Pratique et technique Les chambres implantables pour accès veineux en oncologie : complications et prévention Céline Barbu1, Sébastien Bugeia2, Eric Desruennes3 Infirmière en oncologie, Institut Gustave Roussy, 94800 Villejuif, France 2 Infirmier en oncologie, Clinique des Grangettes, 1224 Chêne-Bougeries, Suisse 3 Anesthésiste, Unité Voies veineuses centrales, Institut Gustave Roussy, Villejuif, France 1 D e plus en plus de soignants en services hospitaliers et à domicile sont confrontés à des patients porteurs de chambres implantables. Ce système présentant de nombreux avantages, il nous est apparu, à travers les partages d’expériences avec nos confrères, que chaque établissement, chaque service, voire chaque infirmier avait de bonnes connaissances sur ces dispositifs, mais que chacun pratiquait différemment, sans forcément suivre les procédures locales ou même les recommandations nationales et/ou internationales. C’est pourquoi il nous a semblé important de faire un point sur les risques inhérents à l’utilisation de ces dispositifs et sur les bonnes pratiques permettant de les éviter. Tout d’abord, rappelons que « chambre à cathéter implantable » (CCI), « Port-a-Cath » (PAC) ou « site implantable » sont autant de termes utilisés pour définir le même système. Il s’agit d’un réservoir sous-cutané en titane ou plastique comportant une épaisse membrane en silicone (septum), qui est connectée à un cathéter souple, en silicone ou en polyuréthane. Ce dernier est radio-opaque et s’introduit dans une veine centrale (jugulaire ou sousclavière et plus rarement fémorale). Son extrémité est située à la jonction de la veine cave supérieure et de l’oreillette droite. La pose du PAC est habituellement réalisée sous anesthésie locale. Bulletin Infirmier du Cancer Ce dispositif va permettre les perfusions et les injections de produits intraveineux, ainsi que la réalisation des prélèvements sanguins. Il est préconisé pour des traitements d’une durée supérieure à 3 mois. Il est apparu en oncologie au début des années 1980 afin de diminuer le risque d’extravasation et de préserver l’état des veines périphériques qui ont tendance à se scléroser du fait de la toxicité des produits de chimiothérapies. En France, l’utilisation des dispositifs est régie par différents articles du décret N°2002-802 du 29 juillet 2004 du Code de Santé Publique. L’article R.4311-2 rappelle que les soins infirmiers « sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques », ce qui implique que chaque soignant doit régulièrement se mettre à jour dans ses connaissances afin de réactualiser ses pratiques. Cette idée n’est pas sans rappeler celle évoquée par la circulaire DGS/DH/DRT n° 98-228 du 9 avril 1998 relative aux précautions standard qui indique que les « protocoles doivent être connus du personnel et leur application régulièrement évaluée ». L’article R.4311.5 met en avant l’importance de respecter les mesures d’hygiène (patient, environnement, pansement) et de surveiller les différents types de cathéters, ceci relevant directement du rôle propre de l’infirmier. 9 Vol.13-n°1-janvier-février-mars 2013 Pratique et technique L’article R.4311.7 insiste sur l’importance de la « surveillance de cathéters veineux centraux et de montages d’accès vasculaires implantables mis en place par un médecin » et détaille les différents soins sur prescription médicale relatifs aux accès veineux centraux (injection, prélèvements sanguins, perfusions, pansements spécifiques). Cette liste non exhaustive de références législatives nous paraît importante à rappeler car chacun doit prendre conscience qu’au-delà d’une qualité des soins à pratiquer, il en va de l’engagement de sa propre responsabilité. En France, environ 150 000 chambres sont posées chaque année. Même si l’utilisation des PAC présente de nombreux avantages, nous ne pouvons nier que des complications peuvent apparaître. Il est primordial pour les infirmiers de repérer les signes et de connaître les bons gestes, pour en assurer la prévention, mais aussi les interventions à mettre en place en cas de survenue d’un problème. Nous nous intéresserons à chacune des complications potentielles suivantes : – la thrombose ; – l‘obstruction ; – l‘infection ; – l‘extravasation ; – la désunion du cathéter de la chambre ; – l‘embolie gazeuse ; – le retournement, l’usure et l’érosion de la chambre. Figure 