Les plasmons et la transmission extraordinaire optique

ces matrices est marqué par des résonances aiguës pour
des longueurs d’onde un peu plus grandes que la période
de la matrice (voir le spectre de la figure 1). Les auteurs
notent immédiatement que les transmissions mesurées
sur les pics, même si elles ne sont que de quelques pour-
cents, dépassent largement les contributions cumulées de
chaque trou pris individuellement, et qualifient alors cette
transmission d’« extraordinaire ». Ce fait est illustré par la
courbe rouge qui représente le rapport entre la transmis-
sion par trou, mesurée à travers un réseau de trous sub-
longueurs d’onde (c’est-à-dire dont le diamètre est plus
petit que la longueur d’onde de résonance) et la transmis-
sion à travers un trou unique de même diamètre dans le
même film. Pour la seconde résonance, à l= 760 nm, ce
rapport atteint la valeur élevée de 40. On sait aujourd’hui
que cette valeur remarquable augmente quand le dia-
mètre des trous diminue. La mise en réseau des trous
permet donc à chacun d’eux de collecter la lumière bien
plus efficacement, comme cela est illustré sur la figure 1b
qui montre qu’à la résonance, chaque trou agit comme un
entonnoir à photons capable de coupler la lumière dans
un tout petit volume délimité par les parois métalliques
du trou. C’est cet effet collectif d’amplification, complè-
tement inédit malgré tous les travaux antérieurs initiés
dans les années 60 sur des réseaux métalliques dans les
domaines infrarouge et micro-onde, qui va intriguer les
scientifiques et parfois même déchaîner les passions
entre les fervents d’une explication classique fondée sur
les plasmons de surface et les plasmon-sceptiques.
Quand on éclaire une plaque métallique percée d’une matrice périodique de petits trous de taille
nanométrique, la quantité de lumière qui passe à travers les N trous de la matrice est bien plus importante
que N fois celle qui passe à travers un trou isolé. C’est la transmission extraordinaire optique. Découvert
depuis une douzaine d’années, ce phénomène a intrigué les spécialistes du monde entier et a suscité un débat
passionné sur les mécanismes physiques qui sont à l’origine de la transmission, et en particulier sur le rôle
joué par les plasmons de surface.
Les plasmons
et la transmission
extraordinaire optique
Article proposé par :
Philippe Lalanne, [email protected]
Laboratoire Photonique, Numérique et Nanosciences, UMR 5298, CNRS / Univ. Bordeaux 1 / IOGS, Talence
Cyriaque Genet, [email protected]
Institut de Science et d’ingénierie supramoléculaires, UMR 7006, CNRS / Univ. Strasbourg, Strasbourg
Les structures métalliques sont particulièrement
intéressantes lorsque leurs dimensions sont plus
petites que la longueur d’onde du rayonnement.
À ces échelles, elles peuvent en effet convertir efficace-
ment une onde incidente propagative en un champ
intense piégé dans un volume très réduit. En optique, de
telles possibilités sont à la base des microscopies en
champ proche qui reconstruisent une image optique avec
une résolution sub-longueur d’onde, des techniques
basées sur la diffusion Raman, et du développement des
nano-antennes par exemple. On sait aujourd’hui structu-
rer de manière précise les métaux à des échelles de l’ordre
de quelques dizaines de nanomètres. C’est tout un
domaine de l’optique qui devient alors expérimentale-
ment accessible ; ce domaine, appelé la plasmonique,
nécessite un effort théorique considérable pour com-
prendre et interpréter la dynamique du champ électroma-
gnétique au niveau des nanostructures.
La transmission extraordinaire
optique
De quoi s’agit-il ? Le phénomène de TEO s’observe à
travers un film métallique complètement opaque (d’épais-
seur très supérieure à l’épaisseur de peau) et perforé par
une matrice périodique de trous de diamètres bien plus
petits que la période et que la longueur d’onde du rayon-
nement incident. En 1998, Thomas Ebbesen et ses colla-
borateurs découvrent que le spectre de transmission de
45
Optique Les plasmons et la transmission extraordinaire optique
46
utilisée pour suivre avec une précision iné-
galée l’évolution d’une réaction chimique au
voisinage d’une matrice de trous.
