Institut de Formation de Professions de Santé Formation Infirmière

publicité
Institut de Formation de Professions de Santé
Formation Infirmière
44 chemin du Sanatorium
25030 Besançon Cedex
LE RÉSIDENT NON-COMMUNICANT VERBALEMENT EN FIN DE VIE : QUELLE
RELATION DE SOINS AVEC L'IDE EN EHPAD ?
3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche
UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques
UE 6.2 S6 : Anglais rédaction de l'abstract du travail de fin d'études
Présenté par :
CAN Yeliz
MEISS Gaëlle
RASOANAIVO Malalasoa
TROMPETTE Stéphanie
Promotion 2011/2014
Formateur de guidance :
BRAICHOTTE Marie-Noëlle
Institut de Formation de Professions de Santé
Formation Infirmière
44 chemin du Sanatorium
25030 Besançon Cedex
LE RÉSIDENT NON-COMMUNICANT VERBALEMENT EN FIN DE VIE : QUELLE
RELATION DE SOINS AVEC L'IDE EN EHPAD ?
3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche
UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques
UE 6.2 S6 : Anglais rédaction de l'abstract du travail de fin d'études
Présenté par :
CAN Yeliz
MEISS Gaëlle
RASOANAIVO Malalasoa
TROMPETTE Stéphanie
Promotion 2011/2014
Formateur de guidance :
BRAICHOTTE Marie-Noëlle
Remerciements
Nous voudrions d’abord remercier, pour leur investissement et leur enthousiasme, les
professionnels du terrain qui nous ont volontiers consacré de leur précieux temps de travail
pour répondre à nos questions :
•
l’infirmière de l’EHPAD* ;
•
l’infirmière de l’EMSP* ;
•
la psychologue de l’EHPAD, Madame GAUTHIER ;
•
la psychologue de l’EMSP, Madame DURAND-VIEL ;
•
l’ASH* du service des soins palliatifs, Monsieur PASCUAL ;
•
Madame GOUNAND (formatrice de l’IFPS* de Besançon) ;
•
Docteur MATHEAUD (médecin généraliste) ;
•
Madame GRILLOT (documentaliste à la Bibliothèque Universitaire de Santé de
Besançon) ;
•
les documentalistes de l’IFSI ;
•
les formateurs référents de l’UE 5.6.S6.
Nous sommes également très reconnaissantes envers Madame BRAICHOTTE,
formatrice responsable de la guidance de notre travail de recherche, qui a su nous orienter
efficacement et nous soutenir lors de chaque étape de la construction de ce mémoire.
Nous adressons aussi nos remerciements à toutes celles et ceux qui nous ont soutenues
durant ces trois années d’études, qui nous ont conseillées ou qui ont relu cette production.
Encore merci à toutes les personnes citées ci-dessus pour leurs savoirs et leur savoirêtre, sans qui ce travail de fin d’études n’aurait pas vu le jour.
Enfin, merci à vous, qui que vous soyez, qui portez de l’intérêt à la lecture de cet ouvrage.
Dédicace et épigraphe
À tous les résidents et familles qui sont confrontés à la fin de vie.
À tous les soignants et étudiants qui les accompagnent au quotidien.
« La chose la plus importante en communication, c'est d'entendre ce qui n'est pas dit. »
D’après Peter Drucker
(Théoricien américain du management, né en 1909)
Lexique des sigles
(Notés « * » dans le texte)
•
ASH : Agent de Service Hospitalier
•
CHU : Centre Hospitalier Universitaire
•
CNRTL : Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales
•
EHPAD : Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes
•
EMSP : Équipe Mobile de Soins Palliatifs
•
IDE : Infirmier(-ière) Diplômé(e) d'État
•
IDE 1 : Infirmière Diplômée d'État exerçant en équipe mobile de soins palliatifs
•
IDE 2 : Infirmière Diplômée d'État exerçant en EHPAD
•
IFPS : Institut de Formation de Professions de Santé
•
JALMALV : Jusqu'À La Mort Accompagner La Vie
•
NCV : Non Communicant Verbalement
•
TFE : Travail de Fin d'Études
Sommaire
INTRODUCTION......................................................................................................................1
DÉVELOPPEMENT..................................................................................................................3
I. Cadre théorique.............................................................................................................. 4
1. La maladie................................................................................................................. 4
1.1. Définition de la maladie......................................................................................4
1.2. Les soins palliatifs et la phase terminale.............................................................4
2. La relation de soin......................................................................................................5
2.1. Définition de la relation soignant-soigné.............................................................5
2.2. Le soignant en EHPAD.......................................................................................6
2.3. Le résident en EHPAD et sa famille....................................................................7
2.4. La juste distance dans la relation........................................................................7
3. La communication......................................................................................................8
3.1. La communication verbale..................................................................................8
3.2. La communication non verbale...........................................................................9
4. Les concepts en lien................................................................................................10
4.1. L’autonomie, la konomie...................................................................................11
4.2. La dignité.......................................................................................................... 11
4.3. Le respect.........................................................................................................12
4.4. L’intimité........................................................................................................... 12
5. Législation................................................................................................................ 13
II. Méthodologie............................................................................................................... 14
III. Cadre pratique : analyse des résultats issus des entretiens.......................................14
1. La maladie............................................................................................................... 14
2. La relation de soin....................................................................................................15
3. La communication....................................................................................................18
4. Les concepts en lien................................................................................................21
5. Législation................................................................................................................ 22
CONCLUSION.........................................................................................................................24
BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................26
ANNEXES................................................................................................................................29
A – Soins curatifs – Soins palliatifs...................................................................................30
B – Législation.................................................................................................................. 31
C – La Charte des droits des personnes âgées................................................................32
D – La Charte des soins palliatifs en EHPAD....................................................................33
E – Pictogrammes utilisés en service de soins palliatifs...................................................34
1
INTRODUCTION
2
Lors de notre troisième et dernière année d'études à l'IFPS, nous sommes amenées à
rédiger un mémoire, appelé TFE*, en groupe. Le sujet de notre travail est issu de situations
vécues en stage. Chacune de nos situations présentait des difficultés que nous avons pu
rencontrer dans la relation avec une personne en fin de vie, dont la communication verbale
était perturbée. En effet, la perturbation de l'expression verbale constituait une barrière à
notre prise en soins. Nous nous sommes senties démunies face au peu de moyens mis en
place et/ou existants pour pallier le manque de communication. Ce sujet, qui nous tient à
cœur, a pour but d'essayer de comprendre l'origine des difficultés rencontrées et de pouvoir
améliorer par la suite notre pratique professionnelle et répondre au mieux aux besoins du
patient en fin de vie.
Au départ avant de définir notre sujet définitif, nous nous sommes interrogées et avons
procédé à plusieurs reformulations afin que notre question de départ nous amène à
comprendre les problèmes rencontrés, et non à trouver des solutions.
Question de départ : En EHPAD, quelles peuvent être les difficultés rencontrées lors de
la relation de soins infirmiers avec un résident atteint d'une maladie chronique invalidante, en
phase terminale, dont le décès n'est pas imminent, et qui n'arrive plus à communiquer
verbalement ?
3
DÉVELOPPEMENT
4
I.
Cadre théorique
1.
La maladie
1.1.
Définition de la maladie
Nous allons tout d'abord définir la maladie, dans un sens global. D'après le CNRTL*, il
s'agit d'une « altération de l'état de santé se manifestant par un ensemble de signes et de
symptômes perceptibles directement ou non, correspondant à des troubles généraux ou
localisés, fonctionnels ou lésionnels, dus à des causes internes ou externes et comportant
une évolution ».
Plus précisément, nous parlons de maladie chronique invalidante. Il s'agit d'une
pathologie dont l'évolution est plus ou moins rapide, et qui est présente pendant plusieurs
mois au minimum. Elle se traduit par des complications plus ou moins graves et entraîne une
invalidité ou un handicap, temporaire ou définitif.
Plus particulièrement les maladies chroniques sont définies par : « - la présence d’une
cause organique ou psychologique ; - une ancienneté de plusieurs mois ; - le retentissement
de la maladie sur la vie quotidienne (limitation fonctionnelle, des activités, de la participation
à la vie sociale ; dépendance vis-à-vis d’une thérapeutique, d’une technologie médicale, de
l’intervention de professionnels : besoin de soins médicaux ou paramédicaux, d’aide
psychologique, d’éducation ou d’adaptation.) » [1]. Elles peuvent parfois, comme pour les
résidents ciblés dans notre question de départ, engager le pronostic vital.
1.2.
Les soins palliatifs et la phase terminale
Les soins palliatifs ont pour but d'améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille
lorsqu'ils sont confrontés à une maladie engageant le pronostic vital. Cela passe par le
soulagement des douleurs et des symptômes, ainsi qu'un soutien spirituel et psychologique.
Cette prise en soin et cet accompagnement débutent au moment où le diagnostic est posé et
durent jusqu’à la fin de la vie et au cours de la période de deuil [2]. « Les Soins Palliatifs
cherchent à améliorer : - l'accès aux informations par la personne malade et leur
compréhension ; - le respect de ses souhaits ainsi que de ceux de son entourage ; - la
démarche d'écoute et de disponibilité permettant un bon accompagnement » [3].