1 : L’extrémité du cathéter doit se projeter en regard de la 1re ou 2e vertèbre sous la bifurcation bronchique. Le risque est différent en fonction du type de néoplasie : il est plus élevé chez les patients porteurs d’adénocarcinomes muco-sécrétants du tube digestif, de cancers pancréatique, pulmonaire ou ovarien, de leucémie aiguë promyélocytaire ou de syndrome myélo-prolifératif [2]. La position du cathéter est, elle aussi, un facteur favorisant la thrombose. Un cathéter trop court ou posé en fémoral est plus sujet aux thrombus. En revanche, le risque est diminué si le PAC est inséré du côté droit du thorax [3]. Pour diminuer le risque de thrombose, mais également la survenue de problèmes de fonctionnement, la position recommandée de l’extrémité du cathéter est la jonction veine cave supérieure/oreillette droite qui se projette sur une radiographie de thorax environ 1 à 2 corps vertébraux sous la carène (figure 1). Il est essentiel de savoir repérer la thrombose. Elle se manifeste, en général, par un œdème du bras du côté du PAC, une douleur, l’apparition d’une circulation veineuse collatérale, parfois la palpation d’un cordon veineux induré, et par un fébricule à 38°C. L’examen permettant de poser le diagnostic est l’écho-Doppler qui va permettre de visualiser le caillot. Le traitement consiste en l’administration d’héparines de bas poids moléculaire (HBPM) pour une durée de 3 à 6 mois. En cas de mauvaise position de l’extrémité du cathéter (cathéter court) ou en cas d’absence d’amélioration, l’ablation de la chambre pourra être discutée. La prévention de ce risque passe par la vérification La thrombose La présence prolongée d’un cathéter dans la veine sous-clavière ou jugulaire peut irriter la paroi veineuse et est de ce fait un facteur prédisposant au développement d’un caillot de sang (thrombus) [1]. L’incidence des thromboses sur cathéters veineux centraux rapportée chez les patients atteints de cancer varie selon les études. Dans la revue publiée par Klerk et al. en 2003, l’incidence des thromboses sur cathéter chez les patients atteints de cancer se situe entre 0 et 20 % [1]. Le travail de Verso et al. en 2003 chiffre cette incidence aux environs de 4 à 5 % (0 à 28 % selon les études) lorsqu’elles sont symptomatiques, et à 30 % (27 % à 66 %) quand les thromboses sont détectées de façon systématique par phlébographie [1]. Les études les plus récentes rapportent un taux de thromboses similaire avec ou sans traitement préventif (environ 5 % de thromboses symptomatiques). Bulletin Infirmier du Cancer 10 Vol.13-n°1-janvier-février-mars 2013 Pratique et technique après la pose du bon positionnement de l’extrémité du cathéter par une radiographie pulmonaire, la vérification systématique du reflux sanguin et le rinçage après chaque utilisation de la chambre. Toutes ces pratiques sont aussi importantes les unes que les autres pour diminuer le risque d’obstruction. L’obstruction Nous nous sommes tous un jour trouvés confrontés, lors d’une injection de sérum physiologique, à une résistance ou un mauvais débit. Il s’agit là des premiers signes d’une obstruction, qui peut aller jusqu’à l’impossibilité totale d’injecter quelque produit que ce soit. La fréquence de cette complication est de 2 à 5 %. Elle peut être secondaire à plusieurs facteurs : mauvaise position du cathéter, présence d’un caillot dans la lumière ou à l’extrémité inférieure du cathéter, dépôt de fibrine ou précipitation de produits dans la lumière du cathéter ou le réservoir de la chambre. Avant de se lancer dans des manœuvres de désobstruction, il est important de vérifier sur la dernière radiographie pulmonaire que le cathéter est bien positionné. Dans certains cas, un manchon de fibrine peut entraîner une obstruction partielle à l’extrémité distale du cathéter. Ainsi, le reflux est impossible (la pression négative entraîne un effet clapet) mais l’injection se passe sans souci, dans ce cas une opacification du cathéter pourra être réalisée ce qui permettra de visualiser le manchon fibrineux. Mais que faire en cas d’obstruction totale ? Qui n’a pas déjà observé un(e) collègue inexpérimenté(e) essayer d’injecter avec force ? La première chose à faire est d’essayer des manœuvres douces d’aspiration/injection avec une seringue de 10 mL de sérum physiologique. En cas d’échec, le traitement à mettre en place, sur prescription médicale, consiste à appliquer un thrombolytique. Deux produits peuvent être utilisés : l’urokinase (Actosolv®) ou l’alteplase (Actilyse®) [4]. Il convient de les utiliser comme suit : – conservation des deux produits avant reconstitution entre +2° et +8 °C ; – posologie : 1) urokinase : diluer 100 000 UI d’urokinase (poudre) dans 5 mL de solvant et compléter avec 15 mL de sérum physiologique afin d’obtenir un volume de 20 mL ; la concentration obtenue est de 5 000 UI/ml ; injecter 1 à 2 mL de la solution finale dans la chambre implantable ; Bulletin Infirmier du Cancer Figure 2 : Protocole à deux aiguilles. 