Solutions Solutions MES U R E é lec tr i que Bien choisir sa résistance pour la mesure de courant H Les résistances de faible valeur ohmique ou “shunts” sont de plus en plus utilisées pour la mesure et le contrôle de courants. Dans l’automobile, le choix d’un shunt peut toutefois se révéler difficile (présence de courants forts et importantes variations de températures). Des alliages faiblement résistifs et au coefficient de dilatation proche de celui des circuits imprimés existent aujourd’hui sur le marché. Encore faut-il prendre en compte un certain nombre de paramètres pour assurer la fiabilité de la mesure. L a détection et la mesure de courant prennent chaque jour une place plus importante dans l’industrie électronique. Cela est particulièrement vrai dans le secteur de l’électronique automobile, où la multiplication des composants électriques se conjugue à la nécessité de réduire toujours plus leur consommation. Ces dernières années, deux méthodes pour la mesure de courant se sont généralisées : les capteurs de courant magnétiques d’une part, et les shunts de mesure d’autre part (on les appelle aussi “résistances de faible valeur ohmi-que”). Celles-ci ont chacune leur domaine de prédilection. Les principaux avantages des capteurs magnétiques (transformateurs de courant, capteurs à effet Hall ou à sonde magnétique, etc.) sont L’essentiel leur isolation électrique élevée et leur PLe shunt bénéficie faible dissipation therd’une place de choix dans mique. C’est la raison le domaine de la mesure de courant, et les derniers pour laquelle cette développements technologie est utilisée garantissent son utilisation pour les variateurs de pour les années à venir. vitesse ou les courants PLes industriels de l’automode très forte intensité. bile disposent désormais de Ils présentent néanshunts adaptés aux courants moins des inconvéforts et aux écarts impornients, parmi lesquels tants de température. un encombrement imPPour choisir le shunt portant, ainsi qu’une le plus adapté à son applivaleur d’offset élevée et cation, l’utilisateur doit une linéarité limitée. néanmoins prendre Le shunt est, quant à en compte plusieurs lui, une technologie caractéristiques telles que beaucoup plus anle coefficient thermique, cienne. Il n’empêche, l’inductance liée à la forme grâce aux progrès réadu shunt ou encore le mode de connexion lisés en matière d’amde l’électronique de mesure. plificateurs opérationnels ou de systèmes 50 d’acquisition de données, on peut les retrouver dans des domaines où personne ne les aurait imaginés il y a encore dix ans. L’arrivée de résistances shunt à très faible valeur ohmique, de même que la demande en composants toujours plus miniaturisés, fait qu’aujourd’hui ils sont particulièrement adaptés au monde automobile. Dans un véhicule, le contrôle et la régulation des actionneurs du compartiment moteur demandent en règle générale des courants de 1 à 100 A. Ils peuvent atteindre 300 A dans certains cas (près de la sonde de préchauffage lambda) et même aller jusqu’à 1 500 A lors de la phase de démarrage du véhicule. Que ce soit pour la gestion de la batterie ou pour la ges- tion globale de la puissance électrique du véhicule, cette dynamique de mesure peut être encore plus forte : il faut à la fois gérer des courants continus de 100 A à 300 A durant le fonctionnement du véhicule, et mesurer les quelques milliampères encore présents en mode veille, quand le véhicule est arrêté. D’après la loi d’Ohm, lorsqu’un shunt est utilisé pour la mesure d’un courant, la chute de tension à ses bornes est directement proportionnelle à l’intensité du courant électrique. La mesure ne pose aucun problème avec des valeurs de résistance de plus d’un ohm et pour des courants de plusieurs centaines de milliampères. Mais dès lors que les courants dépassent 10 ou 20 A, la situation Influences sur les caractéristiques d’un shunt Matériaux Design Processus* Faible coefficient de température Très bonne stabilité dans le temps Faible FEM thermique Caractéristiques Faible inductance Grande précision Ratio de puissance élevé Faible résistance thermique interne Mesure 4 fils Faible résistance globale Haute fiabilité Bas coût ( influence faible ; influence forte) *processus de production MESURES 833 - mars 2011 - www.mesures.com En réponse à l’essor de nouveaux capteurs de courant magnétiques, Isabellenhütte poursuit l’ouverture de sa gamme de shunts à la mesure de courant de précision. Les shunts CMS de valeurs résistives de 300 μΩ et plus connaissent une forte croissance dans des applications automobile où les courants peuvent dépasser 100 A. est radicalement différente car la dissipation de puissance développée dans le