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1 Introduction1, 2
Le Gabon est un représentant peu commun de l’Afrique Subsaharienne. Il a été
baptisé ‘‘Emirats d’Afrique’’, l’ Etat rentier fortement tributaire d’un seul produit
d’exportation générateur de richesse : le pétrole. Alors qu’au cours des deux dernières
décennies les pays de l’Afrique au sud du Sahara, dans leur majorité faisaient face à
la baisse et la stagnation des revenus, ainsi qu’à des déficits aigus de la balance de
paiement et des devises, des revenus pétroliers par habitant exceptionnels faisaient
du Gabon un pays riche. En 1998 le revenu par habitant, qui s’élevait à plus de 6.000
dollars US, était quatre fois plus haut que celui du Cameroun voisin. Les exportations
de pétrole ont totalement dominé et transformé l’économie gabonaise au cours des
trois dernières décennies. Dans l’histoire du pays d’autres produits d’extraction
générateurs de revenus se sont avérés également importants à savoir le manganèse,
l’uranium et surtout l’exportation du bois, principalement l’okoumé (Aucoumea
klaineana), une essence précieuse. Aucun de ces produits n’a toutefois généré des
revenus comparables à ceux du pétrole. Cette richesse en ressources extractives
distribuée au sein d’une petite population d’un million environ a entraîné le sous-
développement de l’agriculture. Une société traditionnelle d’habitants des forêts
vivant de chasse et de cueillette a ainsi été transformée en une société collectant
les revenus tirés des ressources naturelles, au détriment du secteur agricole (à l’instar
d’autres types de production).
La richesse pétrolière du Gabon coïncide avec le fait que c’est également
l’un des pays les plus pourvus en forêt en Afrique: près des quatre cinquièmes de sa
superficie sont recouverts de forêts. En réalité, cela est loin d’être une coïncidence.
L’hypothèse centrale du présent rapport est en effet que les revenus pétroliers ont
permis l’adoption d’une série de politiques qui, combinées à la faible pression
démographique, ont joué un rôle majeur dans la protection des forêts de la dégradation
et de la déforestation. Vraisemblablement, le pétrole a contribué à l’expansion du
couvert forestier en termes absolus et à la réduction de la dégradation forestière,
par rapport à ce qui serait advenu s’il n’y avait pas eu le pétrole (voir section 2). Ce
résultat a été obtenu grâce à un certain nombre d’actions politiques et commerciales
sur le plan économique qui répondaient à la manne pétrolière et qui conjointement
ont été extrêmement favorables à la conservation des forêts. Toutefois, aucune de
ces politiques n’a été mise en œuvre pour répondre à une préoccupation du