
3) Comment remédier aux problèmes d’irrégularité thérapeutique ?
P B. Dans la réussite d’une PCT, une autre condition est essentielle, c’est de la part du malade
une bonne observance, concernant les prises non supervisées. Or on sait que dans la majorité
des cas de maladies chroniques (lèpre, tuberculose, SIDA …), cette observance n’est pas
excellente. On estime en effet que plus de 30% des malades chroniques, quelque soit leur
culture ou leur niveau d’éducation, suivent mal leur traitement quotidien non supervisé. Qu’en
est-il plus particulièrement pour la lèpre ?
B J. Dans le cas de la lèpre, on connaît les risques potentiels d’une telle négligence : c’est celui
du développement de résistance à la rifampicine, lorsque la clofazimine et la dapsone ne sont
pas pris quotidiennement.
P B. Comment peut on améliorer l’observance thérapeutique des malades ?
B J. Le seul moyen de s’assurer qu’un patient reçoit bien son traitement c’est que ce traitement
soit supervisé. Le traitement supervisé encore appelé, dans les stratégies de lutte contre la
tuberculose, « traitement directement observé » ou DOT, sigle de la traduction anglaise :
directly observed therapy, permet de s’assurer que le malade absorbe bien ses médicaments, à
la posologie prescrite et au bon moment. Concernant la prise mensuelle de rifampicine, on sait
que si elle n’est pas supervisée elle est souvent irrégulière voire même inexistante. Or la
rifampicine est le composant essentiel de la PCT actuelle. Donc il est particulièrement
important de s’assurer que cette prise mensuelle est bien réelle.
P B. Et pourtant les experts du TAG / OMS lors de leur 3 ème réunion, ont changé leur fusil
d’épaule et pour accélérer l’élimination de la lèpre ils ont déclaré que la supervision n’était plus
indispensable et ont recommandé la PCT accompagnée (PCTA). Qu’en pensez vous ?
B J. Je rappelle tout d’abord que la PCTA consiste à délivrer au malade, au moment du
diagnostic, l’ensemble des plaquettes de PCT (6 pour les PB, 12 pour les MB) et à demander à
quelqu’un de son entourage d’assumer la responsabilité de l’aider à prendre régulièrement son
traitement. Mais je pense qu’une telle stratégie est contestable pour les raisons suivantes :
1) faible observance thérapeutique dans les cas d’auto traitement
2) manque de contact régulier entre les malades et les agents de santé et donc risque de
ne pas dépister à temps les réactions ou une aggravation des signes neurologiques
3) manque de précision concernant les conditions de mise en place d’une PCTA : dans
tous les cas en routine ou dans certaines situations ?
4) incertitude concernant le choix d’un accompagnateur : agent de santé ou bénévole de
la communauté ou membre de la famille ?
5) manque de précision concernant l’aide que doit apporter l’accompagnateur au malade
: doit-il observer lui-même la prise mensuelle de PCT ?
6) incertitude sur les modalités de formation et de supervision de l’accompagnateur par
l’agent de santé.
P B. Pour essayer d’améliorer les conditions de régularité thérapeutique dans la lèpre peut-on
s’inspirer des stratégies utilisées dans les autres maladies chroniques nécessitant des traitements
au long cours ?
B J. Oui bien sûr. On peut, par exemple, s’inspirer du projet HAART, qui est une stratégie de
traitement de malades atteints de SIDA avancé à Haïti, par une thérapeutique anti rétrovirale
très active, directement observée (TDO), délivrée par des personnes bénévoles de la
communauté vivant dans le même quartier ou même village que les malades.