2) Actilyse® : reconstituer les 2 mg avec les 2 mL de solvant et injecter la totalité (ou du moins ce que vous pouvez) au niveau de la valve bidirectionnelle de l’aiguille de Huber ; attention l’Actilyse® est incompatible avec les solutions glucosées. – En cas d’impossibilité totale d’injecter dans la chambre, un protocole à 2 aiguilles peut être appliqué. L’aiguille reliée au thrombolytique étant clampée, aspirer sur l’autre aiguille le plus fort possible afin de créer une pression négative dans la chambre, puis clamper cette aiguille et déclamper l’aiguille reliée au thrombolytique qui va être aspiré dans la chambre du fait de la dépression qui y a été créée (figure 2). – Laisser en place 1 à 2 heures puis, dans la mesure du possible, réaspirer le produit. En cas de reflux sanguin, bien rincer le dispositif avec du sérum physiologique. – Si aucun reflux n’est constaté : injecter une 2e dose identique à la 1re et laisser en place le plus longtemps possible (voire une nuit entière). – Si malgré tout le dispositif reste obstrué, il n’est pas utile d’essayer une 3e dose, il faut alors prévoir le changement de PAC. • Il est bon de rappeler que toute manœuvre de désobstruction sous pression est formellement contre-indiquée car elle entraîne une hyperpression avec risque de désunion du cathéter et de la chambre. Afin de prévenir ce risque d’obstruction, il est important de toujours vérifier la présence du reflux sanguin et la régularité du débit. Le rinçage avec au minimum 1 mL de sérum physiologique entre 2 produits différents est indispensable. Il l’est également après un prélèvement sanguin, une transfusion et l’alimentation parentérale où celui-ci se fera de façon pulsée. 11 Vol.13-n°1-janvier-février-mars 2013 Pratique et technique aiguilles ou de la manipulation des diverses connexions de la ligne voire plus rarement par contamination des solutés perfusés (la nutrition parentérale augmente le taux d’infection à Candida) ; – hématogène : contamination de la portion intravasculaire du cathéter, à partir d’un foyer infectieux à distance lors d’un épisode bactériémique, en particulier en cas de neutropénie. Nous remarquons que cette complication incombe principalement aux soignants qui, pour différentes raisons, baissent leur garde et ne respectent pas les règles de bonnes pratiques en matière d’asepsie. On distingue 2 types d’infections liées au PAC : l’infection purement locale et les infections systémiques (fièvre sans signes locaux, bactériémie, septicémie). En ce qui concerne l’infection locale, le diagnostic se fait sur la clinique. Les symptômes retrouvés, le plus souvent, sont les douleurs au niveau du PAC et la constatation de signes locaux d’inflammation (rougeur, induration, sérosité). Pour ce qui est des infections systémiques, le signe principal est l’hyperthermie avec ou sans frissons. L’examen qui va nous permettre de confirmer l’infection est la réalisation au même moment d’hémocultures couplées sur le PAC et en périphérie. L’hémoculture périphérique doit être faite en premier pour éviter un faux positif dû au rinçage de la chambre après l’hémoculture centrale. On peut affirmer que la chambre est infectée : – si le rapport de la concentration en micro-organismes (UFC/ml) de l’hémoculture prélevée sur cathéter avec la concentration en micro-organismes de l’hémoculture périphérique est ≥ 5 ; – ou lorsqu’avec la méthode quantitative de BrunBuisson le résultat est ≥ 1 000 UFC*/mL ou avec la méthode semi-quantitative de Maki est > 15 UFC [7] ; – ou si l’hémoculture sur la chambre pousse plus vite qu’en périphérie avec une différence de plus de 2 heures ; cette méthode est plus facile à réaliser et tend à remplacer les deux précédentes. Les germes le plus souvent retrouvés sont le