Nouvelles de Chrétienté Nº 151
janvier - février 2015 •
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Fasciné par les saints
catholiques
Christophe, 63 ans, d’origine
algérienne, baptisé en 1970.
L’arrivée en France
Je suis arrivé en France en 1961, à
Paris, dans le Ve arrondissement.
Mon père partait travailler très
tôt et je me réveillais avec lui.
Pour ne pas me rendormir et être
bien à l’heure à l’école, j’écoutais la
radio. A cette époque, c’était une
émission religieuse animée par
des protestants suisses et c’est ain-
si que je découvre la vie de Notre-
Seigneur Jésus-Christ. J’ai écrit à
cette émission et j’ai reçu quelque
temps plus tard l’Evangile selon
saint Jean, puis la Bible dans son
intégralité. Parallèlement à ces
écoutes et à ces lectures, je dé-
couvre les églises, ce monde mer-
veilleux que je n’aurais jamais ima-
giné. Mais surtout la musique et
le chant grégorien ! Et ce qui me
fascine par dessus tout, ce sont
les saints catholiques qui sont
d’une radicalité époustouante.
Je trouvais que les protestants li-
saient plus et connaissaient mieux
l’Evangile que les catholiques mais
sur le plan du don de soi, de cette
demande du Christ (« Si tu veux
être parfait, va, vends ce que tu as,
donne-le aux pauvres, et tu auras
un trésor dans le ciel ; puis viens
et suis-moi – Mt 19,16-26 »), il
n’y a que dans l’Eglise catholique
que l’on puisse trouver cela dans
sa plénitude. Et dans un nombre
incalculable… Les prêtres, les re-
ligieux, les religieuses. Et celui
qui m’a le plus fasciné, c’est saint
François d’Assise. Cet homme qui
abandonne tout, qui se met à mar-
cher pieds nus ou quasiment. Je
me disais, voilà, c’est cela l’Evan-
gile. Et aujourd’hui encore, je me
dis que si nous avions une dizaine
de saint François d’Assise et qu’on
les laissait libres de se promener
en Algérie ou au Maroc, ça ferait
une révolution !
La pratique religieuse dans
l’islam
Tout le monde pratique plus ou
moins dans l’islam mais les mu-
sulmans ne connaissent pas très
bien leur religion. Ce qui est obli-
gatoire, c’est la façade. Le rama-
dan, il faut le faire, c’est évident.
Il ne faut pas manger devant les
autres même. Et il faut confesser
sa foi même si on ne l’a pas. Il faut
dire que le Coran vient de Dieu,
même si on ne le pense pas, dire
que Mahomet est l’envoyé d’Allah,
même si on ne le pense pas non
plus. C’est pour cela qu’on a sou-
vent l’impression d’un bloc mo-
nolithique vu de l’extérieur, d’une
communauté soudée. C’est parce
qu’il faut faire corps et faire sem-
blant. Ce qui compte, ce n’est pas
le bien que l’on fait à autrui mais
les devoirs que l’on accomplit vis-
à-vis de Dieu : ramadan, le pè-
lerinage de la Mecque, faire ses
ablutions… C’est un fait que chez
beaucoup de musulmans, à l’ap-
proche de la mort, on constate une
peur panique parce qu’il n’y a pas
d’espérance réelle dans le cœur
des gens. Pourquoi est-ce que je
dis cela ? Eh bien parce que la fré-
quentation du Christ, sa connais-
sance intime fait que nous avons
une telle conance en Dieu, qu’on
se dit qu’Il ne peut pas nous faire
du mal. Dans l’islam, ce n’est pas
cela. Dieu est tellement loin, tel-
lement arbitraire. Les musul-
mans n’ont aucune proximité avec
Lui. Il est interdit de l’appeler
Père. La découverte que Dieu est
père, c’est fabuleux, c’est quelque
chose d’inouï. Cela explose dans
notre tête ! Et en plus, quand on
comprend que c’est un père d’un
amour maternel…
La réaction des proches
J’avais 17 ans, je voulais recevoir
le baptême. Cela a été très mal re-
çu bien sûr. D’autant plus que le
conit algérien s’est surajouté.
C’était une trahison, un passage à
l’ennemi. On m’a menacé, frappé,
j’ai perdu connaissance et comme
j’étais mineur, j’ai été contraint
de patienter quelque temps. Dans
l’islam, l’ « apostat » risque la mort.
C’est à la famille qu’il revient de
prononcer la « sentence » d’ap-
pel au meurtre. Le mieux est de
fuir sa famille. Evidemment, en
pays musulman, c’est plus di-
cile. Mais comme nous étions en
France, j’ai pu quitter mes proches
après mon baptême. Pendant un
an, nous n’avons plus eu aucun
contact. Au bout de 20 ans, nous
avons pu nous réconcilier. Mes pa-
rents ont simplement constaté que
je ne les aimais pas moins, même
plus, que je ne les avais pas reniés.
Ils ont compris qu’ils n’avaient pas
perdu leur ls. Le problème au-
jourd’hui est que la communau-
té tend à remplacer la famille et
seule la fuite est possible pour ne
pas risquer sa vie. Aujourd’hui je
reçois encore des menaces par in-
ternet d’inconnus mais c’est de
moins en moins le cas. J’ai le senti-
ment que l’islam est tellement sûr
de lui ici en France…
Notre-Dame d’Afrique.