5
Les soins palliatifs arrivent après la phase curative, où il y a encore espoir de guérison et
où les soins spécifiques sont encore majoritaires. On parle donc ensuite de phase palliative,
divisée en deux temps : la phase palliative initiale et la phase palliative terminale 1. Durant la
phase palliative, d'une manière générale, « l’objectif prioritaire des traitements est
l’amélioration de la qualité de vie. Les traitements spécifiques sont encore appliqués avec
l’objectif d’une réponse temporaire et/ou partielle, d’une stabilisation de la maladie et/ou
d’une amélioration de la qualité de vie » [4].
La phase terminale d'une maladie chronique invalidante est la « phase durant laquelle le
décès est inévitable et proche. L’objectif des soins et des traitements est alors uniquement
centré sur la qualité de la vie » [4] et même plus précisément sur le confort, les soins
spécifiques n'étant plus ou presque plus dispensés. Il arrive tout de même que cette phase
terminale dure plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
2.
La relation de soin
2.1.
Définition de la relation soignant-soigné
On parle de relation soignant-soigné ou de relation de soin, mais de quoi parle-t-on ? Le
terme « relation » vient du latin « relatio » signifiant « rapport, lien entre deux personnes,
entre deux choses ». Ainsi, la relation soignant-soigné se traduit par les rapports, les liens
qui se créent entre la personne atteinte d’une pathologie et la personne qui lui prodigue les
soins. Pour entrer en relation, un échange entre les personnes est nécessaire. Cet échange
favorise la construction du lien de confiance dans la relation, qui nous paraît d’autant plus
essentielle lorsqu’il s’agit de prendre soin de la personne en fin de vie NCV*. Le dictionnaire
encyclopédique des soins infirmiers définit la relation soignant-soigné comme le « Lien
existant entre deux personnes de statut différent, la personne soignée et le professionnel de
santé. Cette relation nécessite trois attitudes de la part du soignant : un engagement
personnel de l’infirmier ; une objectivité ; de la disponibilité » [5, p.281].
La relation de soin qui se construit naît de l’accompagnement du soignant envers le
soigné, dans le contexte du soin prodigué. L’accompagnement est l’« action d’être et de
cheminer avec une personne, de l’entourer, de la soutenir physiquement et moralement. On
parle ainsi de soins d’accompagnement ou de soins relationnels » [5, p.4]. Par ailleurs, il faut
spécifier que la relation soignant-soigné est une relation asymétrique et que l’objectif de
l’IDE* est de rétablir un équilibre car la personne soignée est avant tout un être humain qui
1
Cf Annexe A
6
mérite respect, dignité, pouvoir de décision… Le soignant doit également montrer une
certaine empathie et une certaine authenticité pour entrer en relation avec lui [6].
En EHPAD, la relation de soin se construit au quotidien. Dans ses différentes missions,
l’IDE est proche du résident, il l’accompagne dans ses besoins de façon journalière, ce qui
confère une étroitesse des liens créés avec le résident. En effet, l’IDE pénètre dans la
sphère de la personne, ce qui attribue à leur relation un caractère intimiste.
Une relation de soin se crée donc entre le résident (soigné) et l’IDE (soignant).
2.2.
Le soignant en EHPAD
Évoquer le soignant nous amène aussi à préciser l’action de « soigner » qui lui est propre.
Dans l’étymologie, le verbe soigner vient du latin « soniare », signifiant « s’occuper de »,
« prendre soin ». D’après le Larousse, un soignant est une personne qui donne des soins à
quelqu’un. Plus spécifiquement, nous choisissons ici de rattacher le nom de soignant à
l’infirmier. La profession IDE est définie dans le CSP*, article L. 4311-12. Elle est régie par le
décret de 2004 relatif à la profession d'infirmier, dans lequel est précisé dans les articles
R. 4311-2 et R. 4311-5 les qualités relationnelles requises et le rôle propre IDE3. Enfin, les
règles professionnelles (article R. 4312-2) stipulent que l’IDE agit dans le respect de la
personne soignée4. L’IDE apporte des soins sur rôle propre ou sur prescription médicale.
Dans le cas de soins palliatifs, le soignant est amené à respecter la volonté de la
personne en fin de vie. Les soins prodigués visent alors à soulager l’inconfort et la douleur,
ils ont pour objectif d’apporter du bien-être ainsi qu’un soutien psychologique et/ou spirituel.
D’après la circulaire « Laroque » (1986), relative à l'organisation des soins palliatifs et à
l'accompagnement des malades en phase terminale, « La mission des soignants est de
mettre en œuvre tous les moyens existants pour soigner et accompagner leurs malades
jusqu'à la fin de leur vie ».
En EHPAD, les soignants sont amenés à être confrontés fréquemment à la fin de vie des
résidents. L’approche de la fin de vie reste une approche humaine, empreinte de sensibilité
de la part de l’IDE et de son histoire personnelle. La part d’affectivité du soignant, face à la
souffrance du résident en fin de vie, doit néanmoins être maîtrisée au mieux pour éviter la
compassion voire le syndrome d’épuisement professionnel.
Cependant, l’écoute des besoins du résident et de son entourage reste primordiale.
2
3
4
Cf Annexe B ; paragraphe 1)
Cf Annexe B ; paragraphe 2) et 3)
Cf Annexe B ; paragraphe 4)
7
2.3.
Le résident en EHPAD et sa famille
De manière générale, on peut dire que le résident est la personne à qui le soignant
procure les soins au sein de son lieu de vie, l’EHPAD. Le résident a des besoins, parfois
voire même souvent perturbés en raison de multiples pathologies issues du vieillissement.
Toutefois, le résident ne doit pas être réduit à ses problèmes de santé, il est avant tout un
être de relations, devant garder une dignité humaine. Le statut du résident est régi et protégé
par la Charte des droits des personnes âgées dépendantes 5. En fin de vie, il bénéficie
également de la Charte des soins palliatifs6.
Lors de la fin de vie, les proches constituent le seul lien avec l’extérieur. Ils peuvent alors
être un véritable soutien pour le résident. Lorsque le résident en fin de vie ne communique
plus verbalement, la famille représente d’autant plus une ressource, pour aider l’équipe
soignante à répondre au mieux aux besoins et volontés de leur proche mourant.
La fin de vie est l’ultime étape de l’existence, elle est marquée par une forte teneur en
émotions. Le résident en fin de vie présente une vulnérabilité certaine car, effectivement, la
grabatisation couplée à l’asthénie dont il peut être victime le conduit à perdre ses capacités à
communiquer verbalement. L’angoisse, la peur ou encore la spiritualité liées à la fin de vie
sont des thèmes qui le concernent souvent. Dans ce cas, le résident NCV éprouvera donc
d’autant plus de difficulté pour exprimer son ressenti et pour se faire comprendre de ceux qui
l’entourent (ses proches mais surtout les soignants).
Le résident en fin de vie confronte l’IDE à sa capacité de gérer ses affects. Garder une
posture soignante relève alors d’une distance relationnelle la plus juste possible.
2.4.
La juste distance dans la relation
La distance dans les soins est une problématique à laquelle tout soignant est confronté.
Chacun étant différent, de par sa personnalité mais aussi de par son histoire personnelle, le
soignant peut courir le risque de trop s’investir, se mettre à la place de la personne et ainsi
avoir une interprétation faussée du vécu du patient et souffrir à sa place (compassion). Au
contraire, le soignant peut pratiquer une distance « froide » ou « hyperdéfensive », ce qui
annule alors toute dimension affective au soin [7].
La fatalité de la mort du résident peut susciter chez le soignant une certaine fragilité
(sentiment d’impuissance), le déstabilisant et l’empêchant d’être empathique, c’est-à-dire
d’avoir la « capacité à se mettre à la place d’autrui afin de comprendre ce qu’il éprouve »
5
6
Cf Annexe C
Cf Annexe D
8
[8, p.197], sans pour autant se trouver dans un surinvestissement ou, au contraire, dans un
désinvestissement par rapport à la situation. Effectivement, il est important pour l’IDE de
rester humaniste dans sa relation à l’autre, tout en sachant se protéger affectivement.
D’après ses devoirs envers le patient (article R. 4312-25), l’IDE doit prodiguer les soins avec
la même conscience pour chaque patient, quelque soit la part d’affect qu’il investit7.
Toutefois, la communication reste un support indispensable à la relation avec autrui.
3.
La communication
Étymologiquement, le terme de communication vient de la langue latine « communicare »
qui signifie « mettre en commun ». La communication est une mise en commun
d'informations dans le but de faire passer un message pour créer une relation.
Le Petit Larousse définit la communication comme : « Action, fait de communiquer,
d'établir une relation avec autrui. Action de communiquer, de transmettre quelque chose à
quelqu'un ».
