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L’éthique en début de vie : Témoignage d’une sage-femme
« J’ai la grande chance d’être sage-femme. »
J’ai la grande chance d’être sage-femme. C’est un métier passionnant se conjuguent un
événement très naturel et humain et en même temps le mystère de la formation, de la
croissance puis de la venue au monde d’un nouvel enfant, le mystère de la vie .
Je ne me lasse pas de contempler la merveille de la vie qui grandit et naît, pour ainsi
dire :je ne m’en remets toujours pas !
La naissance d’un enfant est toujours un événement unique et cela ne peut jamais être la
routine : Accompagner les mères pendant la grossesse, en consultation ou en cours de
préparation à l’accouchement, suivre le travail et pratiquer les accouchements normaux,
accompagner les mères et leur bébé dans leur séjour à la maternité.
Toutes ces fonctions sont du domaine de la sage-femme et nous permettent de partager,
dans la grande majorité des cas, avec les parents des événements joyeux, voire euphoriques,
d’être au service de la vie.
Vivre cela est source d’énergie et de joie!
Je ne connais pas de sage-femme qui ne soit passionnée par sa profession.
Quant à moi, je le vis un peu comme une vocation , celle de collaborer à l’œuvre créatrice
de Dieu.
« Se tenir à côté de », « rester à côté de » est étymologiquement la signification du
rôle d’une équipe d’obstétrique , « obstétrique » venant du latin « ob-stare ».Ce terme a
été choisi en raison du temps plus ou moins long de la période du « travail »jusqu’à 12 heures
voire plus ,et exige la présence patiente, compatissante et compétente de la sage-femme
souvent debout auprès de la femme , les contractions utérines se faisant de plus en plus
intenses, douloureuses et rapprochées !
L’obstétrique est un art plus qu’une science exacte , tout comme les nombreux autres
domaines de la médecine. Et même avec les recherches et les progrès réalisés, l’expérience
nous apprend que nous ne pouvons tout maîtriser, qu’il y a des impondérables, des imprévus,
que nous sommes également tous faillibles, ce qui nous oblige à rester humbles et vigilants,
tout en travaillant avec toutes nos compétences dans nos limites humaines
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J’ai travaillé, depuis l’obtention de mon diplôme il y a 15 ans, dans différentes maternités en
région parisienne et dans l’Orne, et travaille actuellement à l’Hôpital de Flers mi-temps,
afin d’équilibrer vie familiale et vie professionnelle puisque je suis mariée et que j’ai 2
enfants .
J’ai donc connu petites, moyennes et grandes structures hospitalières , chacune ayant ses
atouts et ses inconvénients.
Je vais d’abord essayer de vous transmettre des paroles de parents, à travers des exemples
concrets de demandes diverses.
Ensuite, j’aborderai le problème de la réponse de l’équipe médicale à ces demandes et les
questions d’ordre éthique que cela pose.
Puis, dans une troisième partie, je vous ferai part de mes réflexions et des convictions qui
sont les miennes pour essayer d’accompagner au mieux les patientes, les familles, les enfants,
témoigner de la dignité et de la valeur de toute vie humaine dès sa conception et la
respecter.
Toutes ses questions sont délicates à traiter et je Te prie, Seigneur, de m’aider à
témoigner de Ta rité et de Ta Miséricorde, sans que personne ne se sente jugé dans sa
conscience, son histoire, ses actes.
Merci à vous d’avoir prié l’Esprit-Saint pour moi.
Je souhaite véritablement « rendre compte de l’Espérance qui est en moi»,
de l’Amour de Dieu le Père pour chacun, amour qui précède même sa conception,
de la confiance qu’Il continue inlassablement de nous faire quels que soient nos actes et de
l’océan de Sa Miséricorde qui nous « rend la joie d’être sauvé ! »
I)La demande principale des parents au cours de la grossesse
Tout parent désire que son enfant soit beau et en bonne santé.
« Garçon ou fille, peu importe, entend-on souvent, pourvu qu’il aille bien ! »
C’est un souhait naturel, légitime, un souhait d’amour et c’est, entre autres, la raison d’être
des consultations prénatales et spécialement des échographies .
Surveiller, mesurer, dépister …pour rassurer, diagnostiquer, prévenir et traiter si besoin,
soigner c’est la mission du médecin et de la sage-femme pendant toute grossesse.