staphylocoque à coagulase négative (29 %), le staphylocoque doré (19 %), le pseudomonas aéruginosa (12 %), les entérobactéries (23 %) et les levures (7 %) [8]. En fonction du germe retrouvé, le traitement prescrit sera différent. Pour les staphylocoques à coagulase négative et les entérobactéries, le traitement conservateur par antibiothérapie locale (verrou antibiotique [9]) et systémique (si Il est recommandé de brancher le sang, les dérivés sanguins et la nutrition parentérale sur le site proximal (au plus proche du patient) afin de faciliter le rinçage du dispositif de perfusion. Il est également conseillé de préférer les systèmes actifs d’injection (pompes), plutôt que la perfusion par gravité, afin de diminuer le risque de reflux sanguin. Enfin, il est évident qu’un rinçage de qualité lors du retrait de l’aiguille de Huber/ Gripper® de la chambre est essentiel. Les récentes recommandations préconisent que le PAC soit rincé avec 10 mL de solution saline en 3 poussées successives en faisant pivoter l’aiguille sur 360°. L’ablation de l’aiguille se fait toujours en pression positive pour éviter le reflux sanguin [5], biseau de l’aiguille vers la lumière du cathéter. Avec certaines aiguilles de dernière génération, la pression positive se fait automatiquement au retrait de l'aiguille du septum. Pendant longtemps, l’héparine a été utilisée dans le rinçage des PAC. Les arguments avancés contre son utilisation sont nombreux : durée de vie limitée, hypocalcémie, risque de thrombopénie induite par l’héparine (TIH), incompatibilité avec le produit perfusé. Après avoir comparé plusieurs études [6], en 2000, l’HAS signale que le rinçage avec du sérum physiologique est aussi efficace et moins contraignant que le sérum hépariné. Toutes ces manipulations ne sont pas sans risques et nous pouvons rapidement contaminer une partie du système qui doit être et rester stérile. L’infection En dehors des ablations réalisées en fin de traitement, l’infection est la 1re cause d’ablation d’une chambre implantable. C’est une complication fréquente avec une prévalence comprise entre 5 % et 10 % en onco-hématologie. Ce risque est souvent lié au non-respect des règles d’hygiènes et d’asepsie. Il est bien évidemment, proportionnel aux nombres de manipulations. La contamination par les germes peut se faire de différentes façons : – extra-luminale : les germes contaminent la chambre à partir de l’incision (infections liées à la pose de la chambre) ou le long de l’aiguille de Huber au moment de sa pose ou en cours de perfusion, les germes proviennent alors de la flore cutanée du patient ou de la flore exogène apportée lors des soins ; – endo-luminale : lors de l’utilisation à partir des Bulletin Infirmier du Cancer 12 Vol.13-n°1-janvier-février-mars 2013 Pratique et technique domicile ; il devra être troué et pré-fendu afin de ne pas engendrer de faute d’asepsie à la fin du geste ; – l’emploi de pansement transparent semi-perméable stérile (répondant à la norme EN 13726-2) est préférable car il permet l’inspection du site de ponction, il doit être occlusif ; – il ne faut pas superposer deux pansements semiperméables du fait du risque infectieux par excès d’humidité ; – le soignant doit informer le patient que les douches sont prohibées lorsque l’aiguille est en place sur le PAC car elle favorise le décollement du pansement et, de ce fait, la prolifération des germes (surtout ceux contenus dans l’eau) si la réfection n’est pas immédiate. Au-delà du moment de la pose, d’autres précautions sont à prendre pendant que l’aiguille est en place. L’infirmier doit : – limiter et regrouper les manipulations, utiliser des compresses imbibées d’antiseptique ; – désinfecter les raccords avant toute injection ; il est conseillé de les protéger s’ils risquent d’entrer en contact avec le lit du patient (boîtier ou compresses régulièrement imprégnées d’un antiseptique) ; – changer les rampes et refaire le pansement tous les 4 jours ; – refaire sans délai tout pansement souillé ou décollé ; – changer l’aiguille de Huber tous les 8 jours pour les patients qui sont perfusés en continu ; – changer les tubulures toutes les 48h à 72h ; – maintenir le système le plus clos possible, penser à changer le bouchon stérile après chaque manipulation au niveau du robinet et ne jamais laisser le système ouvert sans bouchon de verrouillage ; – assurer la traçabilité