La possibilité de réduire la divergence,
de contrôler la phase et la polarisation des
champs transmis, de révéler des modifica-
tions structurelles, sont autant d’exemples
qui illustrent bien les richesses associées à
des exaltations très localisées dans des dis-
positifs de petite taille (les cibles ont la taille
d’un pixel de CCD) – un aspect primordial
dans toutes ces applications et qui justifie
l’engouement actuel pour les nanostruc-
tures métalliques.
Modes plasmons de surface
Mais comment expliquer que la simple
mise en réseau de trous aussi petits puisse
engendrer des effets d’exaltation aussi
importants ? Dès la découverte du phéno-
mène, il a été noté une forte dépendance du
maximum de la transmission avec le métal
considéré et de la position spectrale des
minima et maxima avec la période des trous
et l’angle d’incidence de l’onde plane exci-
tatrice. Cette observation a immédiatement
incité les auteurs de la lettre originale de
1998 à suggérer que les plasmons de surface
(figure 3a) étaient responsables de la TEO,
en constatant en effet la réalisation approximative de la
condition suivante
Re(
k
SP) = kx + kR, (1)
où le vecteur d’onde des plasmons de surface Re(
k
SP) ne
diffère de la composante parallèle du vecteur d’onde de
l’onde incidente kx que par un vecteur kR du réseau réci-
proque de la matrice de trous (figure 3b).
Les plasmons de surface ont été découverts théorique-
ment par Rufus Ritchie en 1957 par l’étude de l’absorption
d’électrons rapides traversant des films minces métalliques.
Les plasmons sont des modes propres, c’est-à-dire des solu-
tions d’un système couplé entre photons et oscillations col-
lectives des électrons libres de la surface du métal. Dans le
domaine visible, ces modes hybrides sont fortement confi-
nés et se propagent sur la surface du métal en s’atténuant.
Aux grandes longueurs d’onde, dès l’infrarouge thermique
avec les métaux nobles, le mode s’étend sur environ dix
longueurs d’onde dans le diélectrique et revêt un caractère
presque purement photonique. Sur un film métallique
plan, les plasmons de surface obéissent à une relation de
dispersion précise, kSP = w/c [emed/(em + ed)]1/2, définie
à partir de la pulsation w du rayonnement incident et des
constantes diélectriques du métal (em) et du milieu diélec-
trique (ed) formant l’interface (figure 3a). Il est important
de noter que le champ associé à ces modes décroît expo-
nentiellement de part et d’autre de l’interface, avec une
D’une façon générale, le phénomène de la TEO montre
qu’il est possible de modifier les propriétés optiques d’une
ouverture en jouant sur son environnement structurel.
Ainsi, un effet de transmission exaltée peut être égale-
ment observé au niveau d’un trou unique entouré d’un
réseau de sillons concentriques non débouchants. Une
telle structure ayant l’allure d’une nano-cible a été réali-
sée dès 2002 et présente, comme un réseau, des transmis-
sions très sélectives en fréquence (voir figure 2).
Cette même cible peut également être utilisée sur la
face arrière du trou pour réduire considérablement la
divergence de la lumière transmise. Cet effet a été mis à
profit en 2008 par une équipe d’Harvard pour obtenir un
faisceau très collimaté en sortie d’une diode laser à cas-
cade quantique (voir les Images de la physique 1998). L’état
de polarisation de la lumière transmise peut également
être modifié et un comportement de type biréfringent a
été récemment démontré à Strasbourg avec des sillons
elliptiques. Encore plus récemment, des chercheurs au
Caltech ont conçu des cibles qui se comportent comme
des « nanoscopes » en champ sombre, ultra-sensibles, qui
ne laissent passer la lumière que quand un nano-objet se
trouve dans le champ proche du trou de la cible. Sur les
réseaux, l’effet de transmission exaltée a été exploité pour
concevoir des sondes optiques permettant de mesurer de
très faibles variations d’indice. Cette sensibilité a aussi été
Figure 1 – La transmission extraordinaire optique. (a) Spectre de transmission – courbe bleue,
échelle linéaire à gauche – d’un réseau carré de 40 × 40 trous de 150 nm de diamètre, perforés dans
un film d’argent de 300 nm d’épaisseur. Le réseau a été fabriqué par gravure sous faisceau d’ions
focalisé. La période du réseau est de 430 nm. La transmission est mesurée en éclairant l’échan-
tillon par un faisceau collimaté de lumière blanche et en collectant avec un objectif de microscope
couplé à un spectromètre la lumière transmise. La courbe rouge – échelle de droite, logarithmique
– représente le rapport entre la transmission par trou mesurée à travers le réseau, et la transmission
mesurée à travers un trou isolé de même diamètre, perforé dans le même film d’argent. Une image
du réseau et une image du trou unique, obtenues par microscopie électronique, sont données dans
la partie supérieure droite. (b) Simulation montrant l’effet d’entonnoir (schématisé sur la figure de
droite) à la résonance (l= 760 nm) au voisinage d’un trou du réseau. Les flèches blanches représen-
tent le vecteur de Poynting. L’image en couleurs (rouge pour un champ intense, bleu nuit pour un
champ nul) correspond au module de la composante Hy du champ magnétique perpendiculaire
au plan de la figure. Cette composante correspond également à la polarisation de l’onde plane qui
éclaire le réseau en incidence normale (par le bas de la figure).
