Institut de Formation de Professions de Santé Formation infirmière 44 Chemin du Sanatorium 25000 Besançon Cedex LA FIN DE VIE EN REANIMATION UN VERITABLE CHALLENGE UE 3.4.S6 Initiation à la démarche de recherche UE 5.6.S6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles UE 6.2 S6 Anglais – Rédaction de l’abstract du travail de fin d’étude Présenté par : Emmanuelle GIMENEZ, Pauline RHONE, Charlotte ROGER, Delphine MULIN Promotion : 2012/2015 Formateur de guidance : ERIC DURAND « Ne te sers pas de la technologie comme d’un substitut à la chaleur humaine. » Doc Childre and Bruce Crye REMERCIEMMENTS Nous remercions notre formateur de guidance, Eric DURAND pour son aide précieuse tout au long de ce travail de fin d’étude. Nous remercions également les infirmières de réanimation qui ont consacré leur temps à nous recevoir lors des différents entretiens. Nous remercions les cadres de santé des services de réanimation qui nous ont accueillis, et qui ont permis l’organisation de la rencontre avec des professionnels expérimentés. Nous remercions nos familles, nos proches et nos amis, qui ont été une aide importante et un soutien tout au long de notre travail. LISTE DES ACRONYMES IDE : Infirmière Diplômée d’Etat SRLF : Société de Réanimation de Langue Française CSP : Code de la Santé Publique HAS : Haute Autorité de Santé EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes HCSP : Haut Comité de Santé Publique ANAES : Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé SOMMAIRE I- INTRODUCTION ............................................................................................................ 1 1. Contexte en réanimation........................................................................................... 1 2. Situation d’appel. ...................................................................................................... 3 II- METHODOLOGIE .......................................................................................................... 4 III- CONCEPT DE MORT ATTENDUE ............................................................................. 5 1. Définition de la Mort. ................................................................................................. 5 2. Evolution des représentations de la mort par l’homme au fil des siècles. ........... 5 3. La mort dans le milieu des soins. ............................................................................ 6 a) Généralités. ............................................................................................................. 7 b) La naissance des soins palliatifs. ............................................................................. 7 c) Gestion émotionnelle des soignants face à la fin de vie. .......................................... 8 4. La mort attendue. ...................................................................................................... 9 a) Définition. ................................................................................................................ 9 b) La mort attendue en réanimation. ............................................................................ 9 CONCEPT D’ACCOMPAGNEMENT ........................................................................ 11 IV1. Définition de la notion d’accompagnement........................................................... 11 2. L’accompagnement en fin de vie. .......................................................................... 11 a) Généralités. ........................................................................................................... 11 b) Spécificité de l’accompagnement en fin de vie en réanimation. ............................. 13 V- ETHIQUE EN REANIMATION .................................................................................. 15 1. Définition de la notion d’éthique. ........................................................................... 15 2. Cadre éthique en Réanimation. .............................................................................. 16 3. La loi Léonetti. ......................................................................................................... 16 a) Cadre législatif. ...................................................................................................... 17 b) La Procédure Collégiale......................................................................................... 17 c) Décision de Limitation Thérapeutique. ................................................................... 19 VI- CONCLUSION .......................................................................................................... 20 VII- PROBLEMATISATION ............................................................................................. 21 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................ 22 ANNEXES ........................................................................................................................... 26 1 I- INTRODUCTION 1. Contexte en réanimation. La réanimation est une discipline qui, selon le bulletin officiel n°2003-45 de 2011, vise à prendre en charge des patients présentant ou susceptibles de présenter plusieurs défaillances viscérales, aigües, circulatoires, rénales et respiratoires mettant en jeu leur pronostic vital. L’objectif en réanimation, est de stabiliser les défaillances qui engagent un pronostic vital afin de permettre aux patients d’un point de vue hémodynamique d’être transférés en unité de surveillance continue ou en service de soins intensifs. En France la durée moyenne de séjour en service de réanimation est de sept jours, la moyenne d’âge de la population accueillie est inférieure à soixante-neuf ans dans 70% des cas, et le taux de mortalité est d’environ 23%. L’organisation d’un service de réanimation comporte des spécificités. En effet, tout service de réanimation en France a un accès limité, chacun d’eux est composé d’une zone « filtre » à l’entrée qui permet de contrôler l’accès aux personnes extérieures et donc d’assurer le bon fonctionnement du service, en évitant toutes perturbations pouvant altérer la qualité des soins. Par ailleurs, la législation française définit le nombre de soignants par patient, il est de deux infirmières pour cinq patients et d’une aide-soignante pour quatre patients. Une permanence médicale et paramédicale est nécessaire 24h/24h. Les équipes de réanimation sont composées de nombreux membres dont les médecins qui sont spécialisés dans ce domaine, il s’agit de médecins anesthésistes réanimateurs. Chaque service de réanimation a sa propre culture, néanmoins leur objectif est le même. Dans le domaine de la réanimation, les équipes soignantes se trouvent régulièrement en difficultés du fait des prises en charge complexes, du choix des stratégies thérapeutiques et du questionnement éthique important qui leur est imposé depuis 2005 avec la loi Léonetti. En effet, l’éthique est de plus en plus présente dans les soins aujourd’hui, pourtant en service de réanimation il semble encore difficile de conjuguer éthique et pratique. Il semble que les soignants travaillent dans une dynamique basée sur la confiance et la solidarité au sein même de leur équipe, et semble ne pas vouloir faire appel à une aide extérieure lorsqu’ils sont en difficultés. D’après Nancy Kentish Barnes, sociologue et auteur de « Mourir à l’heure du médecin » : «les réanimateurs aiment entretenir un certain isolement et une indépendance qui encourage des rapports forts au sein du service, « on est dans un système où l’on fonctionne sur la confiance mutuelle». La réflexion éthique institutionnalisée 2 et formelle semble trop éloignée de la pratique et les réanimateurs préfèrent se replier sur eux-mêmes afin de prendre une décision jugée plus adaptée, au risque de s’engager dans un processus complexe à la fois sur le plan professionnel et personnel». [1] Dans un service comme la réanimation, où les soignants ont pour but de sauver des vies, la mort est parfois vécue comme un échec. En effet, fréquemment confrontés à la fin de vie, qu’elle soit attendue ou inattendue, organisée ou non, brutale ou violente les soignants doivent faire face à leurs émotions et au questionnement éthique que cela engendre. Selon les auteurs B.RICOU et JC.CHEVROLET [2], la mort attendue se définit par le diagnostic posé, dès l’admission du patient, d’une dégradation lente mais inexorable du processus vital de celui-ci aboutissant irrémédiablement au décès. Même quand l’équipe entière est correctement informée et préparée à cette issue, il est difficile pour elle de ne pas intervenir et de ne rien faire, tant est forte la culture interventionnelle chez les médecins et infirmières des soins intensifs. A contrario, la mort inattendue consiste en une mort rapide et ne découlant pas d’une délibération complexe des soignants et des proches du malade. Concernant la mort organisée, il s’agit d’une mort qui survient après une décision de suspension ou de retrait thérapeutique. Ainsi, dans un contexte d’accompagnement de fin de vie, la charge émotionnelle est parfois si forte que l’épuisement professionnel peut survenir sans prévenir. Selon « la revue de l’infirmière » n° 142 de 2008 : « l’infirmière de réanimation risque de s’épuiser plus vite qu’une autre face à un accompagnement de fin de vie. L’angoisse peut être forte mais il faut souvent la gérer en silence. Les infirmières se sentent souvent seules et expriment rarement leur souffrance par peur d’être considérées comme incompétentes par leurs pairs et leur hiérarchie […]. Elles redoutent d’être jugées comme étant faibles et incapables d’exercer en réanimation. Les médecins désertent souvent la chambre du mourant, l’échec et l’impuissance étant trop fortement ressentis. Cette situation place les réanimateurs au cœur d’un paradoxe : décider de la mort alors qu’ils doivent à priori sauver des vies». [3] De plus, il semblerait que la collaboration entre service de réanimation et service de soins palliatifs soit difficile. Selon Nancy Kentish Barnes, «la réanimation et les soins palliatifs sont souvent présentés comme deux mondes qu’il est impossible de faire coexister. Le rejet de collaboration avec ces équipes souvent pour origine la volonté de tout maitriser sur le territoire de la réanimation. La rationalité scientifique doit primer et ne laisse ainsi pas de place à l’accompagnement et aux soins palliatifs en fin de vie. De plus, faire appel à des spécialistes de la fin de vie reviendrait à avouer ses faiblesses et à se laisser dominer par l’incertitude, chose difficile dans la culture de la réanimation fondée sur l’endurance, l’audace et la maitrise». [1] 3 2. Situation d’appel. La situation d’appel sur laquelle nous avons étayé notre réflexion concerne monsieur L. hospitalisé en service de réanimation suite à un cancer généralisé. Il est âgé de 45 ans, marié et a deux enfants en bas âge. De plus, il est en isolement pour suspicion de pneumopathie. Il ne peut vivre sans l’aide du respirateur et est intubé, ce qui empêche toute communication verbale. Il ne semble pas chercher à communiquer autrement avec les soignants, il peut rester toute la journée dans la même position de façon mutique les yeux grands ouverts. Par ailleurs, les soignants semblent parfois oublier sa présence en dehors des soins prodigués permettant le maintien de sa vie. En effet, la situation semble particulièrement difficile à vivre pour l’équipe. Plusieurs entretiens ont eu lieu entre les médecins et sa femme pour lui expliquer l’évolution de l’état de santé de son mari, et pour évoquer un éventuel arrêt des thérapeutiques. Cependant, sa femme semble être dans le déni, elle dit « préférer voir son mari comme cela plutôt que ne plus le voir du tout ». Par ailleurs, elle précise également aux médecins qu’elle n’a rien dit à ses enfants, elle dit « ne pas savoir comment faire pour leur expliquer que leur papa ne reviendra pas à la maison ». Les médecins lui conseillent donc de prendre rendez-vous auprès du psychologue du service, dans le but de l’accompagner dans cette démarche. Après deux semaines de délais, les médecins prennent conscience que madame n’a fait aucune démarche auprès du psychologue et que les choses en sont toujours au même point. De nouveau en entretien avec elle, les médecins lui expliquent, qu’au vue de la situation, une décision doit être prise concernant l’orientation de la prise en charge. Le temps passe et après réflexion pluridisciplinaire, la décision d’arrêter les thérapeutiques est prise. Les médecins laissent donc du temps à madame pour se mettre en phase avec cette annonce avant de procéder à l’arrêt thérapeutique. Quinze jours plus tard, alors que le protocole allait être mis en place dans les 24 à 48h, Monsieur L, décède par étouffement. Cela nous a donc amené à nous questionner sur les représentations de la fin de vie en service de réanimation et sur les pratiques réelles autour de la fin de vie et de l’éthique. Nous avons souhaité aborder plus particulièrement la question suivante : En quoi la mort attendue peut-elle influencer le rôle infirmier dans l’accompagnement en service de réanimation ? 4 II- METHODOLOGIE Tout d’abord, nous avons chacune exposé une situation vécue en stage. Ensuite, nous avons pu sélectionner l’une d’entre elles, en tenant compte de l’avis de chacune. Suite à cela, nous avons donc décidé de porter notre réflexion sur le thème de la fin de vie en réanimation. Dans le but de répondre à notre question de départ, nous avons réalisé des entretiens exploratoires au cours du mois d’avril 2015, en centre hospitalier universitaire auprès de deux infirmières de réanimation expérimentées dans cette discipline. De plus, pour approfondir notre questionnement, nous avons effectué des recherches théoriques au travers de la littérature concernant les différents concepts abordés dans notre question de départ. Pour ce faire, nous avons utilisé différents moyens comme les livres, les revues de presses, les mémoires infirmiers, thèses de médecines, les sites internet. Les temps de rencontre avec notre formateur de guidance nous ont permis au départ d’orienter notre questionnement, puis de nous éclairer dans notre démarche de recherche et d’analyse par la suite. Nous avons pu rencontrer deux infirmières dans deux services de réanimation différents. Au préalable, nous avons fait valider notre trame d’entretien (Cf Annexe 1) auprès de notre formateur de guidance. Ensuite, nous nous sommes réparties en binôme pour réaliser notre enquête de terrain (Cf annexes 2,3). Ce choix a été fait afin que l’infirmière se sente en confiance et à l’aise et ainsi de permettre plus d’authenticité lors de l’entretien. Nous avons fait le choix de nommer ces infirmières IDE A. et IDE B tout au long de notre travail écrit. Par ailleurs, l’IDE A est diplômée depuis 2003 et exerce en réanimation depuis 11 ans, l’IDE B est quant à elle diplômée depuis 2006 et exerce en réanimation depuis 8 ans. Nous avons utilisé comme méthode d’investigation l’entretien directif ouvert. Chaque entretien a été enregistré oralement mais de manière confidentielle avec l’accord des participantes et des cadres de services dans le but d’une meilleure exploitation par la suite de ceux-ci. Suite à cela, nous avons donc analysé nos entretiens à l’aide d’un tableau comparatif des principaux concepts extraits de la littérature et de nos entretiens. (Cf Annexe 4). Pour finir, nous avons pu définir le plan de notre travail de fin d’étude, qui se compose de trois grands axes conceptuels. 