IMS PharmaNews Analyse n°5 • page 3
Quel impact des réformes ?
Sinon, la question dominante dans le contexte actuel reste celle de l’impact de la crise. Nous avons consacré, avec Mur-
ray AITKEN, un numéro hors-série de IMS Pharmanews à une analyse prévisionnelle de l’impact de la crise dans 15 pays
développés et émergents et je n’y reviendrai pas. Une question en suspens concerne cependant la nature et l’impact des
mesures que le gouvernement pourrait prendre pour limiter un déficit public record : plus de 100 milliards d’euros pour le
seul budget de l’état et plus de 20 pour les comptes sociaux. Les âpres débats de l’Assemblée Nationale autour du projet
de loi Hôpital, Patient, Santé, Territoire (HPST) ne sont pas liés à la conjoncture et, de toute manière, ne concernent
qu’indirectement le médicament, à travers, par exemple, la restructuration hospitalière ou la possible émergence d’une
régulation régionale. Et encore, l’échéance n’est-elle pas proche car il faudra plus d’un an avant que ne soient opération-
nelles les futures ARS et autres Communautés Hospitalières de Territoire. Fusionner deux entreprises privées est un jeu
d’enfant à côté de la fusion de deux administrations publiques – l’une issue de l’Etat et l’autre de l’Assurance-Maladie –
dont les personnels n’ont ni les mêmes statuts, ni les mêmes cultures, ni les mêmes références professionnelles et qui,
de surcroît, ont longtemps entretenu des rapports de méfiance… Rendez-vous en 2010, voire 2011 !
CAPI or not CAPI ?
A court terme, la vraie innovation, celle dont l’effet peut se faire sentir dès 2009, est le fameux Contrat d’Amélioration
à la Pratique Individuelle (CAPI) que les caisses vont commencer à mettre en place dans les prochains jours. Rappelons
qu’il s’agit d’un contrat proposé aux médecins traitants2 qui, s’ils l’acceptent, souscriront à un ensemble d’engagements
dans trois domaines précis : la prévention et le dépistage des maladies graves, la prise en charge des pathologies
chroniques et l’optimisation de la prescription. S’ils respectent leurs engagements et atteignent leurs objectifs, ils
percevront un « bonus » pouvant atteindre près de 6 000 euros par an.
Le dispositif innove sur plusieurs points : il insère un élément de contractualisation individuelle dans un système de re-
lations médecins-caisses régi exclusivement, depuis les années 70, par un conventionnement collectif ; il met en place
une mesure de performance ciblée pour la pratique médicale tout en restant dans le cadre traditionnel de l’obligation de
moyens3 ; il introduit une part de rémunération variable, indexée sur la performance en dehors du paiement à l’acte.
La France se convertit donc à son tour aux vertus du « paiement à la performance » « P4P » en anglais, en suivant,
fort timidement il est vrai, l’exemple du « Quality and Outcome Framework « (QOF) adopté par les britanniques dès
20044. Beaucoup plus léger en ce qui concerne les modalités (les GPs britanniques s’engagent sur 135 indicateurs de
performance contre une douzaine en France !), beaucoup moins ambitieux en ce qui concerne la qualité des soins
(les GPs anglais sont évalués sur les résultats, par exemple la glycémie des patients diabétiques, et non uniquement
sur des procédures), beaucoup moins incitatif en ce qui concerne les sommes investies (les Britanniques consacrent
1,5 milliard d’euros au QOF contre un coût estimé de 10 M environ en France), le système du CAPI n’en est pas moins
révolutionnaire dans le contexte français. Les syndicats médicaux ont d’ailleurs dénoncé l’atteinte à la construction
conventionnelle et l’Ordre des Médecins, le principe d’une rémunération variable selon la pratique médicale.
CAPI et médicament
Et le médicament dans tout cela ?
Le CAPI est ambigu. Certaines dispositions vont clairement dans le sens d’un accroissement de la consommation. Au cha-
pitre « prévention et dépistage » il est par exemple prévu de vacciner contre la grippe 75 % des patients de plus de 65 ans
contre un taux actuel de 65 %. Au titre du chapitre « prise en charge des pathologies chroniques », le médecin souscrira à
l’engagement de prescrire des statines à 75 % des patients diabétiques sous antihypertenseurs.
Mais d’autres, notamment celles relevant de l’ « optimisation des prescriptions » vont tout aussi clairement dans le sens
inverse. Deux mesures en particulier. D’abord celle visant à augmenter la prescription dans le répertoire pour quelques
grandes classes thérapeutiques (statines, IPP, antihypertenseurs, antidépresseurs, antibiotiques) ; ensuite celle ayant
comme but de ramener la part des sartans de 58% à 35% de l’ensemble des classes IEC et AA2.
Ce chapitre « optimisation de la prescription » fait polémique. Certains considèrent que les deux autres chapitres ne sont
que des prétextes pour faire « passer » ce dernier. D’autres y voient un dispositif « d’achat de non prescription » comme il y
eut jadis des dispositifs « d’achat de prescription ».
Au cours d’un colloque organisé à l’Université Paris-Dauphine par le Collège des Economistes de la Santé le 4 mars
dernier, le Président du LEEM, plus mesuré, a néanmoins fait part de son intention de veiller à ce que le CAPI ne re-
mette pas en cause l’innovation, à ce qu’il ne porte pas atteinte à la propriété intellectuelle et à ce qu’il respecte les
enseignements de l’ « Evidence Based Medicine ». Il a demandé également à ce que les patients soient informés de la
signature éventuelle d’un CAPI par son médecin traitant. >>>
(2) Le dispositif du « médecin traitant » a conduit à fixer la notion de patientèle d’un médecin (tous les patients l’ayant choisi comme médecin traitant) ce qui rend
possible une mesure de performance sur cette population bien définie, qui n’aurait pas été possible dans un cadre de patients « nomades ».
(3) En ce qui concerne le suivi des patients diabétiques, par exemple, l’engagement est de réaliser trois dosages annuels de l’HbA1c et non pas de faire en sorte que cette
dernière tombe au-dessous de 7.
(4) Voir à ce propos l’excellent rapport publié en juin 2008, de Pierre-Louis Bras et de Gilles Duhamel, tous deux membres de l’IGAS.
Pour mieux
appréhender le contenu
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