Optique Les plasmons et la transmission extraordinaire optique
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pénétration beaucoup plus faible dans le métal
que dans le diélectrique. Comme ces modes ne
se propagent pas dans la direction perpendicu-
laire à l’interface, ils ne peuvent pas être excités
directement par un faisceau lumineux incident.
À la composante parallèle du vecteur d’onde inci-
dent, il faut donc pouvoir ajouter une impulsion
supplémentaire (donnée ici par le vecteur du
réseau réciproque) pour les exciter ; c’est exacte-
ment ce que traduit l’équation (1).
Il est intéressant aussi d’interpréter l’équa-
tion (1) comme une condition d’interférence
constructive, considérant que chaque trou, pris
au sein d’une rangée de trous du réseau, agit
comme une source secondaire d’Huygens qui
diffuse la lumière incidente et qui excite des
plasmons de surface. En négligeant la diffusion
multiple de ces plasmons avec les rangées avoi-
sinantes, la condition (1) stipule que le plasmon
lancé par une rangée de trous sur la surface
métallique atteint la rangée adjacente en phase
avec le champ incident excitateur. Tous les plas-
mons sont alors lancés en phase. C’est le point
de vue pris par U. Fano dès 1941 pour interpré-
ter les anomalies (des variations rapides dans le
spectre de la réflectance des réseaux) observées
au début du vingtième siècle par Wood avec
des réseaux métalliques opérant en réflexion.
C’est donc tout naturellement que les plasmons
de surface ont été invoqués pour interpréter la
TEO dès la découverte du phénomène.
Le problème initial
Quoique s’appuyant sur des arguments clas-
siques en 1998, l’interprétation initiale fondée
sur les plasmons de surface n’a pas totalement
convaincu la communauté. À cela deux raisons.
D’abord, les premières études théoriques
qui ont immédiatement suivi la découverte
ont été conduites, pour « simplifier », sous
l’hypothèse d’un métal parfait avec conductivité
infinie et ont prédit l’existence d’une transmis-
sion extraordinaire (voir figure 6d). Dans ce cas
limite, la notion même de plasmon perd son
sens puisque dans un métal parfait le champ
électromagnétique ne pénètre pas. Cette pré-
diction, confirmée par des expériences de trans-
mission dans le domaine des micro-ondes, a fait
douter de nombreux « plasmon-convaincus ».
Ensuite, dans la mouvance de la nano-
photonique dont l’objectif est de manipuler la
lumière à des échelles très sub-longueur d’onde,
la communauté a voulu se doter d’une vision
microscopique expliquant le phénomène de
la TEO, en cherchant les ondes électromagné-
tiques sur la surface entre les trous qui sont
Figure 2 – La cible optique. (a) Image d’une cible optique par microscopie électronique. Un trou
circulaire de diamètre 170 nm, perforé à travers un film d’argent d’épaisseur 300 nm, est
entouré d’une série de sillons concentriques (période p = 800 nm) non débouchants.
(b) Spectres de transmission obtenus à travers des cibles de différentes périodes p (de 400 à
750 nm par pas de 50 nm). Ces spectres sont fortement résonnants et la position de la résonance
est directement déterminée par la période du réseau de sillons.