5 III- CONCEPT DE MORT ATTENDUE 1. Définition de la Mort. De nos jours, on peut définir la mort comme étant l’arrêt complet et définitif de la vie d’un être vivant. Elle survient lorsque tous les processus organiques ont cessé de fonctionner autrement dit lors de toute cessation de vie à l’intérieur d’un organisme. Concernant l’être humain, la mort est définie juridiquement par le Code de la santé publique : « Si la personne présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, le constat de la mort ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont simultanément présents : l’absence totale de conscience et d'activité motrice spontanée, abolition de tous les réflexes du tronc cérébral, absence totale de ventilation spontanée». [4] Dans une approche plus conceptuelle, selon Didier Caenepeel l’auteur de « La sédation continue en fin de vie, enjeux éthiques » [5], la mort serait un évènement qui place l’être humain sur un horizon de finitude, elle semble demeurer de l’ordre du mystère. Il définit la mort dans un premier temps comme étant un évènement unique pour chaque être humain et également universel puisqu’il touche l’humanité dans sa globalité. Il définit ensuite la mort comme étant l’échéance qui met fin à la vie. En effet, selon lui il n’y a pas de notion de mort sans notion de vie, c’est-à-dire que la mort existe uniquement parce qu’il y a de la vie. 2. Evolution des représentations de la mort par l’homme au fil des siècles. Toujours selon Didier Caenepeel, inspiré des écrits de Philippe Ariès célèbre historien du XXème siècle connu pour la réalisation d’ouvrages évoquant les étapes de la vie, de l’enfance à la mort, on peut dire que la mort n’a pas toujours été vécue et perçue de la même manière à travers les siècles d’histoire. En effet, depuis la nuit des temps la mort fascine. Elle a déjà fait l’objet de nombreuses études au fil des siècles dans de multiples disciplines comme la sociologie, l’anthropologie et les sciences médicales. On peut s’apercevoir qu’en l’espace de 2000 ans, la mort a été considérée et vécue différemment selon les civilisations et notamment en France. 6 En effet, selon P. Ariès on distingue quatre grandes périodes en ce qui concerne l’évolution de la perception de la mort notamment en occident. Durant le premier millénaire, on parle de « mort apprivoisée », l’homme craint la mort mais elle fait partie de son quotidien, c’est un évènement vécu dans la simplicité. La mort n’est pas perçue comme une fatalité, l’homme vit avec, il est conscient de sa finitude et s’en remet à Dieu. Il s’agit d’une mort vécue de manière publique, c’est-à-dire que l’homme va instaurer une cérémonie quelques heures avant sa mort pour demander pardon et donner certaines recommandations aux gens qui l’entourent. A cette époque, le caractère dramatique de la mort est quasi-inexistant. Ensuite, du XIIème siècle au XVIIIème siècle les attitudes face à la mort connaissent des modifications. En effet, cette période est marquée par l’apparition du caractère dramatique et plus personnel de la mort. On reconnait une certaine valeur à l’individu. Apparait également une imprégnation plus importante de la religion entrainant des peurs concernant le passage dans l’au-delà, avec la question existentielle du bien et du mal et donc du jugement dernier. Ce qui explique que la mort soit vécue de manière plus personnelle et non plus vécue de manière publique comme auparavant. La troisième période s’étend du XVIIIème siècle au XXème siècle, c’est à cette époque que le caractère romantique de la mort fait son apparition, c’est-à-dire que la mort est vécue comme une souffrance pour le mourant mais elle est aussi vécue comme une souffrance morale pour les proches. A partir de ce moment, la mort devient un évènement empreint d’émotion qui fait souffrir l’autre mais aussi empreint d’un sentiment de peur, elle est souvent cachée et son évocation devient taboue au sein de la société entre autre par l’apparition de nouvelles idéologies (jeunesse, santé, aspect physique, biens matériels …). Par ailleurs, la famille voit son rôle évoluer puisqu‘elle prend une place importante en ce qui concerne l’organisation de la fin de vie du mourant. Désormais, depuis les années 1950, notre vision de la mort a encore pris une autre dimension du fait des progrès considérables de la médecine et des avancées scientifiques. En effet, on peut qualifier aujourd’hui la mort de «mort interdite », c’est-à-dire qu’au vue des connaissances scientifiques et médicales connues à ce jour, la mort si elle survient est vécue comme un échec, elle est inconcevable pour le mourant et pour ses proches en plus d’être tabou dans nos sociétés. La mort est désormais remise entre les mains des médecins. 3. La mort dans le milieu des soins. 7 a) Généralités. Auparavant, comme nous avons pu le constater précédemment les gens mourraient chez eux, aujourd’hui c’est environ 75% des décès qui ont lieu dans des établissements de santé (hôpital, EHPAD…). Les soignants sont donc les témoins privilégiés de ces décès. Pourtant, malgré la fréquence des décès en ses lieux, l’hôpital n’accepte toujours pas la mort dans ses murs, il semblerait que l’hôpital ne reconnaisse pas la prise en charge de la mort comme l’une de ses missions. En effet, elle est donc comme ailleurs souvent cachée, occultée. La disposition du funérarium qui est quasiment toujours situé aux sous-sols des hôpitaux est un exemple flagrant de ce déni, on doit isoler la mort, la mettre à distance. Il demeure donc, encore de nos jours, un tabou de la mort au sein des hôpitaux bien que celuici tende à s’inverser depuis quelques années et ce, notamment grâce au développement des soins palliatifs. b) La naissance des soins palliatifs. Dame Cicely Saunders, infirmière, assistante sociale, puis médecin serait la première à prendre en compte les besoins des personnes en fin de vie. Elle crée en 1867, le Saint Christopher’s Hospice de Londres. En effet, c’est de sa rencontre avec David Tasma, réfugié juif de Varsovie atteint d’un cancer, que le projet de construction d’un lieu spécialisé, où les malades comme David Tasma trouveraient des soins plus personnalisés et mieux adaptés que ceux d’un service hospitalier voit le jour. Dame Cicely Saunders s’engage alors à développer la prise en charge de manière globale, incluant le malade et sa famille ainsi que les soins prodigués à domicile. Elle est à l’initiative de protocoles antalgiques, fait notamment la promotion de l’utilisation des morphiniques par voie orale. En France, la notion de soins palliatifs fait son apparition bien plus tardivement. En effet c’est dans les années 1972 - 1973 que le ministre de la Santé de l’époque s’est intéressé à ce problème de l’accompagnement des malades en phase terminale mais après la réalisation d’une étude, il n’y aura pas de réel engagement de l’état pour faire évoluer la prise en charge de la fin de vie en France. Ce n’est qu’en 1985 qu’une nouvelle étude a lieu sur demande du secrétaire d’Etat à la santé Edmond Hervé. Cette dernière va permettre la création d’une circulaire ministérielle, celle du 26 août 1986 pour le développement des soins palliatifs. Il s’agit alors du premier document officiel de définition en matière de soins palliatifs en France. Le 31 juillet 1991, la loi portant sur la réforme hospitalière introduit les soins palliatifs parmi les missions de l’hôpital. En 1998, Bernard Kouchner secrétaire d’Etat à la santé 8 souhaite faire des soins palliatifs une priorité de santé publique, la création d’un programme de lutte contre la douleur et de développement des soins palliatifs voit donc le jour. Depuis cette date et surtout depuis la création de la loi Léonetti du 22 avril 2005, les soins palliatifs se sont considérablement développés partout en France. c) Gestion émotionnelle des soignants face à la fin de vie. La confrontation à la fin de vie et à la mort provoque la plupart du temps chez le soignant une multitude d'émotions dont ce dernier peut ne pas toujours avoir conscience. En effet, l’infirmier se confronte quotidiennement à ses angoisses et à ses propres représentations. La particularité et la complexité de la prise en charge de patient en de fin de vie fait vivre au soignant des situations de soins qui sont toujours empreintes d’émotions, de réactions, d’affects qu’il est indispensable d’identifier et d’expliquer pour pouvoir les gérer. L’IDE B illustre bien ce propos, elle nous explique durant l’entretien comment elle fait face à ses émotions au quotidien : « avant je sortais j’allais fumer une cigarette, maintenant je ne fume plus, je vais à l’office et je bois un coup […] avec les années on ne se blinde pas c’est pas vrai parce que chaque cas est différent, chaque famille est différente, après on est avec l’équipe si ma collègue voit que je ne suis pas bien, je sors prendre l’air, si je dois pleurer je pleure même si c’est quelqu’un que je connais pas, ben ma fois c’est comme ça, parce qu’il y a des situations qui sont super dures et puis… c’est dur à gérer la mort de toute façon ». Par ailleurs, la mort en milieu hospitalier a souvent été perçue pour de nombreux soignants comme un échec, entraînant chez eux de la culpabilité, le sentiment d’être incompétent, d’avoir fauté. En effet, cette prise en charge du décès par les équipes paramédicales reste discrète et difficile, et semble peu valorisée, malgré l’émergence des soins palliatifs et de la garantie de l’accompagnement du patient et des familles lors du décès par la charte de la personne hospitalisée. Les soignants sont donc vulnérables face à toutes les émotions qu’ils peuvent ressentir au cours de leur carrière, le risque de « burnout » est bien réel notamment chez les infirmières. Il est donc important de porter une attention particulière aux éventuels signes précurseurs d’un épuisement professionnel. Par ailleurs, il semble que les ressources pour le personnel soignant ne soit pas nombreuses. En effet, il y a en principe la présence d’un psychologue dans les services de réanimation, mais qui semble ne pas être toujours sollicité par les soignants et puis visiblement il y a les collègues avec qui ils peuvent échanger, encore faut-il avoir le courage de faire part de son ressenti au restant de l’équipe. Les infirmières interviewées confirment le peu de moyens existants face à la gestion de la fin de vie. 9 En effet, l’IDE B dit la chose suivante «Et ben… les ressources de l’équipe…, on a la psychologue. Après, si réellement on est jeune ou ancienne diplômée, et qu’on n’arrive plus à faire face, on a les formations. La formation fin de vie qui peut être proposée par l’hôpital […] Mais entre nous on parle beaucoup». D’après l’IDE A «Si vraiment on est en difficulté et que le psychologue du service n’est pas présent, il y a les psychologues du SAMU à qui on peut se référer aussi.» 4. La mort attendue. a) Définition. Comme nous l’avons défini en introduction, on entend par mort attendue, le décès du patient qui évolue lentement mais inexorablement, de façon défavorable comme prévu depuis son admission. En effet, le patient est proche de sa finitude, il ne peut survivre à sa maladie et rien ne pourra changer cela. En général, lorsque la mort est attendue chez un individu, la prise en charge vise essentiellement le maintien du confort plutôt que la continuité des thérapeutiques actives. L’IDE A définit la mort attendue «pour nous mort attendue c’est quand on sait que le patient va mourir, généralement chez nous quand on dit mort attendue c’est que l’on commence à limiter les thérapeutiques, les soins invasifs.». L’IDE B quant à elle, dit «il y a des patients pour qui, quand ils arrivent on sait que l’issue sera le décès». L’association de la mort attendue et de la limitation thérapeutique par l’IDE A est intéressante à prendre en compte, car on constate bien ici, la culture de son service et les pratiques habituelles en matière de fin de vie. b) La mort attendue en réanimation. L’infirmier en réanimation est confronté à toutes sortes de morts. Il nous a semblé difficile d’un point de vue théorique de trouver des informations sur le vécu des soignants en réanimation face à la mort attendue. En effet, c’est un sujet qui est peu évoqué. Lorsqu’on parle de mort en réanimation, on peut s’apercevoir assez rapidement que les études portent essentiellement sur le concept de mort inattendue ou mort brutale, de la gestion de situation d’urgence et de décès prématuré. Or, en réanimation comme ailleurs, il existe aussi des patients dont on sait dès leur arrivée que la seule issue sera le décès. Alors, nous nous demandons pourquoi semble-t-il si difficile d’évoquer le concept de mort et notamment 10 d’accompagnement à la fin de vie en réanimation. La réanimation est pourtant un lieu où les soignants font preuve de grandes compétences techniques certes, mais ils font aussi preuve de grandes qualités humaines. Ils doivent faire face au quotidien à des situations qui sont humainement difficiles, et accueillir un patient en sachant que la mort, est ce qui l’attend, n’est pas chose facile à accepter pour un soignant en réanimation. Il nous semble que dans ce cas de figure, il y a un fort sentiment d’impuissance et surtout l’impression de ne pas être aidant pour le malade. En effet, sortis d’un contexte technique les soignants en réanimation semblent ne plus savoir comment faire pour accompagner le patient à sa fin de vie. Or, on peut dire que l’infirmier est la personne qui demeure constamment auprès du patient et qui ressent le plus la souffrance de celui-ci. Il éprouverait sans doute un véritable soulagement à ne pas prolonger des soins qui lui paraissent inutiles. Nancy Kentish-Barnes, sociologue dit la chose suivante : «entre désir de sauver et impossibilité de le faire, [...] désir d’apaiser tout en faisant mal, les infirmières luttent pour retrouver une cohérence et optent pour des stratégies de protection au risque d’effets pervers sur le bien-être du malade.» [6] Nous avons pu remarquer lors de nos entretiens que cette idée n’était pas partagée par les professionnels du terrain. En effet, lorsqu’on demande aux IDE si pour elle la mort est vécue comme un échec et si elle l’est également au sein du service la réponse est : Pour l’IDE A : « Non je ne pense pas car la plupart des patients qui sont là, s’ils n’étaient pas venus en réanimation, ils seraient morts avant en fait. Cela leur laissent une chance donc soit ça passe, soit on y arrive pas… Les patients qui ont une tonne d’antécédents, ben… on ne peut pas les guérir de tout. ». Et concernant l’IDE B : « Toute façon quand vous franchissez les portes de la réa c’est que ça ne va pas du tout, avant de travailler ici moi je savais très bien que si je venais travailler ici je serais confronté à la mort donc ce n’était pas un problème. On n’est pas des robots […] après il faut savoir faire, pour à l’extérieur ne pas tout le temps être là-dedans. » Visiblement, la gestion de la fin de vie ne semble pas poser de problème dans ces services et pour ces infirmières alors comment expliquer que ce que l’on peut trouver en littérature soit en contradiction avec le ressenti des professionnels de terrain ? Quoi qu’il en soit, il nous a semblé que chaque soignant a une approche différente de la fin de vie mais pour autant, ne pas être en accord avec les soins dispensés peut provoquer une réelle frustration et une souffrance évidente et cela peut nuire à la prise en charge globale du patient. 