et performance économique. Il aboutit
à une typologie de neuf stratégies de croissance, et parvient à établir un lien statistique
entre ces stratégies et la performance économique. Il remet ainsi en cause les travaux
issus de l’économie industrielle, dont Porter est le promoteur, en montrant que les écarts
de performance sont plus importants à l’intérieur d’un secteur donné qu’entre différents
secteurs. Il met ainsi en exergue le rôle des compétences internes de l’entreprise et donc de
l’action entrepreneuriale du dirigeant.
En utilisant des méthodes quantitatives, Rumelt a contribué à conforter la légitimité du
management stratégique en tant que discipline scientifique à partir des années 1970. Tout en
reconnaissant l’importance de l’apport de l’économie, il a participé à l’affirmation du rôle du
management interne, et, partant, de l’approche par les ressources et compétences.
✔Concepts clés :
Diversification. Compétences. Ressources de la firme.
✔Principales publications :
Rumelt R.P., Strategy, Structure and Economic Performance, Harvard University Press, 1974.
Rumelt R.P., « Diversification Strategy and Profitability », Strategic Management Journal, vol. 3,
n° 4, pp. 359-425, 1982.
Rumelt R.P., « How Much Does Industry Matter ? », Strategic Management Journal, vol. 12, n° 3,
pp. 167-185, 1991.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Rumelt R.P., Schendel D. et Teece D.J., « Strategic Management and Economics », Strategic
Management Journal, vol. 12, numéro spécial, pp. 5-29, hiver 1991.
20
25 grands auteurs en stratégie
Joseph SCHUMPETER (1883–1950)
Le théoricien de la destruction créatrice
Issu d’une famille d’industriels établis en Moravie (Autriche-Hongrie), Joseph Schumpeter
obtient un doctorat en droit à l’université de Vienne en 1906. Après une expérience à Londres
et au Caire, il publie en 1908 son premier ouvrage, Nature et contenu principal de la théorie
économique, qui devient un classique de la statistique économique, et lui permet de devenir
professeur d’économie politique. Après avoir été brièvement ministre des finances, il fuit la
montée du nazisme et devient professeur à Harvard de 1932 jusqu’à sa mort, en 1950.
Schumpeter est souvent considéré comme un économiste peu orthodoxe, pour avoir plus
insisté sur les situations de rupture que d’équilibre. Convaincu que l’innovation est le moteur
de l’économie, il est parmi les premiers à ne pas la réduire aux simples nouveautés techniques.
Ceci le conduit à une typologie de l’innovation, en distinguant nouveau produit, nouvelle
méthode de production ou de commercialisation, conquête d’un nouveau marché, nouvelle
source de matières premières, nouvelle organisation de la production.
Schumpeter insiste sur le rôle de l’entrepreneur dans le processus d’innovation. L’innovateur
étant le premier à introduire une nouveauté, il bénéficie d’une situation assimilable à un
monopole lui permettant de disposer d’une rente, plus ou moins longue suivant l’imitabilité
de l’innovation. Ces monopoles nés de l’innovation sont acceptables et même nécessaires
au bon fonctionnement du capitalisme. Mais pour bénéficier de ces rentes, l’innovateur doit
surmonter les résistances habituelles face à la nouveauté ; il doit créer tout en remettant en
cause, c’est-à-dire en détruisant l’ordre économique établi : il s’agit du célèbre processus de la
« destruction créatrice ». L’innovation assure la croissance économique et le bouleversement
perpétuel des positions établies.
✔Concepts clés :
Innovation. Entrepreneur. Destruction créatrice.
✔Principales publications :
Schumpeter J.A., Theorie der Wirtchaftlichen Entwicklung, Duncker & Humblot, 1911 (traduction
française : Théorie de l’évolution économique, Dalloz, 1934).
Schumpeter J.A. Business Cycles: A Theoretical, Historical and Statistical Analysis, McGraw-Hill,
1939.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Schumpeter J.A., Capitalism, Socialism and Democracy, Harper & Brothers, 1942 (traduction
française : Capitalisme, socialisme et démocratie, Payot, 1979).
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25 grands auteurs en stratégie
Philip SELZNICK (1919–2010)
Institution et identité
Après son doctorat en 1947, Selznick a enseigné à l’université du Minnesota et à UCLA, avant
de rejoindre le département de sociologie de Berkeley en 1952. Il a participé à la création du
Center for the Study of Law and Society.
