MP – Cours de physique
Jean Le Hir, 03/10/2007 Page 1 sur 8
CHIMIE GÉNÉRALE
Chapitre 2
Structure électronique des molécules
Les molécules sont formées par l’assemblage d’atomes. Nous allons proposer, dans ce chapitre, un
schéma très simple d’analyse des liaisons entre atomes, fondé sur le modèle de Lewis. Cette méthode
approchée sera complétée par un outil de prévision qualitative de la géométrie moléculaire, la méthode
de Gillespie dite VSEPR.
2.1. Schémas de Lewis des atomes : électrons de valence
Vers 1916, le physicien et chimiste américain Gilbert Newton Lewis a proposé un modèle très simple pour
la liaison chimique : les molécules se forment par assemblage d’atomes, les électrons de valence des
différents atomes mis en jeu se partageant (ou se mettant en commun, ou s’appariant) dans la molécule.
Les électrons de cœur sont trop retenus par le noyau de l’atome pour participer à la construction de la
molécule.
Hydrogène
Z = 1
1s1
Hélium
Z = 2
1s2
Lithium
Z = 3
2s1
Bérylium
Z = 4
2s2
Bore
Z = 5
2s2
2p1
Carbone
Z = 6
2s2
2p2
Azote
Z = 7
2s2
2p3
Oxygène
Z = 8
2s2
2p4
Fluor
Z = 9
2s2
2p5
Néon
Z = 10
2s2
2p6
Sodium
Z = 11
3s1
Magnésium
Z = 12
3s2
Aluminium
Z = 13
3s2
3p1
Silicium
Z = 14
3s2
3p2
Phosphore
Z = 15
3s2
3p3
Soufre
Z = 16
3s2
3p4
Chlore
Z = 17
3s2
3p5
Argon
Z = 18
3s2
3p6
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Pour les trois premières lignes du tableau périodique, la règle est simple : les électrons de la dernière
couche sont des électrons de valence, ceux des couches inférieures sont des électrons de cœur. Pour les
lignes suivantes du tableau, dès qu’interviennent les électrons « d », et plus encore quand apparaissent les
électrons « f », les « règles » définissant les électrons de valence souffrent de nombreuses exceptions :
nous n’en parlerons pas.
On appelle schéma de Lewis d’un atome la notation signifiant la préexistence des électrons de valence de
cet atome en représentant par un point les électrons célibataires et par un trait chaque paire d’électrons
appariés. Ce schéma de Lewis équivaut à signifier la configuration électronique de l’atome en n’indiquant
que les électrons concernés par d’éventuelles liaisons chimiques. Le tableau de la page précédente
représente les schémas de Lewis des éléments des trois premières lignes.
Les gaz nobles font preuve d’une stabilité chimique remarquable et l’on constate expérimentalement que
les métaux alcalins (Li, Na, K, Rb, Cs) ont des énergies de première ionisation assez faibles tandis que les
halogènes (F, Cl, Br, I) ont, au contraire, des affinités électroniques particulièrement élevées.
Les cations issus des métaux alcalins (
Li
+
,
Na
+
,
+
,
Rb
+
,
Cs
+
) et les anions halogénures, issus des
élément halogènes, (
F
,
Cl
,
Br
,
I
) sont donc particulièrement stables chimiquement. De façon plus
générale, dans les édifices chimiques que sont les molécules et les ions polyatomiques, les atomes
tendront à acquérir une configuration électronique de gaz noble en ns2 np6.
2.2. Formule de Lewis d’une molécule ou d’un ion polyatomique
Il y a donc création de doublets d’électrons, responsables de la stabilité de l’entité polyatomique, chaque
doublet constituant une liaison de covalence. Si un seul doublet est partagé entre deux atomes, nous
parlerons de liaison simple. Si plusieurs doublets sont partagés, il s’agira d’une liaison multiple. La
formation de la liaison peut s’envisager sous deux angles :
soit chaque atome apporte un électron lors de la formation de la liaison,
soit un atome en apporte deux à un voisin déficient (on parle alors traditionnellement de liaison
dative, mais cette formulation n’apporte rien de bien utile une fois que la liaison est formée).
Liaison covalente localisée : règle de l’octet
Si un atome peut engager plusieurs électrons dans une liaison multiple, se pose le problème de la
répartition des électrons entre les atomes : ces électrons vont-ils tous s’apparier ou certains resteront-ils
liés à l’atome ? En vue de résoudre le problème et de rationaliser les résultats expérimentaux, Lewis a
proposé la règle de l’octet, par analogie avec la structure des gaz nobles qui, sauf le xénon, n’entrent pas
dans les combinaisons chimiques.