11 IV- CONCEPT D’ACCOMPAGNEMENT 1. Définition de la notion d’accompagnement. Le mot «Accompagner» prend son origine du mot «compagnon», qui lui-même vient du mot latin «companio» ou «cum panis» qui signifie «celui qui vit ordinairement avec quelqu'un». Le mot «cum» signifiant «avec», et «pain ou panis» signifiant «un petit pain». Un lien peut notamment être fait avec le mot «copain» qui signifie «celui avec qui je partage le pain». Le terme accompagnement aurait donc pour signification «aller ensemble». D’après le dictionnaire Larousse, l’accompagnement peut se définir comme étant le fait d’être avec quelqu'un, de lui tenir compagnie et d’aller ou de le conduire quelque part, de le guider ou le mener, ainsi que de le soutenir. Patrick Verspieren, rédacteur et enseignant d’Ethique biomédicale, dit la chose suivante : «Accompagner quelqu'un, ce n'est pas le précéder, lui indiquer la route, lui imposer un itinéraire, ni même connaître la direction qu'il va prendre ; mais c'est marcher à ses côtés en le laissant libre de choisir son chemin et le rythme de son pas». [7] L’HAS définit l’accompagnement de la manière suivante : «C’est un processus dynamique qui engage différents partenaires dans un projet cohérent au service de la personne, soucieux de son intimité́ et de ses valeurs propres». [8] 2. L’accompagnement en fin de vie. a) Généralités. Walter Hesbeen, infirmier et docteur en santé publique, auteur de «la qualité du soin infirmier, penser et agir dans une perspective soignante», affirme que «la pratique des soignants, quels qu’ils soient, relève d’une démarche, celle qui permet de marcher avec […] prendre soin dans une perspective de santé c’est aller à la rencontre d’une personne pour l’accompagner dans le déploiement de sa santé». [9] 12 Dans le milieu médical lorsqu’on parle d’accompagnement, on sous-entend souvent la notion «d’accompagnement du mourant» et donc la mise en place de soins palliatifs. L’ANAES définie les soins palliatifs comme étant « des soins actifs, continus, évolutifs, coordonnés et pratiqués par une équipe pluri professionnelle. Ils ont pour objectif, dans une approche globale et individualisée, de prévenir ou de soulager les symptômes physiques […] et de prendre en compte les besoins psychologiques, sociaux et spirituels dans le respect de la dignité de la personne soignée […] Ils s’adressent aux personnes atteintes de maladies graves […] ainsi qu’à leur famille ou à leurs proches. » [10] On comprend donc bien que l’accompagnement en fin de vie ne se résume pas seulement à la prise en charge des derniers instants de vie. En effet, il semble s’agir d’un processus qui vise à accompagner la personne tout au long de sa maladie et ce jusqu’à ce qu’elle décède. L’implication des proches est également un facteur à prendre en compte dans la prise en charge du patient en fin de vie. C’est pourquoi l'infirmière est présente pour aider la famille à traverser ce dur moment. Son rôle ne semble pas être celui de remplacer la présence de ceux-ci auprès du patient, mais de favoriser la qualité de vie du patient. Le soutien, l’aide et l’encouragement auprès du patient et de la famille permettent de créer une relation de confiance. Toujours d’après Walter Hesbeen, «ce qui génère le plus le sentiment d’être considéré comme une personne et non un objet de soins, c’est tout d’abord un accueil chaleureux, puis quelques propos apaisants et diverses informations […] sur la façon dont le séjour et les différentes activités thérapeutiques vont se dérouler». [9] A ce jour, il semble que la notion d’accompagnement en lien avec les soins palliatifs soit plutôt bien développée dans les services de soins, en effet l’appel aux soins palliatifs lors de situation de fin vie ou de situations complexes n’est plus un problème. Les soins palliatifs sont largement présents dans la majorité des services à l’hôpital. De plus, au-delà de la contrainte temporelle ou organisationnelle, les infirmières semblent vouloir faire évoluer les pratiques et accorder plus de place à l’accompagnement, et aux soins relationnels pour prendre en charge le patient dans sa globalité et lui apporter une meilleure qualité de vie. Cela étant dit, nous allons voir que pour certains services de soins comme la réanimation, l’ouverture d’esprit ou des pratiques ne semble pas toujours si simple et l’appel à des aides extérieures en matière de fin de vie semble être encore difficile. 13 b) Spécificité de l’accompagnement en fin de vie en réanimation. Lors de notre rencontre avec les infirmières, nous avons pu leur demander ce que l’accompagnement infirmier en réanimation signifiait pour elle et quelles en étaient les spécificités. L’IDE A a répondu : «C’est prendre en compte les besoins du patient, d’évaluer s’il a mal et s’il a l’air confortable [...] notre accompagnement ça va surtout être de veiller à ce qu’il ait l’air bien, qu’il est pas mal, pas de signes de douleurs, c’est du confort [...] Franchement je pense que tout ce qui est relation d’aide en réanimation, j’ai rarement fait ça, car on a toujours des autres patients qui sont à coté et qui demandent des soins continus. C’est compliqué, franchement c’est hyper compliqué. C’est lors d’une situation comme cela que l’on fait intervenir le psychologue quand on sent que le patient a plus besoin de parler parce que nous avec les soins à côté c’est compliqué». L’IDE B quant à elle nous a répondu : « Accompagnement infirmier, je dirai qu’on est là pour les familles, on est là pour le patient et puis on est là aussi pour accompagner pour le tutorat pour les élèves […] c’est de l’inattendu pour la famille nous on est là aussi pour les rassurer, pour les réconforter leur expliquer ce qui se passe et donc on est quand même assez proche des familles […] La relation d’aide avec les patients, ça va être de leur expliquer, c’est pas parce qu’il est dans le coma qu’il n’entend pas, ça va être lui expliquer les soins qu’on lui fait, ça va être aussi interpréter ce qu’il nous transmet par le biais du scope, la douleur, on peut voir s’il est bien ou pas bien aussi au niveau de son faciès, pour moi ça fais une relation c’est une communication non verbale, tant qu’ils sont dans le coma, après quand ils sont réveillés la communication verbale s’établit et on sait réellement ce que veut le patient ou pas». On s’aperçoit rapidement que des divergences s’opèrent dans les dires des deux infirmières. En effet, en ces deux citations il apparait toute la complexité de la mise en œuvre d’un dispositif en matière d’accompagnement et notamment d’accompagnement à la fin de vie dans chaque service de réanimation. Guillaume Klimek dans son mémoire dit la chose suivante : «Il n'est pas aisé, surtout en réanimation où la culture du curatif est encore très présente, de penser à la fin de vie et son accompagnement». [11] En effet, ce service de par son histoire, sa culture, n'a pas été préparé à l'accompagnement de la fin de vie. C’est un service où la dynamique de travail a toujours été plutôt curative que palliative car c'est ce qui était demandé et accepté par la société et le paternalisme médical il y a encore quelques années. Effectivement, il semble que la question 14 de la mort ait longtemps été omniprésente en service de réanimation du fait de l'évolution de la médecine, qui a permis d’accroitre, de sauver mais aussi de garder en vie des personnes qui n'auraient pas pu survivre sans les techniques que l'on connaît aujourd'hui. Visiblement, ce n’est qu’en 2002 qu’un véritable tournant dans les pratiques et dans les mentalités s’opère. En effet, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a permis d’améliorer la prise en charge du patient, le respect de sa dignité, le droit d’être informé, de refuser des soins et d’être accompagné dans le choix de ses décisions afin que sa qualité de vie soit la meilleure possible. En fait, le patient semble devenir acteur du système de santé et l'infirmière est une des garantes de ce droit, qu’il s’agisse d’une prise en charge curative ou palliative. D’après la loi du 4 mars 2002 : « la personne malade a droit au respect de sa dignité́ . (Art. L. 1110- 2) ». De plus : « [...] Les professionnels de santé́ mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer une vie digne jusqu’à la mort. (Art. L. 1110-5.)». Par ailleurs, dans un contexte comme celui de la réanimation, la famille et les proches doivent être pris en charge au même titre que le patient, suite aux traumatismes souvent difficiles à comprendre et à accepter en termes de soin. La réanimation est un lieu où les soins sont très invasifs et impressionnants à vivre pour les proches, la famille doit donc bénéficier d’un réel accompagnement. Celui-ci, s’il est bien fait permettra qu’un lien de confiance soit établi entre la famille et le corps médical. Il est crucial pour permettre une meilleure prise en soin du patient, cela profitera notamment au patient lors de son réveil. On remarque que souvent les proches sont relativement bien pris en charge, les soignants sont conscients des bénéfices lorsque la relation avec la famille se passe bien et c’est pourquoi un dispositif d’accueil et d’accompagnement des proches est mis en place dans la majorité des services de réanimation en France. Les propos de l’IDE B illustrent bien l’organisation du dispositif d’accueil «On leur donne un petit livret d’accueil, on leur explique le service le fonctionnement du service, comment va être le patient, scopé avec différentes machines, tout ça, avant de rentrer dans la chambre, voilà qu’ils ne soient pas surpris et choqués.[...] on les prend un petit moment on leur explique avec le livret d’accueil, il y a un petit lexique qui leur explique en gros ce qu’est un ventilateur, ce qu’est le service de réanimation… Ça a été un travail qui a été fait, un travail de groupe sur l’accueil des familles». L’IDE A, explique quant à elle l’importance d’une démarche d’accompagnement auprès des proches : «C’est hyper important, il faut expliquer les machines car c’est un environnement qui peut être stressant et en plus de leurs annoncer une mauvaise nouvelle, 15 c’est important de les rassurer car ils peuvent être stressés, angoissés. C’est important de leur donner les bonnes informations d’être clair, et en même temps de ne pas leur mentir. Et puis voilà, de les accompagner vers leurs proches, je pense qu’il faut se rendre disponible. Ils n’ont peut-être pas forcément besoin de parler toute suite mais il faut leur faire savoir que l’on est là et que s’ils ont besoin, on peut les écouter». On peut donc voir que la notion d’accompagnement est de plus en plus présente en service de réanimation. Néanmoins concernant la fin de vie il n’existe pas de réel dispositif notamment lors de décisions de limitations thérapeutiques. Nous nous rendons compte que finalement, les soignants semblent être livrés à eux-mêmes, ils doivent accompagner tant bien que mal le patient et sa famille, et cela reste une chose complexe malgré les lois en vigueur. V- ETHIQUE EN REANIMATION 1. Définition de la notion d’éthique. Etymologiquement le mot éthique provient du Grec «éthikos, éthos» qui signifie «morale, mœurs». L'éthique peut se définir comme étant la science qui étudie la morale et les mœurs. C'est une discipline qui vise à réfléchir sur les normes et les principes qui guident les conduites humaines. L’éthique c’est donc l’ensemble des règles, des coutumes et mœurs qui permettent à l’homme d’avoir une réflexion sur les bons comportements à adopter. Autrement dit, c’est la recherche d'un idéal de société et de conduite de l'existence. L’éthique est en relation étroite avec les valeurs personnelles, professionnelles et le droit. Elle permet à l’homme d’apprécier le bien et le mal selon des règles et des valeurs communes. Dans le contexte des soins, on a longtemps parlé de «morale médicale». En effet, c’est au cours de l’époque antique grecque que ce terme fait son apparition lors de la création du serment d’Hippocrate avec la notion de déontologie, qui stipule que le milieu médical doit se questionner sur les comportements que les soignants doivent adopter dans leur pratique afin de respecter et maintenir l’intérêt du patient. En revanche, le terme « d’éthique » chez les soignants fait son apparition tardivement notamment avec les récents progrès en matière de thérapeutiques et techniques médicales. 16 Aujourd’hui on parle d’éthique médicale, l’encyclopédie Larousse définit l’éthique médicale comme étant : «l’ensemble des règles de conduite des professionnels de santé visà-vis de leurs patients. L'éthique médicale, nécessairement complexe, participe à la fois de la déontologie, de la morale et de la science. L'éthique médicale concerne l'aspect limité à la santé […]. Le respect de l'éthique médicale constitue la meilleure garantie de la qualité des soins et de la liberté du malade ; il témoigne de la recherche d'une certaine forme de sagesse, de « science avec conscience », dans l'exercice de la médecine contemporaine» [12]. Cette dernière est réglementée par la déclaration d’Helsinki de 1964 et complétée par celle de Tokyo en 1975. Elles garantissent le respect du choix du patient par un consentement libre et éclairé. Par ailleurs, le Haut Comité de Santé Publique dit la chose suivante : «l’éthique est le fruit d’une réflexion collective, d’échanges et de débats. C’est une démarche active, qui peut et doit évoluer dans le temps. Enfin, elle est rarement directive, elle est suggestive et surtout amène à formuler les questions de manière à permettre à chacun de trouver la réponse la mieux adaptée, dans une situation donnée, au respect et au bien-être de l’autre».