Selznick a été l’un des premiers à combiner approche sociologique et philosophique pour
considérer l’entreprise comme un groupe humain structuré, s’efforçant de devenir une
communauté. L’engagement des agents d’une organisation peut être un facteur clé de
succès. Or, les individus n’ont pas nécessairement les mêmes objectifs personnels que leur
organisation. Le rôle du leader est justement de transformer un groupe d’individus en une
communauté engagée, une institution, afin de faire émerger une identité. Cette identité
constitue une réalité lorsque ses membres s’identifient à elle.
Selznick a ainsi posé les jalons de l’approche néo-institutionnelle, qui aborde l’étude des
organisations en tant qu’institutions.
✔Concepts clés :
Institution. Image de soi. Cooptation.
✔Principales publications :
Selznick P., « Foundations of the Theory of Organization », American Sociological Review, vol.13,
n° 1, pp. 25-35, 1948.
Selznick P., Leadership in Administration, Harper & Row, 1957.
Selznick P., The Organizational Weapon, The Free Press of Glencoe, 1960.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Selznick P., TVA and the Grass Roots: A Study in Sociology of Formal Organizations, University of
California Press, 1966.
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25 grands auteurs en stratégie
Herbert SIMON (1916–2001)
La rationalité limitée
Né dans une famille d’immigrés intellectuels allemands, Herbert Simon est attiré par les
sciences exactes tout en étant influencé très tôt par son oncle qui l’initie aux sciences sociales
et à l’économie. Avant et après l’obtention de son PhD en sciences politiques à Chicago en
1943, outre sa carrière universitaire, il occupa différents postes dans l’administration (gestion
municipale, agence gestionnaire du plan Marshall…). En 1949, il rejoint la très renommée
Faculté de gestion industrielle au Carnegie Institute of Technology, qui devient l’université
Carnegie-Mellon en 1970. Il y est professeur d’abord d’administration jusqu’en 1961, puis
d’administration et de psychologie jusqu’en 1965, et enfin de psychologie et d’informatique.
Ce parcours explique des recherches très éclectiques et transdisciplinaires : il a marqué de
son empreinte des champs aussi divers que la psychologie, les sciences de l’information,
les mathématiques, l’économie et le management. Simon est ainsi considéré comme
l’un des penseurs les plus influents du xxe siècle en sciences sociales. Il a obtenu le prix
Nobel d’économie en 1978 pour ses recherches pionnières sur la prise de décision dans les
organisations, qui servent de fil conducteur à ses travaux.
Son étude du processus de prise de décision l’amène à rejeter les hypothèses de la théorie
économique classique. Celle-ci considère, en effet, que l’information est parfaite et que la
maximisation du profit est le seul critère de choix. Jugeant ces hypothèses peu réalistes, il
ne se reconnaît pas pour autant dans les approches du courant behavioriste, qui accordent
trop de place au subconscient. Des recherches empiriques lui montrent alors que le décideur
se contente de solutions satisfaisantes et non optimales. C’est ce qu’il nomme la rationalité
limitée du décideur, un concept qu’il présente pour la première fois dans son ouvrage
Administrative Behavior en 1947. Pour Simon, la prise de décision est un phénomène complexe
mais analysable. Ainsi, dès les années 1950, il envisage d’étudier le processus de prise de
décision à travers des simulations informatiques, ce qui le conduit à devenir le pionnier de
l’intelligence artificielle.
Au final, l’analyse cognitive du décideur initiée par Simon, fondement de la théorie de la
décision dans les organisations, sera largement reprise et développée par Cyert et March dans
les années 1960.
✔Concepts clés :
Rationalité limitée. Décisions programmées et non programmées.
✔Principales publications :
Simon H., Administrative Behavior, Macmillan, 1947.
Simon H. et March J., Organizations, Wiley, 1958.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Simon H., Models of Bounded Rationality, MIT Press, 1982.
23
25 grands auteurs en stratégie
David J. TEECE (né en 1948)
Les capacités dynamiques
Titulaire d’un PhD en économie de l’université de Pennsylvanie, David Teece débute sa carrière
académique à la Stanford University en 1975 avant de rejoindre la Haas School of Business à
Berkeley en 1982, où il dirige l’Institute of Management, Innovation and Organization.