Règle de l’octet
Pour un atome de la seconde ou de la troisième période du tableau périodique, la stabilité
maximale sera obtenue lorsqu’il sera entouré de quatre doublets d’électrons (un octet). En ce
qui concerne l’hydrogène, il s’entourera d’un doublet (deux électrons).
Mise en œuvre
Molécules neutres
Raisonnons sur l’exemple du méthane
4
CH
. On décompte le nombre d’électrons de valence des atomes
constituant l’entité. Le nombre maximal de liaisons qui peuvent être établies par un atome est alors égal à
la différence entre huit et ce nombre d’électrons, dans l’hypothèse l’atome ne cède pas d’électrons à
ses partenaires. Ici, l’atome de carbone possède quatre électrons de valence et pourra donc être engagé
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dans quatre liaisons — il est qualifié de tétravalent. L’atome d’hydrogène sera engagé dans une seule
liaison, il est dit monovalent.
On établit alors la formule de Lewis de la molécule en indiquant par des tirets les doublets d’électrons
partagés entre les atomes, sur un squelette atomique arbitrairement plan — on ne se préoccupe pas ici de
la géométrie de l’entité. Dans le cas du méthane, nous obtenons la formule de Lewis ci-dessous :
Prenons maintenant l’exemple de l’ammoniac
3
NH
. L’atome d’azote peut être engagé dans trois liaisons
(il dispose de cinq électrons de valence), il est dit trivalent. Les trois atomes d’hydrogène monovalents
seront donc reliés à l’atome d’azote chacun par une liaison. Nous constatons que les cinq électrons de
valence de l’atome d’azote ne sont pas tous engagés dans les liaisons. Il lui reste un doublet d’électrons,
qualifié de doublet non liant ou doublet libre, lui appartenant en propre. La formule de Lewis s’écrit
alors :
Attention ! La formule de Lewis doit comprendre l’ensemble des doublets liants et des
doublets non liants de tous les atomes de la molécule.
Molécules déficientes en électrons
Remarquons que, dans de nombreuses molécules, le nombre d’atomes reliés à l’atome central est inférieur
au nombre maximal de liaisons qu’il peut engager. Le lecteur vérifiera aisément que la formule de Lewis
du trifluorure de bore
3
BF
est la suivante :
Visiblement, l’atome de bore ne satisfait pas à la règle de l’octet. Il possède donc une lacune électronique,
que l’on représente, en général, par un petit carré. Le trifluorure de bore est alors un composé qui ne
devrait pas, selon Lewis, être stable. L’atome de bore cherchera, par conséquent, à compléter sa
configuration électronique pour acquérir un octet d’électrons. Il possède alors une réactivité qualifiée
d’électrophile et il est considéré comme un acide de Lewis, accepteur de doublet d’électrons.
Corrélativement, une espèce possédant un doublet non liant sera qualifiée de nucléophile ou base de
Lewis. Ainsi,
3
BF
peut capturer un ion fluorure
F
pour former l’ion tétrafluoroborate
4
BF
ou réagir
avec l’ammoniac
3
NH
(base de Lewis par le doublet non liant de l’atome d’azote) pour former un
« complexe acide-base au sens de Lewis » que nous noterons provisoirement
3 3
H N – BF
.
Entités à charges formelles
Considérons l’entité précédente qui est, bien entendu, électriquement neutre. L’atome d’azote doit,
comme nous venons de le voir, être engagé dans trois liaisons
N–H
, mais aussi dans une liaison
N–B
, ce
qui pourrait sembler incompatible avec le caractère a priori trivalent de l’atome d’azote. De même,
l’atome de bore est lié à trois atomes de fluor et à l’atome d’azote.
N
H
H
H
C
H
H
H
H
B
F
F
F
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La formule de Lewis peut donc s’écrire provisoirement :
Si nous effectuons maintenant le décompte du nombre d’électrons (attention, pas du nombre de doublets)
autour de chaque atome, nous obtenons :
autour de l’atome d’azote, quatre « demi-doublets », soit quatre électrons. Il manque à N un
électron par rapport à la configuration électronique de l’atome isolé.
autour de l’atome de bore, quatre « demi-doublets », soit aussi quatre électrons. B a « gagné » un
électron par rapport à sa configuration électronique atomique.
Nous dirons alors que l’atome d’azote possède une charge formelle positive et que l’atome de bore
possède une charge formelle négative. Ces charges sont indiquées sur la formule de Lewis finale :
Attention ! Il ne faut pas confondre une charge formelle avec une lacune électronique.
