Complexes immuns circulants

publicité
Complexes immuns circulants
Les complexes immuns circulants (CIC), ou immunscomplexes, sont des associations macromoléculaires
résultant d’une interaction antigène-anticorps. Les complexes immuns sont formés lors de toute réponse anticorps à une immunisation, dans le but d’éliminer la
substance reconnue. Ce processus témoigne du fonctionnement normal du système immunitaire.
Dans la classification de Gell et Coombs, les CIC
relèvent de la réaction d’hypersensibilité de type III ou
maladie à complexes immuns, qui survient lorsque des
complexes se forment en excès dans la circulation, et
qu’ils ne peuvent être éliminés par les macrophages. Les
maladies classiques dans lesquelles les CIC interviennent sont le lupus érythémateux disséminé et la
maladie sérique.
Deux types d’immuns-complexes se distinguent selon
les quantités en antigène (Ag) et en anticorps (Ac) qu’ils
contiennent :
• les complexes formés en excès ou à l’équivalence
d’Ac, de taille importante, sont peu solubles et leur
élimination est rapide par les macrophages des cellules du système mono-macrophagique ;
• les complexes formés en excès d’Ag, de petite taille,
sont solubles, difficilement captés par les macrophages et peuvent dans certaines circonstances se
déposer au niveau de l’endothélium vasculaire et provoquer des lésions. Ceux-ci sont pathogènes. Ils
peuvent impliquer deux types d’Ag :
– des antigènes exogènes : micro-organismes entiers,
toxines, virus, allergènes, antigènes alimentaires ;
– des antigènes endogènes : ADN, immunoglobulines
(exemple : immunoglobuline anti-IgG ou facteur
rhumatoïde), enzymes, protéines circulantes.
Au cours de la réponse immunitaire, ils sont d’abord
formés d’un excès d’antigène, puis la concentration en
anticorps augmente. Les anticorps impliqués peuvent
être de classe IgG, IgM, IgA ou IgE, selon le mode
d’entrée de l’antigène dans l’organisme.
Deux éléments interviennent dans l’élimination des
CIC : le complément et les récepteurs CR1.
L’activation des protéines de la voie classique (C1, C2,
C4 et C3) permet la solubilisation des complexes, et les
récepteurs CR1 érythrocytaires permettent leur transport. En effet, les fragments C3b et C4b écartent les
molécules d’IgG fixées sur le même antigène, et surtout,
les récepteurs CR1 érythrocytaires fixent les complexes
immuns ayant activé le complément (fixation du fragment C3bi sur les complexes). Transportés par les
hématies, les complexes immuns sont ensuite dégradés
par les cellules phagocytaires du foie et de la rate. Le
CR1 est une glycoprotéine membranaire présente en
quantité variable sur de nombreuses cellules (neutrophiles, monocytes, lymphocytes, érythrocytes). Les érythrocytes, bien que pauvres en récepteurs CR1,
représentent 90 % du pool circulant de par l’abondance
de ces cellules.
Un déficit en protéines du complément C2 ou C4 est
souvent associé à des maladies à CIC de type lupique,
et une diminution de densité des CR1 érythrocytaires
peut s’observer dans le lupus érythémateux disséminé
(LED), la polyarthrite rhumatoïde, le sida et certaines
hémopathies, toutes ces pathologies s’accompagnant
d’une persistance des complexes immuns. Ces complexes solubles non liés aux érythrocytes ne sont pas
phagocytés mais se déposent dans les tissus comme la
peau, le rein, le muscle, où ils peuvent déclencher des
réactions inflammatoires et des lésions tissulaires
locales.
Selon les maladies, les dépôts se font dans des organes
différents : le rein dans le LED, les articulations dans la
polyarthrite rhumatoïde.
Le dépôt des CIC dans l’endothélium et la membrane
basale vasculaire résulte d’un ensemble de plusieurs
phénomènes :
• une formation de CIC en excès suite à une réaction
immunitaire mal contrôlée ;
• une défaillance des processus d’élimination (déficit en
protéines du complément héréditaire ou par consommation, déficit en récepteurs CR1) ;
• la classe des immunoglobulines contenues dans le
complexe : les complexes à IgG sont facilement éliminés, en revanche, les complexes à IgA, qui fixent peu
le complément, précipitent et les complexes à IgM
(facteurs rhumatoïdes), qui sont peu solubles et fixent
peu le C3b, précipitent ;
• la nature de l’antigène (ADN « planté » dans la membrane basale glomérulaire, avec formation de complexes in situ) ;
• des facteurs hémodynamiques, les organes touchés
étant préférentiellement les reins, la peau, les poumons, les articulations et les plexus choroïdes ;
• une réaction inflammatoire avec libération de médiateurs lors de l’activation des plaquettes, des mastocytes et des neutrophiles.