shunt (P = R × I2) ne peut plus être négligée. Cette dissipation peut être atténuée en réduisant la résistance du composant, mais malheureusement la tension disponible à ses bornes diminue proportionnellement (elle devient donc très difficile à mesurer). Par conséquent, la limite basse de la valeur de résistance d’un shunt est imposée par la résolution et la qualité de l’électronique de mesure. Pour compléter la loi d’Ohm, on considère que la tension mesurée aux bornes du shunt peut être déterminée grâce à l’équation suivante : U = R × I + Uth + Uind + Uiext +…, où Uth représente la tension créée par la force électromotrice thermique (FEM thermique), Uind est la tension induite et Uiext la chute de tension possible dans les pistes de cuivre du circuit imprimé, générée par le passage du courant. Dans le cas d’un courant faible et d’un shunt à valeur ohmique faible, ces tensions parasites qui ne résultent pas du courant principal peuvent fausser totalement le résultat de mesure. Il est donc primordial que le concepteur connaisse les origines de chacune de ces tensions parasites, puis minimise leur influence par la qualité du routage et le choix des composants appropriés. Des alliages résistifs de précision Par définition, une résistance électrique peut être réalisée avec n’importe quel matériau conducteur. Néanmoins, la mesure de courant ne pourra se satisfaire d’un matériau quelconque car elle dépend de paramètres comme la température ambiante, la tension, le temps ou encore la fréquence. Puisqu’il n’existe pas de résistance de mesure “idéale”, c’est-à-dire totalement indépendante de tous ces paramètres, un shunt réel se définit par un certain nombre de caractéristiques : coefficient de température, stabilité dans le temps, ratio de puissance, inductance, linéarité, FEM thermique associée au cuivre (le shunt est en contact avec le cuivre du circuit imprimé). Certaines de ces caractéristiques dépendent du matériau utilisé, d’autres sont fonction de la conception du composant, et d’autres encore sont liées au procédé de pro- MESURES 833 - mars 2011 - www.mesures.com duction utilisé pour fabriquer le shunt. Les progrès réalisés ces dernières années en électronique ont permis de réduire l’offset, le coefficient de température et le bruit des amplificateurs opérationnels utilisés dans les systèmes de mesure de courant par shunt. De plus, les recherches en génie des matériaux ont rendu possible la mise au point d’alliages très peu résistifs. C’est le cas de l’Isaohm® ou encore du Zeranin® (alliages conçus par la société Isabellenhütte), qui ne présentent que quelques dizaines de microohm par cm, et cela dans toutes les directions. Les shunts réalisés avec ce type d’alliages présentent donc une très faible valeur ohmique, de l’ordre du milliohm. Ils éliminent pratiquement le problème majeur posé par la dissipation de puissance en présence de courants forts (P = R × I2). Revers de la médaille : l’influence des tensions parasites (Uth, Uind et Uiext) prend de plus en plus d’importance. Ces dernières ayant tendance à augmenter l’erreur relative de mesure, il faut prêter une attention toujours plus grande au coefficient de température, ➜ 51 Solutions Solutions de température de 10 K engendre une dérive de résistance de 4 %. On comprend donc pourquoi il est impossible d’utiliser un shunt à base de cuivre si l’on veut effectuer des mesures précises. Reste à prévoir l’évacuation des calories. La conductivité thermique d’un alliage à faible résistivité est très inférieure à celle d’autres métaux comme le cuivre ou l’aluminium. De plus, la plupart des shunts modernes utilisent de fines feuilles de ces alliages, ce qui fait qu’il est impossible d’utiliser l’alliage comme disL’alliage résistif de précision Manganin®, composé à 86 % de cuivre, à 12 % de manganèse et à sipateur de chaleur. Pour évacuer les ca2 % de nickel, a été mis au point en 1889 par la société Isabellenhütte. La faible résistivité lories, la feuille d’alliage doit être liée à de cet alliage (43 μΩ par cm) a servi de base à la technologie de mesure de précision par un substrat présentant de bonnes qualités résistance depuis cette époque et jusqu’à aujourd’hui. Les autres alliages Isaohm® et Zeranin® développés plus récemment ont parachevé la gamme avec des résistivités respectives de conduction thermique (cuivre ou alude 132 μΩ/cm et 29 μΩ/cm dans toutes les directions. Ces trois alliages répondent parfaitement minium, le plus souvent) grâce à une aux contraintes physiques rencontrées dans l’industrie et ont été utilisés avec succès depuis de nombreuses années par les fabricants de résistances de précision. couche d’adhésif spécial. Cette solution