Figure 3 – Plasmon de surface. (a) À gauche, le champ électromagnétique du plasmon de
surface décroît de façon exponentielle dans le métal et dans le diélectrique. À droite, la rela-
tion de dispersion du plasmon (rouge), Re(kSP) = w/c Re[emed/(em + ed)]1/2. Le trait pointillé
correspond à la ligne de lumière du diélectrique. Il sépare les domaines des modes radiatifs
(w/c > k(ed)–1/2) et des modes évanescents (w/c < k(ed)–1/2). A noter que pour des pulsations
proches de wp/2 (où wp est la fréquence plasma du gaz d’électrons libres du métal), la relation
de dispersion s’aplatit : la vitesse de groupe du mode plasmon diminue, sa longueur de pénétra-
tion dans le diélectrique aussi. Le mode plasmon devient très confiné sur l’interface (une pro-
priété très prisée) et revêt un caractère de moins en moins photonique. En revanche, définie par
la mesure de la décroissance de son intensité le long de l’interface, la longueur de propagation du
mode <SP = [2Im(kSP)]–1 décroît rapidement. (b) À gauche, réflexion d’une onde sur une interface
plane ; la composante parallèle kx à l’interface du vecteur d’onde de l’onde plane est conservée
(loi de Snell). À droite, réflexion sur une interface périodique de période a. Les ondes réfléchies,
en nombre infini, ont des composantes parallèles à l’interface qui sont égales à kx + mkR, avec
kR = 2p/a et m entier relatif (loi des réseaux).
Optique Les plasmons et la transmission extraordinaire optique
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responsables de la transmission, ces mêmes ondes que l’on
devine dans l’effet d’entonnoir de la figure 1b.
Or il s’avère que les théories électromagnétiques de la
diffraction par les réseaux, qui ont été initiées au milieu
du XXe siècle, et qui avaient déjà permis en 1998 de pré-
dire de nombreux effets et d’améliorer la performance
de nombreuses structures diffractives, ne permettaient
pas de répondre à la question de savoir si les plasmons
étaient ou non ces ondes en question. En effet, les travaux
théoriques qui ont suivi le travail précurseur de Fano et
qui ont contribué à établir les fondements de la théorie
électromagnétique de la diffraction par les réseaux ont
surtout consisté à développer un formalisme théorique et
des outils numériques pour prédire quantitativement la
fréquence exacte et la forme spectrale des anomalies des
réseaux. Une première étude fondatrice, celle d’Hessel
et Oliner en 1965, a été suivie par un ensemble impres-
sionnant de travaux qui ont contribué à proposer une
étude phénoménologique des anomalies des réseaux via
les pôles (associés aux modes de surfaces) et les zéros des
amplitudes de diffraction associées aux réseaux. Cette
approche permet de décrire simplement les anomalies par
un jeu minimal de paramètres. Ce faisant cependant, l’in-
terprétation initiale, microscopique « à la Huygens-Fano »
a été délaissée, au bénéfice de développements reposant
sur des outils mathématiques avancés et des concepts
plus abstraits et sur des quantités physiques globales asso-
ciées à la structure périodique infinie, dans son ensemble.
Dans l’incapacité d’identifier le type d’onde entre les
trous qui est responsable de la transmission, la commu-
nauté a alors rivalisé d’imagination pour confirmer ou infir-
mer l’hypothèse initiale de l’intervention de plasmons à
travers de nombreux travaux théoriques et expérimentaux.
La suite de l’exposé se propose de montrer rapidement ce
qu’il est possible de comprendre de la TEO avec les théo-
ries électromagnétiques de la diffraction par des réseaux et
ce qu’une théorie microscopique « à la Huygens-Fano » du
phénomène a apporté au débat d’idées.
Interprétation à partir des théories
électromagnétiques de la diffraction
par les réseaux
Le premier apport des théories réseaux est l’existence
de méthodes numériques permettant de résoudre les
équations de Maxwell sans approximation. En 1998, ces
méthodes étaient assez stables et précises pour que les
observations expérimentales initiales puissent être repro-
duites numériquement, éliminant au passage d’éventuels
effets non linéaires dans l’expérience. Mais il y a un long
chemin entre la résolution numérique des équations diffé-
rentielles et l’affirmation de l’existence des plasmons entre
les trous sur la surface responsables de la transmission !
Il a fallu attendre 2001 pour que le premier modèle
approché de la TEO soit proposé. En s’appuyant sur des
modèles avancés de la théorie électromagnétique de la
diffraction par des réseaux, et notamment sur des théories
modales, Martin-Moreno et ses collaborateurs ont inter-
prété la TEO comme un transfert par effet tunnel assisté
par des résonances électromagnétiques sur les surfaces
supérieures et inférieures du film métallique.
