Le syncrétisme casuel dans l`interlangue des apprenants du

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BWTL 10 / ABLT 10
Le syncrétisme casuel dans l’interlangue des apprenants du français L2.
Kanstantsin Tsedryk
[email protected]
Université Western Ontario
Introduction
1. Dans quelle mesure les apprenants peuvent-ils acquérir les catégories qui ne
sont pas présentes dans leur L1 ?
2. Comment le processus de l’acquisition d’une L2 s’effectue-t-il ?
Hypothèses de l’accès à la Grammaire Universelle (GU) :
ƒ
ƒ
Full Access Hypothesis - Cook & Newson (1996);
Full Transfer/ Full Access – Schwartz & Sprouse (1994);
ƒ
ƒ
No Parameter Resetting Hypothesis – Hawkins & Chan (1997);
No Access – Meisel (1997).
1. Etudes antérieures sur l’acquisition des pronoms clitiques en français.
La question de l’acquisition des pronoms clitiques ne cesse de faire objet de nombreuses
études dans le domaine de l’ALS (Duffield et al. 2002, Herschenson 2004, Granfeldt &
Schlyter 2004, entre autres).
Développement par étapes des pronoms clitiques en français L2 :
(1)
a. Elle croit la.
b. J’ai le vu.
c. Je l’ai pris.
(Granfeldt & Schlyter 2004 :355-357)
Les travaux sur l’acquisition des pronoms clitiques traitent généralement du placement
des pronoms en français L2 dans la phrase, en argumentant ainsi en faveur de la
possibilité de l’acquisition de la représentation structurale en L2 différente de L1.
2. Présente étude.
2.1. Procédures de recherche
ƒ
ƒ
le test de jugement de grammaticalité (TJG) ;
le test de traduction ;
Le TJG vise l’examen de la capacité des apprenants du français L2 de reconnaître les
contextes grammaticaux et agrammaticaux de l’emploi des pronoms clitiques objets
(Tableau 1).
(2)
Mes parents doivent être inquiets, il faut leur écrire. 1
2
3
4
5
Le test de traduction nous donne la possibilité de tester leur capacité de reproduire les
pronoms clitiques objets dans des contextes concrets. Dans le but de l’emploi des
1
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contextes étudiés les sujets sont contraints d’employer les verbes et le lexique qui leur
sont présentés à côté d’un stimulus anglais :
(3)
They do not ask him to come. (demander / venir)
2.2. Résultats
Tableau 1. Résultats du TJG1
La distribution des moyennes par rapport aux niveaux et aux contextes.
contextes
grammaticaux
Contexte de l’emploi des pronoms clitiques et
les distracteurs
Moyenne
CL V (*)
CL AUX V
V CL V (*)
contextes
agrammaticaux
V CL (*)
V V CL (*)
AUX CL V (*)
CL ADV V (*)
Distracteurs
grammaticaux
Distracteurs
agrammaticaux
apprenants
intermédiaires
3.50
apprenants
avancés
4.01
locuteurs
natifs
4.95
Ecart
1.05
0.81
0.11
Moyenne
4.02
4.25
4.96
Ecart
0.80
0.73
0.08
Moyenne
3.58
4.35
4.88
Ecart
0.73
0.64
0.17
Moyenne
2.03
1.66
1.00
Ecart
0.71
0.78
0.00
Moyenne
2.55
1.67
1.00
Ecart
1.10
0.79
0.00
Moyenne
3.20
2.79
1.02
Ecart
1.08
1.11
0.06
Moyenne
3.51
2.51
1.00
Ecart
0.93
1.05
0.00
Moyenne
4.33
4.49
4.87
Ecart
0.68
0.47
0.12
Moyenne
1.77
1.59
1.00
Ecart
0.90
0.71
0.00
(*) : p<0.05
Figure 1. La distribution des réponses grammaticales dans la
traduction
N de phrases
5
4
apprenants
intermédiaires
3
apprenants avancés
2
locuteurs natifs
1
0
CL V
CL AUX V
V CL V
1
Le jugement des phrases s’effectue sur une échelle de 1 à 5 (1 représente une phrase inacceptable et 5 –
bien formée)
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Les apprenants du niveau intermédiaire, en favorisant les contextes avec un clitique
séparé du verbe par un adverbe, avec un pronom dans la position argumentale, ont une
tendance à les traiter plutôt comme des SNs pleins. Alors que les apprenants avancés sont
enclins au traitement des pronoms objets en français comme des clitiques attachés au
verbe et ainsi ont plus de traits en commun avec les locuteurs natifs.
Les apprenants font preuve d’un développement systématique et par étapes de la
cliticisation ce qui confirme l’hypothèse du Transfert complet/ Accès complet à la GU et
suit les données des études antérieures.
2.3. Alternances casuelles
Certains contextes causent des problèmes aux apprenants : c’est le syncrétisme
casuel entre le datif et l’accusatif et vice versa.
