EN MATIÈRE D’INTRODUCTION . . .
C’est d’avoir beaucoup parlé avec des amis de ce que fut notre vie en Egypte, d’avoir
échangé des souvenirs, que petit-à-petit se fit l’idée d’une rencontre plus large pour parler du
passé, pour que ce passé -ce que vous possédez et que nous possédons -ne se perde pas sans
laisser de trace car, et nous le savons tous, c’est avec beaucoup de plaisir que nous parlons du
passé en Egypte et si, dans un premier temps, il nous semble que ce qui alimente nos
conversations est sans intérêt, dans un deuxième temps, il apparaît que quelque chose peut se
dégager qui constitue le caractère propre de ce qui fut notre communauté que ce soit par nos
anecdotes, nos accents, certaines expressions de langage qui évoquent la couleur et
l’atmosphère de la ville de notre enfance.
C’est parce quil nous a semblé que cela pouvait se recueillir dans les souvenirs de tout
un chacun, et que la plus large participation des derniers représentants de cette communauté
était nécessaire pour reconstituer et constituer ce que, dans 1’invitation que nous vous avons
adressée, nous avons appelé un patrimoine. Certains d’entre nous pensaient à nos enfants et
petits-enfants qui pourraient un jour découvrir avec joie de quoi était constituée la vie de leurs
parents, grands-parents ou ancêtres. D’autres étaient animés du désir de retrouver telle ou telle
partie de notre histoire quils ignoraient ou connaissaient mal. Pour d’autres encore, cette
démarche était une tentative en renouant avec le passé de pouvoir mieux être avec le présent, et
être enfin vraiment et pour de bon partis d’Egypte.
Ainsi, comme vous pouvez le voir, il y a autant de points de vue, autant de souhaits, de
projets différents quil y a d’invitants pour cette rencontre. Il est fort probable que cette diversité
se retrouvera aussi parmi vous qui êtes aujourdhui, et quil y aura dans l’assistance autant
d’idées différentes que de personnes qui ont eu envie de venir.
Depuis le temps que notre groupe se réunit pour mettre sur pied un projet valable et qui
puisse recueillir notre accord à tous - c’est-dire depuis plusieurs mois -toutes sortes d’idées
ont été lancées et ont eu leur moment de gloire : constituer un musée d’objets du patrimoine
avec la question suivante qui restait ouverte : en Egypte, à Jérusalem ou à Paris. Puis lidée
d’écrire un livre sur l’histoire de la période récente, celle d’avant le départ massif, livre qui
serait d’histoire et d’anecdotes, puis l’idée de constituer un groupement pour la sauvegarde du
patrimoine, qui serait en liaison avec d’autres groupements dans d’autres pays mus par le même
souci.
Aucune de ces idées n’a abouti, si ce n’est la rencontre de cet après-midi la plus
grande partie sera consacrée à une table ronde qui nous permettra déchanger nos points de vue
sur tous les sujets qui se présenteront.
Avant dentrer dans le vif du programme, je voudrais remercier Monsieur Clément
SETTON, président actuel de la Communauté Juive d’Alexandrie, davoir accepté dassocier
son nom à cette rencontre ; Monsieur MARCIANO de son aide efficace dans l’organisation
pratique de cette journée et de tous les services du Centre quil a mis à notre disposition ; les
amis qui ont donné leur temps et leur énergie dans la réalisation des panneaux d’exposition, les
conférenciers, et vous tous qui êtes pour élargir le cercle dune réflexion qui a commencé
pour quelques-uns d’entre nous lors d’un récent voyage en Egypte, quand nous avons pu réaliser
le désir de revoir ce quil en était advenu.des lieux de notre enfance et, en prenant acte sur place
que tout était pour nous étranger et pourtant familier, peuplé de fantômes du passé, peut-être
avons-nous voulu, pour tourner une page d’histoire, l’écrire.
C’est avec celle qui est déjà consignée dans les livres d’histoire que débutera la
première partie du programme de cet après-midi Alfred MORABIA nous parlera de l’histoire
des Juifs en Egypte, depuis l’Antiquité jusquà l’invasion de Bonaparte.
Ensuite, Mireille COHEN nous entretiendra du Karaïsme que certains d’entre nous ne
connaissent peut-être pas.