[13] 2. Cadre éthique en Réanimation. La réanimation est une discipline où la complexité des situations rencontrées nécessite souvent un questionnement éthique. En effet, chaque admission en réanimation est réfléchie au regard des chances de guérison du patient. La question de l’obstination déraisonnable est fréquemment abordée dans la prise en charge des patients en réanimation, elle fait partie du quotidien des soignants. C’est pourquoi, le besoin d’un cadre législatif en matière d’éthique s’est fait ressentir et c’est en 2002, lors du débat sur la fin de vie et l’euthanasie, que leurs voix se font entendre puisque, la Société de Réanimation de Langue Française (SRLF), décide de créer des recommandations en matière de fin de vie et plus particulièrement en ce qui concerne la limitation et/ou l’arrêt des thérapeutiques en service de réanimation. Puis c’est avec la loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé et la loi Léonetti en 2005 relative au droit des malades en fin de vie, que leur pratique concernant cette dernière est légiférée et encadrée notamment en matière de limitation ou arrêt thérapeutique. 3. La loi Léonetti. 17 a) Cadre législatif. La loi Léonetti du 22 Avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie affirme désormais les droits du malade dans le cadre spécifique de la fin de vie et prévoit le refus de l’acharnement thérapeutique, ainsi qu’un processus de réflexion collégiale dans le cas du patient inconscient et une obligation d’une démarche palliative. Cette loi permet donc aujourd’hui aux soignants de mieux appréhender la fin de vie d’un patient et d’encadrer les pratiques médicales afin d’éviter toute ambiguïté possible. D’ailleurs, c’est ce que confirme l’IDE A lors de l’entretien, elle dit : «On est quand même beaucoup plus raisonnable qu’avant, c’est vrai qu’avant on avait tendance une fois que les patients étaient en Réanimation… je pense vraiment qu’avant c’était de l’acharnement, on continuait jusqu’au bout […] la loi Léonetti, nous on l’a vraiment appliquée ici et puis il y aussi l’évolution des mentalités surtout au niveau médical. Peut-être qu’ils se sont dit que cela ne servait à rien des fois de continuer jusqu’à … quand on sait qu’il n’y a pas d’espoir, ça sert à rien de continuer.». En effet, selon le code de la santé publique : «Toute personne a, compte tenu de son état de santé […] le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. […] Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10.» [4] Selon l’article L.1110-10 du code de la santé publique : «Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.»[4] b) La Procédure Collégiale. La procédure collégiale est définie par le code de la santé publique : Article L 1111-4 : «Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé 18 sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical.» [4] D’après l’article L. 1111-13 du CSP, la procédure collégiale est mise en place dans les conditions suivantes : «La décision est prise par le médecin en charge du patient, après concertation avec l'équipe de soins si elle existe et sur l'avis motivé d'au moins un médecin […] La décision prend en compte les souhaits que le patient aurait antérieurement exprimés, en particulier dans des directives anticipées, s'il en a rédigé, l'avis de la personne de confiance qu'il aurait désignée ainsi que celui de la famille ou, à défaut, celui d'un de ses proches. La décision est motivée. Les avis recueillis, la nature et le sens des concertations qui ont eu lieu au sein de l'équipe de soins ainsi que les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient.» [4] Cette procédure est donc mise en place dans le but de garantir la collégialité de la décision pour éviter qu’elle soit prise de façon arbitraire par une seule et même personne et surtout pour que le poids des responsabilités dans la prise de décision ne repose pas sur un professionnel, le malade ou la famille. Cette procédure est bien connue des services de réanimation car souvent utilisée en raison de la gravité des situations rencontrées. Elle permet à tous les soignants de s’exprimer et permet aussi à tous de comprendre de manière globale ce qui motive ou non le choix d’une éventuelle limitation thérapeutique. Il semble que dans la pratique, cette procédure soit appliquée conformément à loi, et de manière organisée, en effet d’après l’IDE B «On voit avec la famille ce que eux ils veulent et ce que le patient voulais ou ne voulais pas, entre temps on pose aussi la question, si le décès arrive, du processus pour les dons d’organes et si le patient est potentiellement un donneur [...] A chaque réunion de LT, il y a les médecins les internes, les externes, une infirmière qui s’occupe de ce patient, l’aide-soignante, la cadre, la psy, et le cas du patient est exposé donc à tout le personnel, après il nous explique ce qu’il en est à ce jour, et après on nous demande notre avis » L’IDE A quant à elle tient des propos similaires en matière de procédure collégiale : «c’est toujours pluridisciplinaire, une réunion s’organise avec un/des médecins, un infirmier, un aide-soignant et le psychologue [...] Il y aussi la famille qui rentre aussi en compte, et à ce moment-là on cherche à savoir où en est la famille par rapport à son proche, si ils acceptent 19 l’idée qu’il va mourir ou s’ils en sont pas encore là. Et puis avec tous ces éléments, on prend la décision soit de limiter les soins, ou d’attendre et de revoir avec la famille». D’autres parts, il semble que l’avis de l’équipe paramédicale soit à ce jour largement pris en compte dans les décisions, notamment dans les décisions de fin de vie. En effet les infirmières rencontrées dans les services nous confirment qu’elles sont écoutées et entendues par l’équipe médicale. Selon l’IDE A : «L’équipe paramédicale n’hésite pas à donner son point de vue sur le cas d’un patient. Car c’est l’équipe paramédicale qui est plus en contact avec le patient, contrairement au médecin, car on passe notre journée avec, on se rend plus compte, il y a des choses qui peuvent nous interpeller plus vite [...] Ils sont assez ouverts, vraiment on est dans un service ouvert où l’avis de tout le monde est bien pris en compte dans le choix des décisions.» D’après l’IDE B : «Tout au long de l'hospitalisation on est entendu par les médecins. Après ils réajustent, ils revoient ensemble et avec la famille et puis après il y a d’autres choses qui vont en découler… notre parole est entendue aussi bien l’ASH que l’AS après toute l’équipe est entendue». c) Décision de Limitation Thérapeutique. D’après Véronique David-Souchot, auteur du livre «Limitation et arrêts de thérapeutiques actives pour les patients incompétents hospitalisés en service de réanimation adulte», les décisions de limitations ou d’arrêt des thérapeutiques «concernent près de 10% des patients adultes admis en réanimation en France et sont impliquées dans plus de 50% des décès d’adultes en réanimation». [14] François Lemaire, professeur émérite de réanimation médicale définit la notion de limitation thérapeutique comme étant «la non introduction ou la non optimisation d’une thérapeutique curatrice, sans alternative et dont la conséquence peut être d’accélérer le décès.»[15] Selon les recommandations de la Société de Réanimation de la Langue Française, «la décision de limitation ou d’arrêt de thérapeutique(s) active(s) dans un contexte de fin de vie doit s’accompagner de toutes les mesures susceptibles d’améliorer le confort du patient et de ses proches. Il ne peut s’agir d’un abandon des soins, c’est une réorientation de leurs objectifs». De plus, «toute limitation ou arrêt de thérapeutique(s) active(s) implique que l’on 20 s’assure de la disponibilité du personnel afin d’optimiser le confort du patient et l’accompagnement des proches». [16] Même si la décision de limitation ou arrêt de thérapeutique est prise en collégialité, ce n’est pas toujours simple pour le personnel soignant de réanimation d’accepter celle-ci. En effet, il y a de nombreux facteurs qui entrent en ligne de compte et qui affectent l’équipe comme l’âge du patient, s’il est marié, s’il a des enfants, les raisons de son arrivée dans le service, le sentiment d’impuissance, de culpabilité, etc… Mais pour autant les soignants sont conscients qu’il est préférable pour le patient et sa famille d’en convenir ainsi afin qu’il n’y ai pas d’acharnement thérapeutique ou d’obstination déraisonnable. C’est une procédure qui n’est jamais simple à mettre en place, elle demande en général une grande réflexion de la part des professionnels et de la famille. Pour finir, c’est une procédure qui demande aux soignants d’être capables de délaisser quelque peu leur pratique quotidienne d’un point de vue technique afin d’être dans une approche plus relationnelle, d’accompagnement à la fin de vie. Et c’est en cela qu’il n’est pas aisé pour un soignant en réanimation d’être capable de voir le soin sous une autre dimension que celle dans laquelle ils ont l’habitude de travailler. Et c’est probablement lors de situation comme celle-ci qu’il est nécessaire de faire appel à des personnes ressources, comme le prévoit les recommandations de la Société de Réanimation de Langue Française et la loi en matière de soins palliatifs. En effet, d’après l’article L.1erA de la Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs : «Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement.» Selon les recommandations de la SRLF dans le cadre de la limitation thérapeutique : « Les réanimateurs pourront utilement solliciter l’expertise des équipes mobiles de soins palliatifs.» [16] VI- CONCLUSION Aujourd’hui, nous mourrons en grande majorité dans une structure de soins. Comme nous avons pu le constater, dans nos recherches les services de réanimation ont pour objectif premier, et de part leur fonction : « de sauver les personnes dont le pronostic vital est engagé». Il nous a semblé, en ce qui concerne la fin de vie, que l’évolution des pratiques, la façon de penser, l’application des lois demandent à une équipe soignante, un temps de 21 réflexion et d’adaptation pour accroître l’amélioration de la prise en charge des patients en fin de vie. Cependant, nous avons pu noter que de nets progrès ont été engagés ces dix dernières années, néanmoins des efforts en matière d’éthique à la fin de vie restent encore importants à fournir. VII- PROBLEMATISATION Notre questionnement basé sur notre travail de fin d’étude était : En quoi la mort attendue peut-elle influencer le rôle infirmier dans l’accompagnement en service de réanimation ? Lors de nos entretiens, nous avons pu noter une différence entre l’approche théorique et la conception des professionnels en ce qui concerne « l’idée d’accompagnement en réanimation ». En effet, l’accompagnement concerne pour eux, principalement la famille et les proches, alors que dans notre approche nous entendions par « accompagnement » : accompagnement du patient. D’autres parts, il ne nous a pas semblé que les infirmières rencontrées se soient davantage penchées sur la question de l’amélioration de leur pratique quotidienne sur la manière d’accompagner le patient. En matière d’accompagnement au patient il s’agit essentiellement de prendre en compte le confort de celui-ci, et la relation d’aide si elle existe se fera au second plan. Par ailleurs, concernant le concept de « mort attendue », nous avons pu nous rendre compte que les professionnels ont fait un lien direct avec la notion de « limitation thérapeutique » tandis que dans notre travail, nous avions donné un sens plus large au concept. De plus, pour les infirmières rencontrées, la décision de limitation thérapeutique est déjà une forme d’accompagnement et a permis une progression dans la prise en charge de la fin de vie. Durant nos rencontres avec les professionnels, nous avons pu percevoir une certaine retenue dans les réponses données. En effet, elles se sont souvent exprimées au nom de leur équipe et non pas d’un point de vue personnel. Cela semble confirmer, que s’exprimer et se dévoiler en son nom propre n’est pas si simple en service de réanimation. La fin de ce travail nous permet de formuler la problématique suivante : Dans quelle mesure une formation des soignants de réanimation en soins palliatifs améliorerait l’accompagnement des patients lors d’une décision de limitation thérapeutique ? 22 BIBLIOGRAPHIE 1. KENTISH-BARNES Nancy. Mourir à l'hôpital : Décisions de fin de vie en réanimation. Paris VI : Editions du Seuil, 2008, 242p. 2. Dr B.RICOU et Pr J-C.CHEVROLET. Mourir aux soins intensifs. 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Depuis combien de temps exercez-vous en réanimation ? Quel est votre parcours professionnel ? Avez-vous bénéficiez de formations en dehors de la formation initiale depuis que vous exercez le métier d’infirmière ? Que pouvez-vous nous dire sur votre métier d’infirmière en réanimation ? S’il y avait trois points spécifiques qui décrivent votre métier, quels seraient-ils ? Si je vous dis « mort attendue » que pouvez-vous m’en dire ? Pour vous, la mort est-ce un échec ? Et dans votre service de Réanimation ? De quelles ressources disposez-vous en ce qui concerne la fin de vie ? Si je vous dis « accompagnement infirmier en réanimation » que pouvez-vous m’en dire ? Et concernant l’accompagnement des proches ? Bénéficiez-vous en tant qu’infirmière d’un accompagnement spécifique dans votre service ? Avez-vous d’autres alternatives pour gérer les difficultés du métier en dehors de votre lieu de travail ? Pouvez-vous me décrire un processus d’arrêt ou de limitation thérapeutique dans votre service ? Qui décide ? A quel moment ? De quelle manière ? Pour vous, quel est l’impact de votre avis dans les décisions qui sont prises ? S’il y avait quelques choses que vous aimeriez améliorer dans votre service en ce qui concerne l’accompagnement infirmier auprès des patients, que serait-ce ? Avez-vous d’autres informations dont vous aimeriez nous faire part et qui vous semblent importantes à prendre en compte pour notre travail de recherche ? 