Jeudi 19 janvier 2017 20h Vendredi 20 janvier 2017 20h Strasbourg, PMC Salle Érasme Leif Segerstam direction Nicolas Altstaedt violoncelle Carl Nielsen (1865-1931) Helios, ouverture op. 17 Mieczyslaw Weinberg (1919-1996) Concerto pour violoncelle et orchestre en ut mineur op. 43 Adagio Moderato – Lento Allegro – Cadenza. L’istesso tempo, moto appassionato Andante – Allegro – Andante Allegro – Adagio – Meno mosso ► Jean Sibelius (1865-1957) Symphonie n° 5 en mi bémol majeur op. 82 Tempo molto moderato - Allegro moderato – Presto Andante con mosso, quasi allegretto Allegro molto 12’ 31’ 30’ La saison passée, la venue de Leif Segerstam avait subjugué les musiciens et le public. Il revient cette année et dirigera l’impressionnante Cinquième symphonie de son compatriote Sibelius. Auparavant, il fera découvrir le Concerto pour violoncelle de Mieczyslaw Weinberg, compositeur proche de Chostakovitch dont l’œuvre mérite l’intérêt et l’écoute, et l’Ouverture Hélios de Nielsen qui apportera un peu de soleil à ce programme nordique. 1 Carl Nielsen Helios, ouverture op. 17 Carl Nielsen est né la même année (1865) que son collègue finlandais, Jean Sibelius. Peu satisfait de sa condition sociale, il pense émigrer en Amérique, mais, par son père, il découvre la trompette et, à l’âge de 14 ans, il s’engage dans la fanfare du 16e bataillon d’Odense. Par la suite, il prend des cours de violon, s’achète un piano. Ses premières œuvres montrent de réelles dispositions et il décide de parfaire ses études de composition en allant étudier, à Copenhague, auprès de Niels Gade – ami de Mendelssohn –, compositeur et directeur du Conservatoire royal de musique du Danemark. Quatre ans plus tard, en 1888, une Petite Suite pour cordes le fait connaître. En 1894, la Première symphonie lui vaut un triomphe. Sa réputation, comme celle de Sibelius, repose essentiellement sur son œuvre symphonique. À la différence du compositeur finlandais dont les premiers opus sont fortement inspirés par Tchaïkovski, ceux de Nielsen sont plus proches de l’esprit de Brahms. L’un et l’autre évolueront vers une écriture de plus en plus personnelle. Nielsen ne néglige ni la musique de scène ni l’opéra, bien qu’il n’écrive que deux ouvrages lyriques : Saül et David en 1901 et Mascarade en 1906. L’Ouverture Hélios date de 1903, composée deux ans après la Deuxième symphonie « qui fixe le langage musical de Nielsen » et l’opéra Saül et David. C’est au cours d’un voyage en Méditerranée et en Grèce où son épouse étudie l’art grec que Nielsen couche sur le papier à musique cette ouverture. La structure en est assez simple. Elle débute sur une pédale soutenue en ut majeur qui évoque le soleil levant égéen. La section centrale, Allegro ma non troppo, laisse éclater les fanfares avant que ne réapparaisse l’Andante tranquillo du début. Nielsen a laissé une indication sur sa partition : « Silence et obscurité. Le soleil se lève ensuite avec un joyeux chant de louanges, il parcourt son chemin d’or avant de sombrer calmement dans la mer. » Mieczyslaw Weinberg Concerto pour violoncelle et orchestre en ut mineur op. 43 Face à la barbarie nazie, le compositeur Mieczyslaw Weinberg quitte sa Pologne natale en 1939. Il se réfugie à Minsk où il étudie la composition avec Vassili Zolotarov (1872-1964), puis à Tachkent où il crée sa Première symphonie. Il envoie son manuscrit à Chostakovitch qui, impressionné par la qualité musicale de son oeuvre, facilite son installation à Moscou en octobre 1943. Weinberg y restera jusqu’à la fin de sa vie malgré les vicissitudes du régime soviétique. En 1948, au nom du formalisme affectant les arts soviétiques, certaines de ses œuvres sont interdites et, en 1953, il est emprisonné pour « activités sionistes ». Chostakovitch envoya à Beria, chef du NKVD, une pétition, mais c’est finalement la mort de Staline qui libéra Weinberg. Weinberg a laissé huit opéras, vingt-six symphonies et dix-sept quatuors à cordes que l’on (re)découvre depuis quelques années. Il est indéniable que sa musique présente une affinité avec celle de Chostakovitch, dans un rapport d’influence réciproque. Le Concerto pour violoncelle fut composé à la fin de l’année 1948 mais ne fut créé que neuf ans plus tard, le 9 janvier 1957, par Mstislav Rostropovitch et l’Orchestre symphonique de la Philharmonie de Moscou placé sous la direction de Samuel Samossoud. 2 Si le concerto de Weinberg présente un caractère plus souriant que le Premier concerto pour violon de Chostakovitch, composé quelques mois plus tôt et créé en 1955, il présente avec ce dernier quelques similitudes En effet, il est en quatre mouvements et le premier, Adagio, « n’est pas sans évoquer le lyrisme méditatif et tendu du nocturne initial de Chostakovitch ». La longue cadence qui clôt ce mouvement annonce même le Premier concerto pour violoncelle (1959) de Chostakovitch. Le Moderato qui suit évoque le spectre d’une habanera et cet aspect lugubre s’accentue avec des motifs véhéments de musique klezmer juive, « comme pour garantir une saine proportion d’intonations populaires,(caractéristique plus ou moins indispensable pour éviter les accusations de formalisme) tout en autorisant des vérités plus profondes ». Le thème de l’Allegro