Enfin, Monsieur Raphaël COHEN nous parlera, à partir du Talmud de la sortie
d’Egypte au temps de Moïse. Cette sortie fondatrice du peuple juif inscrite dans notre histoire,
s’est-elle répétée pour nous il y a une vingtaine d’années ?
Puis, après une interruption, nous reprendrons la deuxième partie du programme pour
débattre autour dune table rende, table ronde qui sera introduite par un exposé de Jacques
HASSOUN-NADA autour de l’histoire moderne des Juifs d’Egypte.
Emile GABBAY
APERÇU DE L’HISTOIRE
DES JUIFS EN EGYPTE
JUSQUAU XIX° SIÈCLE
Vous parler de lhistoire des Juifs d’Egypte sur une période s’étendant le long de 23
siècles en un vingtaine de minutes relèverait de la gageure ; aussi, me permettrez-vous de me
limiter à mettre l’accent sur quelques dates et faits marquants qui mont paru significatifs.
Tout d’abord une remarque d’ordre général : l’Egypte est intimement mêlée à l’histoire
du peuple juif, la Bible en atteste longuement. Pour ce qui est des Hébreux sur la terre de
Goshen, .posons quelques jalons historiques. Joseph vit dans l’Egypte de la 13ème dynastie ; au
18ème siècle avant notre ère, les Hébreux s’installent dans la région fertile de Goshen, terre de
pâturages, située entre la branche orientale du delta du Nil et le lac Amer, non loin de Tanis, la
capitale des Hyksos qui envahirent l’Egypte au 16ème siècle avant notre ère. C’est de Goshen
que les Hébreux quitteront l’Egypte sous la conduite de Moïse au 13ème siècle, peut-être sous
le règne de Ramsës II.
Abordons maintenant un terrain plus solide historiquement. En 587, Nabuchodonosor
s’empare de Jérusalem et le prophète Jérémie fait partie d’un groupe de Juifs qui fuit en Egypte.
Le Judaïsme égyptien fait remonter son origine à l’époque de Jérémie, encore quil y ait de
fortes chances que la colonie juive d’Eléphantine lui soit antérieure. Ce que l’on sait, c’est quen
525 le souverain perse Cambyse se rend maître de l’Egypte et quil trouve au sud du pays un
groupe de mercenaires juifs gardant la frontière nubienne. Les papyrus araméens d’Eléphantine
datent du Vème siècle ; ils nous confirment l’existence de ces populations judéo-aramëennes
aux confins de la Nubie, regroupées en colonies militaires et chargées de parer aux attaques
éthiopiennes. Les Juifs d’Eléphantine se montrèrent sujets fidèles des souverains perses, ce qui
exacerba contre eux l’hostilité des Egyptiens attachés au culte païen du dieu Khnoubi et
désireux de se débarrasser du joug perse. Les Juifs avaient édifié un temple voué à Yahon, le
dieu de Juda, mais à côté duquel se trouvaient d’autres divinités étrangères ; des sacrifices y
étaient effectués. Le temple d’Eléphantine fut détruit en 411, sept ans avant que l’Egypte ne se
libère de la domination perse.
En 332, Alexandre le Grand se rend maître du pays après avoir conquis la Palestine.
Treize ans plus tard, Ptolémée Soter, fondateur de la dynastie macédonienne des Lagides et déjà
maître de l’Egypte les Juifs étaient nombreux, s’empare de Jérusalem et peuple Alexandrie
de captifs juifs : c’est la seconde grande vague juive en Egypte.
La plupart des souverains Lagides confièrent à des Juifs de hautes charges dans leurs
administrations et leurs armées. Ce fut une époque de tolérance et de prospérité, si l’on excepte
les conflits qui dressèrent les uns contre les autres les membres de la famille Ptolémée et au
cours desquels les Juifs firent souvent les frais. La colonie d’Alexandrie devint florissante.
Abandonnant sa langue maternelle, elle fit du grec progressivement sa langue courante ; ceci
explique que la bible fut traduite en grec vers le milieu du 2ème siècle par des juifs alexandrins.
Cette version est connue sous le nom de Septante.
Onias IV, exclu à Jérusalem de la grande prêtrise, émigra en Egypte vers 150 avant
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