La communication est le fruit d'un échange entre un émetteur et un récepteur insérés
dans un contexte, un lieu, un instant donné et ayant tous deux leur histoire propre, leur vécu,
leur culture et leurs croyances. Il existe deux moyens de communication que l'Homme peut
utiliser lorsqu'il est en relation avec les autres : la communication verbale et non verbale. Ces
deux types de communication sont associés, complémentaires, et inséparables, nous avons
cependant choisi de les dissocier afin de chercher à élucider la problématique de notre
question de départ : lorsque la communication verbale est altérée chez un résident en fin de
vie.
3.1.
La communication verbale
La communication verbale est ce qui est exprimé par la parole, les mots, un ensemble de
mots organisé dans le but de faire passer un message, une idée, un ressenti, une émotion...
D'après Marc-Alain Deschamps : « On ne peut pas ne pas communiquer » [9, p.117]. Par
conséquent, l'Homme communique constamment.
Parler ne se réduit pas à regrouper des mots pour en faire des phrases. En effet, il
convient de porter une importance particulière lors de l'emploi de tel ou tel mot qui apportera
une signification spécifique en fonction des personnes. En tant que professionnel de santé,
7
Cf Annexe B ; paragraphe 5)
9
l'emploi d'un vocabulaire adapté au public concerné et l'utilisation de phrases courtes est
essentiel afin de permettre la bonne compréhension de l'information transmise. Notre langue
française contient un vocabulaire riche nous permettant de nuancer nos idées et donc de
transmettre un message précis qui traduit notre pensée, nos émotions d'un instant passé,
présent ou futur.
Pour qu'il y ait une communication entre deux interlocuteurs il faut que le récepteur du
message offre un retour sur ce qui a été dit/perçu, c'est ce qu'on appelle le feed-back. Le
feed-back peut être verbal et/ou non verbal [10, p.10]. Toutefois la communication ne se
limite pas à la communication verbale, elle est aussi non verbale.
3.2.
La communication non verbale
Commençons par définir ce type de communication : elle « est un échange sans mots.
Elle couvre un large spectre d'expressions corporelles et de comportements qui
transcendent, accompagnent et supportent les rapports verbaux entre les personnes, et
contribuent à leur signification. Sans être organisé en fonction d'un code précis, ce langage
est en lui-même, de manière intentionnelle ou non, porteur de sens. ». Il s'agit donc de
l'expression de messages transmis par des procédés autres que linguistiques, ce qui inclut
les gestes, les mimiques, le volume et la modulation de la voix, le débit du discours, de
même que divers sons et réactions émotives, tels les sanglots, les soupirs, les rires […] »
[11, pp 66-69]. En effet, chacun de nos détails, de nos gestes et postures, notre regard, notre
voix, notre code vestimentaire, notre parfum, notre maquillage entrent en considération dans
une relation plus particulièrement lorsque la communication verbale est altérée. Il faut savoir
que le non verbal représente 70% du message transmis.
Nous ne pouvons pas ne pas communiquer. Même lorsque la parole est condamnée, le
processus de communication est sauvegardé et les messages sont émis par un émetteur et
reçus par un récepteur. C'est ce qu'on appelle « le langage du corps ». Parfois elle peut être
plus révélatrice sur la véritable émotion qui nous habite ; par exemple lorsqu'on demande à
une personne si elle va bien et que cette personne nous répond « oui » avec un regard
fuyant, une voix chevrotante, nous allons évidemment savoir que la réponse est « non ». « Il
est impossible de ne pas communiquer. Le langage du corps parle pour nous, et même
lorsque nous ne voulons pas nous révéler, il nous trahit. » [11, p.24].
Différents sens entrent en ligne de compte comme l’ouïe, l'odorat, le regard, le toucher.
Le regard : D'après Georges Bernanos, écrivain français : « Ce que la voix peut cacher, le
regard le livre. ». Il est essentiel, il permet de considérer l'autre comme une personne à part
entière, invite l'autre à entrer en relation avec nous (le regard accompagné d'un sourire offre
10
d’emblée une porte d'entrée pour la mise en place d'une relation), permet de percevoir les
émotions, les ressentis de l'autre (le regard fuyant peut ainsi être signe de tristesse, de
désespoir, …). Dans le livre Putain de silence, un patient témoigne : « J'ai le souvenir
horrible d'un infirmier au regard absent qui me soignait comme on met de l'eau dans un vase
afin de prolonger la courte vie des fleurs... » [12, p.21].
Le toucher : Il fait partie du soin et peut être un moyen d'échange, de réconfort. « La main
soignante, ajustée par la compétence, est expression de la sensibilité émotionnelle et de
l’altruisme du soignant. » [13, p.9]. Lors du toucher il faut également veiller à obtenir le
consentement de l'autre puisqu'il peut être à la fois source de détente mais aussi source de
crispation, notamment lors de la toilette qui est un soin dans lequel l’intimité de la personne
est quelque fois partagée. Lorsqu'on parle de toucher, il est aussi important de souligner que
la température des mains influence également la perception du soin et peut être donc
interprétée différemment par le destinataire des soins [10].
L'ouïe : La perception des bruits, des sons, du timbre de voix des autres, de la tonalité de
leur voix, les accents influencent également la perception du message que l'on reçoit et donc
que l'on interprète. En tant que soignants, il nous semble essentiel de rappeler l'importance
de la tonalité de notre voix lorsque nous nous adressons aux patients, du rythme de nos
paroles pour contribuer à la bonne compréhension du message par le patient.
L'odorat : Notre parfum, l'odeur d'un endroit, d'un repas réveillent des souvenirs affectifs
puisqu'ils peuvent être en lien avec une personne, une situation, une naissance, les
vacances. L'odorat fait émerger des émotions, des sentiments. Cela permet de revivre un
moment, une ambiance, c'est un réel retour à des moments phares de notre vie.
Pour Jacques Salomé, la communication fait partie des six besoins fondamentaux de
l'Homme : « Besoin de se dire, besoin d'être entendu, besoin d'être reconnu, besoin d'être
valorisé, besoin d'intimité et besoin d'exercer une influence sur nos proches. », sans oublier
le besoin de communication intitulé « Capacité d'une personne à être comprise et
comprendre grâce à l'attitude, la parole, ou un code » faisant partie des quatorze besoins
fondamentaux de l'Homme définis par Virginia Henderson, infirmière américaine8.
4.
Les concepts en lien
Le résident est au centre de la prise en soin. Viennent ensuite les soignants ainsi que les
proches. Le but est la konomie, c’est-à-dire l'autonomie du résident dans la prise des
décisions le concernant, en accord avec son projet de vie. Or, la situation de fin de vie
8 HENDERSON, Virginia. Cette infirmière est à l'origine d'une théorie relative aux besoins des individus et aux
soins infirmiers (le modèle des quatorze besoins fondamentaux), publiée en 1960.
11
compromet la réalisation de cet objectif, par la perturbation de la communication et de la
relation soignant-résident. De cette situation peuvent résulter des difficultés et/ou une
souffrance chez le résident, chez ses proches, et chez les soignants ; un risque de perte de
dignité et de la notion de respect.
4.1.
L’autonomie, la konomie
La konomie est le fait d’être autonome dans ses prises de décisions, en étant en lien avec
l’extérieur et en connaissant et assumant les conséquences de ces décisions. En ce sens,
ce concept rejoint les droits inaliénables que sont l’autonomie humaine, le droit à
l’autodétermination et le droit au libre-arbitre [14, pp 10-16].
Primordiale dans le projet de vie du résident en EHPAD, la recherche de la konomie
consiste à maintenir le plus longtemps possible à la fois l’autonomie décisionnelle du
résident, et ses interactions avec l’entourage.
L’autonomie, au sens large, est une composante de la dignité humaine.
4.2.
La dignité
Le CNRTL définit la dignité comme un « sentiment de valeur intrinsèque d’une personne
ou d’une chose, et qui commande le respect d’autrui ». D’après le cours « Soins de confort
et de bien-être » de l’UE 4.1.S1, « la dignité est le soi en tant qu’être humain». La dignité est
la place dans la société, la reconnaissance d’un individu en tant que tel. C’est le respect du
soi, des valeurs, de l’être humain. Selon Paul Ricœur, philosophe, la dignité rappelle que
« quelque chose est dû à l’être humain du fait qu’il est humain », tandis que la loi de
bioéthique de 1994 détermine la dignité comme « principe à valeur constitutionnelle ».
C’est pourquoi préserver la dignité du résident passe inévitablement par la recherche de
la konomie. Toutefois, certaines questions se posent :
- Dans la relation soignant-résident, lorsque les difficultés de communication entravent
l’établissement de liens avec l’extérieur, comment le résident peut-il être totalement
autonome dans ses prises de décisions ? Comment peut-il décider sans avoir de consensus
avec son entourage ?
- Lorsqu’un patient fait confiance au soignant que nous sommes (« je vous fais confiance,
faites pour le mieux »), comment, dès lors, ne pas être tenté par la toute-puissance, de faire
et décider à la place du patient ?