procure un très bon transfert thermique ➜ à la FEM thermique et à l’inductance du de l’alliage vers le substrat, puis vers le cirmatériau utilisé. cuit imprimé via les joints de soudure. Ces Le coefficient de température (CT) qualifie la modèles de shunts disposent d’une très variation de résistance en fonction de la tem- faible résistance thermique interne Rth, de pérature. Il s’exprime en ppm/K (parties par l’ordre de 10 à 30 K/W. En conséquence, ils million/Kelvin) et se détermine grâce à peuvent être utilisés à pleine puissance l’équation : CT = [R(T) - R(T0)]/ même à des températures très élevées car la [R(T0) × (TTO)]. Le plus souvent, on retient température maximale de l’alliage résistif une valeur de -20 °C ou de +25 °C comme reste basse, ce qui améliore considérabletempérature de référence T0. En appliquant ment la stabilité dans le temps et la variation l’équation au cuivre, on obtient un CT de de valeur résistive. 4 000 ppm/K, ce qui signifie qu’une variation L’effet dit de “force électromotrice thermique” (FEM thermique) Coefficients de température du cuivre et de l’alliage Manganin® se produit lorsque deux matériaux conducteurs 1,00 différents sont mis en 0,75 contact. Il dépend de la température à la jonction de ces matériaux. Il peut agir comme une source d’erreur non négligeable dans des mesures de courant par shunt à faible résistance, lorsque la mesure doit se faire sur de très faibles tensions. Choisir un substrat adapté Le constantan, alliage résistif bien connu des universitaires et composé à 55 % de cuivre et à 45 % de nickel, est encore très souvent utilisé pour réaliser des résistances bobinées ou des shunts sur plan. Doté d’un bon coefficient thermique, il souffre néanmoins d’une FEM thermique relative au cuivre extrêmement forte (environ 40 μV/K). Cela signifie qu’un shunt composé de constantan et de cuivre générera une tension parasite de 400 μV s’il est soumis à une dérive de température de seulement 10K, ce qui correspond à une erreur de mesure de 10 % (dans l’hypothèse de la mesure d’un courant de 4 A avec un shunt de 1 MΩ). La situation est encore pire si l’on prend en compte l’effet Peltier qui, sous l’influence d’un courant continu, peut créer une différence de température de plus de 20 K (dans des cas extrêmes, cela va jusqu’au dessoudage d’un des côtés du shunt). On observe alors une charge de courant apparente même avec un flux de courant constant, causé par l’apparition d’une différence de température et son effet sur la FEM thermique. Si le courant est coupé, on mesure encore une charge de courant qui diminue à mesure que le shunt refroidit. A la différence du constantan, les alliages résistifs de précision comme le Manganin®, l’Isaohm® ou le Zeranin® sont parfaitement Déviation, en % 0,50 Variation de la résistance globale en fonction de la température et de la technique de connexion (4 fils ou 2 fils) 0,25 0,00 - 0,25 - 0,50 Manganin® 1,00 200 ppm/k 0,75 Cu, 4 000 ppm/k 0,50 - 1,00 - 40 - 20 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 Température, en degré Celcius Le graphique montre l’influence de la température sur la résistivité de l’alliage Manganin®. Rappelons que le coefficient de température (CT) s’exprime en ppm/K (parties par million/Kelvin) et se définit comme suit : CT = [R(T) – R(T0)] / [R(T0) x (TT0)]. La valeur de -20 °C ou +25 °C est la plus souvent retenue comme température de référence T0. Si la fonction R = f (T) est courbe, comme ici dans le cas du Manganin®, il est alors indispensable de spécifier aussi la température haute considérée pour la valeur de CT, par exemple CT (20 - 60). Certains shunts à couche épaisse avec des CT de plusieurs centaines de ppm/K sont également fréquemment utilisés. La courbe rouge montre qu’avec un CT de seulement 200 ppm/K, un écart de température de seulement 50 K suffit pour quitter la limite des 1 %. Une mesure de courant précise est impossible avec ce type de composant, et plus encore si l’on considère que pour nombre de composants CMS, la résistance thermique est de l’ordre de 100 K/W. Ainsi, une puissance de 1 W augmentera la température de 100 K, et donc changera la valeur résistive de 2 % ! Cette situation est encore bien plus dégradée dans le cas où, par mesure d’économie, la résistance est réalisée par une piste de cuivre directement sur le circuit imprimé. Le CT du cuivre étant de 4 000 ppm/K (ou 0,4 %/K), une variation de température de 10 K produit déjà une dérive de résistance de 4 % ! 