28 ANNEXE 2 : Entretien A Entretien A : IDE A Depuis combien de temps êtes-vous diplômée ? « Je suis diplômée depuis 2003 » Depuis combien de temps exercez-vous en réanimation ? «Ça fait 11 ans. » Quel est votre parcours professionnel ? « J’ai travaillé deux ans à Montpellier au CHU, avant d’intégrer la réanimation au CHRU de Besançon, toujours en réanimation, en fait j’ai commencé par la réanimation cardiologique et je suis venue ici ensuite. » Avez-vous bénéficiez de formations en dehors de la formation initiale depuis que vous exercez le métier d’IDE ? « Oui, j’ai une formation diplômante pour le caisson hyperbare et j’ai un DU en circulation extra corporelle. » Que pouvez- vous nous dire sur votre métier en réanimation ? « En réanimation c’est un contexte où l’on a beaucoup de soins techniques, je pense que c’est important de bien les connaitre et en même temps c’est euh…travailler avec les patients et leurs familles. C’est toujours des situations assez compliquées parce que souvent ce sont des situations assez brusques, ou des choses graves, de toute façon il y a toujours le pronostic vital du patient qui est mis en jeu quand il vient en réanimation. Donc moi je pense que voilà, c’est important d’avoir de bonnes connaissances des soins techniques, pour pouvoir mieux les prendre en charge. Au niveau relationnel, bon les patients sont pas toujours conscients, après on a souvent leur famille à accompagner, c’est un peu la particularité de la réanimation je trouve. Je pense qu’ailleurs on s’occupe surtout des patients, là on englobe la famille. » S’il y avait trois points spécifiques qui décrivent votre métier, quels seraient-ils ? « Il y a la relation avec le patient qui est particulière, car ils sont intubés, la relation avec la famille c’est particulier ici, après je pense que la prise en charge technique est super importante en réanimation. En trois grandes lignes ce qui fait la différence entre un service de réanimation et un autre je pense que c’est le nombre de soins techniques, les choses invasives que l’on fait aux patients, après il y a le nombre de nos patients qui n’est pas le 29 même qu’ailleurs non plus, on a trois patients maximum à prendre en charge ici donc deux ou trois, ça fait qu’on les connait vraiment dans leur globalité » « C’est une infirmière pour … ? En fait, on est deux infirmières pour cinq patients, donc il y en a une qui en a deux et une qui en a trois, et on se réparti en binôme avec l’aide-soignante. » Donc cela laisse du temps pour bien s’occuper des patients et ça permet d’avoir une relation ? Hésitation de l’infirmière … : « Plus ou moins (rires), pas toujours, c’est une autre relation. Après un patient qui est pas stable en réanimation, alors je ne sais pas si vous êtes déjà venu en stage ou pas, mais un patient qui est pas stable ça vous prend tout votre temps. » Si je vous dis « mort attendue » que pouvez-vous m’en dire ? « Alors mort attendue … pour nous mort attendue c’est quand on sait que le patient va mourir, généralement chez nous quand on dit mort attendue c’est que l’on commence à limiter les thérapeutiques, les soins invasifs. Pour nous, c’est une autre partie qui commence quand on sait que le patient va mourir, c’est plus un accompagnement du patient, une prise en charge de la douleur et pour moi ça se limite à ça.» « Dans votre service de réanimation vous avez souvent l’impression d’être confrontée à la mort attendue ? Oui, c’est plus souvent des morts attendues. Et la brutale ? La mort brutale euh… ben justement c’est le contraire je pense que c’est quelque chose qui n’est pas attendu (rires) c’est logique comme par exemple un arrêt cardiaque, quelque chose auquel on ne s’attendait pas. C’est vrai qu’on ne réagit pas de la même façon, parce que, on va essayer de réanimer un patient qui fait une mort brutale. Si les patients restent longtemps il y a une réunion pluridisciplinaire pour parler du patient avec tout le monde pour mettre en place une limitation thérapeutique. » Et donc en réanimation médicale, vous gérez plus de décès par mort attendue que par mort brutale ? Ah oui, oui oui, sûr ! Généralement, (je ne sais pas si vous aller en parler plus tard), mais pour les personnes qui restent longtemps on fait des réunions pluridisciplinaire pour en parler, justement pour que tout le monde soit d’accord. » 30 Pour vous, la mort est-ce un échec ? « En général non » Et dans votre service de réanimation ? « Non je ne pense pas car la plupart des patients qui sont là, s’ils étaient pas venus en réanimation, ils seraient morts avant en fait. Cela leur laisse une chance donc soit ça passe, soit on y arrive pas…Les patients qui ont une tonne d’antécédents, ben… on ne peut pas les guérir de tout. Non non je ne pense pas.» Et vous pensez que les médecins ont le même avis ? « Oui je pense. » De quelles ressources disposez-vous en ce qui concerne la fin de vie ? «C’est-à-dire ? Quoi au niveau ressources ? » Ça peut être au niveau personnel ou au contraire dans votre service ? « Dans le service il y a un psychologue qui travaille ici, il doit être à mi-temps 2-3 jours par semaine dans le service, qui est une bonne aide car il est extérieur aux soins. Car c’est vrai que nous en tant qu’infirmier on n’a pas toujours le temps de prendre une demie heure pour parler, pour voir la famille. Ce n’est pas toujours facile. Donc le psychologue c’est vrai qu’il est en dehors, il est détaché des soins, c’est vrai qu’il nous est bien utile pour ça. Voilà après euh… » Au sein du service, par exemple quand vous êtes confrontés à une fin de vie, qu’est-ce qu’il va y avoir pour vous aider dans votre service ? « Pour nous aider dans notre service… euh… » « Que ce soit protocole ou autre chose ? Ben… il n’y a pas grand-chose » « Concrètement comment on fait ? Eh ben comment on fait …je ne sais pas, ça dépend un peu des patients en fait, euh... pour tous les patients qui rentrent dans le cadre de la limitation thérapeutique, c’est vrai qu’on fait vraiment systématiquement des réunions, donc ça permet de revoir le dossier du patient et 31 que tout soit clair pour tout le monde, que chacun puisse exprimer son avis, ça c’est sûr que c’est bien. » Pouvez-vous me décrire un processus d’arrêt ou de limitation thérapeutique dans votre service ? Qui décide ? A quel moment ? De quelle manière ? « Alors le processus soit c’est le médecin qui prend la décision de réunir tout le monde, compte tenu des résultats il sait qu’il n’y a pas d’espoir pour le patient, soit ça peut être l’équipe paramédicale pour qui ça pose problème où il y a des difficultés et qu’on a l’impression qu’on s’acharne. Donc on fait la demande pour cette réunion, une fois la demande faite on fixe une date et on se réunit, et puis c’est toujours pluridisciplinaire. La réunion s’organise avec un/des médecins, un infirmier, un aide-soignant et le psychologue. Et puis généralement, lors de ces réunions le médecin retrace l’histoire du patient avec ses antécédents, et puis son devenir. Il y aussi la famille qui rentre aussi en compte et à ce moment-là on cherche à savoir où en est la famille par rapport à son proche, s’ils acceptent l’idée qu’il va mourir ou s’ils en sont pas encore là. Et puis avec tous ces éléments, on prend la décision soit de limiter les soins, ou d’attendre et de revoir avec la famille. » Pour vous, quel est l’impact de votre avis dans les décisions qui sont prises ? « L’équipe paramédicale n’hésite pas à donner son point de vue sur le cas d’un patient. Car c’est l’équipe paramédicale qui est plus en contact avec le patient, contrairement au médecin, car l’on passe notre journée avec, on se rend plus compte, il y a des choses qui peuvent nous interpeller plus vite j’ai envie de dire. On leur signale à ce moment-là. Ils sont assez ouverts, vraiment on est dans un service ouvert où l’avis de tout le monde est bien pris en compte dans le choix des décisions. Pour moi avec mon expérience cela ne me pose pas de difficulté, cela peut être différent quand on vient d’arriver dans le service. » Si le psychologue n’est pas présent, en parlez-vous en équipe ? « Oui entre nous on peut en parler, après on est une grosse équipe, on tourne beaucoup de patients, on les a pas longtemps en charge. On en parle entre nous aux relèves mais pas plus que ça. » Si je vous dis « accompagnement infirmier en réanimation » que pouvez-vous m’en dire ? « C’est prendre en compte les besoins du patient, d’évaluer s’il a mal et s’il a l’air confortable, des choses comme ça…et puis… alors certains de nos patients on peut leur parler, on peut avoir une communication verbale avec eux, mais ça reste rare. Donc moi j’ai 32 envie de dire les patients qui sont pas conscients intubés en fin de vie, notre accompagnement ça va surtout être, de veiller à ce qu’ils aient l’air bien, qu’ils aient pas mal, pas de signes de douleurs, c’est du confort. » Pour les patients conscients ? On peut quand même échanger avec eux ? « L’accompagnement va être différent. Alors franchement je pense que tout ce qui est relation d’aide en réanimation, j’ai rarement fait ça, car on a toujours des autres patients qui sont à côté et qui demandent des soins continus. C’est compliqué, franchement c’est hyper compliqué. C’est lors d’une situation comme cela que l’on fait intervenir le psychologue quand on sent que le patient a plus besoin de parler parce que nous avec les soins à côté c’est compliqué. On peut lui parler un petit moment mais de là à faire une relation d’aide ou des choses comme ça, je pense que c’est dur. » Mais le fait d’être présent, une poignée de main …? « Oui il y a des gestes qui sont rassurants. Oui effectivement. » Et concernant l’accompagnement des proches ? « C’est plus compliqué mais c’est hyper important ; il faut expliquer les machines car c’est un environnement qui peut être stressant et en plus de leur annoncer une mauvaise nouvelle, c’est important de les rassurer car ils peuvent être stressés, angoissés. C’est important de leur donner les bonnes informations, d’être clair, et en même temps de ne pas leur mentir. Et puis voilà, de les accompagner vers leurs proches, je pense qu’il faut se rendre disponible. Ils ont peut-être pas forcément besoin de parler toute suite mais il faut leur faire savoir qu’on est là et que s’ils ont besoin, on peut les écouter. » Existe-t-il un dispositif quand la famille vient pour la première fois ? « Oui, il y a une salle d’attente qui est à l’entrée du service, on vient les chercher la première fois, on les accompagne dans le service, en leur expliquant ce qu’ils vont trouver dans la chambre ; patient intubé, endormi, machines. Et puis, il y a toujours un entretien médical qui se fait dans une pièce à part, pour leur expliquer ce qu’il se passe.» Etes-vous présente à cet entretien ? 33 « Dès que possible car parfois on a un patient instable donc on ne peut pas s’absenter, on n’a pas toujours le temps avec les soins quotidiens que nécessitent les autres patients. Quand c’est possible, vraiment on y va pour savoir ce qu’ils disent et ce qui est compris ou non.» L’entretien a toujours lieu avant que les familles rencontrent leur proche ? « Pas toujours, c’est vrai que c’est mieux mais les médecins sont pas toujours disponibles tout de suite, on essaye mais ce n’est pas systématique. » En Réanimation il y a aussi certaines barrières comme les horaires de visites, le fait que le service soit fermé ? « Oui, après les horaires on est quand même plus larges que les autres services, c’est de 14h30 jusqu’à minuit. La Réa Chir c’est beaucoup plus restreint, c’est ce qu’on avait avant en fait, mais c’est un choix d’avoir élargi ces horaires. Car quand c’est des horaires assez restreints comme ça, les familles sont obligées de patienter, elles ont vite fait de s’énerver, ce qui se comprend en même temps car ils sont venus exprès, s’ils ne peuvent pas voir le patient…. Nous c’est vrai qu’avec nos horaires les gens peuvent venir quand ils veulent après ça arrive qu’on les fasse patienter mais généralement les gens comprennent. » Vous gérez souvent la violence, l’agressivité ? « Oui, oui cela arrive souvent, après généralement il suffit de désamorcer le truc parce c’est souvent dû à l’angoisse, au stress, et du coup ils s’énervent, ils ne sont pas dans leur état normal, il suffit de désamorcer et d’expliquer et cela se passe bien. Mais… oui ça arrive souvent les gens qui s’énervent parce qu’on les a oubliés en salle d’attente ou fait patienter » Et lorsqu’il s’agit d’un accompagnement en fin de vie que prenez-vous en compte, comment vous organisez-vous ? «Si le patient peut exprimer lui-même sa volonté c’est différent car lui, pourra nous dire ce qu’il veut : que telle ou telle personne soit là ou s’occupe de lui. Si le patient n’est pas conscient, c’est les descendants ou enfants ou les époux qui seront référents, généralement on fonctionne avec un référent donc c’est cette personne-là qui va prendre les informations pour le reste de la famille. Après on peut voir toute la famille une fois en entretien mais on ne peut pas le faire tout le temps comme on ne peut pas donner des nouvelles à toute la famille ou par téléphone. Et puis généralement les décisions de la limitation thérapeutique c’est 34 vraiment quand la famille est au clair, on attend toujours l’avis de la famille, même si légalement on pourrait faire sans mais c’est quand même important pour tout le monde que ça se passe pour le mieux.» Y a-t-il des directives anticipées pour la plupart des patients ? « Non j’en ai jamais vu. » Jamais ? « Non jamais, franchement…» Ce n’est pas quelque chose de courant en Réa que vous allez rechercher à l’entrée des patients dans le service ? « Non non, ce n’est pas courant, après rechercher… ce n’est pas un truc très rependu les directives anticipées je trouve, je connais les textes de lois mais... (Rires). Et puis c’est contraignant quand même comme truc, parce qu’il faut les mettre à jour tous les 2- 3 ans je crois…J’en ai jamais vu, généralement ce qu’on fait c’est qu’on demande l’avis, pas l’avis de la famille mais est-ce qu’ils savent ce que le patient aurait voulu. C’est un peu différent de l’avis de la famille parce que…» La personne référent c’est comme la personne de confiance ? «Pas tout à fait, parce que généralement les patients n’ont pas de personne de confiance en arrivant en Réa, on ne peut pas leur demander, enfin quand on peut on le fait mais c’est hyper rare, donc souvent ce sera son épouse sa femme les enfants quand ils sont veufs ou pas marié généralement. Mais c’est vrai que cela pose des soucis parfois quand les familles sont en conflit, c’est vite compliqué. Et comme le patient en général ne peut pas trop donner son avis c’est plus compliqué. » Et dans ses cas-là, on fait comment ? «On essaye de rester en dehors des conflits familiaux, mais si des fois c’est euh… on n’a pas le choix, généralement ce qu’on leur dit c’est qu’il faut qu’ils se mettent d’accord quoi, pour le bien du patient. Après si vraiment deux personnes qui ne peuvent pas se parler, par exemple deux enfants qui sont en conflit on donnera des nouvelles aux deux. (Interruption de l’entretien par du personnel)… » « Et c’est fréquent ? 