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Et l’homme dans tout ça ?
La place de l’homme dans l’entreprise et les territoires
Intervention de Jean-Claude Ameisen - 3 -
question de comment nous avons pu
apparaître. La science ne nous
prescrit pas notre conduite. Pour
Darwin, notre conduite, c’était de
faire en sorte de construire notre
commune humanité. Cette position
morale, il la décrivait comme le
respect que nous devons à la part la
plus noble de notre nature. « Ce que
tu voudrais que les hommes fassent
pour toi, fais-le pour eux », disait-il,
et il écrivait : « Il est vrai que lorsque
des êtres humains sont séparés de
nous, par de grandes différences
d’apparence ou d’habitudes,
l’expérience montre
malheureusement combien le temps
est long avant que nous les
considérions comme des
semblables ».
L’illusion d’une destinée
Ses héritiers et ses successeurs
vont trahir sa position morale. Ils
vont se servir de la théorie de
l’évolution du vivant, qui dit
que nous sommes des
animaux comme les autres,
pour dire que beaucoup
d’êtres humains ne sont pas des
êtres humains comme les autres.
Cela va être le début du darwinisme
social, du darwinisme racial, du
darwinisme sexiste, de l’eugénisme,
de la stérilisation forcée de plusieurs
dizaines de milliers de personnes
dans des démocraties occidentales.
Et ce que feront la plupart des
successeurs de Darwin, c’est de
discriminer entre des personnes, en
fonction du groupe où on les
rattache : ce sera en fonction de la
couleur de peau, ce sera en
fonction de la position sociale – les
pauvres – et ce sera en fonction du
genre – les femmes.
L’évolutionniste Stephen JAY
GOULD, à la fin du XXe siècle, a
écrit un très beau livre, tragique, La
Mal-mesure de l’homme, dans lequel
il montre comment cette tendance
que peut avoir la science à classifier,
à hiérarchiser, à discriminer, peut
entraîner des ravages
considérables.
Amartya SEN a développé cette idée
dans un livre récent qui s’appelle
Identité et Violence : l’illusion d’une
destinée, dans un contexte plus
large. Ce que dit
Amartya SEN, c’est
que nous sommes
tous êtres humains,
nous avons tous des
identités nombreuses
et changeantes au cours du temps,
des identités biologiques, des
identités philosophiques,
professionnelles, nationales,
religieuses. Et qu’enfermer un
groupe de personnes, ou les laisser
s’enfermer, dans une seule de ces
caractéristiques, comme si c’était