52 Déviation, en % - 0,75 0,25 0,00 - 0,25 - 0,50 4 fils 2 fils, 2% Cu - 0,75 - 1,00 - 40 - 20 0 20 40 60 80 100 120 140 Température, en degré Celcius Une connexion à 4 fils revient à relier l’appareil de mesure directement sur l’alliage résistif du shunt. Cette méthode diminue le coefficient de température (CT) du shunt, c’est-à-dire l’influence de la température sur la résistivité du shunt. Dans le cas des shunts 2 fils, la courbe permet de comprendre pourquoi la pratique (pourtant courante) d’indiquer uniquement le CT du matériau résistif ne suffit pas et doit s’accompagner d’une phase de tests. MESURES 833 - MARS 2011 - www.mesures.com délimitée par le shunt et ses pistes de mesure sur le circuit Eviter l’effet d’antenne imprimé. La méthode de conception idéale est celle où L’utilisation de pistes de mesure droites les deux pistes qui relient le et parallèles (en noir sur le schéma) minimise shunt à l’amplificateur sont les tensions induites par les champs magnétiques (croix bleues). La méthode de conception idéale parallèles et proches l’une de est celle où les deux pistes qui relient le shunt l’autre (voire superposées à l’amplificateur sont les plus proches possibles dans le cas de circuits multi(voire superposées dans le cas de circuits couches). Avec une concepmulticouches). Avec une conception maladroite tion maladroite, l’effet d’an(lignes rouges), l’effet d’antenne est susceptible tenne est susceptible de de surpasser nettement la valeur d’inductance surpasser plusieurs fois l’ininitiale du shunt (valeur directement utile ductance initiale du shunt. à la mesure du courant). Avec un shunt à très faible valeur ohmique, il n’est plus possible de négliger l’influence des pistes de connexion du circuit imprimé sur la valeur résistive globale du composant. Une piste de circuit imprimé d’une dimension de 4 mm × 0,2 mm × 35 μm représente à elle seule une résistance de 10 MΩ. Une valeur adaptés thermoélectriquement au “monde proche de la résistivité nominale du shunt, du cuivre”, rendant ainsi ces effets totalement ce qui implique que cette simple piste de négligeables. A titre d’exemple : avec ces al- cuivre insérée dans le circuit de mesure sufliages, un shunt de 0,3 MΩ traversé par un firait à fausser la mesure de 100 %. Et même courant de 300 A ne conserve qu’une tension si cette résistance supplémentaire peut être de moins d’1 μV (correspondant à courant éliminée par calibration, elle peut sévèrement détériorer le coefficient de température glode 3 mA) une fois le courant coupé. On notera également que ces alliages de pré- bal du shunt. Dans l’idéal, la mesure de tencision présentent, de par l’homogénéité de sion doit donc être effectuée via deux termileur structure cristalline et grâce à un traite- naisons additionnelles connectées ment thermique spécial, une grande stabilité directement sur le matériau résistif. On parle dans le temps. Insensibles à la corrosion, ils alors de connexion à 4 fils, par opposition à atteignent des valeurs de stabilité thermody- une connexion classique à 2 fils. namique de l’ordre du ppm par an, ce qui Quoi qu’il en soit, la connexion directe des est tout à fait suffisant pour une utilisation alliages résistifs sur du cuivre se révèle souvent difficile en raison des fortes disparités embarquée à bord d’un véhicule. dans les résistances de contact et donc du Une faible inductance mauvais “mouillage” (terme relatif à la souAvec la croissance des courants issus de tech- dabilité) du matériau résistif. C’est pourquoi nologies à découpage, l’inductance du cap- les shunts les plus récents sont réalisés par teur de courant devient un facteur prépon- découpe de bandes cuivre-Manganin®dérant pour la qualité du contrôle ou de la cuivre soudées par faisceaux d’électrons. La mesure. Pour réduire au maximum l’induc- résistance de contact est ici proche de zéro tance parasite, on s’efforcera de choisir des car les terminaisons sont obtenues en faisant alliages résistifs diamagnétiques (un maté- dépasser le cuivre brut, ce qui fait que la riau diamagnétique est un matériau qui est résistance globale est très proche de la valeur repoussé par un champ magnétique au lieu du shunt 4 fils. Pour relier son électronique d’être attiré). Quoi qu’il en soit, le couple de mesure, l’utilisateur pourra alors utiliser shunt/pistes de mesure constitue une struc- une des nombreuses techniques connues et ture en antenne. Celle-ci capte les variations éprouvées de connexion cuivre sur cuivre. Dr Ulrich Hetzler, électromagnétiques générées par les flux de directeur R&D chez Isabellenhütte, courant et autres champs magnétiques exPhilippe Devarieux, ternes, et les transforme en tension interféresponsable des ventes chez Technicome.com rentielle induite. Il est donc très important et Frédéric Parisot de minimiser autant que possible l’aire MESURES 833 - mars 2011 - www.mesures.com 53