A cette fin, ils supposent que le transport d’énergie
entre les interfaces supérieure et inférieure se fait uni-
quement via le super-mode du réseau de trous (figure 4).
Ce super-mode n’est autre que le mode formé par la jux-
taposition cohérente de tous les modes fondamentaux des
trous individuels (il n’y a presque pas de couplage entre
les trous dans le métal). Avec cette hypothèse, le coeffi-
cient de transmission t du film métallique perforé prend
la forme d’une transmission de type Fabry-Perot :
texp ik
1exp i2k
A
20
A
20
=
tn
d
rn
d
()
()
(2)
formule dans laquelle d est l’épaisseur de la membrane
métallique et n = kz/k0 est la constante de propaga-
tion normalisée du super-mode de la matrice de trous.
Les coefficients de couplage tA et rA sont définis sur la
figure 4a. Comme les trous ont des diamètres petits devant
la longueur d’onde, tous leurs modes (nous parlons ici des
modes classiques d’un cylindre d’air entouré de métal)
sont évanescents, de sorte que le super-mode du réseau
est lui-même évanescent : n comprend donc une forte par-
tie imaginaire (il serait purement imaginaire si le métal
était sans pertes). Le transfert d’énergie se fait donc essen-
tiellement par effet tunnel. Mathématiquement, cela se
traduit par le fait que les valeurs des exponentielles dans
l’équation (2) sont nettement inférieures à un. Le second
mérite de Martin-Moreno et de ses collaborateurs a été
de montrer analytiquement que la dépendance spectrale
de rA présentait une forme Lorentzienne et que, le super-
mode ne transportant pas d’énergie, rA pouvait prendre
des valeurs bien supérieures à 1 pour certaines longueurs
d’onde (figure 4b). Le dénominateur de l’équation (2)
devient alors très petit (exp (i2k
)1
)
0
rn
d
A
2  et compense
l’amortissement introduit par l’exponentielle du numé-
rateur. Physiquement, la TEO est donc interprétée
Figure 4 – Effet tunnel résonnant. (a) Géométrie considérée dans cet article et
définition des coefficients de couplage en transmission tA entre l’onde plane
incidente et le super-mode de la matrice 2D de petits trous. Le coefficient
rA est associé à la réflexion interne du super-mode. Il peut être supérieur à
l’unité puisque le super-mode qui est évanescent ne transporte pas d’énergie.
Pour des raisons de simplicité, nous ferons l’hypothèse que le film métallique
est une membrane dans l’air. Ceci permet de traiter de façon identique les
interfaces supérieure et inférieure. (b) Allure du spectre de rA : la forme en
cloche, de type Lorentzienne, est la signature d’une résonance de surface.
Optique Les plasmons et la transmission extraordinaire optique
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comme un effet tunnel assisté par des résonances entre
les interfaces supérieure et inférieure. De l’avis des plas-
mon-convaincus, cette analyse renforce indirectement
l’interprétation initiale, car on est en droit de penser que
la résonance des surfaces supérieure et inférieure résulte
d’une interférence constructive de tous les plasmons de
surface générés par les trous. Ces trous, illuminés par
un champ incident, se comportent comme des sources
secondaires d’Huygens pour les plasmons de surface, en
accord avec l’interprétation de Fano.
Mais l’analyse précédente ainsi que les travaux qui ont
immédiatement suivi ou précédé passent outre rapide-
ment à l’interprétation initiale en reposant de fait sur des
quantités physiques globales, telles que les ondes planes,
les super-modes du réseau de trous, etc. Ce sont ces
mêmes quantités macroscopiques que l’on retrouve dès les
travaux fondateurs d’Hessel et Oliner sur les théories élec-
tromagnétiques de la diffraction par des réseaux. La force
principale de cette analyse est sa généralité qui lui permet
de s’appliquer virtuellement à toutes les structures pério-
diques, cristaux photoniques, méta-matériaux... Mais bien
que conceptuellement élégante et générale, elle s’éloigne
de la vision microscopique du phénomène de diffraction
et de notre intuition physique. Par exemple, ces théories
ne sont pas directement exploitables pour concevoir des
structures très proches des réseaux, comme par exemple
une cible formée par un trou débouchant entouré d’un
réseau de sillons concentriques non débouchants ou
d’une matrice infinie de trous non-débouchants. Que dire
maintenant quand le trou débouchant est entouré d’une
matrice de taille 3 ×3, 5 ×5, 10 ×10 ... Dans le cadre de la
TEO, ces théories ne permettent pas d’analyser la nature
des ondes qui sont excitées sur les surfaces planes entre les
trous et qui sont à l’origine de l’effet d’entonnoir. Elles ne
peuvent expliquer la résonance de la transmission t de la
membrane que par la résonance d’un autre coefficient rA.