des soins dans les transmissions ou les diagrammes de soins pour savoir quand le changement de matériel a été et doit être effectué. Enfin, il paraît évident de suivre également certaines règles lors du retrait de l’aiguille : – le soignant et le patient doivent porter un masque ; – il faut préférer les seringues préremplies, sinon le sérum physiologique de rinçage doit être en unidose ; – la peau doit être désinfectée après le retrait de l’aiguille ; – le pansement réalisé doit être stérile, sec et occlusif, et doit rester en place au moins 1 heure. L’éducation du malade sur son hygiène corporelle est également importante pour prévenir le risque infec- hémocultures périphériques positives) sera mis en place. En ce qui concerne une colonisation par Candida spp. (albicans, glabrata...), S. Aureus et P. aeruginosa, l’ablation de la chambre est systématique, de même qu’en cas d’infection locale, de choc septique ou en cas d’échec du traitement antibiotique dans un délai de 4872 heures (se manifestant par une non-régression des signes cliniques). Le retrait se fera sous anesthésie locale. Avant la pose d’une nouvelle chambre, en un autre site anatomique, il est recommandé de respecter un délai d’au moins 48 heures d’antibiothérapie efficace et de s’assurer de la négativation des dernières hémocultures périphériques. Il faut savoir que l’utilisation en routine d’un verrou ou d’un flush antibactérien (antibiotique ou autre) n’a pas d’intérêt pour prévenir les infections sur PAC. La prévention de ce risque est primordiale et peut se faire à différents moments de l’utilisation de la chambre implantable [10] : Tout d’abord, et cette mesure est indispensable, l’antisepsie des mains des soignants doit se faire avant et après chaque soin sur PAC. L’utilisation d’une solution hydro-alcoolique par friction n’est plus à démontrer et doit être systématique. Il convient aussi de respecter des règles strictes à différents moments clés des soins réalisés autour d’une chambre implantable. C’est le cas lors de la pose de l’aiguille de Huber/Gripper®, qui est une manipulation qui se doit d’être stérile : – le soignant et le patient doivent porter un masque pour éviter l’apport de germes par voie aérienne (postillons) ; – une dénudation suffisante du patient doit permettre une large désinfection cutanée ; – la dépilation du site d’insertion de l’aiguille est déconseillée mais si elle est indispensable pour assurer une bonne tenue du pansement, la tonte sera privilégiée ; – la peau doit être préparée par une antisepsie en 4 temps comportant une détersion avec un savon antiseptique, un rinçage avec du sérum physiologique, un séchage suivi d’une désinfection avec un produit antiseptique alcoolique en non stérile, enfin une seconde désinfection avec le même produit après avoir mis les gants stériles ; – le matériel utilisé se doit d’être stérile et à usage unique ; – un champ stérile peut être utilisé pour la ponction de la chambre, plus particulièrement pour la pratique à Bulletin Infirmier du Cancer 13 Vol.13-n°1-janvier-février-mars 2013 Pratique et technique tieux, au niveau des règles d’hygiène de base, mais aussi en ce qui concerne la surveillance des signes d’infection, afin qu’il puisse rapidement alerter un membre de l’équipe soignante, notamment quand il est à domicile. L’infection n’est pas le seul risque dont les conséquences peuvent être lourdes pour la prise en charge d’un patient. Les symptômes à repérer sont la brûlure, le picotement avec sensation d’inconfort, puis, après quelques heures, peuvent apparaître œdème, douleur et/ou rougeur près du site d’injection d’où l’importance de l’évaluation visuelle. Mais il faut aussi contrôler la ligne de perfusion car des signes comme une résistance accrue à l’injection, une perfusion lente, un changement dans le flux, ou même la disparition du retour veineux, constituent de véritables alarmes annonçant une extravasation. De son côté, le patient reste un partenaire de soins important car, étant informé, il pourra nous alerter en cas de douleur ou de sensation étrange. Si malgré tout une extravasation de chimiothérapie a lieu, il faut agir rapidement de la façon suivante : – arrêter la perfusion sans retirer le dispositif d’injection ; – déconnecter la ligne de perfusion ; – aspirer si possible 3 à 5 mL de sang pour retirer le maximum de produit cytotoxique ; – aspirer par voie sous-cutanée le maximum de liquide infiltré à l’aide d’une aiguille courte (sous-cutanée) ; – enlever l’aiguille ; – délimiter la zone d’extravasation avec un crayon indélébile et faire une photographie si possible. Ensuite, la première chose à faire est de contacter un chirurgien qui décidera, en fonction du type d’agent extravasé, de prendre le patient au bloc opératoire pour un lavage-aspiration qui dans tous les cas doit être réalisé dans les 6 heures qui suivent l’incident. Lorsque l’extravasation est ainsi prise en charge rapidement, il est tout à fait possible de ne pas retirer la chambre. En cas d’extravasation d’anthracyclines, il existe un antidote tout aussi efficace, le dexrazoxane (Savène®) qui peut être une alternative à la chirurgie. Puis, la prise en charge dépendra du produit cytotoxique. Pour les agents non vésicants et irritants, il convient d’employer la technique du « localiser et neutraliser » en appliquant une compresse froide ou cold-pack pendant 20 minutes 4 fois par jour pendant 1 à 2 jours. Pour les agents vésicants de la famille des vinca-alcaloïdes, l’utilisation de froid n’est pas adaptée, et il faut appliquer une compresse chaude 20 minutes 4 fois par jour pendant 2 jours. Pour tout type de produit la surveillance clinique doit être régulière pendant 24 à 48 heures. Si on ne reconnaît pas et ne prend pas en charge L’extravasation On la définit comme la fuite accidentelle de produit (cytotoxique dans notre cas), depuis le compartiment visé (PAC et système veineux) vers le tissu environnant. Elle peut être la complication la plus sévère pour le patient puisqu’elle risque d’engendrer une nécrose cutanée [11, 12]. Avec près de 100 000 doses de chimiothérapie anticancéreuse et plus de 1 000 000 de perfusions intraveineuses chaque jour dans le monde, l’extravasation représente un risque majeur qui peut avoir de graves répercussions (reports du traitement, nécrose invalidante, impact psychologique). Il faut savoir que la fréquence de survenue d’une extravasation au cours d’une chimiothérapie est de 0,5 à 6 %. De nombreux facteurs peuvent favoriser son apparition. Certains sont liés aux patients : en effet, les patients qui présentent une surcharge pondérale ont une masse adipeuse pouvant rendre difficile la palpation du PAC et son accès. Cependant, les facteurs les plus importants sont liés aux manipulations des soignants autour de la chambre implantable. L’extravasation peut survenir après un changement de position de l’aiguille ou lors d’une désunion du cathéter et de la chambre, mais le plus souvent lors du mauvais repérage du septum. C’est pourquoi en cas de doute sur le bon positionnement de l’aiguille/Gripper® il ne faut pas hésiter à faire appel à un collègue. Afin d’éviter ce problème, il faut, lors de la pose d’aiguille, piquer jusqu’à la butée de celle-ci, la fixer à l’aide de stéristrips stériles, vérifier la présence du reflux sanguin, contrôler la perméabilité du PAC en injectant une solution saline et s’assurer du bon débit. Il est indispensable de connaître le risque vésicant de chacun des produits administrés [13] et de savoir reconnaître l’extravasation afin d’agir rapidement si elle survient malgré toutes les précautions prises. Bulletin Infirmier du Cancer 14 Vol.13-n°1-janvier-février-mars 2013 Pratique et technique suffisamment vite une extravasation d’un agent vésicant, le dommage tissulaire peut devenir tellement sévère qu’un débridement chirurgical et une intervention de chirurgie plastique (incluant éventuellement des greffes) peuvent s’avérer nécessaires. D’autres complications plus rares peuvent apparaître. La désunion du cathéter et de la chambre Ce phénomène peu fréquent peut survenir dans 3 circonstances : – lorsque le cathéter est situé entre la 1re côte et la clavicule les mouvements de l’épaule peuvent le sectionner, c’est ce que l’on appelle le pinch-off ou pince costo-claviculaire (figure 3) ; – lorsque le poseur de la chambre a mal connecté celle-ci avec le cathéter ; – lors d’une hyperpression exercée sur le PAC avec une seringue de moins de 10 mL. Lorsque le cathéter est sectionné, le morceau peut migrer dans le ventricule droit, voire dans la circulation pulmonaire. La pince doit être évoquée devant un débit positionnel obligeant le patient à mobiliser ou lever son bras. Dans ce cas l‘examen à réaliser est une