12
- La fin de vie est une période de souffrance (physique, psychologique, familiale,
spirituelle…), dans laquelle la mort n’est jamais facile à nommer. Or, on ne peut la « cacher »
au résident.
La dignité se préserve par le respect de l’intimité et de la personne dans sa globalité.
4.3.
Le respect
Respecter quelqu’un, c’est avoir de la considération à son égard, c’est le reconnaître
vraiment comme porteur de la même dignité que soi [15]. Dans la relation entre l’IDE et le
patient, le respect se manifeste notamment par : - l’approche de l’IDE, considérant la
personne dans sa globalité et eu égard à sa pudeur et à son intimité ; - par son écoute ; - par
la façon dont le soignant répond aux besoins et attentes exprimés par la personne ; - par la
recherche du consentement aux soins ; - par une communication sincère et adaptée au
contexte de soins [16].
Le respect est essentiel à la relation de confiance qui s’établit entre l’IDE et la personne
soignée. Il relève de l’obligation déontologique [15].
4.4.
L’intimité
Le dictionnaire Larousse définit l’adjectif « intime » comme ce qui « constitue l’essence
d’un être, d’une chose […]. Qui est uniquement privé, personnel ».
D'après le cours de l'UE 4.1.S1 : « Soins de confort et bien-être », l’intimité est notre « soi
profond » et ce qui nous sépare de l’extérieur. Elle peut être dévoilée, mais cela dépendra de
la confiance en l'autre. Pénétrer cette intimité sans y avoir été invité représente un viol.
En EHPAD, relève de l’intime ce qui appartient au résident, et à lui seul. Ceci comprend
donc son corps, sa chambre, ses effets personnels, mais aussi ses sentiments et souvenirs,
ses émotions, ses propos, sa vie quotidienne.
De même que le soignant doit instaurer un lien de confiance et respecter l’intimité
physique du résident, il se doit alors de respecter ce que lui communique ce dernier.
Respecter l’expression du résident implique non seulement la considération du secret
professionnel, mais aussi celle du droit - fondamental - d’expression du résident.
13
5.
Législation
Le secret professionnel : À l’article R. 4312-4 du CSP relatif aux règles professionnelles
infirmières, il est précisé que « le secret professionnel s’impose à tout infirmier ou infirmière
[…] dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre non seulement ce qui lui a été
confié, mais aussi ce qu’il a vu, lu, entendu, constaté ou compris ».
Le Droit à l’information : L'article R. 4311-5 du CSP relatif aux actes professionnels
infirmiers mentionne que « dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier ou l'infirmière
accomplit [des actes] comprenant [l’information de la personne] et celle de son entourage ».
La loi du 4 mars 2002 permet à toute personne hospitalisée l'accès aux informations en
lien avec sa santé.
L’article L1111-2 du CSP, relatif aux principes généraux de l’information des usagers du
système de santé et expression de leur volonté, stipule que « toute personne a le droit d’être
informée sur son état de santé ». Ceci, dans le but de l’aider dans sa décision thérapeutique.
La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (dite Loi Léonetti)
précise cependant que, si la personne n’est plus en capacité de communiquer, l’information
doit être donnée à la personne de confiance.
Le consentement libre et éclairé : D’après l’article L.1111-4 du CSP, « aucun acte médical
ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la
personne ». Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, sauf urgence, aucune
intervention ne peut être réalisée, sans que la personne de confiance ou la famille, ou à
défaut, un de ses proches ait été consulté. De plus, toute limitation ou arrêt de traitement
mettant sa vie en danger nécessite une décision collégiale. Se pose tout de même la
question de savoir si, finalement, le consentement de la personne est totalement « libre »
alors même qu’elle se trouve dans une certaine position de dépendance vis-à-vis de l’équipe
soignante. Quant à son caractère « éclairé », la nécessité d’être le plus clair possible peut
parfois obliger le soignant à des simplifications ; de même que son propre désir peut influer
sur la façon dont il transmettra l’information et donc aussi sur la façon dont le résident la
percevra.
Les directives anticipées : La loi Léonetti permet à toute personne majeure de rédiger des
directives anticipées, qui sont des instructions écrites qu’elle donne par avance pour le cas
où elle serait dans l’incapacité d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées sont prises
en considération lorsqu’un arrêt ou une limitation d’un traitement inutile ou disproportionné,
ou l’arrêt de la prolongation artificielle de la vie, est envisagé.
Communication et éthique du soin : Nous avons constaté, dans la définition des concepts,
que le soin tel que nous le concevons (centré sur la personne humaine) ne peut exister sans
les notions de : respect, intimité, konomie et dignité.
14
L’article R. 4312-2 du CSP relatif aux règles professionnelles infirmières affirme que
« l’infirmier ou l’infirmière exerce sa profession dans le respect de la vie et de la personne
humaine. Il respecte la dignité et l’intimité du patient et de la famille. ». Pour reconnaître au
résident sa dignité, le soignant doit reconnaître que la personne fait le choix qui lui semble le
meilleur à un moment donné. Mais de nouveau, dans ce cadre éthique, se pose la question
de la communication : lorsque la personne est non-communicante verbalement, et pour peu
que sa conscience soit altérée, comment peut-on lui donner toutes les informations
nécessaires pour lui permettre d’effectuer ses choix, dignement et en toute konomie ?
II.
Méthodologie
Nous avons axé notre travail sur les personnes âgées en fin de vie en EHPAD car la
population française est vieillissante.
Nous avons mené deux entretiens semi-directifs, permettant une approche qualitative.
Quelques limites se posent à cette méthode d’entretien : l’absence de données chiffrées ;
l’objectif de publication du travail de recherche et l’enregistrement des entretiens ; la peur du
jugement de la personne interviewée.
Nous avons interviewé les professionnels suivants : une IDE travaillant au sein de l’équipe
mobile des soins palliatifs (IDE 1) et une IDE exerçant en EHPAD (IDE 2). Ces entretiens ont
ensuite été comparés et ont mis en évidence des différences et similitudes dans l’approche
relationnelle de la personne en fin de vie. Les entretiens ont été enregistrés, anonymés,
retranscrits et analysés.
Nous avons également interrogé différentes personnes ressources afin de compléter
notre travail (IDE, psychologues, médecin, ASH).
III.
Cadre pratique : analyse des résultats issus des entretiens
1.
La maladie
Lors des deux entretiens, la douleur semble être un élément clé de la prise en soin des
personnes en fin de vie. En effet, une personne douloureuse n'est pas en disposition
15
d'échanger et l'IDE 1* insiste sur le fait que notre priorité est donc de la soulager. L’IDE 2*
nous explique qu’il existe des échelles d’évaluation de la douleur pour les personnes NCV
(DOLO PLUS) mais l’utilisation et le résultat de cette évaluation dépend du soignant qui
l’emploie (« C’est aléatoire »). Il est donc difficile de bien gérer la douleur à travers une
évaluation qui est subjective. Un risque de mauvaise gestion de la douleur n’entraînerait-il
pas le risque de perte du lien de confiance résident-soignant, le risque de repli du résident, la
perte d’espoir ? De plus, la douleur peut parasiter la communication. Effectivement, un
patient douloureux ne sera pas en disposition d'échanger, comme le précise l'IDE 1.
D'autre part, l'IDE 1 fait le lien entre douleur et angoisse et pose la question de savoir si
l'angoisse va diminuer si l'on soulage la douleur. En théorie, l'angoisse est prédominante en
situation de fin de vie. On peut se demander si le fait de soulager la douleur suffirait à
diminuer cette angoisse ou bien la communication reste le pivot de cette prise en soin de fin
de vie. L’IDE 2 confirme le fait que la fin de vie est angoissante ; elle ajoute que même si le
résident est entouré, il est finalement seul dans cette ultime étape. Il paraît difficile pour le
soignant d’être dans une posture empathique, congruente et authentique puisqu’il n’a jamais
vécu cette étape en tant que telle.
Nous nous sommes alors demandé si ces situations de fin de vie n'étaient pas banalisées
du fait de leur fréquence d'apparition. En unité de soins palliatifs, ce n'est pas le cas. Il y a
seulement une approche qui s'affine de plus en plus. Cela confirme nos suppositions car il
s'agit du service spécialisé dans la prise en soin de ces patients en fin de vie. L’IDE 2 nie par
trois fois (« on ne peut pas ») la banalisation des fins de vie en EHPAD car le respect de la
dignité font partie de ses valeurs. Cela infirme notre idée de départ.
2.
La relation de soin
En termes de fréquence, l’IDE 2 dit ne pas être confrontée régulièrement à la fin de vie en
EHPAD. En revanche, l’IDE 1 était confrontée à la fin de vie de manière très fréquente voire
quotidienne lorsqu’elle travaillait dans le service conventionnel des soins palliatifs.
Pour les deux infirmières la situation de fin de vie en elle-même ne constitue un obstacle
ni à la relation soignant-soigné, ni à la rencontre et l'échange. L’IDE 2 ajoute qu’il s’agit d’une
continuité dans la relation qui a déjà été instaurée dès l’arrivée du résident dans l’institution.