35 Oui c’est fréquent mais après généralement on arrive à gérer, les situations qui posent vraiment problème et qu’on n’arrive pas à… ben qu’on n’arrive pas à parler avec la famille, oui ça reste rare». Cela peut être gênant pour l’accompagnement ? « Après, c’est vraiment quand le patient ne peut pas s’exprimer que c’est le plus gênant. En même temps nous on ne peut pas interdire les visites d’une partie de sa famille, on leur dit qu’ils s’arrangent, un qui vient en début d’après-midi et l’autre en fin d’après-midi. On ne va pas faire la police à l’entrée du service ». On peut en référer à la cadre de santé à ce moment-là ? (Discussion de personnel à côté de nous) « Oui oui la cadre, aux médecins, au psychologue, enfin vraiment pour montrer que l’on est une équipe soudée et qu’on est ensemble, qu’on est là pour le bien du patient.» Bénéficiez-vous en tant qu’infirmière d’un accompagnement spécifique dans votre service ? « Si vraiment on est en difficulté et que le psychologue du service n’est pas présent, il y a les psychologues du SAMU à qui on peut se référer aussi. » Avez-vous d’autres alternatives pour gérer les difficultés du métier en dehors de votre lieu de travail ? « … (Rires) oui je cours, moi je cours, je pense que c’est important justement de trouver un équilibre, il y a des moments où on accumule les situations difficiles. On rentre avec à la maison, ce serait faux de dire le contraire. Après j’ai une vie de famille équilibrée, je fais du sport, ça m’aide. Il y a des situations qui marquent, moi je me souviens de situations qui ce sont passées il y a longtemps, mais je sais que je ne les oublierai pas, après il faut arriver à… Depuis que j’ai des enfants aussi, je pense que c’est plus facile, je rentre à la maison, je m’occupe de mes enfants. Après je pense qu’il y a peut-être un moment où trop de choses difficiles ça fait qu’on peut plus passer à côté. Moi par exemple, cela fait 9 ans que je travaille ici, je pense que j’arrive à un moment où moi j’ai besoin de passer à autre chose. C’est ce que je vais faire. On vit beaucoup de choses, je pense que j’en ai encaissé beaucoup, au bout d’un moment, peut être envie de faire des choses moins compliquées. Moi je vais faire l’école d’IADE, pour être moins en contact avec des situations qui sont toujours douloureuses quand même, parce que même si on n’a pas cette attache comme on 36 peut avoir dans d’autres services, on gère les familles. Trop s’habituer à des situations difficiles ce n’est pas possible ce n’est pas bon. ». Pour vous, quel est l’impact de votre avis dans les décisions qui sont prises ? « Après je pense que c’est plus un avis…J’ai rarement été en désaccord avec l’équipe médicale, même jamais. » S’il y avait quelques choses que vous aimeriez améliorer dans votre service en ce qui concerne l’accompagnement infirmier auprès des patients, que serait-ce ? « On manque de temps, c’est clair. » Et si vous aviez plus de temps ? « Je pense plus pour ce qui est accompagnement relationnel, c’est quand même mis un peu au second plan ici, c’est vrai que quand on a une urgence vitale à coté ben forcément c’est ça qui prime. Et euh… également la participation aux entretiens avec les familles, ce serait bien qu’on puisse y assister tout le temps. » Un exemple de situation ? « Des fois, les patients qui sont intubées, ça demande du temps pour comprendre ce qu’ils veulent, des fois quand on a pas le temps on dit je ne comprends pas, je reviendrai plus tard ». En ayant plus de temps, une charge de travail un peu moins importante sur certaines choses, c’est des choses que l’on pourrait plus développer, même les outils de communication.» Y a t-il des moyens de communication avec les personnes non communicantes verbalement ? « Ouais vite fait … des ardoises, des alphabets pour qu’ils puissent montrer mais c’est quelque chose qui est peu développé, on pourrait travailler dessus». Avez-vous d’autres informations dont vous aimeriez nous faire part et qui vous semblent importantes à prendre en compte pour notre travail de recherche ? « Après je pense qu’il y a un truc important, j’ai vu pas mal d’évolution en dix ans que je travaille là, on prend plus en compte l’avis du patient. On est quand même beaucoup plus raisonnable qu’avant, c’est vrai qu’avant on avait tendance une fois que les patient étaient en 37 réanimation… je pense vraiment qu’avant c’était de l’acharnement, on continuait jusqu’au bout. Maintenant c’est vrai que du moment où il n’y a plus de projet pour le patient, où l’on sait qu’il… qu’il va mourir à long ou à court terme, c’est vrai que l’on réfléchit beaucoup plus. Les réunions pluridisciplinaire qu’on fait dans le service c’est vraiment quelque chose qui pour moi est super important et qui fait que moi je suis restée aussi longtemps en service, notre avis est vraiment pris en compte et vraiment j’ai vu une évolution en quelques années. » Comment expliquez-vous cette évolution ? « Par la loi Léonetti, nous on l’a vraiment appliquée ici et puis il y aussi l’évolution des mentalités surtout au niveau médical. Peut-être qu’ils se sont dit que cela ne servait à rien des fois de continuer jusqu’à … quand on sait qu’il n’y a pas d’espoir, ça sert à rien de continuer. » Ils sont moins dans l’esprit de vouloir de sauver à tout prix ? « Oui c’est ça, c’est plus réfléchi. » 38 ANNEXE 3 : Entretien B Entretien B : IDE B Depuis combien de temps êtes-vous diplômé ? Euh… depuis 2006, toujours à Besançon. Depuis combien de temps exercez-vous en réanimation ? Environ huit ans. Quel est votre parcours professionnel ? J’ai fais un remplacement au SAMU, un aux urgences traumatologiques et un remplacement en chirurgie digestive et vasculaire. Avez-vous bénéficiez de formations en dehors de la formation initiale depuis que vous exercez le métier d’infirmière ? Formation douleur, formation tutorat pour étudiant, formation fin de vie en tant qu’AS, c’est tout. Que pouvez-vous nous dire sur votre métier d’infirmière en réanimation ? « Epanouissement, on apprend à se remettre en question, on apprend beaucoup de choses tous les jours, après … qu’est ce que je peux vous dire d’autre, c’est un travail de relation d’aide avec les familles un travail technique auprès des patients, un travail pluridisciplinaire aussi bien avec l’équipe médicale que d’autres intervenants extérieurs, un travail spécifique mais très intéressant. » Pourquoi vous dites spécifique ? « Je trouve que la réa c’est une spécialité comme la psychiatrie ou comme le travail en pédiatrie, on est un peu en service fermé quoi… on travaille avec des gens qui sont dans le coma, on attend, on a pas forcément de réponses, on a une réponse qui est non verbale avec nos patients à travers les scopes ou à travers les mimiques, on n’aime ou on n’aime pas, mais c’est super intéressant. » Et puis vous parler de relation d’aide avec la famille ? « Par rapport à l’accueil de leurs proches lors d’un AVP, souvent quand les patients arrivent c’est euh... suite à un accident de la voie publique, ça peut être … c’est de l’inattendu pour la famille, donc nous on est là aussi pour les rassurer, pour les réconforter leur expliquer ce qui se passe, et donc on est quand même assez proche des familles. » Et la relation d’aide avec les patients ? 39 « Ca va être de leur expliquer, c’est pas parce qu’il est dans le coma qu’on entend pas, ça va être lui expliquer les soins qu’on lui fait, ça va être aussi d’interpréter ce qu’il nous transmet par le biais du scope, la douleur, on peut voir s’il est bien ou pas bien aussi au niveau de son faciès, pour moi ça fais une relation c’est une communication non verbale, tant qu’ ils sont dans le coma après quand ils sont réveillés, la communication verbale s’établie et on.. On sait réellement ce que veut le patient ou pas… » On arrive à le comprendre ? « Oui oui. » S’il y avait trois points spécifiques qui décrivent votre métier, quels seraient-ils ? « Ben je dirais technicité, je dirais… 3 points ? Être à l’écoute et puis travailler en équipe. » Si je vous dis « mort attendue » que pouvez-vous m’en dire ? « Euh… la mort on y est confronté des fois pas tous les jours heureusement, plus ou moins attendue, redites voir ? Ben il y a des patients pour qui quand ils arrivent on sait que l’issue sera le décès, et puis pour d’autres c’est un peu… on est un peu surpris, on s’y attendait pas. » Et mort brutale ? « Mort brutale c’est par exemple un patient qui fais un arrêt cardiaque et que l’on n’arrive pas à réanimer, ou euh… lors d’un transfert ça peut arriver qu’un patient « péquelotte », et euh on n’attendait pas, et du coup mort attendue par rapport au pronostic, on s’y attendait pas, surpris quoi… » Et dans le service est ce que vous savez s’il y a plus de mort brutale que de mort attendue ? « Je ne pourrai pas vous dire. » Pour vous, la mort est-ce un échec ? « Non » Et dans votre service de Réanimation ? « Ben… des fois oui, ça dépend quel patient on a devant nous, ça peut être un échec quand on a tout tenté, aussi suivant l’âge on se dit « merde » quoi, c’est pas juste quoi… après des fois c’est pas un échec parce que, au contraire on sait que l’équipe médicale a tout mis en place pour ce patient, on a fait appel à d’autres médecins, à une autre équipe 40 pluridisciplinaire qui est descendue, on a tout essayé pis ben malheureusement quand y’a pu y’a pu, quand c’est votre heure ben voilà.. » Vous faites appel à quelle équipe ? « Nous, on travaille beaucoup avec le 4 AO, donc toute la chirurgie digestive et viscérale, et le vasculaire, on travaille beaucoup avec les neurologues, hépatologues par rapport aux greffes, après on va travailler euh ... ça dépend euh… ça dépend pourquoi vient le patient, si on voit que nos réanimateurs, je parle pour eux, les réanimateurs demandent aussi conseil à leur confrères suivant la pathologie pour laquelle le patient est arrivé. Donc après il y a tous les examens qui se passent : scanner, IRM et tout ça, artério, et puis quand le diagnostic de mort encéphalique est posé ben là on sait qu’il n’y a plus rien à faire donc après ben le décès… on sait…Toute façon quand vous franchissez les portes de la réa c’est que ça ne va pas du tout, avant de travailler ici moi je savais très bien que si je venais travailler ici, je serai confrontée à la mort donc ce n’était pas un problème. On n’est pas des robots… on s’entend ?...après il faut savoir faire pour à l’extérieur ne pas tout le temps être làdedans… » De quelles ressources disposez-vous en ce qui concerne la fin de vie ? « Et ben les ressources de l’équipe, on a la psychologue. Après si réellement on est jeune ou ancienne diplômée et qu’on arrive plus à faire face, on a les formations. La formation fin de vie qui peut être proposée par l’hôpital, après tout ce qui peut être… » Est-ce que vous faites appel à des personnes extérieures du service ? « On appelle les aumôniers, les différentes personnes du culte. Je trouve que ça peut nous aider enfin ça nous aide indirectement, ça aide la famille. Du coup, je trouve que c’est plus facile à gérer quand on sait que la famille est bien et ben nous enfin je parle pour moi je le vit bien, si une famille me demande d’appeler les gens du culte, si ça leur rend service après moi je me sens super bien. Une famille qui pleure, quand je sors j’ai les larmes aux yeux quoi donc voilà. Après on peut faire aussi appel aux soins palliatifs, à l’équipe mobile. Si vraiment on voit que ça va pas et pis ben notre psychologue comme je vous ai dit et pis nous après on a nos médecins et si on voit que ça va pas, si on voit que notre patient souffre ou si on voit qu’il ne part pas dans de bonnes conditions, et ben on leur dit et ils sont super à l’écoute. Ils partent du principe, nos médecins et savent qu’on est toute la journée avec eux (les patients), on voit comme ils sont, comment ils réagissent, si on voit un patient gasper, si on voit qu’il n’est pas bien, si on voit qu’il souffre on leur dit. Et puis il y a pour la douleur des thérapeutiques qui sont mises en place donc ça me soulage de voir un patient qui est bien. » 41 Vous pouvez faire appel aux soins palliatifs ? « Oui ça s’est déjà vu, pour des patients qu’on a eu à long terme. Après, c’est sur quand il y a des décès rapide, brutaux, ben là on en reparle après. Des fois, il y a un débriefing qui est fait, c’est surtout quand il y a des gros arrêts cardiaques. Le médecin qui a géré l’arrêt cardiaque fait un débriefing pour voir… enfin on fait débriefing si l’issue a été le décès pour voir si l’équipe a été efficace. » Si je vous dis « accompagnement infirmier en réanimation » que pouvez-vous m’en dire ? « Accompagnement infirmier, je dirai qu’on est là pour les familles, on est là pour le patient et puis on est là aussi pour accompagner pour le tutorat pour les élèves, on les force pas à faire les toilettes mortuaires, on est là pour les accompagner. Justement le métier d’infirmière, on arrive à guérir entre guillemets avec le biais de nos médecin mais si l’issue c’est la mort et ben on les accompagne aussi. Et on est là … pour former les étudiants. » Et concernant l’accompagnement des proches ? « La famille, au départ nous on est avec des visites réglementaires, 15h30-18h30, c’est trois personnes de la famille, on à l’autre créneau 18h30-19h30 ça peut être les trois mêmes personnes ou des personnes différentes. Après le jour J, quand le patient arrive, la famille s’ils sont quatre, on leur dit ben vous pouvez rester mais demain c’est trois personnes. On leur donne un petit livret d’accueil, on leur explique le service le fonctionnement du service, comment va être le patient, scopé avec différentes machines, tout ça, avant de rentrer dans la chambre, voilà qu’ils ne soient pas surpris et choqués. Ça dépend aussi, si c’est un AVP et si il y a une traction, ça dépend aussi comment est techniqué le patient. Donc on les prend un petit moment, on leur explique avec le livret d’accueil, il y a un petit lexique qui leur explique en gros ce qu’est un ventilateur, ce qu’est le service de réanimation. Ça a été un travail qui a été fait, un travail de groupe sur l’accueil des familles. Après suite à ça, donc euh… on rentre dans la chambre avec la famille, avec les trois personnes on leur explique ce qu’il en est, l’environnement de la chambre, on leur donne des nouvelles du patient et on fait venir le médecin. Après on leur dit qu’il y a, à leur disposition le psychologue et que s’ils veulent voir un médecin on peut prendre rendez-vous, nos médecins ils sont la h24, il y a toujours un médecin qui pourra répondre à leurs questions et nous on est là aussi pour y répondre. On leur donne les horaires de téléphone, faut pas appeler avant 9h car avant on fait les toilettes mais qu’à partir de 9h à… enfin toute la nuit, on est là on les rassure, « avant de vous coucher vous pouvez nous appeler pour demander des nouvelles même si c’est rien » ; un petit coup de fil ça les tranquillise, on essaie d’être assez proche avec nos familles. L’après-midi, il y a beaucoup de présence avec les familles pour les rassurer. 