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12 novembre 2008 2483
Dans les pas de Charles Robert Darwin
rie moderne de l’évolution. Sous une for-
me modifiée, la découverte scientifique
de Darwin reste le fondement de la bio-
logie, car elle explique de façon logique
et unifiée la diversité de la vie.»
Wikipédia ajoute, frise connue, que l’in-
térêt de Darwin pour l’histoire naturelle
lui vint alors qu’il avait commencé d’étu-
dier la médecine à l’Université d’Edim-
bourg, puis la théologie à Cambridge.
Son voyage de cinq
ans à bord du Bea-
gle leconduira à se
passionner pour la
distribution géogra-
phique de la faune
sauvage et des fos-
siles précieusement
recueillis au cours de son voyage. Puis
vinrent l’étude minutieuse de la transfor-
mation des espèces et l’élaboration de la
célèbrethéorie sur la sélection naturelle
en 1838. Ayant constaté que d’autres
avaient été attaqués comme hérétiques
pour des idées analogues, il ne se confia
qu’à ses amis les plus intimes et continua
àdévelopper ses recherches pour imagi-
ner et prévenir les objections. En 1858,
Alfred Russel Wallace lui fit parvenir un
essai qui décrivait une théorie semblable,
ce qui les amena à faire connaître leurs
théories dans une présentation commune.
Puis vint 1859 et L’Origine des espèces
qui fit de l’évolution à partir d’une ascen-
dance commune l’explication scientifique
dominante de la diversification des mul-
tiples formes de vie. Il se passionna ensui-
te pour l’évolution humaine et la sélection
sexuelle dans La Filiation de l’homme et
la sélection liée au sexe,ouvrage bientôt
suivi par L
’Expression des émotions chez
l’homme et les animaux.On le retrouve à
la fin de sa vie – et au tout début de l’ou-
vrage de Jean-Claude Ameisen – étudier
les mœurs des merveilleux et prolifiques
lombrics. Darwin ne connut pas les ex-
ploitations «sanitaires» puis racistes et
bientôt «industrielles» – sous le régime
nazi – que son entourage immédiat puis
le XXesiècle firent de son œuvre.
«"Cuidado" ("sois prudent"), écrit le
jeune Darwin dans ses carnets secrets.
Révéler ses idées serait "comme confes-
ser un meurtre". Et il les développera en
silence, peut-on lire en quatrième de cou-
verturede cet ouvrage coédité par Fayard
et par Le Seuil. La publication de sa théo-
rie bouleversera notre vision du monde.
Le passé se recompose, modifiant le pré-
sent. Nous partageons soudain avec l’uni-
vers vivant une généalogie commune,
faite de transformations et de métamor-
phoses.»
Bien évidemment guidés par l’auteur
les éditeurs ajoutent : «Ce livre est un
voyage. A travers l’espace et le temps. A
travers la lumière et les ombres. A la ren-
contre d’une révolution scientifique tou-
jours plus riche, toujours en devenir. A la
rencontre aussi de la longue nuit de no-
tre histoire, où la science légitimera la
négation de la vie et de la dignité de tant
d’êtres humains. Un voyage à travers la
mémoireet l’oubli. A la recherche de l’em-
preinte en nous de
ce qui a disparu, de
ceux qui ont disparu.
Nous sommes faits
de ce qui a donné
naissance à l’"infinité
des formes les plus
belles et les plus
merveilleuses". Aux bactéries et aux fleurs,
aux oiseaux et aux arbres. Et pourtant
nous sommes autre. Nous sommes faits
de l’histoiredes cultures humaines. Et
pourtant nous sommes autre. Toujours
nouveau.»
Et encore: «Ce livre est une plongée
dans le récit tumultueux de nos origines.
Non pour nous y enfermer.Mais pour y
découvrir cet émerveillement "d’arriver à
l’endroit d’où nous sommes partis et de
connaîtrele lieu pour la premièrefois". Et
retisser, chaque jour, les liens qui fondent
notre commune humanité. Dans le res-
pect de l’extraordinaire vulnérabilité de
ceux qui nous ont fait naître, de ceux qui
nous entourent, et de ceux qui nous sur-
vivront.»
Après ce long plaisir de lecture nous
ne saurions direbeaucoup mieux.
Jean-Yves Nau
Sinous devions, sous la contrainte,
formuler l’hypothèse – nullement
invraisemblable – selon laquelle
l’œuvre de Darwin est moins bien connue
dans le monde francophone qu’anglo-
phone, voici enfin un ouvrage de nature
àcorriger cette injustice.1Etsi, autre hy-
pothèse, on devait se limiter à la lecture
d’un seul ouvrage parmi tous ceux pu-
bliés dans le cadrede la commémora-
tion du bicentenairede la naissance du
célèbre naturaliste anglais, ce même ou-
vrage apparaît d’ores et déjà comme une
référence éclairante.
On ne saurait raisonnablement rédui-
redans l’espace de cette chronique les
mille et une facettes d’un livreétonnant
mariant le plus souvent avec brio diffé-
rents genres. Le plaisir de l’écriture dé-
montreici une nouvelle fois qu’il peut
être parfois suffisamment contagieux pour
se transformer en plaisir de lecture. Mé-
decin et immunologiste amplement connu
de la communauté scientifique pour ses
travaux sur l’apoptose, Jean-Claude Amei-
sen offreici une nouvelle preuve de ses
talents de vulgarisateur et de pédagogue
mais aussi de conteur et, dans certains
chapitres plus personnels, plus intimes,
d’écrivain.
Darwin donc, à la fois colonne verté-
brale et clef de voûte de l’ouvrage. Ou
plus précisément point géométrique qui
permet, comme peuvent le faire Copernic,
Galilée ou Freud de prendre la mesure
des bouleversements de nos représen-
tations de notre monde. La trame darwi-
nienne est connue. On sait à quel point
ses observations planétaires (faites grâ-
ce à la maîtrise britannique des voyages
maritimes) suivies de l’élaboration de ses
théories sur l’évolution des espèces vi-
vantes ont profondément révolutionné la
biologie. Phylogenèse ou pas ses travaux
de géologie ont précédé ceux sur le vi-
vant. Avec au total – schématisons à l’ex-
trême – l’hypothèse généralement acqui-
se que toutes les espèces vivantes ont
évolué au cours du temps à partir d’un
ancêtrecommun ou d’un petit nombre
d’ancêtres communs, grâce au proces-
sus de sélection naturelle.
«De son vivant la théorie de l’évolution
fut acceptée par la communauté scienti-
fique et le grand public, alors que sa théo-
rie sur la sélection naturelle a dû attendre
les années 1930 pour êtregénéralement
considérée comme l’explication essen-
tielle du processus d’évolution, explique
aujourd’hui gratuitement sur la Toile l’en-
cyclopédie Wikipédia à tous les collégiens
et lycéens – étudiants en médecine ?–en
charge d’un travail sur ce thème. Au XXIe
siècle, elle constitue la base de la théo-
«… "Nous partageons sou-
dain avec l’univers vivant
une généalogie commune,
faite de transformations et
de métamorphoses" …»
en marge
Bibliographie
1Ameisen JC. Dans la lumière et les ombres.
Darwin et le bouleversement du monde. Paris :
Editions Fayard/Seuil, 2008. ISBN 978-2-213-
63800-3.
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5janvier 2008