radiographie pulmonaire qui nous permettra de visualiser la compression du cathéter dans l’articulation costo-claviculaire. Si le diagnostic est posé avant la désunion du cathéter, le changement de PAC devra être programmé rapidement. Lorsque le cathéter est rompu, il n’y a plus de reflux et l’injection de sérum physiologique s’accompagne d’une diffusion et d’un œdème autour de la chambre. A ce stade, il faut faire intervenir en radiologie interventionnelle pour récupérer le fragment de cathéter perdu à l’aide d’un lasso inséré par voie fémorale sous contrôle scopique. Afin d’éviter cette complication, il est interdit d’utiliser une seringue de volume inférieur à 10 mL lors d’injection dans une chambre implantable. Figure 3 : « Pinch-off », le cathéter est écrasé dans l’articulation costo-claviculaire et il est prêt à se rompre. Le retentissement clinique est respiratoire et hémodynamique. Les signes comprennent une toux, une dyspnée, des douleurs thoraciques, et des palpitations. Les manifestations hémodynamiques vont de l’hypotension à l’arrêt circulatoire brutal par insuffisance cardiaque droite aiguë lorsque la quantité d’air est très importante. Le diagnostic repose surtout sur la clinique. Le traitement, à mettre en œuvre d’urgence, est fondé sur la réanimation cardiorespiratoire, avec restauration d’une pression artérielle normale et ventilation en oxygène pur. Afin d’éviter ce risque, il est impératif d’utiliser du matériel purgé à chaque injection, manipuler en système clos et préférer les seringues à vis (luer-lock). Autres D’autres complications peuvent survenir mais, bien que peu fréquentes, il nous semble essentiel de rapidement les évoquer. D’abord, le PAC peut se retourner. Cela peut s’expliquer par : – la création d’une loge sous-cutanée trop large par rapport aux dimensions de la chambre ; – l‘absence de fixation de la chambre ; – un amaigrissement important du patient. Le diagnostic se fera grâce à la radiographie pulmonaire. Il faudra faire appel à un médecin qui par des mouvements de rotation manuelle (dans le bon sens) devrait réussir à remettre en place le PAC ; si cela s’avère inefficace, le patient devra retourner au bloc. Il peut aussi arriver qu’à force de ponctions répétées, L’embolie gazeuse Il s’agit d’une complication, elle aussi, plutôt rare. L’embolie gazeuse est la pénétration d’air par le cathéter dans la circulation sanguine. Elle survient lors de l’utilisation d’un matériel externe défectueux ou à cause du non-respect des bonnes pratiques. Bulletin Infirmier du Cancer 15 Vol.13-n°1-janvier-février-mars 2013 Pratique et technique le septum finisse par être endommagé. Selon les fabricants de PAC, on peut réaliser jusqu’à 2000 ponctions. La lettre circulaire DH/EM 1 N°96-6225 du 28 octobre 1996, relative à la sécurité des dispositifs médicaux, utilisation des chambres à cathéter implantables et des aiguilles fixe les conditions suivantes : – utiliser une aiguille à biseau tangentiel (afin d’éviter le risque de « carottage » de la membrane) ; – adapter le diamètre de l’aiguille en fonction des produits à injecter : 21-22G pour perfusion classique et chimiothérapie, 19G pour transfusion et nutrition parentérale ; – ajuster la longueur de l’aiguille en fonction de la corpulence du patient (15 à 35 mm). Il est fortement recommandé de traverser complètement et perpendiculairement le septum jusqu’à la butée sans écraser la pointe de l’aiguille sur le fond de la chambre. Il est également conseillé de varier les points de ponction afin de préserver l’intégrité de la peau et l’étanchéité du septum. Enfin, il est possible de voir apparaître une érosion de peau en regard de la chambre. Il s’agit d’une complication cutanée spécifique liée à un défaut de cicatrisation après l’implantation, à une ulcération tardive en regard du boîtier (certains peuvent faire un rejet du matériel) et/ou une coudure du cathéter généralement liée à l’amaigrissement des patients. Ceci apporte un risque supplémentaire d’infection d’où l’importance d’enlever rapidement la chambre implantable lorsqu’elle n’est plus utilisée. Même si nous avons essayé de faire à travers cet article un récapitulatif non exhaustif des recommandations existantes, il est indispensable que les infirmiers, quel que soit leur lieu d’exercice, disposent de protocoles écrits et actualisés sur la manipulation des PAC et sur la