De nombreuses structures font apparaître des charges formelles résultant du transfert d’électrons entre les
atomes.
Aussi, pour écrire la formule de Lewis de l’acide nitrique
3
HNO
, il est nécessaire de faire apparaître des
charges formelles sur l’atome d’azote et sur l’un des atomes d’oxygène, afin de rendre compte du
caractère divalent des deux autres atomes d’oxygène.
Entités ioniques
Par rapport aux molécules neutres, les ions ont acquis ou perdu un ou plusieurs électrons. Il faut donc soit
les enlever, soit les ajouter à la structure complète. On obtient alors une formule de Lewis pour laquelle la
charge n’est pas localisée sur un atome, mais appartient à l’ensemble de l’entité. Pour construire la
formule de Lewis, on enlève ou on ajoute le ou les électrons, arbitrairement à l’un des atomes.
Remarque : en général, on ajoute les électrons excédentaires aux éléments les plus électronégatifs.
Corrélativement, on les enlève des éléments les moins électronégatifs, mais il n’est pas toujours opportun
de procéder ainsi.
Prenons l’exemple de l’ion nitrite
2
NO
. L’enchaînement des atomes
O–N–O
doit être donné, pour qu’il
n’y ait pas d’ambiguïté sur le squelette de l’entité chimique. L’atome d’azote est a priori
trivalent,
l’atome d’oxygène divalent. L’oxygène étant plus électronégatif que l’azote, c’est à l’un des atomes
d’oxygène que nous ajouterons l’électron excédentaire. Nous sommes donc conduits à la formule de
Lewis suivante, l’un des atomes d’oxygène est relié à l’atome d’azote par une liaison double — il
satisfait ainsi à son caractère divalent — et l’autre atome d’oxygène est lié à l’atome d’azote par une
liaison simple — l’atome d’azote voit son caractère trivalent satisfait. Ce dernier atome d’oxygène reçoit
B
F
F
F
N
H
H
H
B
F
F
F
N
H
H
H
O
N
O
O
H
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l’électron excédentaire, afin que sa configuration électronique soit celle du néon. Il porte alors la charge
négative.
Dans le cas de l’ion ammonium
4
NH
+
, nous obtenons une formule de Lewis dans laquelle c’est l’atome
d’azote qui porte la charge positive, car nous pouvons observer qu’il dispose de quatre « demi-doublets »,
soit quatre électrons, un de moins que l’atome libre.
2.3. Insuffisances de la méthode de Lewis
Exceptions à la règle de l’octet
Cette règle empirique ne s’applique pas de façon absolue aux éléments des périodes suivantes. En effet,
des entités comme
5
PF
ou
6
SF
, tout à fait stables, font nécessairement apparaître plus de quatre doublets
de liaison autour de l’atome central. Nous sommes en présence d’
exceptions à la règle de l’octet
.
Plusieurs formules de Lewis sont possibles
Prenons maintenant l’exemple du dioxyde de soufre
2
SO
. Le soufre S est
a priori
divalent, comme
l’oxygène. Une formule de Lewis qui respecterait ce caractère divalent ne pourrait satisfaire au caractère
lui aussi divalent des atomes d’oxygène. Nous sommes donc conduits à faire apparaître des charges
formelles, ce qui nous donne la représentation ci-dessous :
L’usage historique est de minimiser le nombre de charges formelles dans une molécule si cela est
possible. On préférera donc écrire une formule de Lewis ce nombre est le plus faible, ici deux, voire
zéro. Nous pourrons alors écrire au moins deux autres formules de Lewis, faisant apparaître un caractère
divalent à l’un ou aux deux atomes d’oxygène, et trivalent ou tétravalent à l’atome de soufre :
Pour la première de ces formules, qui ne rend pas compte de la symétrie de la molécule
2
SO
, le soufre
satisfait à la règle de l’octet. La seconde formule est symétrique, mais le soufre ne satisfait pas à la gle
de l’octet. Nous constatons, sur cet exemple, qu’il est possible, pour certaines molécules, de proposer
plusieurs formules de Lewis.
La méthode, souvent très efficace, trouve rapidement ses limites
La méthode de Lewis est une méthode de description des structures électroniques extrêmement
rudimentaire, il n’est donc pas étonnant qu’elle présente beaucoup d’insuffisances et qu’elle soit souvent
mise en échec.
O
S
O
O
N
O
N
H
H
H
H
O
S
O
O
S
O
2
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