C’est en quelque sorte déplacer le problème, puisque les
causes véritables de la résonance ne sont pas explicitées.
En effet, une analyse du phénomène de la TEO (au tra-
vers d’un réseau ou d’une cible) nécessite de considérer
explicitement l’excitation locale des ondes de surface entre
les trous et les diffusions successives de ces ondes par les
trous voisins. Avec cette approche, on se replonge dans
l’intuition de Rayleigh et Fano pour expliquer les anoma-
lies de Wood.
Un éclairage probablement décisif dans cette direction
vient d’être apporté grâce à un modèle microscopique.
Pour définir sans ambiguïté le rôle des plasmons dans le
phénomène de la TEO, Haitao Liu et l’un des auteurs du
présent article ont développé un modèle purement plas-
monique de la TEO, en supposant que les plasmons de
surface, seuls, véhiculent l’énergie électromagnétique
sur la surface métallique entre les trous. En comparant
les prédictions de ce modèle avec des calculs numériques
rigoureux, il devient alors possible de différentier les
contributions plasmonique et radiative impliquées dans
le processus de la TEO. Comme nous allons le voir, la
contribution plasmonique, significative dans le visible,
devient négligeable dans l’infrarouge.
Les processus élémentaires de diffraction des plasmons
de surface utilisés dans le modèle plasmonique sont repré-
sentés sur la figure 5. Le plus important pour la suite est
celui de la figure 5a. Suite à leur interaction avec une chaîne
(rangée linéique) de trous, les plasmons de surface sont
en partie transmis (tSP), réfléchis (rSP), diffractés dans le
super-mode de la chaîne (aSP) ou dans le continuum des
modes radiatifs du demi-espace supérieur (b(kx)). A partir
de ces processus élémentaires et des coefficients de diffu-
sion associés, il est possible de formuler un modèle don-
nant une expression analytique de la TEO. Par exemple, le
coefficient de réflexion rA du super-mode fondamental de
la matrice 2D de trous, une grandeur physique très impor-
tante du phénomène de la TEO, se met sous la forme
rASP
2
1SP SP
=+ 2
ρα
ρτ
u( )
−+ (3)
expression dans laquelle u = exp(i kSPa) correspond au
retard de phase accumulé par le plasmon quand il se
propage entre deux rangées de trous. Il est important de
constater qu’aucun des coefficients de diffusion qui appa-
raissent dans l’équation (3) n’est lié à la périodicité de la
structure (figure 5). En particulier, ils sont non résonnants
et la résonance de rA de la figure 4b s’explique par le zéro
du dénominateur. Mathématiquement, ce dernier résulte
d’une série géométrique qui permet de passer des proces-
sus individuels de la figure 5 au comportement collectif
dicté par la périodicité. La résonance des surfaces supé-
rieure ou inférieure s’explique alors comme la superposi-
tion cohérente d’un grand nombre de plasmons, qui une
fois engendrés par les chaînes de trous, se propagent sur
la surface par diffusions successives.
La question suivante est bien de savoir dans quelle
mesure ce modèle purement plasmonique est capable
de prédire le phénomène de la TEO. La réponse est don-
née sur la figure 6, par la comparaison des prédictions du
Figure 5 – Processus élémentaires liés à la diffraction par une chaîne linéique
de trous. La chaîne est éclairée par un plasmon de surface (a), par le super-
mode fondamental évanescent de la chaîne de trous (b), et par une onde plane
de vecteur d’onde dans le plan kx (c). Les flèches rouges et vertes se réfèrent
aux ondes incidentes et diffractées. Les processus de diffraction définissent six
coefficients de diffusion indépendants, rSP (rétro-diffusion des plasmons),tSP
(transmission des plasmons),aSP (génération des plasmons à partir du mode
de la chaîne et réciproquement),b(kx) (diffusion des plasmons dans le conti-
nuum des modes radiatifs), t(kx) (excitation du super-mode de la chaîne de
trous par une onde plane) et r (réflexion du super-mode de la chaîne).
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