Dès sa thèse, qui porte sur le transfert international de technologie, Teece s’intéresse au
management de la technologie, et par extension au management des entreprises évoluant
dans un environnement hautement technologique et fortement évolutif. Ceci l’amène
à étudier l’appropriation des avantages issus de l’innovation en développant un modèle
explicatif en fonction de son caractère imitable (en rapport notamment avec les droits
de propriété intellectuelle) et du rôle des actifs complémentaires. Mais Teece est surtout
connu pour avoir introduit dès 1997, avec G. Pisano et A. Shuen, le concept de capacités
dynamiques. Ils les définissent comme l’aptitude de l’entreprise à intégrer, construire et
reconfigurer les compétences internes et externes afin de s’adapter aux mutations rapides de
l’environnement. Ainsi, l’avantage concurrentiel est à chercher à l’intérieur de l’entreprise, dans
sa manière originale d’aborder les processus technologiques, organisationnels et managériaux.
Identifier de nouvelles opportunités est plus important que de chercher à déstabiliser les
concurrents ou d’exclure de nouveaux entrants : ils s’opposent en cela à l’approche développée
par Porter.
Se fondant sur une approche interdisciplinaire et alimentant ses recherches par ses activités
de conseil et de créateur d’entreprise, essentiellement dans la haute technologie, Teece
continue à étendre la compréhension de la nature des capacités dynamiques.
✔Concepts clés :
Actif complémentaire. Capacités dynamiques.
✔Principales publications :
Teece D.J., « Profiting from Technological Innovation », Research Policy, vol. 15, n° 6, pp. 285-305,
1986.
Teece D.J., Pisano G. et Shuen A., « Dynamic Capabilities and Strategic Management », Strategic
Management Journal, vol. 18, n° 7, pp. 509-533, 1997.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Teece D.J., « Explicating Dynamic Capabilities: the Nature and Microfoundations of (Sustainable)
Enterprise Performance », Strategic Management Journal, vol. 28, n° 13, pp. 1319-1350, 2007.
24
25 grands auteurs en stratégie
Karl E. WEICK (né en 1936)
Les réalités comme constructions sociales
Après son PhD en psychologie industrielle obtenu en 1962, Karl Weick a mené sa carrière
académique dans différentes universités (Purdue, Minnesota, Cornell) ; il est depuis 1988
professeur de comportement organisationnel et de psychologie à la Ross School of Business
de l’université du Michigan. Il est l’un des chercheurs les plus renommés en matière de théorie
des organisations.
À partir de son approche psychosociologique, Weick est principalement connu pour avoir
introduit les concepts d’enactment et de sensemaking dans l’étude des organisations. Pour lui,
les réalités organisationnelles sont des constructions sociales.
La notion d’enactment (traduit en français par les termes « activation », « mise en scène » ou
« promulgation ») permet à Weick de considérer l’environnement comme une production
sociale des membres de l’organisation. En d’autres termes, c’est moins l’environnement tel
qu’il est que la représentation sociale collective qui en émerge, au sein de l’organisation, qui
va déterminer le comportement de celle-ci. Cette notion traduit également le fait que certains
phénomènes (tels que l’organisation elle-même) n’existent que parce que l’on en parle. Le
sensemaking (traduit par l’expression « élaboration du sens ») est le processus de construction
de sens à l’intérieur de l’organisation. Il concerne aussi bien les hommes, qui donnent un
sens à l’organisation, que l’organisation elle-même, qui cherche à donner un sens à son
environnement.
✔Concepts clés :
Enactment. Sensemaking.
✔Principales publications :
Weick K.E., The Social Psychology of Organizing, Random House, 1979.
Weick K.E., « The Collapse of Sensemaking in Organizations: the Mann Gulch Disaster »,
Administrative Science Quarterly, vol. 38, pp. 628-652, 1993.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Weick K.E., Sensemaking in Organizations, Sage, 1995.
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25 grands auteurs en stratégie
Oliver E. WILLIAMSON (né en 1932)
L’économiste des coûts de transaction
Oliver Williamson débute sa carrière en tant qu’ingénieur après un diplôme du MIT puis
obtient un MBA de l’université de Stanford et un PhD en économie de l’université CarnegieMellon. Après un premier poste de professeur à l’université de Pennsylvanie, il est, de 1966 à
1970, attaché spécial à la division antitrust du département de la Justice américain. Il retourne
ensuite à l’université de Pennsylvanie, où il débute ses travaux sur l’analyse de la firme par les
coûts de transaction, recherches qu’il poursuit à Yale puis, à partir de 1989, à Berkeley où il est
à la fois professeur de business administration, d’économie et de droit. Ce parcours explique
son intérêt pour l’approche pluridisciplinaire par les coûts de transaction.
