Optique Les plasmons et la transmission extraordinaire optique
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comme un effet tunnel assisté par des résonances entre
les interfaces supérieure et inférieure. De l’avis des plas-
mon-convaincus, cette analyse renforce indirectement
l’interprétation initiale, car on est en droit de penser que
la résonance des surfaces supérieure et inférieure résulte
d’une interférence constructive de tous les plasmons de
surface générés par les trous. Ces trous, illuminés par
un champ incident, se comportent comme des sources
secondaires d’Huygens pour les plasmons de surface, en
accord avec l’interprétation de Fano.
Mais l’analyse précédente ainsi que les travaux qui ont
immédiatement suivi ou précédé passent outre rapide-
ment à l’interprétation initiale en reposant de fait sur des
quantités physiques globales, telles que les ondes planes,
les super-modes du réseau de trous, etc. Ce sont ces
mêmes quantités macroscopiques que l’on retrouve dès les
travaux fondateurs d’Hessel et Oliner sur les théories élec-
tromagnétiques de la diffraction par des réseaux. La force
principale de cette analyse est sa généralité qui lui permet
de s’appliquer virtuellement à toutes les structures pério-
diques, cristaux photoniques, méta-matériaux... Mais bien
que conceptuellement élégante et générale, elle s’éloigne
de la vision microscopique du phénomène de diffraction
et de notre intuition physique. Par exemple, ces théories
ne sont pas directement exploitables pour concevoir des
structures très proches des réseaux, comme par exemple
une cible formée par un trou débouchant entouré d’un
réseau de sillons concentriques non débouchants ou
d’une matrice infinie de trous non-débouchants. Que dire
maintenant quand le trou débouchant est entouré d’une
matrice de taille 3 ×3, 5 ×5, 10 ×10 ... Dans le cadre de la
TEO, ces théories ne permettent pas d’analyser la nature
des ondes qui sont excitées sur les surfaces planes entre les
trous et qui sont à l’origine de l’effet d’entonnoir. Elles ne
peuvent expliquer la résonance de la transmission t de la
membrane que par la résonance d’un autre coefficient rA.
C’est en quelque sorte déplacer le problème, puisque les
causes véritables de la résonance ne sont pas explicitées.
En effet, une analyse du phénomène de la TEO (au tra-
vers d’un réseau ou d’une cible) nécessite de considérer
explicitement l’excitation locale des ondes de surface entre
les trous et les diffusions successives de ces ondes par les
trous voisins. Avec cette approche, on se replonge dans
l’intuition de Rayleigh et Fano pour expliquer les anoma-
lies de Wood.
Un éclairage probablement décisif dans cette direction
vient d’être apporté grâce à un modèle microscopique.
Pour définir sans ambiguïté le rôle des plasmons dans le
phénomène de la TEO, Haitao Liu et l’un des auteurs du
présent article ont développé un modèle purement plas-
monique de la TEO, en supposant que les plasmons de
surface, seuls, véhiculent l’énergie électromagnétique
sur la surface métallique entre les trous. En comparant
les prédictions de ce modèle avec des calculs numériques
rigoureux, il devient alors possible de différentier les
contributions plasmonique et radiative impliquées dans
le processus de la TEO. Comme nous allons le voir, la
contribution plasmonique, significative dans le visible,
devient négligeable dans l’infrarouge.
Les processus élémentaires de diffraction des plasmons
de surface utilisés dans le modèle plasmonique sont repré-
sentés sur la figure 5. Le plus important pour la suite est
celui de la figure 5a. Suite à leur interaction avec une chaîne
(rangée linéique) de trous, les plasmons de surface sont
en partie transmis (tSP), réfléchis (rSP), diffractés dans le
super-mode de la chaîne (aSP) ou dans le continuum des
modes radiatifs du demi-espace supérieur (b(kx)). A partir
de ces processus élémentaires et des coefficients de diffu-
sion associés, il est possible de formuler un modèle don-
nant une expression analytique de la TEO. Par exemple, le
coefficient de réflexion rA du super-mode fondamental de
la matrice 2D de trous, une grandeur physique très impor-
tante du phénomène de la TEO, se met sous la forme
rASP
2
1SP SP
=+ 2
ρα
u( )
−−+ (3)
expression dans laquelle u = exp(i kSPa) correspond au
retard de phase accumulé par le plasmon quand il se
propage entre deux rangées de trous. Il est important de
constater qu’aucun des coefficients de diffusion qui appa-
raissent dans l’équation (3) n’est lié à la périodicité de la
structure (figure 5). En particulier, ils sont non résonnants
et la résonance de rA de la figure 4b s’explique par le zéro
du dénominateur. Mathématiquement, ce dernier résulte
d’une série géométrique qui permet de passer des proces-
sus individuels de la figure 5 au comportement collectif
dicté par la périodicité. La résonance des surfaces supé-
rieure ou inférieure s’explique alors comme la superposi-
tion cohérente d’un grand nombre de plasmons, qui une
fois engendrés par les chaînes de trous, se propagent sur
la surface par diffusions successives.
La question suivante est bien de savoir dans quelle
mesure ce modèle purement plasmonique est capable
de prédire le phénomène de la TEO. La réponse est don-
née sur la figure 6, par la comparaison des prédictions du
Figure 5 – Processus élémentaires liés à la diffraction par une chaîne linéique
de trous. La chaîne est éclairée par un plasmon de surface (a), par le super-
mode fondamental évanescent de la chaîne de trous (b), et par une onde plane
de vecteur d’onde dans le plan kx (c). Les flèches rouges et vertes se réfèrent
aux ondes incidentes et diffractées. Les processus de diffraction définissent six
coefficients de diffusion indépendants, rSP (rétro-diffusion des plasmons),tSP
(transmission des plasmons),aSP (génération des plasmons à partir du mode
de la chaîne et réciproquement),b(kx) (diffusion des plasmons dans le conti-
nuum des modes radiatifs), t(kx) (excitation du super-mode de la chaîne de
trous par une onde plane) et r (réflexion du super-mode de la chaîne).