42 Après, malheureusement les familles qui viennent pendant un mois, ben on peut dire qu’ils sont rodés. On leur donne des nouvelles, jour par jour, on ne peut pas leur donner des nouvelles pour une semaine, demain on sait pas comment ce sera, donc faut leur dire « aujourd’hui on en est là, on verra, rappeler ce soir entre 15h et 20h » ça peut être comme ça. Ça peut être sur une pente ascendante ou au contraire on peut avancer d’un pas ou reculer du moment que leur proche est ici c’est difficile. » Bénéficiez-vous en tant qu’infirmière d’un accompagnement spécifique dans votre service ? Avez-vous d’autres alternatives pour gérer les difficultés du métier en dehors de votre lieu de travail ? « Moi, une fois que j’ai quitté la réa, que j’ai fermé mon casier suivant les journées que j’ai eu, je fais du jardin et je bricole à l’extérieur. Je fais du sport, moins maintenant avec les enfants, avant d’avoir des enfants je faisais beaucoup de sport pour évacuer. J’en parle pas à la maison, je ramène pas mon boulot à la maison, hormis avec des collègues ou des amis qui sont dans le médical et qui peuvent comprendre les situations qui sont difficiles, suivant l’âge les circonstances des fois c’est dur quoi… sinon c’est comme ça par l’extérieur. » Et sinon vous en parlez entre collègues ? Quand vous avez des ressentis qui sont difficiles ? « Ouais… ouais…on est une grosse équipe, 57 infirmiers entre autre, et on arrive à faire un, on ne fait pas un … comment on appelle ça, on en reparle à postériori, « ce patient tu te rappelles comment il était », quand il y a eu un truc difficile on en parle. On a une psy qui est là aussi pour nous, pour les familles, donc si vraiment on a des situations difficiles et qu’on n’arrive pas à passer le cap on sait qu’on a quelqu’un avec qui on peut discuter quoi…Mais entre nous on parle beaucoup. » Donc il y a quand même une entraide entre vous ? « Oui oui, on est une équipe très très soudée, si on voit qu’une collègue si on a un patient que ça fais plusieurs jours qu’il est là, qu’on a eu des enfants, on essaye de tourner, si c’est trop dur pour la collègue de nuit ou de jour on lui dit passe la main, aujourd’hui c’est moi qui le prend. On échange nos patients, quand c’est trop difficile qu’il y a beaucoup de transfert aussi qui se font, on n’est tous différents, on a tous un vécu, on a un vécu différent aussi par rapport à la mort, on le voit avec nos collègues, et pis on se gêne pas entre nous, aujourd’hui je peux plus… Là, je ne peux pas. » Pouvez-vous me décrire un processus d’arrêt ou de limitation thérapeutique dans votre service ? Qui décide ? A quel moment ? De quelle manière ? 43 « Oui, alors pour un patient qui est jugé en limitation thérapeutique, déjà c’est déjà qu’il y ait une discussion avec toute la famille. Le médecin prend rendez-vous avec la famille, donc conjoint, enfants, s’il n’y a pas de famille c’est la famille proche genre neveux…On prend rendez-vous, le médecin explique ce qu’il en est à l’heure d’aujourd’hui. Mais avant, il y a eu tout un travail qui a été fait par l’équipe de réanimation, tous les réanimateurs ont fait tous les examens possibles et inimaginables et il y a eu aussi une réunion collégiale avec d’autres médecins de la pathologie en question, et que là il s’avère que ben…malheureusement là on arrive en bout de course, il y a plus rien à faire pour ce patient, on aura beau continuer il sera toujours sous respirateur, je vous dis n’importe quoi, il sera toujours sous assistance respiratoire, enfin voilà c’est qu’à l’heure d’aujourd’hui il n’y aura plus d’issue. Donc du coup le médecin qui est… c’est toujours un « senior », ce n’est jamais un interne il peut être accompagné d’un interne mais celui qui dirige la réunion c’est toujours un « senior ». De là euh.. on voit avec la famille ce que eux ils veulent, et ce que le patient voulait ou ne voulait pas, entre temps on pose aussi la question, si le décès arrive le processus pour les dons d’organes et si le patient est potentiellement un donneur. Donc il y a tout qui se fait en parallèle quoi… donc après la réunion avec la famille, elle décide de dire mon conjoint ne voulait pas ou voulait être si… ou voulait absolument ça. En fait on travaille avec la famille, on va toujours dans leur direction, et on marche avec eux, s’ils nous disent blanc on ne va pas faire noire. Donc voilà, après si c’est la limitation thérapeutique qui a été validée par le médecin et par la famille, l’équipe médicale nous prescrit à nous l’équipe paramédicale. Ça va être tous les soins de confort, s’il y a des amines on augmente plus, on descend plus, on ne touche plus à rien en fait, on laisse le patient comme il est là, on fait les soins de conforts, on met tous les traitements pour la douleur pour que le patient soit bien calmé , serein, et tous les soins sont prodigués, alors s’il a besoin d’antibiotiques, on aura toujours des antibiotiques , il sera toujours alimenté, on met pas un patient à la diète ! Et après si suite à la limitation thérapeutique, si l’équipe médicale voit que sa peut durer un mois, six mois, après il y a encore la décision de faire un arrêt thérapeutique, donc là on ne touche plus à rien, on ne bouge rien, on fait plus d’examen, et après le patient part tranquillement. » Et est-ce que parfois dans le service les patients arrivent avec des directives anticipées ? « Alors là vous me posez une colle… » Vous avez jamais utilisé de directives anticipées dans le service ? « C’est la famille qui nous retransmet mais je suis en train de me demander si on n’a pas eu une fois où il y avait un cas, un monsieur un papi qui avait un écrit manuscrit, je ne peux pas vous l’affirmer, je ne sais pas, moi en tous cas ça ne m’est jamais arrivé d’avoir un patient avec ce genre de chose. » 44 Et quand les patients descendent d’un autre service ? « Les médecins certainement, nous non mais je pense que les médecins font toutes les démarches pour. Et la famille nous dit aussi, et les patients qui arrivent ici ne sont pas tous intubés donc quand on a un patient à qui on doit dire ben…pour revenir sur la LT, si on a un patient qui nous a dit oralement car il était conscient extubé et puis que ben malheureusement il faut le réintuber, ça va vraiment nous aider. Après s’il nous dit qu’il est contre la trachéotomie c’est un patient qui n’aura pas de trachéotomie, parce que une fois qu’ils sont intubés, si c’est un patient qui reste malheureusement longtemps, entre temps il y a eu des essais d’extubation, ils ont été conscients, la famille aussi était là, s’il nous a dit ben je ne veux pas ceci ou cela, ça c’est pris en compte, et ça c’est marqué, marqué par l’équipe infirmière. Quand on fait nos relèves on a tous nos dossiers de soins, par exemple ce matin le patient a refusé d’être rasé, ça n’a rien avoir avec votre sujet mais on respecte le choix du patient. » Et pour les patients intubés mais conscients existe-t-il des moyens de communication ? « Et ben on a les ardoises, on prend aussi un abécédaire, ça prend du temps pour savoir quel mot, mais après ça va quand on demande la première lettre de chaque mot mais on arrive à communiquer. Un patient qui est intubé et qui veut se faire comprendre, il va vite… On arrive souvent bien à comprendre ce qu’il veut quoi… après ça dépend des patients, de leur état de conscience, parce que des fois ils gribouillent, ils pensent nous écrire bien et pis en fait c’est des vagues ! Donc on arrête l’ardoise et on passe aux lettres. Les lettres c’est plus facile mais sa prend plus de temps, c’est plus facile à comprendre, mais on leur demande de mettre juste le mot ou l’idée générale, en même temps si c’est un patient qui est en train de nous expliquer qu’il a mal à la tête, donc c’est : douleur à prendre en compte, après on leur demande où ? On va de la tête aux pieds, on arrive à comprendre ce qu’ils veulent. » Pour vous, quel est l’impact de votre avis dans les décisions qui sont prises ? « A chaque réunion de LT, il y a les médecins les internes, les externes, une infirmière qui s’occupe de ce patient, l’aide-soignante, la cadre, la psy, et le cas du patient est exposé donc à tout le personnel, après ils nous expliquent ce qu’il en est à ce jour, et après on nous demande notre avis, si c’est un patient que moi ça fait un mois et demi que je m’occupe, y’a beaucoup de choses que je sais, qui sont pas forcément écrit dans le dossier, qu’on se transmet entre collègue. Pareil c’est surtout avec la famille, donc là, en fait nous on a notre droit de parole, si on est d’accord ou non, si le médecin dit : « est-ce que t’es d’accord pour qu’on fasse ça ? Ben non je ne suis pas d’accord car en fait sa femme veut telle ou telle chose » et là on est entendus. Mais tout au long de l’hospitalisation on est entendus par les médecins. Après ils réajustent, ils revoient ensemble et avec la famille et puis après il y a 45 d’autres choses qui vont en découler… notre parole est entendu aussi bien l’ASH que l’AS après toute l’équipe est entendue. » S’il y avait quelques choses que vous aimeriez améliorer dans votre service en ce qui concerne l’accompagnement infirmier auprès des patients, que serait-ce ? « Qu’est-ce que je ferais ? Je trouve que l’on fait déjà pas mal de choses positives aussi bien pour le patient que pour la famille. Après, bah des fois malheureusement on n’a pas eu le temps d’appeler, bah tant pis ce n’est pas grave, il est parti quoi. Après on essaie de rester avec le patient, si on sait que la famille ne peut pas être présente, je parle toujours pour moi, euh… en principe il y a toujours quelqu’un vers le patient, il ne part jamais tout seul. Après bah qu’est-ce que je ferais … Après ce serait peut-être, être encore plus à l’écoute de famille, mais je trouve qu’on fait déjà quand même pas mal de choses qui sont quand même bien pour eux … Je ne dis pas que l’on est au top, loin de là mais euh des fois c’est triste de les voir partir tout seul mais après c’est indépendant de notre volonté, la famille ne veut pas forcément... Je ne sais pas ce que je ferais de mieux… Je ne sais pas, vous me posez une colle. Dis comme ça tout de suite … » Avez-vous d’autres informations dont vous aimeriez nous faire part et qui vous semblent importantes à prendre en compte pour notre travail de recherche ? Après, ce que l’on fait de bien aussi pour les patients c’est qu’il y a beaucoup de choses qui se passent avec les photos, qui se passent avec la musique, on leur met la radio qu’ils préfèrent, on ne va pas leur mettre NRJ si c’est un papi de 80 ans quoi… Donc on est assez … On essaie de faire rentrer leurs intimité dans euh… leurs chambres de réa. On a déjà, enfin maintenant ça se fait un peu moins, moi je me rappelle, c’est vieux ça, quand il y avait encore les cassettes, donc ça date, il y avait des enfants qui parlaient à mettons le papa qui était hospitalisé et bah les enfants laissaient un petit message, ça ne se fait plus ça, moins je trouve. Après, il y a beaucoup plus de … avec les CD, les MP3, j’ai l’impression d’être une vieille quand je dis ça, mais c’est plus facile, ça prend moins de place dans la chambre mais je trouve que ce côté-là : les petits enregistrements qui étaient vraiment perso, je trouvais que c’était bien pour les patients. Après ça c’est que mon avis, enfin c’est que moi après peut être que mes collègues vous dirons autre chose quoi … mais après on demande aussi aux familles, quand on fait une toilette mortuaire, on demande aux familles s’ils veulent qu’on 46 leur mette ben… je ne sais pas de la crème hydratante, des choses perso, après quand ça rentre trop... On ne peut pas les habiller les patients parce qu’après les patients repassent par le service de la morgue et après il y a des soins qui vont être fait … On leur explique tout ça, aux familles, on leur dit ce qu’il va se passer après. Parce que, quand les familles arrivent avec la valise en nous disant : « vous pourrez habiller ma maman ? » « Bah non » La famille vous regarde d’un air de dire … On leur explique pourquoi, nous on fait juste une toilette, après le patient va partir à la morgue puis après ça va être le funérarium qui va s’occuper de tous les … De tous ce qui est soins de conservation. Donc nous, on leur explique tout ça parce que vous venez de perdre un être cher, il y a moult choses à faire, enfin au point de vue administratif et en plus il faut s’occuper du défunt. Et pis où est le corps, qu’est-ce qu’ils vont en faire, donc on essaie aussi…pour répondre à une de vos question concernant l’accompagnent des familles : en fait, une fois que le patient est décédé, on leur demande quel funérarium ils veulent, euh donc après toutes les démarches seront faites par l’hôpital, on leur explique le déroulement qui va se passer après. Ça c’est important je trouve, ça les rassurent. Surtout quand vous prenez par exemple une famille musulmane il y a plein de rituels, différents encore que de la religion catholique et aussi que des personnes qui sont asiatiques. Et donc du coup, on respecte totalement, on leur dit à la famille musulmane qui est pratiquante et puis … enfin il y a différents rituels pour les familles musulmanes, on leur dit que nous on va déjà faire une toilette mais que eux par contre s’ils veulent faire la toilette, on leur laisse faire. On respecte… Chaque coutume est respectée. On a eu des patients euh… ben même catholiques qui voulaient avoir de l’eau bénite sous leur lit. Par contre le coran j’ai appris que ça servait strictement à rien de l’avoir dans la main, enfin il y a pleins de choses que l’on apprend au fur et à mesure quand on voit toutes les personnes du culte qui nous disent : ça oui, ça non. Et avec les familles, on travaille beaucoup, comme ça tout le monde est content et je trouve que le décès, il se passe très très bien quoi. Et pour nous qui avons pris en charge le patient et pour la famille, c’est important après pour la suite, pour faire le deuil. Mais moi, quand il y a une personne qui est décédée dans le service, même si c’était pas mon patient, il faut que j’ouvre…même si c’est interdit, vous le dites pas…j’ouvre la fenêtre. En fait, je me dis qu’on a fait la toilette mortuaire tout ça, tout s’est bien passé, enfin voilà malheureusement … ben quand le corps est parti, j’ouvre la fenêtre et je me dis que l’âme de la personne décédée part. Bon après ça reste 30 secondes quoi, si quelqu’un vient me