Je limiterai mon propos à l’annonce du handicap pendant la grossesse et aux différentes
prises en charge possibles.
1)Le diagnostic anténatal :
A l’issue de la réalisation d’une échographie, plusieurs cas de figure se présentent :
-Le cas le plus courant :L’enfant va bien,
le pronostic est bon, les parents repartent rassurés .
Ce qui n’exclut pas totalement une malformation à la naissance, du fait de certaines
pathologies non détectables ou d’une erreur possible du praticien.
Je donnerai un exemple de cela ultérieurement
3
2
ème
cas :
L’enfant est porteur d’une malformation plus ou moins grave, mais que l’on peut traiter ou
opérer (hernie diaphragmatique, malformation cardiaque opérable, fente labio-palatine…)
La grossesse se poursuit normalement avec une surveillance accrue et des consultations
rapprochées.
L’accouchement de la patiente est alors prévu en général dans une maternité de type III
,c’est à dire avec un plateau technique adapté pour faire face aux pathologies pédiatriques
lourdes et prendre immédiatement en charge l’enfant dès sa naissance.
-3
ème
cas :L’enfant est porteur d’une malformation grave et létale.
Le pronostic est celui d’une mort naturelle avant terme, in utero, .ou d’une mort naturelle à
la naissance ou dans les minutes , heures ou jours qui suivent la naissance.
Par ex: malformation cardiaque majeure , trisomie 13,18 ou poly-malformations …
En général, dans ces cas graves, après vérification du diagnostic par un expert et après
décision d’une équipe pluridisciplinaire d’un centre de diagnostic prénatal, il est propo aux
parents une Interruption Médicale de Grossesse = I.M.G:
La femme et son conjoint peuvent , à leur demande, être entendus par ladite équipe, et un
médecin choisi par la femme peut-être associé à la concertation
(Code de la santé Publique)
Si les parent donnent leur accord , on déclenche alors l’accouchement quel que soit le terme
de la grossesse, le décès du fœtus ayant lieu le plus souvent au cours du travail*.(période d’au
moins quelques heures inscrites entre le début des contractions utérines et l’expulsion du
fœtus.)
4
ème
cas :
« il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une
particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ».
Code de la Santé
Publique article2213-1
Par exemple :trisomie 21 , certaines malformations cérébrales et/ou neurologiques graves,
(anencéphalie, spina-bifida ,…)
Dans ces cas là également, l’I.M.G est autorisée par la loi et peut-être proposée aux parents.
5
ème
cas :
Le pronostic est incertain, réservé car l’on ne peut juger précisément de la gravité de
l’anomalie, ni de son évolution, c’est pourquoi des examens complémentaires et des
échographies répétées à plusieurs semaines d’intervalle sont nécessaires pour établir le
diagnostic le plus juste possible.
Une fois le diagnostic établi ,l’on se retrouve devant un des cas 1,2, 3, 4 cités précédemment
ou toujours dans l’incertitude….
4
2)La réaction des parents à l’annonce d’un handicap:
-dans les cas les plus graves de pathologies incurables ou létales
A l’annonce du handicap diagnostiqué chez leur enfant, les parents sont inquiets, désemparés,
angoissés, tristes voire sidérés et ont souvent bien du mal à réfléchir posément.
Isabelle de Mézerac a écrit un livre remarquable « un enfant pour l’éternité » la suite de
son expérience personnelle : A 45 ans, enceinte d’ un 5
ème
enfant inattendu, elle apprend que
l’enfant qu’elle porte est atteint d’une anomalie génétique, la trisomie 18, avec de plus une
hernie diaphragmatique :
(Lecture p.35« j’étais paralysée de douleur et d’angoisse… »)
La façon dont la pathologie et le pronostic de l’avenir de leur enfant vont être exposés
aux parents est fondamentale dans la suite des événements et leur décision finale.
Très souvent, dans ces cas graves, l’interruption médicale de grossesse semble
s’imposer puisqu « on ne peut rien faire », que l’enfant ne pourra pas vivre , ou que son
handicap sera très lourd .
Le bébé attendu ne devient plus signe de joie, d’espoir mais de douleur assurée à venir.
Souvent, l’équipe médicale, tout comme les parents, pensent sincèrement que c’est la seule
solution pour arrêter rapidement la souffrance des parents et que continuer cette
grossesse ne sert à rien.