Si le concept de « coûts de transaction » est avancé par R. Coase dès 1937, Williamson a
largement contribué à développer ce courant théorique. La théorie des coûts de transaction
cherche à expliquer les échecs du marché (market failures), c’est-à-dire les situations qui
conduisent les entreprises à internaliser certaines transactions au lieu de les effectuer sur le
marché. Les entreprises, que Williamson appelle « hiérarchies », se substituent au marché pour
éviter les risques et les coûts liés à certaines transactions.
La théorie des coûts de transaction stipule en effet que toute transaction économique
génère des coûts : coûts de recherche d’informations sur les partenaires potentiels (clients
ou fournisseurs), coûts d’écriture et de suivi du contrat, coûts liés à la prévention de
l’opportunisme potentiel du partenaire, etc. Ces coûts de transaction expliquent le choix
entre « marché et hiérarchie » : lorsque les coûts de transaction sont faibles, les acteurs
économiques ont intérêt à recourir au marché, c’est-à-dire à confier l’activité à un prestataire
externe. Au contraire, lorsque les coûts de transaction sont élevés, par exemple lorsque le
contrat est coûteux à établir ou lorsque des investissements spécifiques créent un fort risque
d’opportunisme de la part du partenaire, il vaut mieux internaliser l’activité, autrement dit
recourir à la hiérarchie. Williamson reconnaît que le choix n’est pas toujours aussi tranché : il
existe également des formes hybrides entre hiérarchie et marché, comme les partenariats et
les joint-ventures.
L’approche par les coûts de transaction offre une lecture originale de la firme, de sa raison
d’être et de ses choix stratégiques et organisationnels. Si cette approche a été critiquée,
par exemple pour l’absence de prise en compte de comportements opportunistes dans la
hiérarchie, elle a servi de socle théorique aux recherches portant notamment sur l’intégration
verticale, les alliances et les partenariats.
✔Concepts clés :
Coûts de transaction. Opportunisme. Hiérarchie. Marché.
✔Principales publications :
Williamson O.E., The Economic Institutions of Capitalism: Firms, Markets, Relational Contracting,
Free Press, 1985 (traduction française : Les Institutions de l’économie, InterÉditions, 1994).
Williamson O.E., Winter S., The Nature of the Firm: Origins, Evolution and Development, Oxford
University Press, 1993.
Williamson O.E., The Mechanisms of Governance, Oxford University Press, 1996.
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© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Williamson O.E., Markets and Hierarchies: Analysis and Antitrust Implications, Free Press, 1975.
25 grands auteurs en stratégie
Abraham ZALEZNIK (1924–2011)
Le psychanalyste du leadership
Abraham Zaleznik est reconnu comme une sommité mondiale en matière de psychologie des
leaders et de dynamique du pouvoir dans les organisations. Il est titulaire d’un MBA et d’un
doctorat de la Harvard Business School, où il enseigne dès 1947. En 1960, n’étant pas médecin,
il obtient une dérogation lui permettant de débuter un parcours afin de devenir psychanalyste,
objectif qu’il atteint en 1971.
Il mène dès lors des recherches spécialisées sur le leadership à partir d’une approche
psychanalytique. Il remet en cause les approches classiques de type behavioriste, dominantes
dans les enseignements en management de l’époque et dans lesquels les comportements des
individus sont appréhendés de façon trop mécanique et sur la base des seuls comportements
observables. Ceci permet notamment à Zaleznik de distinguer les leaders des managers : si
les premiers sont des visionnaires provoquant ruptures et changements, les managers sont,
au contraire, des hommes de compromis, favorisant les processus et l’exécution de plans. Il
explique le déclin des entreprises américaines par la montée en puissance des managers au
détriment des leaders.
✔Concepts clés :
Leaders. Managers.
✔Principales publications :
Zaleznik A., Human Dilemmas of Leadership, Harper & Row, 1966.
Zaleznik A., « Managers and Leaders: Are They Different? », Harvard Business Review, vol. 55,
n° 5, pp. 67-78, 1977.
© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7e édition
Zaleznik A., Executive’s Guide to Motivating People: How Freudian Theory Can Turn Good
Executives into Better Leaders, Bonus Book, 1990.
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