dire quelque chose et ben je leur dirais que ça me permet à moi de pouvoir, parce que c’est difficile aussi ça : vous avez un patient qui est décédé à 8h du matin, il reste deux heures dans le service et il part dans le service de la morgue. A midi on vous dit : on a une entrée, on le remet dans la même chambre. Donc pour moi c’est la façon aussi d’ouvrir la fenêtre de me dire que vraiment la personne elle est partie, pour pouvoir accueillir quelqu’un d’autre dans le lit quoi. C’est difficile ça aussi de…en peu de temps. Après c’est mon petit truc. Après, j’ai des collègues qui mettent de la 47 musique, parce que c’est difficile, y’a pas une toilette qui se passe de la même façon, on est toutes différentes, mais voilà… Et heureusement qu’on est différentes. Après c’est difficile parce que vous avez des fois des familles, quand on est de nuit à 3h du matin, les sorties de boîte c’est une horreur quoi ! Et là, vous avez à 5h du matin les parents en larmes dans la salle d’attente, donc à part offrir un petit café, quatre gâteaux et puis du jus fruit, c’est dur de leur dire rentrez chez vous, pour l’instant ça sert à rien de rester là, on s’occupe de votre gamin euh… voilà… » Ce sont des situations difficile ça pour vous ? « Surtout les ados, surtout les weekends c’est un peu la hantise de se dire qu’on va encore avoir un accident, alcool ou pas alcool peu importe, eh ben quand vous avez dans telle chambre le conducteur et pis dans l’autre chambre le copain, et vous avez la famille en salle d’attente, la mère qui en veut, les sœurs en larmes, ça c’est dur ! Parce que je trouve que c’est des jeunes, enfin quoi… Je dis pas qu’un petit papi ou une mamie, bien sûr c’est dur ça va nous faire pareil, on a toute un cœur et pis voilà mais euh… quand c’est des ados, nous on a un ados ben… voiture raide, parce que c’était son seul moyen de transport pour aller au boulot ben sa fait cric après quand vous voyez les photos et les dessins des copains, ça c’est dur quand même. Il y a des moments difficile, tout n’est pas rose non plus, après je trouve que dans l’ensemble on est écoutée, je trouve que ça c’est important, c’est que quand on voit que ça va pas aussi bien pour le patient que pour nous, on est écoutée par l’équipe paramédicale et tout est pris en compte, c’est important. Et puis les petits trucs qu’on peut faire pour faire plaisir aux familles c’est bien. Vous pensez avoir assez de temps quand même pour tout gérer entre les patients, les familles… ? Ça dépend l’activité du service, des jours comme aujourd’hui, là en ce moment le service n’est pas plein, que vous êtes d’après-midi, vous avez le temps de vous occuper vraiment bien d’une famille, l’après-midi la famille ça vous prend beaucoup d’énergie, c’est pas le même travail c’est pas…pas physique comme le matin où il faut être dans les soins et tout, le relationnel aussi ça fatigue et puis euh… on prend le temps. On a le temps, de 15h30 à 18h30, on a le temps de prendre le temps, d’être avec une famille, et on sent, vous allez chercher une famille en salle d’attente vous savez ou pas si ça va vous prendre du temps ou pas, vous le voyez aux gens, suivant comment ils vont… ils vont vous aborder et puis quand on arrive dans la chambre ah ben là, vous vous dites, après c’est inconscient, vous restez avec la famille, vous faites ce que vous avez à faire mais vous restez avec la famille dans la chambre. Vous leur expliquer ce que vous êtes en train de faire, ce qui ce passe, pis des fois on parle pas du tout du patient, on parle d’eux, mais après je me dis peut être que ça leur fais du bien aux gens. On leur dit aux familles, « ne venez pas demain, demain il n’y aura 48 pas de changement de plus », s’il vient à partir vers tel ou tel examen, on les appelle mais ne venez pas. S’il y a un scanner qui est prévu à 15h30 on ne va pas dire à la famille de venir ça sert à rien, le scanner on ne sait pas combien de temps ça va prendre, on leur dit « restez chez vous ». Après, les patients quand ils sortent de réanimation ils sont très demandeurs, là tant qu’ils dorment, si c’est vous qui avez besoin de venir pour vous rassurer venez, mais venez un jour sur deux, mais c’est important d’être en relation avec la famille, et puis de comprendre comment ils fonctionnent aussi. » Au niveau de l’accompagnement qu’est-ce que vous pourriez améliorer ? « Ben pour les patient je trouve qu’on fait déjà pas mal de chose, après on peut toujours s’améliorer, c’est certain, mais comme ça d’emblée, qu’est-ce que je pourrais vous répondre, euh... de faire les choses en collaboration avec la famille mais ça on le fait déjà, on leur demande mais souvent ils ne veulent pas assister, il y a beaucoup de geste invasif quand même, y’a des trucs c’est pas…pas la dernière image que vous avez envie de voir. Après des fois je leur dit de repasser nous voir, même si le patient est décédé, je leur dit de repasser nous voir pas pour donner des nouvelles du patient, mais pour savoir comment eux ils vont, alors là des fois ils me regardent d’un air de dire « qu’est-ce qu’elle veut que je vienne leur dire ?» (Rires), après c’est malheureux… le problème de la réanimation c’est qu’on n’a pas de nouvelles de ce qui se passe après, quand les patients vont bien. Je ne sais pas ce que je pourrais améliorer comme ça… » Au niveau des émotions comment vous faites pour gérer ? « Avant, je sortais j’allais fumer une cigarette, maintenant je ne fume plus, je vais à l’office et je bois un coup. Euh… je sais pas, je pense que c’est tout au fur et à mesure, avec les années on ne se blinde pas c’est pas vrai parce que chaque cas est différent, chaque famille est différente, après on est avec l’équipe si ma collègue voit que je ne suis pas bien, je sors prendre l’air, si je dois pleurer je pleure même si c’est quelqu’un que je connais pas, ben ma fois c’est comme ça, parce qu’il y a des situations qui sont super dures et puis c’est dur à gérer la mort de toute façon. Ou si on est pas bien, on est fatigué et puis sa transmet comme ça, parce que ça a été la goutte qui fait déborder le vase. Après, sinon à l’extérieur comme on disait tout à l’heure, maintenant c’est prendre du temps à l’extérieur. Et puis après, on y repense souvent, des fois il y a des petits cas comme ça qui reviennent, et pis hop ça repart. On en discute avec les filles, mais les émotions c’est dur à… les familles je ne pense pas…les familles ça les choquent pas de nous voir des fois la larme à l’œil, ça les surprend, je pense qu’elles doivent croire que… qu’on est blindées et que voilà…après j’ai des collègues pour qui… avec des patients qui sont restés longtemps à qui on s’est attachés, pour faire leur deuil de soignants elles sont allées à l’enterrement. Moi je ne suis pas pour personnellement, chacun doit rester à sa place. Moi j’y vais pas, je n’y vais pas parce que en 49 fait ça me…ça m’est jamais arrivée de dire ben oui pour un patient qu’on a eu longtemps, non moi j’ouvre la fenêtre (rires). » « Au niveau de la psychologue, les familles la sollicite souvent, c’est quand il y a des enfants. On fait tout un petit travail, mais les enfants n’ont pas du tout le même regard que vous, ils ne regardent pas du tout les même choses, un adulte va directement regarder le scope, qu’un enfant il va rentrer il va regarder la personne et il ne va pas tout de suite voir tout l’environnement mais du cou la psychologue elle est souvent sollicité. » Et par les soignants elle est souvent sollicitée ? « Je ne sais pas, de ma part non, parce que j’en ai jamais eu trop l’occasion et puis euh…non j’en discute avec mes collègues. Mais sinon non. Après il y a des familles qui nous redemandent le numéro de la psy, on leur redonne en leur disant de ne pas hésiter à l’appeler parce qu’elle est très disponible, elle met en place sur les patients qui restent à long terme, un journal de bord, qui reste à la famille et qui peut être utilisé par les soignants. On transmet ce qui s’est passé au jour le jour pour que quand le patient se réveille il est une trace. » « Après ça serai plus simple si au niveau du ministère on nous donnait… Appelons un chat un chat, revenir sur l’euthanasie, c’est ça que je ferai pour améliorer la prise en charge. Je ne dis pas de…mais je trouve qu’en France on est trop… on est vraiment trop arriéré et on a peur d’appeler la mort par un chat un chat, après euh revenir sur la question de l’euthanasie en France oui, que nos patients partent dignement oui on le fait déjà mais par un autre biais quoi…mais du coup revenir sur cette question-là oui et je pense que ça simplifierait beaucoup de choses, surtout pour les familles. Un patient qui malheureusement traine une maladie incurable, ben les patients tétraplégiques, qui sont enfermés enfin je ne sais pas mais il y arrive un moment où il faut les laisser partir ses gens-là, c’est de la souffrance pour eux, pour leur famille et je pense que c’est inhumain de laisser un patient souffrir, parce que nous on le voit pas mais lui il sait, vous comprenez ce que je veux dire ? Et je pense que si on mettait la question à l’heure actuelle ne serait-ce que sur l’hôpital, de parler de l’euthanasie je pense qu’il y aurait beaucoup de gens qui dirait oui, en tant que soignant. Après vous faites la même chose, le même questionnaire pour les familles je ne vais pas dire que les résultats se superposeraient mais pas loin. Après, c’est mon avis. Mais bon en France on est trop en retard, maintenant il faut aller en Suisse, c’est bien ce qu’ils font, il y a une grosse prise en charge psychologique des familles, une bonne prise en charge du patient, une prise en charge qui est globale, vous avez le choix, je trouve que c’est très bien. En France, on a même plus le droit de mourir comme on veut, je trouve que c’est lamentable après je ne sais pas si c’est bien de le dire mais bon c’est dit, après on ne peut pas sauver tout le monde, il y a des patients ben malheureusement on ne pourra pas… pas les sauver 50 quoi ! On aura beau faire tout ce qu’on veut. Et puis, laisser souffrir dans un lit je trouve que c’est encore plus cruel, et puis on satisfait l’égo de qui ? Celui du médecin ? Parce que là, il y a des questions que vous auriez posées auprès du médecin je ne pense pas qu’il aurait répondu la même chose. La mort est vécue comme un échec pour le médecin c’est sauver à tout prix bon après on a encore des médecins qui ont la tête sur les épaules mais il y en a ouais c’est un échec quoi…ils sont médecins ! Mais on ne peut pas sauver tout le monde ce n’est pas possible ! Le monde de «Oui, Oui» ça n’existe pas ! » « Après nous la façon dont on accompagne nos familles je trouve que on leur met un petit peu le pied dans leur phase de deuil, on la voit la phase de deuil, la colère après on laisse couler, on les laisse, ils ont besoin de s’en prendre à quelqu’un, il faut relativiser après ce n’est pas contre nous, ils sont en colère contre tout c’est normal quoi… » 51 ANNEXE 4 : Tableau comparatif des principaux concepts extraient de la littérature et de nos entretiens. 52 53 54 RESUME : L’ACCOMPAGNEMENT DE LA FIN DE VIE EN REANIMATION En service de réanimation où les soignants ont pour but de sauver des vies, la mort est parfois vécue comme un échec. En effet, fréquemment confrontés à la fin de vie, les soignants doivent faire face à leurs émotions, ce qui peut parfois occasionner des difficultés dans l’accompagnement du patient ainsi que de ses proches. Ceci nous a amenées à porter une réflexion sur la question suivante : « En quoi la mort attendue peut-elle influencer le rôle infirmier dans l’accompagnement en service de réanimation ?» Dans le but de répondre à cette question, nous avons réalisé des entretiens exploratoires au cours du mois d’avril 2015, en centre hospitalier universitaire, auprès de deux infirmières de réanimation expérimentées. De plus, pour approfondir notre questionnement, nous avons effectué des recherches théoriques au travers de la littérature (revues, mémoires, livres, sites internet…) concernant les différents concepts abordés dans notre question de départ. L’analyse des différentes recherches documentaires et des données recueillies en entretien nous a permis d’étayer notre questionnement de départ, en nous apportant diverses réponses. Après cette analyse, il apparaît qu’en ce qui concerne la fin de vie, l’évolution des pratiques, la façon de penser et l’application des lois demandent à une équipe soignante un temps de réflexion et d’adaptation pour accroître l’amélioration de la prise en charge des patients en fin de vie. Cependant, nous avons pu noter que de nets progrès ont été engagés ces dix dernières années. Néanmoins des efforts en matière d’éthique à la fin de vie restent encore importants à fournir. Notre travail de fin d’étude en soins infirmiers s’adresse aux étudiants et aux futurs professionnels souhaitant intégrer un service de réanimation. Il peut également apporter des éléments de réponses aux professionnels aguerris concernant leurs pratiques. MOTS CLES : Réanimation, Accompagnement, Fin de vie, Ethique, Infirmier, Hôpital, Emotions, Echec. ABSTRACT: SUPPORTING THE END OF LIFE IN REANIMATION UNIT In reanimation unit in which caregivers have the aim to save lives, death is sometimes compared to a failure. As a matter of fact, caregivers are often confronted with the end of life, so they have to cope their feelings, that’s why they can have difficulties to take care of the patients and their families. The aim of our qualitative study is to answer that question : « How the expected death can influence nurses in supporting a patient in reanimation unit ? » To answer this question, we led in April 2015 interviews with two experienced nurses of a reanimation ward in university hospital. Moreover, to complete our interviews, we have found academic knowledge with different sources about the subject, for example books, school works, internet, reviews … We analyzed the result of our researches and interviews, which allowed us to develop the subject and give answers about the problematic. We found that caregivers need time for a deep thinking in order to improve the support of patients who are at the end of their lives. Moreover, the way carers think and how to apply the law require adjustment from everyone of them. However, we noticed that important progress have been done during the late ten years. Nevertheless, we still need to lead efforts regarding ethics and end of life. We hope that our work for graduates in nursing will be useful for students and health professionals willing to integrate a reanimation unit. It can influence the practices of the health professionals who already work in reanimation unit. KEYWORDS : Reanimation, Take care, Death, Ethics, Nurse, Hospital, Emotion, Failure