La première réaction est alors de « vouloir en finir au plus vite » et de programmer
immédiatement une I.M.G .( Lecture récit I de Mézerac
P.34,35)
Par ailleurs, en France, le dépistage systématiquement proposé de l’évaluation du risque de
trisomie 21 au début de la grossesse par une prise de sang ,suivi, quand le « risque » est
supérieur à 1/250, d’une amniocentèse, renforce cette idée que les enfants handicapés
mentalement n’ont pas leur place dans la société. (98% des enfants trisomique 21, dépistés
in utero sont éliminés)
Les grands progrès dans les techniques d’investigation pour connaître le bien-être du fœtus ,
sa morphologie, sa croissance, poser un diagnostic et prendre le plus précocement en charge
les enfants ont tendance à faire penser que l’on peut tout savoir, prévoir, et que l’on
maîtrise de mieux en mieux la nature.
Et que, quand elle semble s’être trompée , l’on se doit de rectifier ses « erreurs » pour
épargner une trop grande douleur à la famille, une « qualité de vie » insupportable pour
l’enfant.
« maintenant que l’on peut savoir avant, c’est mieux, pourquoi s’en priver ? »,disait une
patiente en parlant de l’amniocentèse.
L’amniocentèse est destinée principalement à étudier le caryotype de l’enfant à naître par
un prélèvement de liquide amniotique au début du 4
ème
mois de grossesse en vue de dépister
une anomalie génétique comme la T21.
Sa réalisation n’est pas anodine et accroît le risque d’une fausse-couche (1%)
5
Le jour de l’amniocentèse, un couple me demandait :
« Lorsqu’on reçoit les résultas du caryotype combien de temps a-t-on pour prendre
une décision si l’enfant est atteint d’une anomalie .On nous a dit qu’on avait seulement
48h00? »
J’ai pondu :Il est question de votre enfant et personne ne peut décider à votre place .Vous
avez le temps que vous voulez pour réfléchir, il n’y a aucun impératif. »
En fait, on estime communément que plus on attend ,plus le terme de la grossesse est avancé
et plus ce sera difficile, douloureux et traumatisant psychologiquement pour la femme de
subir une interruption de grossesse car elle aura senti son enfant bouger, se sera davantage
attaché à lui et qu’elle aura vu son ventre s’arrondir
« Heureusement qu’on l’a dépisté tôt »dit-on fréquemment. En sous-entendant : « l’IMG
sera moins traumatisante à ce terme »
J’ouvre une parenthèse :
C’est un peu le même raisonnement que l’on tient quand des patientes viennent consulter en se
posant la question d’un I.V.G :on se dit que c’est moins traumatisant à un terme très précoce,
tel qu’entre 6 et 7 semaines et qu’ « il faut se dépêcher pour lui éviter une I.V.G chirurgicale
et donc proposer une I.V.G médicamenteuse .
Alors qu’après un temps de réflexion et plus de recul…la décision de la femme serait peut-
être de garder son enfant !
De toute façon quel que soit le terme, l’I.V.G est toujours reconnue comme une épreuve
…(affiche Santé Publique)
Par ailleurs, une psychologue de maternité exprimait qu’elle notait un certain détachement,
désinvestissement envers l’enfant chez beaucoup de femmes pendant les 3 semaines
d’attente anxieuse du résultat de leur amniocentèse.
Comme si ces res voulaient éviter de s’attacher à un enfant risquant d’être handicapé, et
donc menacé de mort dans l’éventualité du choix d’une I.M.G..
Après l’annonce du diagnostic de handicap, la peur, le chagrin, la révolte, la culpabilité
submergent les parents qui imaginent le pire .
D’autant plus que l’enfant est caché, invisible réellement, tout en étant présent mais
difficilement distinguable pour les parents sur les écrans d’échographie.
Le rôle de l’équipe médicale et des personnes à l’écoute de sa souffrance est primordial pour
que le couple puisse se sentir soutenu .
Pourtant, le temps de la réflexion des parents semble vraiment nécessaire à tous les
niveaux :
-pour souffler un peu face au choc de l’annonce,
-ne pas se précipiter,
-rencontrer un pédiatre
-se rapprocher de parents ayant connu un diagnostic proche,( rencontres ou email)
-réfléchir à l’après, se projeter dans l’avenir face au deuil, ou au handicap
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