prévention des risques liés à leur utilisation. Mais nous ne sommes pas toujours auprès du patient et il ne faut pas que nous oublions que ce dernier constitue un véritable partenaire de soins. L’éduquer au repérage des dysfonctionnements du PAC est primordial, et passe par l’utilisation d’un support : le carnet de surveillance. Références 1. RPC-SOR « thrombose et cancer », FNCLCC 2008 ; disponible sur : « http://www.parhtage.sante.fr/re7/bre/doc.nsf/VDoc/171C92CDDFA303E6 C125753D004B6C65/$FILE/C28_MVTE % 20Oncologie_FNCLCC_ 2008.pdf » (décembre 2012) 2. Rapport Institut National du cancer (2008). Traitement curatif de la maladie thromboembolique veineuse chez les patients atteints de cancer ; disponible sur « http://www.e-cancer.fr » 3. Luciani A, Clement O, Hamili P, et al. Catheter-related upper extremity deep venous thrombosis in cancer patients : a prospective study based on Doppler US. Radiology 2001 ; 220 :660-65. 4. HAS. Commission de la transparence, Direction de l’évaluation médicale, économique et de santé publique, Actilyse® 2 mg, 2009 ; disponible sur « http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/200910/actilyse_-_ct-6722_2009-10-22_14-53-8_981.pdf » (décembre 2012) 5. Anaes. Évaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé. Évaluation de la qualité de l’utilisation et de la surveillance des chambres à cathéter implantable, décembre 2008, VI. 4.1. 6. Sérum salin versus héparine dans l’entretien des cathéters veineux centraux. Journal de Pharmacie Clinique 2009, 28 : 181-7. 7. Le comité technique national des infections nosocomiales : 100 recommandations pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales, 2e édition, NHA, 1999. 8. Lebeaux D, et al. Medicine (Baltimore) juin 2012 ; http://www.infectiologie.com/site/medias/JNI/JNI12/2012-JNI-CIP-Zarrouk.pdf (p. 10). 9. Groupe de prévention des infections en cancérologie, traitement des infections sur dispositif intravasculaire de longue durée par verrou antibiotique, janvier 2012 ; disponible sur http://www.docvadis.fr/gpic/verrou_antibiotiques/fr/metadata/files/0/file/verrou%20ATB%20MAJ%202012.p df » (décembre 2012). 10. Department of health and human service, USA, Guidelines for the prevention of intravascular catheter-related infections, 2011 ; Disponible sur « http://www.cdc.gov/hicpac/pdf/guidelines/bsi-guidelines-2011.pdf » (décembre 2012) 11. EONS. Directives 2007 relatives à l’extravasation ; disponible sur « http://www.cancernurse.eu/documents/EONSClinicalGuidelinesSection6-fr.pdf » (décembre 2012) 12. Dossier du Centre National Hospitalier d’Information sur le Médicament (CNHIM). Anticancéreux : Utilisation pratique 6e édition, extravasation chimiothérapies – XXIX, 5-6, Novembre 2008. 13. OMéDIT. Centre-Commission anticancéreux : extravasation d’anticancéreux, juin 2012, p. 3 ; disponible sur « www.omedit-centre.fr » (décembre 2012). Bibliographie -Prévention des infections associées aux chambres à cathéter implantables pour accès veineux. Hygiènes, volume 20 (1). -Braun B. Les complications des chambres implantables : définition, prévention et traitement. Newsletter Aesculap, 2007, n° 3. Disponible sur « http://www.bbraun.fr/documents/Actualites/edition_3_RV_oncologie.pdf » (décembre 2012) -Correspondances en médecine générale, Utilisation des cathéters intraveineux en oncologie : prévention et traitement des complications, mars 2002 (1). -Dupont Christian. Guide pratique des chambres à cathéter implantables, Utilisation et gestion des complications. Lamarre, octobre 2012, 262 pages. Conclusion Il n’est plus à démontrer que les chambres implantables constituent à ce jour l’une des voies veineuses privilégiées pour l’administration d’une chimiothérapie. Nous avons vu, et la pratique de chacun nous le rappelle au quotidien, que leur utilisation implique de nombreux risques. Même si, de nos jours, des moyens existent pour identifier certains problèmes, comme les pompes volumétriques mesurant la pression intravasculaire qui permettent d’alerter le soignant en cas de trouble du débit (thrombose, extravasation…), il incombe à chacun de savoir les prévenir et les repérer. Cela passe par une surveillance clinique régulière à la recherche d’une de ces complications, locale ou générale, inhérente à la pose ou à l’utilisation des PAC. Bulletin Infirmier du Cancer 16 Vol.13-n°1-janvier-février-mars 2013