Le syncrétisme casuel est beaucoup plus fréquent que tous les autres contextes
agrammaticaux:
89.5% (n=34) des apprenants intermédiaires et
70% (n=9) des apprenants avancés ont produit au moins une alternance casuelle.
(4)
Exemples des alternances casuelles dans le test de traduction :
a.
b.
c.
d.
e.
f.
Nous voulons *les raconter cette histoire.
Je *l’ai indiqué le chemin.
Il *l’a proposé un voyage.
Nous *lui voyons chaque jour.
Nous devons *leur remercier.
Marie *lui a forcé à rester.
Une explication possible : l’influence de l’anglais sur les variantes produites par les
apprenants.
ƒ
cinq verbes exigeant un cas différent par rapport aux verbes français => influence
de l’anglais - oui.
to show smb.
montrer à qqn.
to tell smb.
raconter à qqn.
to advise smb. conseiller à qqn.
to ask smb.
demander à qqn.
ƒ
cinq verbes anglais similaires dans leur exigence casuelle => influence de
l’anglais - ?
to thank smb.
to help smb.
to force smb.
to see smb.
to suggest to smb.
remercier qqn.
aider qqn.
forcer qqn.
voir qqn.
proposer à qqn.
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Nadasdi (2001) :
Le nombre des formes syncrétisées accroît avec le niveau de restriction de l’emploi de la
langue. ACC => DAT
Tableau 2. Répartition des alternances casuelles.
nombre des formes
syncrétisées
verbe anglais
verbe français
to show smb.
to tell smb.
to advise smb.
to suggest to smb.
to ask smb.
to thank smb.
to help smb.
to force smb.
to see smb.
montrer à qqn.
raconter à qqn.
conseiller à qqn.
proposer à qqn.
demander à qqn.
remercier qqn.
aider qqn.
forcer qqn.
voir qqn.
n
18
18
17
10
4
19
15
10
5
%
35.3
35.3
33.3
19.6
7.8
37.3
29.4
19.6
9.8
type du
syncrétisme
ACC / DAT
ACC / DAT
ACC / DAT
ACC / DAT
ACC / DAT
DAT / ACC
DAT / ACC
DAT / ACC
DAT / ACC
Anglais :
ƒ Cas objet n’a pas de représentation morphologique ;
ƒ « Dative Shift ».
Les apprenants anglophones tendent à employer un clitique accusatif au lieu d’un
datif avec les verbes qui peuvent avoir deux objets (direct et indirect) et qui sont sujets au
« Dative Shift » en anglais, à l’exception du verbe « to suggest » avec lequel « Dative
Shift » ne se produit pas.
Les autres quatre verbes ont été employés avec un pronom clitique datif, bien que ces
verbes-là et en anglais, et en français choisissent un complément accusatif.
Ces verbes ne peuvent pas être employés avec deux objets et l’objet du verbe représente
souvent un bénéficiaire de l’action (remercier qn., aider qn.). Ainsi, nous supposons que
les apprenants appliquent la généralisation de l’emploi des pronoms datifs aux
bénéficiaires.
Les anglophones connaissent les différences conceptuelles entre le datif et l’accusatif,
pourtant elles ne sont pas encodées morphologiquement dans leur grammaire.
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Références :
Cook, V. & M. Newson. 1996. Chomsky’s Universal Grammar. Oxford: Blackwell.
Duffield et al. & al.2002. Clitic placement in L2 French: evidence from sentence
matching. Linguistics 38: 487-525.
Granfeldt, J. & S. Schlyter. 2004. Cliticisation in the acquisition of French as L1 and L2.
In The acquisition of French in different contexts: Focus on functional categories,
sous la dir. de P.Prévost & J. Paradis, 333-370. Amsterdam: Benjamins.
Hawkins, R. & C. Chan. 1997. The partial availability of Universal Grammar in second
language acquisition: the ‘failed functional features hypothesis’. Second Language
Research 13: 187-226.
Herschensohn, J. 2004. Functional categories and the acquisition of object clitics in L2
French. In The acquisition of French in different contexts: Focus on functional
categories, sous la dir. de Philippe Prévost et Johanne Paradis, 207-242.
Amsterdam: Benjamins.
Meisel, J. 1997. The acquisition of the syntax of negation in French and German:
contrasting first and second language acquisition. In Second Language Research,
13, 227-263.
Nadasdi, T.J. 2001. Variation grammaticale et langue minoritaire: Le cas des pronoms
clitiques en français ontarien. Munich: LINCOM Europa.
Schwartz, B.D. & R.A. Sprouse. 1994. Word order and Nominative Case in nonnative
language acquisition: A longitudinal study of (L1 Turkish) German
Interlanguage. In Language Acquisition Studies in Generative Grammar, sous la
dir. de T. Hoekstra & B.D. Schwartz. 317-68. Amsterdam: John Benjamins.
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