Son front large est armé de cornes menaçantes ;
Tout son corps est couvert d’écailles jaunissantes,
Indomptable taureau, dragon impétueux,
Sa croupe se recourbe en replis tortueux ;
Ses longs mugissements font trembler le rivage.
Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage ;
La terre s’en émeut, l’air en est infecté ;
Le flot qui l’apporta recule épouvanté.
Tout fuit ; et sans s’armer d’un courage inutile,
Dans le temple voisin chacun cherche un asile.
Hippolyte lui seul, digne fils d’un héros,
Arrête ses coursiers, saisit ses javelots,
Pousse au monstre, et d’un dard lancé d’une main
sûre,
Il lui fait dans le flanc une large blessure.
De rage et de douleur le monstre bondissant
Vient aux pieds des chevaux tomber en mugissant,
Se roule, et leur présente une gueule enflammée
Qui les couvre de feu, de sang et de fumée.
La frayeur les emporte ; et, sourds à cette fois,
Ils ne connaissent plus ni le frein ni la voix ;
En efforts impuissants leur maître se consume ;
Ils rougissent le mors d’une sanglante écume.
On dit qu’on a vu même, en ce désordre affreux,
Un dieu qui d’aiguillons pressait leur flanc
poudreux.
À travers les rochers la peur les précipite ;
L’essieu crie et se rompt : l’intrépide Hippolyte
Voit voler en éclats tout son char fracassé ;
Dans les rênes lui-même il tombe embarrassé.
Excusez ma douleur : cette image cruelle
Sera pour moi de pleurs une source éternelle.
J’ai vu, seigneur, j’ai vu votre malheureux fils
Traîné par les chevaux que sa main a nourris.
Il veut les rappeler, et sa voix les effraie ;
Ils courent : tout son corps n’est bientôt qu’une
plaie.
De nos cris douloureux la plaine retentit.
Leur fougue impétueuse enfin se ralentit :
Ils s’arrêtent non loin de ces tombeaux antiques
Où des rois ses aïeux sont les froides reliques.
J’y cours en soupirant, et sa garde me suit :
De son généreux sang la trace nous conduit ;
Les rochers en sont teints ; les ronces dégouttantes
Portent de ses cheveux les dépouilles sanglantes.
J’arrive, je l’appelle ; et me tendant la main,
Il ouvre un œil mourant qu’il referme soudain :
« Le ciel, dit-il, m’arrache une innocente vie.
« Prends soin après ma mort de la triste Aricie.
« Cher ami, si mon père un jour désabusé
« Plaint le malheur d’un fils faussement accusé,
« Pour apaiser mon sang et mon ombre plaintive,
« Dis-lui qu’avec douceur il traite sa captive ;
« Qu’il lui rende... » À ce mot, ce héros expiré
N’a laissé dans mes bras qu’un corps défiguré :
Triste objet où des dieux triomphe la colère,
Et que méconnaîtrait l’œil même de son père.
4. Enfin, un texte théâtral n’est pas toujours destiné à la représentation : c’est l’écriture qui
importe plus que le spectacle de sa représentation. Certaines pièces n’ont jamais été représentées sur
scène, soit parce que l’auteur ne le souhaite pas soit parce que la pièce est trop compliquée à
représenter (trop de personnages, pièce trop longue)
Exemple : Musset écrit des pièces pour les publier dans une revue puis les publie dans un recueil
intitulé Un Spectacle dans un fauteuil : pièces destinées à la lecture seule. Cromwell d’Hugo n’a
jamais été mise en scène : longueur affolante du texte !
Conclusion/Transition : Le texte est primordial au théâtre. C’est la porte d’entrée dans une
pièce, c’est le résultat d’un travail d’écriture souvent intense. Si le texte donne à entendre le sens de la
pièce et permet de comprendre l’intrigue et les personnages qui la construisent, la mise en scène fait
partie intégrante du genre théâtral, c’est même ce qui lui confère sa si grande spécificité.
II. Le théâtre est un spectacle. (on nuance ce qui a été dit en I, mais
ATTENTION, on ne le contredit JAMAIS : là, on ne va pas dire que le texte est superflu. On va
préciser que la mise en scène a AUSSI son importance et son rôle à jouer)
1. Premièrement, les jeux de scène imaginés par le dramaturge dans ses didascalies, créés
par le metteur en scène et interprétés par le comédien sont également importants. Certains types de
théâtre sont d’ailleurs essentiellement fondés sur eux et se passent du texte. Le théâtre est un art vivant
et visuel.
Exemple : La Commedia dell’arte : grande part d’improvisation et de mime, comique de geste dans la
comédie, recours à des effets spectaculaires dans certaines tragédies : deus ex machina (ancêtre des
effets spéciaux… !!). Plus précis : le jeu avec le fauteuil chez Beaumarchais, le jeu avec la table chez
Molière. Vous pouvez aussi parler de certains comédiens qui jouent entre les répliques : Christian
Hecq et citer la phrase de Barthes qui dit que « la théâtralité, c’est le théâtre moins le texte » : jeu,
mimiques, langage du corps. Phrase d’Artaud qui dit aussi que le langage des mots n’est pas
forcément le meilleur. Rebondissement avec Anouilh qui dit que de toutes façons, les spectateurs
n’entendent « qu’une phrase sur deux ». Citez des exemples de mises en scène dans lesquelles les
comédiens jouaient autre chose que le texte, ou en plus du texte.
2. Ensuite, la représentation a acquis une importance grandissante au fil des siècles :
d’abord les dramaturges prévoient de plus en plus la représentation de leur pièce et intègrent des
didascalies de plus en plus longues (jusqu’à devenir parfois plus longues que le texte lui-même).
Exemple : théâtre de l’absurde : Beckett et Ionesco.
Par ailleurs, si jusqu’au début du 19ème siècle les dramaturges mettaient sn scène leurs propres pièces,
au tournant du siècle, vers 1880, la fonction du metteur en scène apparaît. Il se distingue alors
complètement de l’auteur et devient le 2ème créateur de l’œuvre.
Exemple : travail de Mnouchkine par exemple, qui ajoute au texte sa culture, sa passion pour créer un
spectacle.
3. Enfin, dans certaines formes de théâtre, la mise en scène se passe du texte. La
représentation et le jeu prennent le pas sur les mots.
Exemple : le travail de la compagnie Royal Deluxe,