En parallèle, l’IDE 2 déclare que le fait que le résident soit NCV n’est pas un obstacle à la
discussion avec lui, au contraire, le soignant parle davantage avec la personne NCV. Mais
cela ne se limite-t-il pas aux formules de politesse et à la description des soins prodigués ?
Peut-on réellement engager une conversation malgré tout ? Aussi, l’IDE 1 dit être davantage
attirée par les patients NCV. Cependant, d’après l’IDE 2, l’absence de communication
16
verbale fait que le soignant peut avoir beaucoup de mal à saisir les demandes du résident
NCV, amenant ce dernier à se replier sur lui-même. On peut se demander : est-ce vraiment
de l'incompréhension des soignants ou bien le fait qu'ils ne puissent pas mettre en œuvre
des moyens pour améliorer la compréhension de la personne soignée ? Par ailleurs, d’après
l’IDE 1, il faut être particulièrement vigilant dans ces situations puisqu’il peut survenir des
modifications comportementales dans la relation soignant-soigné. Les deux IDE soulignent
notamment l’importance d’observer les éventuels changements de comportement de la
personne soignée, d’autant plus dans les grandes structures où celui qui ne s’exprime pas
court le risque d’être « mis de côté ».
L’intervention de professionnels et les « petits moyens » issus du rôle propre infirmier (la
mission d’aidant) permettrait un meilleur accompagnement de la fin de vie. En effet, d’après
l’IDE 2, pour que la prise en soin du résident en fin de vie soit optimale, une collaboration
avec les médecins, psychologues et représentants du culte est indispensable, avec l’accord
du résident. L’association JALMALV* et l’EMSP* sont aussi des personnes ressources dans
l’accompagnement des résidents en fin de vie. D’après l’IDE 1, le travail en équipe lui paraît
aussi indispensable lors de situations complexes. Cette collaboration nécessite le partage
d’informations nécessaires, en échangeant entre professionnels. Elle parle de « regards
croisés » mais insiste sur notre responsabilité soignante (ne pas systématiquement se
référer à la psychologue), elle aborde alors rapidement la notion de rôle propre de l’IDE du
décret de 2004. Par ailleurs, elle souligne l'importance de toujours se questionner pour
améliorer sa pratique. En théorie, la relation à l'autre est humaine, donc complexe. Passer le
relais dans des situations qui nous mettent en difficulté émotionnellement n'est donc pas
preuve de faiblesse mais de professionnalisme. Mais pourtant, est-ce toujours facile ?
L'IDE 1 recontextualise l'unité de soins palliatifs comme un « lieu de grande fragilité, à la
fois chez le patient, qui est en train de tout perdre, et dans la bulle du soin », où il y a une
vraie prise de risque dans la distance relationnelle. D’après cette IDE, il y a donc « une
vigilance à avoir pour soi mais aussi pour ses collègues quand on sent que la prise en soin
est différente. ». Il faut accepter le fait que la « barrière professionnelle » soit parfois franchie
malgré notre vigilance. C'est pourquoi il est important d'être attentif à ce que nous dit
l'équipe. Toutefois, est-ce toujours évident d'être attentif aux patients, soi et l'équipe ? Pour
l’IDE 2, la principale source de difficulté reste l’attachement et la pratique de la juste distance
relationnelle : « c’est dur aussi pour nous parce que des fois, on est comme les familles ; on
se dit ‘‘pourvu qu’il parte vite’’ ». Il est donc aussi difficile pour le soignant d’être confronté à
la souffrance du résident en fin de vie. Ainsi, nous abordons ici le concept de « juste distance
relationnelle ». Cette notion semble poser problème à l'IDE 1. Pour elle, il ne s'agit plus du
« ni trop loin, ni trop près », comme elle est pourtant définie en théorie, mais d'un
réajustement constant. En théorie, la distance soignant-soigné s'ajuste effectivement en
17
fonction d'une situation, d'un moment, de la personne prise en soin ainsi que celle qui
prodigue les soins. Aussi, l'IDE 1 signale que trop de distance peut nous amener à nous
éloigner de la relation humaine. Est-il question d'expérience professionnelle ? Est-ce
personne-dépendant ? Certains vont préférer risquer de se priver de cette relation humaine
pour mieux se protéger. L’IDE 2, elle, ne semblait pas savoir ce qu’était la « bonne
distance » mais nous répond après réflexion. D’emblée, elle n’exprime pas de difficulté dans
la juste distance qu’elle pratique avec les résidents en fin de vie. Puis, elle nous confie
ensuite qu’il y a un « attachement naturel et humain » qui se crée mais qui n’empêche pas
de « rester professionnel ». Elle affirme l’importance d’être empathique tout en « gardant ses
limites » afin de rester « utile » dans l’accompagnement soignant. Par ailleurs, selon l’IDE 2,
le vécu d’une situation de fin de vie dépendrait : 1. de « l’état » du résident; 2. de l’histoire
personnelle du soignant, de ses préoccupations du moment ; 3. du moment de la journée, de
l’activité du service, de l’objectif de la rencontre du résident (le soin que l’on va lui
prodiguer) ; 4. de l’âge de l’IDE. En effet, d’après elle, plus on a de l’expérience
professionnelle, plus il serait facile d’appréhender les situations de fin de vie grâce aux
moyens pour y faire face, au recul, à l’analyse des situations vécues. Tout cela avec plus de
sérénité, même si elle est consciente du risque de projection (par rapport à ses parents). Au
contraire, selon l'IDE 1, l'âge du soignant n'influencerait pas la prise en soin relationnelle,
d'un patient en fin de vie, ce serait plutôt personne-dépendant. D'autre part, elle pense que
plus il y a de personnes qui gravitent autour du patient, avec des âges différents, des
approches différentes, mieux cela vaut. Cela voudrait-il tout de même signifier que, pour elle,
l'âge entraîne une approche spécifique ? Remarque : Adopter la bonne distance est plus
facile en EMSP pour l'IDE 1 puisqu'elle travaille avec les professionnels et peu au contact
des patients, contrairement à l’IDE 2 qui est au contact permanent des résidents (répète
« C’est un lieu de vie ici…» ; « On vit avec eux »).
Concernant les émotions du soignant, selon l’IDE 2, l’affect pourrait être à l’origine d’une
distance professionnelle inadaptée ; la bonne distance irait de paire avec le respect de la
personne soignée (le fait notamment qu’on ne puisse pas, éthiquement parlant, décider à la
place du résident NCV en fin de vie). L'IDE 1 se sent plus vulnérable dans la relation avec un
patient NCV. Cela est dû à la difficulté d’avoir un retour de la part du patient, au risque de lui
imposer les choses. Ses propos rejoignent la théorie : l'absence de feed-back dans la
communication perturbe la relation. La situation d’un résident NCV en fin de vie ne
susciterait pas de problème d’ordre affectif particulier chez l’IDE 2, hormis de la compassion,
si celle-ci connaît la cause de l’absence d’expression verbale chez le résident. Cette IDE
ajoute : « on n’y peut rien, donc on fait avec ». On peut se demander si elle agit de cette
manière par résilience, résignation, par respect ou par dépit. En tous les cas, l’IDE 2 met un
point d’honneur à poursuivre ses soins et la relation avec le résident comme avant qu’il ne
18
communique plus verbalement, avec respect. Ensuite, en ce qui concerne les émotions de la
personne soignée, pour qui la communication verbale est altérée, l'IDE 1 précise la prudence
que nous devons avoir pour rechercher les émotions et le ressenti qui habitent le patient.
Elle mentionne la difficulté de s'appuyer sur le non verbal pour avoir des informations sur le
patient, en lien avec la subjectivité de l'évaluation du soignant. La subjectivité n'est-elle pas
retrouvée également au sein de la communication verbale ? La subjectivité ne rentre-t-elle
pas systématiquement en ligne de compte dans l’évaluation faite par les soignants ?
Pour ce qui est de la famille, le soignant se doit aussi de trouver la juste distance
relationnelle (ne pas imposer sa présence au résident, ne pas se substituer à lui ni à la
famille). Pour les deux IDE, la famille et l’entourage sont des ressources, un véritable atout.
Ils transmettent leurs connaissances du résident, permettant ainsi aux soignants de répondre
de façon optimale aux habitudes et volontés du résident en fin de vie NCV : « Personne ne
connaît mieux le résident que l’entourage proche ! » (IDE 2). Même si la famille est une
ressource concrète dans la prise en soin, l’IDE 2 souligne l’importance du respect de la
volonté des proches à s’investir ou non dans les soins. Il est avantageux d’adapter la prise
en soin du patient en fonction de l’histoire et du souhait de la famille. Il serait préférable
cependant de faire attention à ne pas être dans le « tout ou rien » dans la façon d’intégrer la
famille aux soins, ce qui demande une grande finesse d'analyse, selon l'IDE 1.
La relation établie avec le résident (lien de confiance), avant qu’il ne soit en fin de vie et
NCV, est capitale dans ce qui fera la relation résident-soignant par la suite. Le résident qui
est NCV dès son arrivée, n’a pas directement ce lien de confiance avec le soignant, ce qui,
ajouté à sa difficulté de s’exprimer verbalement, engendre un problème pour créer la relation.
