
Thomas Bolmain / Ni Foucault ni Lacan. De la Loi, entre éthique et finitude
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transformation social-historique, d’une part, celle du sujet de la
transformation, d’autre part. Au regard de leur nature
spécifique et de leur thème essentiel, l’intérêt primordial de ces
deux discours consiste en effet en ceci qu’ils permettent, aussi
bien qu’ils imposent, de reconsidérer le concept de critique –
l’idée d’un « travail aux limites » ou, dans des termes qui
étaient antérieurement ceux de Foucault, l’idée d’une « épreuve
de la finitude » – d’une manière telle que la critique excédera,
débordera désormais par essence le registre du discours
philosophique, de la philosophie comme discours (théorique). La
nature foncièrement pratique du marxisme et de la
psychanalyse, en particulier le fait que ces discours relèvent de
part en part d’une praxis transformatrice de soi et des autres1 ;
ensuite les thèmes qui ouvrent leur possibilité, en tant qu’ils
sont la matière et l’élément de leur travail, soit la division en
classes du monde social, et la différenciation sexuelle du monde
humain : voilà ce qui oblige le travail critique de la pensée à se
confronter à une limite de la pensée qui n’est plus réintégrable
dans le registre intra-discursif de la philosophie. On le verra,
Les Mots et les choses suggère d’ailleurs qu’un certain tournant
structuraliste des « discours-praxis » marxiste et
psychanalytique vouent ceux-ci à l’exploration de figures de la
finitude – la Loi et le Désir : en dernière analyse la mort et la
folie – qui, « en leur vivacité empirique », contestent le concept
que la philosophie moderne forge d’une subjectivité finie
(Foucault 2004, 394). Ainsi ces recherches – à l’instar de celle
de Foucault lui-même – rompraient-elles avec les
« analytiques de la finitude » auxquelles donne lieu la figure du
sujet moderne comme, en général, avec le domaine de
l’anthropologie philosophique, où la finitude du sujet apparaît
toujours déjà récupérée dans le registre du discours, de l’épistémè
ou du savoir, bref de la théorie2 (Foucault 2004, 323 sq.).
S’il ne peut être question de réaliser ici le programme,
ambitieux, d’une correction freudo-marxienne de Foucault, le
point qui va plutôt et d’abord nous retenir sera le suivant :
lorsque Foucault, dans Les Mots et les choses, identifie le
marxisme et le freudisme comme deux cas typiques de
l’analytique moderne de la finitude qu’il importe de dépasser, il
le fait en s’appuyant, implicitement, sur Althusser et, plus