rappelle celui du mouvement final du Concerto pour violon de Khatchatourian. Le Concerto pour violoncelle se termine sur un Rondo vif, dont les dernières mesures reprennent le thème du mouvement initial. Jean Sibelius Symphonie n° 5 en mi bémol majeur op. 82 Lorsque Jean Sibelius rencontre Gustav Mahler, en octobre et novembre 1907, à Helsinki, ce dernier, de cinq ans plus âgé, est déjà l’auteur de huit symphonies, tandis que son jeune confrère n’en a composé que quatre si l’on inclut Kullervo, symphonie avec voix et chœur d’hommes. Il semble qu’une longue conversation sur l’essence de la symphonie ait eu lieu entre les deux hommes, rapportée en ces termes par Karl Ekman, l’un des biographes de Sibelius : « Je fis remarquer que j’admirais la sévérité de style et la logique profonde qui créait entre tous ses motifs une unité interne. C’est ce que j’avais appris en composant. » L’opinion de Mahler était juste à l’opposé : « Non, la symphonie doit être comme le monde, elle doit l’embrasser. » Et pourtant, comme le souligne Marc Vignal, « Sibelius de son côté fut tout autant que Mahler, quoique de façon plus abstraite, et sans avoir besoin des mêmes dimensions temporelles et sonores, un extraordinaire bâtisseur de mondes ». C’est au début de l’automne 1914 que Sibelius commença la composition de la Cinquième symphonie en mi bémol majeur et, des sept symphonies qu’il a laissées, la Cinquième est celle qui lui donna le plus de mal. La première version fut achevée pour le concert du 50e anniversaire du compositeur, le 8 décembre 1915. Peu satisfait, Sibelius entreprend de la réviser et la nouvelle version en trois mouvements – fusion des deux premiers mouvements de la version de 1915 – est créée, toujours sous la direction du compositeur, le 8 décembre 1916. Mais « le combat pour la Cinquième symphonie n’était pas encore gagné » et il fallut à Sibelius trois années pour proposer une version définitive de l’œuvre qu’il dirigera les 24, 27 et 29 novembre 1919 à Helsinki. Le succès fut cette fois au rendez-vous malgré les six accords « largement et irrégulièrement espacés » qui concluent la partition et qui surprirent ses plus fervents partisans. Elle est la seule avec la Deuxième symphonie à posséder une conclusion indiscutablement triomphale. « Son parcours psychologique est ascendant et résolument positif. » 3 Le premier mouvement est d’une rare complexité et le compositeur George Benjamin y voit « un mouvement s’inventant lui-même au fur et à mesure qu’il progresse ». Quatre parties en forment l’ossature, chacune d’elles se refermant sur un sommet d’intensité, de plus en plus puissant. Le déchaînement sonore est atteint dans une coda éclatante « annonciatrice de la péroraison finale ». D’apparence simple, l’Andante mosso, quasi allegretto, est tout aussi complexe d’écriture et d’interprétation et il faut « se faufiler discrètement à travers son idyllisme et sa naïveté de surface, alors seulement on aura une idée des complexités qu’il recèle ». Le pizzicato des cordes énonce le thème qui est la base d’une série de variations d’un caractère bucolique. Un bref épisode de 26 mesures assombrit le discours mais n’altère en rien l’aspect souriant du mouvement. Le Finale retrouve immédiatement la tonalité héroïque de mi bémol majeur du mouvement initial. Il est construit sur trois thèmes : le premier « d’une rythmique véloce et intrépide » aux cordes, le deuxième solennel aux cuivres qui s’apparente à un « vol de cygnes », le troisième qui se superpose au deuxième. « Le vol de cygnes » va progressivement s’imposer, en un formidable et magistral crescendo. « L’espace sonore s’étend à l’extrême, en une gigantesque hétérophonie, sans qu’on en décèle les limites. C’est un espace virtuellement illimité, un authentique cosmos. » Sibelius interrompt brutalement le discours en l’immobilisant. Six accords irrégulièrement espacés referment la Cinquième symphonie. 4 Orientations bibliographiques Le lecteur pourra satisfaire sa curiosité en consultant les ouvrages suivants : Jean Sibelius, Marc Vignal, Fayard Orientations discographiques Carl Nielsen Helios, ouverture op. 17 ● Orchestre symphonique de la Radio suédoise, Esa Pekka Salonen [CBS] ● Danish National Symphony Orchestra, Gennady Rozhdestvensky [Chandos] Mieczyslaw Weinberg Concerto pour violoncelle et orchestre en ut mineur op. 43 • Nicolas Altastaedt, Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, direction Michał Nesterowicz [Channel Classic Records] • Claes Gunnarsson, Orchestre symphonique de Göteborg, Thord Svedlund [Chandos] • Mstislav Rostropovitch, Orchestre symphonique d’État d’URSS, Gennady Rozhdestvensky [Melodia] Jean Sibelius Symphonie n° 5 en mi bémol majeur op. 82 ● Danish National Symphony Orchestra, Leif Segerstam [Brilliant] ● Orchestre philharmonique d’Helsinki, Leif Segerstam [Ondine] ● Orchestre symphonique de Birmingham, Sir Simon Rattle [Warner] ● Orchestre Halle de Manchester, Sir John Barbirolli [Warner] ● Orchestre philharmonique de Berlin, Herbert von Karajan [DG] ● Orchestre symphonique de Boston, Sir Colin Davis [Philips] ● Orchestre philharmonique de New York, Leonard Bernstein [Sony Classical] ● Orchestre philharmonique de Vienne, Leonard Bernstein [DG] 5