De plus, cela pose problème car selon l’IDE 2 « pour bien communiquer », il faut « déjà une
relation de confiance entre le résident et le soignant ». Relation et communication sont donc
« indissociables » (ces propos rejoignent la théorie).
3.
La communication
Pour l’IDE 2, la communication implique d’« être deux ». Elle pense que c’est un
« échange d’informations, transmettre des choses, pouvoir exprimer ce qu’on ressent. ».
Communiquer est, pour elle, synonyme de « vie sociale », de « relation à l’autre ». En plus
de la communication « au niveau de la parole », il y a la communication par les sens.
Comme l’IDE 2 associe la communication verbale à la vie sociale, on pourrait penser que si
la personne ne peut plus s’exprimer verbalement, alors elle perd cette possibilité d’exprimer
son ressenti et d’avoir une vie sociale ? Communiquer, pour l'IDE 1, c'est « aller à la
rencontre de l'autre, c'est trouver un moyen pratique, technique de pouvoir échanger ». Elle
19
précise qu'elle s'associe pour la plupart du temps avec la relation, dans « un but de rendre la
communication efficiente. ». Les deux IDE ont donc une idée similaire concernant le fait que
la communication soit une relation, une rencontre de l'autre.
Selon l'IDE 1, communication verbale et non verbale s'associent en permanence. L’IDE 2
affirme également qu'elles sont indissociables et ajoute qu’elles sont complémentaires. Nous
pensons qu'effectivement, la communication verbale s'accompagne du non-verbal, mais que
l'inverse n'est pas toujours vrai.
L'IDE 1 met l'accent sur l'intention de respecter la prise en soin du patient NCV dans sa
globalité mais avoue que « cela reste imparfait dans la réalité ». Comment peut-on, malgré
l'intention, prendre en soin globalement un patient NCV, alors que nous avons appris en
théorie que pour cela, tous les besoins fondamentaux devaient être respectés ?
La communication non verbale prend plus de temps que la communication verbale, ce qui
fait que la relation avec le résident NCV engendre une contrainte « temps » pour le soignant.
Les contraintes organisationnelles semblent être un obstacle au plein investissement de la
communication non verbale pour l’IDE 2 : « il faut se donner des priorités ». Par ailleurs, elle
semble considérer que le non-verbal ne s’adresse qu’à un nombre restreint de résidents, ce
qui est en contradiction avec la théorie qui voudrait que le message non-verbal compte pour
70% du message transmis.
D’après cette même IDE, l’expression non verbale du résident NCV reste un moyen
« approximatif » pour que le soignant le comprenne. Cependant, la communication non
verbale reste une façon de transmettre de l’information aux personnes qui l’entourent. De
plus, la connaissance précise du résident pour le soignant en EHPAD rend la communication
non verbale plus facile à comprendre, non sans difficultés. L’inconvénient de la relation avec
un résident NCV serait donc que le soignant ne le comprenne pas toujours et le regrette. En
effet, l’IDE 2 précise qu’elle n’a pas toujours le sentiment de comprendre le résident dans sa
demande, dans son ressenti : « Malheureusement ! Non, pas toujours. ». Plutôt dans une
idée contraire, l’IDE 1 considère que la communication non verbale peut être suffisante mais
qu’il faut toujours se demander comment améliorer notre pratique.
Aucune des deux IDE n'identifie de sujet à ne pas aborder avec la personne en fin de vie
(pas de sujet tabou). Leurs précisions sur cela éclairent des points différents. L'IDE 1 ajoute
qu’il faut se référer à l’équipe soignante pour pouvoir aborder ou non un sujet avec un tel
patient. L'IDE 2, quant à elle, pointe néanmoins du doigt la nécessité d’être en phase avec le
résident et sa famille. C'est-à-dire qu’il faut adopter une approche qui fait preuve de tact, en
fonction de ce qu’aurait envie d’entendre le résident ou sa famille (concordance et
congruence), tout en considérant la phase de deuil dans laquelle il se situe. L’IDE 2 souligne
alors l’importance du choix des mots et de l’intonation de voix, de progresser au rythme du
résident en fin de vie et d’avoir une certaine humilité. L’IDE 2 ne parle pas de la difficulté que
20
pose l’absence de retour verbal, alors que cela peut entraîner une lassitude, une frustration
ou une souffrance chez le soignant.
L'IDE 1 pense « que l'on peut toujours communiquer mais qu'il faut s'en donner les
moyens ». Elle nous cite des outils et des moyens pour pallier ce manque de communication
verbale : les pictogrammes9, ordinateur à contrôle visuel, langage des signes pour les sourds
et muets, bilan de rééducation pour un patient qui ne peut plus cligner des yeux.
L'IDE 1 précise que ce n'est pas uniquement en parlant au patient que l'on est dans la
communication, mais c'est aussi dans l'approche du soin et par les soins, ce qui demande
une « vraie disponibilité ». Effectivement, la théorie nous expose le fait qu'une simple
présence peut suffire dans certaines situations. On suppose que l'IDE 1 ne parle pas de
disponibilité « temporelle », mais de disponibilité relationnelle et psychique. L'IDE 2 est
d'accord pour dire qu'il est toujours possible de communiquer.
L’IDE 2 souligne l’importance d’employer un vocabulaire simple et des phrases courtes
dans la manière de s’adresser au résident en fin de vie NCV. En effet, ce résident ne serait
pas en mesure d’entendre des phrases trop complexes du fait, certainement, de son état de
santé (asthénie). Attention, cependant, au filtre que peut représenter le désir ou les craintes
du soignant dans ce qui est évoqué.
L'IDE 1 met l'accent sur « le mot juste » qui permet de moins se perdre dans la
communication. Mais qu'entend-elle par « mot juste » ? Pourtant, d’après l’IDE 2, l’utilisation
de la parole chez le soignant ne semble pas être toujours le meilleur moyen pour aider/inciter
le résident NCV à exprimer ses émotions. Au contraire, utiliser les sens via la radio/musique,
les odeurs, le toucher, ou encore la présence silencieuse… semble favoriser davantage
l’expression des émotions chez le résident en fin de vie. Le soignant reste dans le doute
lorsqu’il s’adresse au résident, ne sachant pas si ce dernier souhaite l’entendre ou rester
seul. Il est nécessaire de faire preuve d’empathie.
En effet, d’après l’IDE 2, ce qui peut faire difficulté serait le fait qu’on ne sache pas si nos
initiatives soignantes (comme le toucher, le massage) sont appréciées par le résident NCV,
étant donné qu’il n’y a pas toujours de retour non-verbal. Il faut donc toujours rester dans le
respect en l’absence de signes de satisfaction/insatisfaction. Le rôle infirmier consiste alors à
se poser continuellement les questions : Est-ce que ce que je fais est bien pour le résident ?
Est-ce que le résident apprécie ce que je lui propose ? Il reste donc toujours un moyen de
communiquer via le langage non-verbal mais cette pratique reste compliquée, restreinte et
nécessite une bonne capacité d’observation du soignant.
Depuis l'agrandissement de l'unité de soins palliatifs et la création de nouveaux postes,
l'IDE 1 trouve que les moyens humains sont suffisants pour prendre en charge tout ce qui fait
9
Cf Annexe E
21
la complexité de la fin de vie. Elle compare avec les autres services où, d'après elle, le peu
de moyens « entrave la relation au patient » et constitue un réel danger. Parle-t-elle toujours
des moyens humains ? Quelle est alors la différence avec les autres services ? Y-a-t-il moins
de postes ?
Malgré les différents outils existants pour favoriser l’échange avec le résident NCV, la
communication non verbale employée par le résident reste limitée, elle n’est donc pas
suffisante, notamment pour exprimer la nuance du propos.
Se pose alors la question de savoir si des formations existent concernant la
communication. L’IDE 2 a reçu des formations à la communication non verbale mais peutêtre de manière insuffisante puisqu’elle dit en avoir eu « un petit peu », et est restée
hésitante à ce sujet et peu expansive. Sur ce point, l'IDE 1 ne peut pas nous répondre et se
demande pourquoi elle ne s'est jamais formée malgré son intérêt. Cela nous amène à nous
poser la question : est-ce que ce manque d'information sur les formations existantes ne se
fait pas au détriment de la prise en soin du patient ?
4.
Les concepts en lien
La konomie : L’IDE 2 évoque les facteurs de difficultés que sont : le syndrome dépressif,
les dissensions familiales, et la mise en œuvre par le soignant, de mécanismes de défenses
nuisant à la relation soignant-résident (ex. : la projection). En parallèle, elle mentionne aussi
les facteurs facilitant la konomie : le soutien psychologique au résident, l’intégration des
proches dans la prise en soin, le souci de questionnement et de la vigilance du soignant sur
sa pratique quotidienne ainsi que celles des autres soignants.