Les maladies associées à la présence de CIC sont les
suivantes :
• maladie sérique : après injection de sérum antitétanique, anti-rabique, anti-diphtérique ou antivenimeux ;
• pathologies infectieuses : endocardite bactérienne
subaiguë, lèpre lépromateuse, hépatites virales B
(périartérite noueuse) et C, mononucléose infectieuse,
paludisme, bilharzioses, trypanosomiases ;
• maladies autoimmunes : LED, Goujerot-Sjögren,
polyarthrite rhumatoïde, cirrhoses biliaires, thyroïdites, cryoglobulinémies ;
• pathologies prolifératives : maladie de Hodgkin, leucémies.
Sur coupes tissulaires obtenues à partir de biopsies, les
dépôts de complexes immuns peuvent être mis en évidence par immunofluorescence, méthode la plus spécifique pour pouvoir affirmer le rôle des complexes
immuns dans la formation des lésions.
Pour le dosage des complexes immuns circulants sur
plasma ou sérum, il est important de centrifuger rapidement le tube, afin de n’isoler que les complexes libres.
Les complexes liés aux érythrocytes sont moins pathogènes, or ils peuvent être libérés au cours du temps sous
l’action du facteur I.
Il existe de nombreuses méthodes reposant soit sur leurs
propriétés physicochimiques, soit sur leurs propriétés
biologiques :
• la précipitation des complexes macromoléculaires par
le polyéthylène-glycol avec quantification des IgG
précipitées par IDR, Elisa ou RIA peut être utilisée.
Cependant, cette précipitation est peu spécifique et
peu reproductible ;
• d’autres méthodes utilisent la fixation du C3 sur la
conglutinine ou les cellules Raji ;
• la méthode de référence actuelle utilise la capacité du
C1q à se fixer sur l’extrémité Fc des immunoglobulines présentes dans le complexe immun, le C1q
étant soit radiomarqué, soit fixé sur un support solide
(plaque, latex…), avec révélation des CIC fixés par
une méthode immunoenzymatique à l’aide d’une
anti-immunoglobuline humaine. Cette technique peut
présenter des faux positifs en présence d’anticorps
anti-C1q dans le sérum du patient, assez fréquents
dans le lupus et les vascularites urticariennes.
La mise en évidence de complexes immuns dans la circulation est d’un intérêt discutable dans la mesure où
les méthodes sont non spécifiques avec de nombreuses
causes d’interférences liées aux techniques elles-mêmes.
De plus, leur interprétation est difficile, car la présence
de complexes immuns circulants, qui ne sont pas pathogènes, ne signifie pas nécessairement dépôt tissulaire, et
en outre la recherche de CIC dans un prélèvement veineux peut être négative malgré l’existence de dépôts
pathogènes tissulaires.
Bien que souvent corrélée avec l’activité du lupus systémique, de la polyarthrite rhumatoïde (PR), des
glomérulonéphrites prolifératives diffuses et des endocardites bactériennes, les CIC ne font pas partie des critères d’activité de ces maladies (critères SLEDAI pour
le lupus, critères ACR pour la PR).
Dans l’exploration d’une pathologie à CIC, la recherche
de marqueurs spécifiques de la maladie est préférable :
facteurs rhumatoïdes, cryoglobulines, anticorps antiADN, ANCA, étude du complément, ASLO, sérologies
virales…
☞
(
Complément, Cryoglobulines, Facteurs rhumatoïdes
Kereveur A, Myara I.
Physiopathologie des immuns-complexes circulants.
Eurobiologiste 1995 ; 29/215 : 51-58.
Roitt IM, Brostoff J, Male D.
Immunologie. Chap. 23 : Hypersensibilité - Type III. - 3e édition française.
Bruxelles : De Boeck, 2002 ; pp. 357-369.
Téléchargement