La dignité : Selon l’IDE 2 « chaque fin de vie est différente » et le résident doit être
considéré dans toute sa dignité. Elle répète par trois fois « on ne peut pas » banaliser la fin
de vie. On peut penser que cette soignante rejette la banalisation car le respect de la dignité
humaine fait réellement partie de ses valeurs professionnelles. L’IDE 2 précise que le
résident peut être victime d’un syndrome dépressif, probablement dû au vécu de la fin de sa
vie ; il se replie sur lui-même et « n’a plus l’impression d’exister, en tant que personne ».
Ceci montre l’ampleur du risque de perte de dignité dans le contexte de la fin de vie.
Le respect : En ce qui concerne le respect du résident, l’IDE 2 précise qu’il s’agit là d’un
objectif soignant qu’elle applique en toute circonstance (respect de la personne, de la
pudeur…), et que l’absence d’échange verbal ne l’éloigne nullement du résident et des
valeurs qui lui incombent. En témoigne son questionnement sur l’adéquation des soins
prodigués et des actions soignantes, aux souhaits réels du patient. Selon elle, cette question
22
se pose de façon d’autant plus aiguë que la fin de vie est un moment crucial de l’existence
durant lequel les dernières volontés de la personne méritent d’être respectées.
Nonobstant, le problème persiste : lorsque le résident en fin de vie est NCV, le soignant a
des difficultés pour recueillir ses volontés. En revanche, l'IDE 1 suppose que l'absence
d'échange verbal pourrait éventuellement nous éloigner du patient et de ses droits (au
respect, à la dignité, à l’authenticité, à l'information…). Cela dépend de tout un chacun, si le
soignant essaie de faire toujours au mieux pour un patient et se préoccupe de savoir
comment il se sent. On se pose quand même la question de comment connaître le ressenti
du patient alors que la subjectivité du soignant entre en considération ?
L’intimité : Les derniers instants de la vie sont marqués par le besoin (du résident et de sa
famille) de se confier. L’IDE 2 soulève la question de la pertinence des chambres doubles
pour les personnes en fin de vie. Est-il éthiquement acceptable de créer une « chambre des
fins de vie » ? Si oui, à partir de quel moment décrète-t-on que la personne en fin de vie doit
intégrer ce lieu ? A ce propos, nous pouvons, par exemple, envisager une organisation qui
mette à disposition des chambres individuelles en fonction des sorties et autres mouvements
de résidents, de façon à ne pas avoir à aménager une chambre spéciale.
5.
Législation
La Charte des droits du mourant/des soins palliatifs est méconnue par l'IDE 2 et elle
n'identifie pas comme telle l’application de la loi Leonetti. Elle parle de mise en place de
« staff » lorsque le résident n'est pas en capacité de prendre de décisions pour lui-même ;
ceci confirme notre approche théorique sur la notion d'éthique dans les soins. De plus,
l'IDE 1 nous apprend qu'il y a une « formation en cours depuis plusieurs années pour former,
motiver et déclencher la procédure collégiale au sein de certains services du CHU* ».
Les directives anticipées signées, écrites et datant de moins de 3 ans, ont une valeur de
témoignage. C'est-à-dire qu'elles vont rentrer en compte dans la réflexion éthique et dans les
décisions qui en découleront, donc l'IDE 1 pense qu'elles restent valides chez un patient
NCV. La place de la personne de confiance est aussi intéressante car elle peut témoigner de
l'état d'esprit du patient au moment de la rédaction des directives anticipées, faire part de
ses observations. Mais comment être certain que la personne n'a pas changé d'avis ?
Quand elle a formalisé ses directives, elle n'a pu que se projeter dans sa fin de vie, mais
peut-être qu'elle ne la vit pas comme elle a pu se l'imaginer. L’IDE 2 reste dans une sorte de
« statu quo » car si le résident en fin de vie NCV a changé d’avis, il reste compliqué voire
impossible d’en prendre connaissance. L’IDE 2 évoque la nécessité d’informer le résident et
sa famille dès son entrée.
23
L'analyse de la pratique, ainsi que sa confrontation avec la théorie a mis en lumière
certains éléments, nous amenant à élaborer une problématique :
En EHPAD, agir sur les conditions de travail, développer le questionnement
professionnel à travers les formations, revenir sur la pratique et le ressenti de chacun
en interprofessionnalité, permettraient aux soignants de mieux gérer leurs émotions,
de trouver plus facilement la « juste distance » et de prendre conscience de l'influence
de leur subjectivité dans la prise en soin globale du résident en fin de vie, atteint d'une
maladie chronique invalidante, non-communicant verbalement.
24
CONCLUSION
25
Ce travail n'est qu'une initiation à la recherche en soins infirmiers sur notre sujet. En effet,
il reste beaucoup de points à approfondir et éclaircir, à l'aide par exemple, d'une exploration
quantitative ; interviewer davantage de professionnels permettrait de se faire une idée
encore plus précise des difficultés et ressources présentes sur le terrain. Force est de
constater que la théorie et la pratique ne se rejoignent pas toujours, ce qui peut s'expliquer
par la singularité de chacun et sa complexité en tant qu'être humain à part entière.
Néanmoins, le patient NCV reste un être humain qui a sa dignité et, même si elle limite la
relation, la communication non verbale reste une mine d'or pour communiquer avec lui.
26
BIBLIOGRAPHIE
27
[1] : Ministère de la santé et des solidarités. Présentation du Plan sur l'amélioration de la
qualité de vie des patients atteints de maladies chroniques. Plan présenté par Philippe BAS,
Ministre de la Santé et des Solidarités, 24 avril 2007. [en ligne]. Disponible sur :
http://www.sante.gouv.fr/texte-fondateur.html. (Consulté le 13/04/14).
[2] : CHEVALIER Josyane., ALRIC Jérôme., PASCAL Chantal. Les soins palliatifs : Concepts
de base. MID Soins palliatifs Item 69 : Concepts de soins palliatifs. Faculté de MontpellierNîmes, janvier 2007. [en ligne]. Disponible sur : http://www.med.univmontp1.fr/enseignement/cycle_2/MID/Ressources_locales/Spal/MID_Spal_Item_691a_Soins_palliatifs_concepts.pdf. (Consulté le 13/04/2014).
[3] : Docteur SCHNEIDER. Soins palliatifs (UE 4.7.S5 : « Soins palliatifs et fin de vie »),
cours du 09/12/2013, IFPS de Besançon.
[4] : NISENBAUM Nathalie. Soins palliatifs, Formation ONCO 93-7/10/2009, Réseau Arc En
Ciel. [en ligne]. Disponible sur :
http://www.reseauarcenciel.org/images/stories/evenements/oncologie_93_octobre09.pdf.
(Consulté le 13/04/2014).
[5] : POTIER Marguerite. Dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers : Dictionnaire à
l’usage des étudiants et professionnels infirmiers. Rueil-Malmaison : Lamarre, 2002, 363p.
[6] : ANDREY-PROST Stéphanie. Les concepts en soins relationnels (UE 4.2.S2 : « Soins
relationnels »), cours du 19/04/2012, IFPS de Besançon.
[7] : PRAYEZ Pascal. Julie ou l’aventure de la juste distance : Une soignante en formation.
Rueil-Malmaison : Editions Lamarre, 2005, 235p.
[8] : LE GOFF Claire Bernard. L’accueil au bloc opératoire, donner du sens aux soins. Inter
bloc, septembre 2006, volume 25, n°3 : pp 195-198.
[9] : DESCAMPS Marc-Alain. Le langage du corps et la communication corporelle. Paris :
Presses universitaires de France, 1989, 242p.
[10] : RENY Pascale. Savoir communiquer pour mieux aider : la communication aidante en
soins infirmiers dans le domaine de la santé et des services sociaux. Montréal : Pearson,
2012, 214p.
28
[11] : PHANEUF Margot. Communication, entretien, relation d'aide et validation. Montréal :
Chenelière éducation, 2002, 634p.
[12] : VIGAND Philippe, VIGAND Stéphane. Putain de silence. Paris : A. Carrière, 1997,
219p.
[13] : DEYMIER Valérie. Soins palliatifs en équipe : le rôle infirmier. Rueil-Malmaison : Institut
UPSA de la douleur, 2006, 204p.
[14] : DE BROCA Alain, LE MOING Anne-Gaëlle, DEBON Sophie, PERET Virginie, ROMEO
Bernard. Explicitation de deux caractéristiques fondamentales des soins palliatifs. La
diachronie et la konomie. Médecine Palliative : Soins de Support – Accompagnement –
Éthique, février 2012, volume 11, issue 1 : pp 10-16.
[15] : SNPI. Syndicat National des Professionnels Infirmiers. Ethique clinique, relation
soignant-soigné. Le respect dans la relation soignant-soigné. 23 janvier 2011. [en ligne].
Disponible sur : http://www.syndicat-infirmier.com/Le-respect-dans-la-relation.html. (Consulté
le 11/04/2014).
[16] : JEHANE R., MAURY S., SALIVE S., et al. Le respect du patient. Journée qualité des
HUG, 2003. [en ligne]. Disponible sur : http://qualite.hugge.ch/_library/pdf/Prix_Qualite_2003.pdf. (Consulté le 26/04/2014).
Photographie de la première de couverture : Observatoire National de la Fin de Vie. Fin de
vie en EHPAD : deux études pour un enjeu majeur [en ligne]. Disponible sur :
https://sites.google.com/site/observatoirenationalfindevie//publications/enquetes-en-cours/finde-vie-en-ehpad-deux-etudes-pour-un-enjeu-majeur. (Consulté le 21/05/2014).
29
ANNEXES
30
A – Soins curatifs – Soins palliatifs
Source :
http://www.med.univ-montp1.fr/enseignement/cycle_2/MID/Ressources_locales/
Spal/MID_Spal_Item_69-1a_Soins_palliatifs_concepts.pdf
31
B – Législation
1) L’IDE est défini dans le Code de la Santé Publique, dans son article L. 4311-1, de la
façon suivante : « Est considérée comme exerçant la profession d’infirmière ou d’infirmier toute personne qui donne habituellement des soins infirmiers sur prescription ou
conseil médical, ou en application du rôle propre qui lui est dévolu. L’infirmière ou l’infirmier participe à différentes actions, notamment en matière de prévention, d’éducation de la santé et de formation ou d’encadrement. ».
2) Dans le décret 2004-802 du 29/07/2004 relatif à la profession d'infirmier, l’article R.
4311-2 précise que « les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent
qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant
compte de l'évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique,
psychologique, économique, sociale et culturelle : 5° De participer à la prévention, à
l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs,
et d’accompagner, en tant que de besoin, leur entourage.».
3) L’article R. 4311-5 du Code de la Santé Publique spécifie que : « Dans le cadre de
son rôle propre, l’infirmier ou l’infirmière accomplit les actes ou dispense les soins
suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage : 41° Aide et soutien psychologique ; 42° Observation et surveillance des
troubles du comportement. ».
4) Les règles professionnelles (Devoirs généraux) du Code de la Santé Publique, dans
l’article R. 4312-2, prévoient que : « L’infirmière ou l’infirmier exerce sa profession
dans le respect de la vie et de la personne humaine. Il respecte la dignité et l’intimité du patient et de la famille. ».
5) Dans le Code de la Santé Publique, devoirs de l’IDE envers les patients, article R.
4312-25, il est précisé que : «L’infirmier ou l’infirmière doit dispenser ses soins à toute
personne avec la même conscience quels que soient les sentiments qu’il peut éprouver à son égard […] ».
32
C – La Charte des droits des personnes âgées
L'enjeu de cette charte, élaborée en 1999, est de faire reconnaître la personne âgée
dépendante comme un sujet de droit. Voici les principaux points de ce texte :
- Choix de vie : toute personne âgée dépendante garde la liberté de choisir son mode de vie.
- Domicile et environnement : le lieu de vie de la personne âgée dépendante, domicile
personnel ou établissement, doit être choisi par elle et adapté à ses besoins.
- Une vie sociale malgré les handicaps : toute personne âgée dépendante doit conserver la
liberté de communiquer, de se déplacer et de participer à la vie de la société.
- Présence et rôle des proches : le maintien des relations familiales et des réseaux amicaux
est indispensable aux personnes âgées dépendantes.
- Patrimoine et revenus : toute personne âgée dépendante doit pouvoir garder la maîtrise de
son patrimoine et de ses revenus disponibles.
- Valorisation de l'activité : toute personne âgée dépendante doit être encouragée à
conserver des activités.
- Liberté de conscience et pratique religieuse : toute personne âgée dépendante doit pouvoir
participer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.
- Préserver l'autonomie et prévenir : la prévention de la dépendance est une nécessité pour
l'individu qui vieillit.
- Droit aux soins : toute personne âgée dépendante doit avoir, comme toute autre, accès aux
soins qui lui sont utiles.
- Qualification des intervenants : les soins que requiert une personne âgée dépendante
doivent être dispensés par des intervenants formés, en nombre suffisant.
- Respect de la fin de vie : soins et assistance doivent être procurés à la personne âgée en
fin de vie et à sa famille.
- La recherche, une priorité et un devoir : la recherche multidisciplinaire sur le vieillissement
et la dépendance est une priorité.
- Exercice des droits et protection juridique de la personne : toute personne en situation de
dépendance doit voir protégés non seulement ses biens mais aussi sa personne.
- L'information, meilleur moyen de lutte contre l'exclusion : l'ensemble de la population doit
être informé des difficultés qu'éprouvent les personnes âgées dépendantes.
Source :
http://www.maisons-de-retraite.fr/Ehpad/La-vie-en-etablissement/Les-droits-des-
residents/La-charte-des-droits-des-personnes-agees2
33
D – La Charte des soins palliatifs en EHPAD
•
J’ai le droit d’être traité comme un être humain jusqu’à ma mort.
•
J’ai le droit de garder espoir même si les raisons de mon espoir varient.
•
J’ai le droit d’exprimer mes sentiments et mes émotions à ma manière, concernant
l’approche de la mort.
•
J’ai le droit de participer aux décisions à prendre concernant les soins à me donner.
•
J’ai le droit de recevoir l’attention de l’équipe médicale, même s’il devient évident que
je ne guérirai pas.
•
J’ai le droit de ne pas mourir seul.
•
J’ai le droit de ne pas avoir mal.
•
J’ai le droit d’obtenir une réponse honnête à mes questions.
•
J’ai le droit de ne pas être trompé.
•
J’ai le droit d’obtenir de l’aide venant de ma famille, afin de pouvoir accepter ma mort,
et ma famille a le droit de recevoir de l’aide afin de mieux pouvoir accepter ma mort.
•
J’ai le droit de mourir dans la paix et la dignité.
•
J’ai le droit de conserver mon individualité et de ne pas être jugé si mes décisions
vont à l’encontre des croyances de ceux qui me soignent.
•
J’ai le droit de discuter et de partager mes expériences religieuses et spirituelles,
même si elles sont différentes de celles des autres.
•
J’ai le droit d’attendre qu’on respecte mon corps après ma mort.
•
J’ai le droit d’être soigné par des gens capables de compassion et de sensibilité,
compétents dans leur profession, qui s’efforceront de comprendre mes besoins et qui
sauront trouver de la satisfaction pour eux-mêmes dans le support qu’ils
m’apporteront alors que je serai confronté à la mort.
Source : http://www.soignantenehpad.fr/pages/chartes/charte-des-soins-palliatifs.html
34
E – Pictogrammes utilisés en service de soins palliatifs
35
36
37
Source : documents transmis par l’ASH d’un service de soins palliatifs
Abstracts
Le résident non communicant verbalement en fin de vie :
Quelle relation de soins avec l'IDE en EHPAD ?
Les progrès médicaux prolongeant l’espérance de vie, la population est vieillissante, et les
situations de fin de vie sont ainsi parfois complexes. En effet, la communication peut s'altérer
en raison de la progression de la pathologie en fin de vie, ce qui rend difficile la relation
soignant-soigné. Lors de stages en EHPAD, nous avons rencontré cette problématique, nous
amenant à nous interroger sur les obstacles dans la relation avec un résident en fin de vie
atteint d'une maladie chronique invalidante, n'arrivant plus à communiquer verbalement.
Nous avons : lu des ouvrages et articles sur ce sujet, interrogé plusieurs professionnels
de santé (surtout des IDE), analyser les entretiens, puis confronté la pratique à la théorie.
Il en ressort qu’en l'absence de communication verbale, certaines IDE se questionnent sur
la juste distance, le respect des volontés du résident et la qualité de sa prise en soins.
En conclusion, lorsque la communication verbale est altérée, il est important de toujours
réévaluer notre approche, notre distance relationnelle avec la personne, pour une prise en
soin optimale et respectueuse du résident, et pour l’amélioration de notre pratique infirmière.
Taking care of verbally non-communicating residents in old people’s home
There are more and more elderly people, and population’s ageing is accompanied by
many communication and emotional problems. Indeed, some illnesses impair the
communication link between the nursing staff and the residents. Each of us has already
experienced at least once this situation, especially during our internships. That led us to
wonder about what makes difficulties in the relation with a verbally non-communicating
resident suffering from chronic illness.
Our method consisted in reading books and articles dealing with our subject, interrogating
nurses and other carers, and then comparing theory to practice.
As a result, we stated the fact that when verbal communication becomes impossible,
some nurses question themselves about the appropriate distance in the relation, the respect
of resident’s wishes, and the quality of her cares.
As a conclusion, when verbal communication is impaired, the most important thing to do is
to revaluate our approach and our distance in the relation toward the person, so as to
optimise our cares, to respect the resident and to improve our nursing practice. Even if the
resident is not able to talk anymore, non-verbal communication is still a goldmine !
Mots clés : Aphasie - Communication - Difficultés - EHPAD - Famille - Fin de vie Maladie - Maladie chronique invalidante - Phase terminale - Relation - Résident - Ressenti Soignant - Soins palliatifs
Téléchargement