N° 151 – janvier / février 2015
Bimestriel - le numéro 3,50 €
Nouvelles de Chrétienté
De lislam au catholicisme,
Des convertis moignent
Lœuvre de la Fraternité Saint-Pie X dans lesprit de la réforme selon saint Pie X
Analyses sur la vie de l’Eglise
Dans son ouvrage Je me suis converti à Saint-Nicolas-du-
Chardonnet (Clovis), Jean Monneret cite le témoignage
de Simon-Pierre, musulman converti au catholicisme. Ce
témoignage initialement publié par Fideliter (N°143, sept.-
oct. 2001), avait été recueilli par Annie Laurent. On pouvait
y lire le rappel des responsabilités des baptisés vis-à-vis
des musulmans en France : « A vrai dire, je ne comprends
pas l’attitude de la France. Fille aînée de l’Eglise, ayant eu
dans son histoire des rapports privilégiés avec les Arabes
et les musulmans, accueillant de nombreux musulmans sur
son sol, elle néglige de transmettre son précieux héritage
spirituel. »
Et cette responsabilité est encore plus grande lorsqu’il
s’agit d’âmes consacrées : « Beaucoup de prêtres ont oublié
la nalité de leur mission : annoncer Jésus-Christ. Je
me souviens d’une conversation avec une religieuse qui
dirigeait une école fréquentée aussi par des musulmans.
Par une prétendue charité, elle supprimait la prière
chrétienne de la vie scolaire, donc elle privait ses élèves
dun bien. L’un de mes neveux, musulman, qui est en pleine
dépression mystique a émis cette terrible remarque après
son entretien avec un prêtre : ‘Les chrétiens possèdent la
vérité mais ils ne veulent pas la partager.’ Tous ces prêtres
ou religieux paieront un jour leur démission. »
Lacceptation de cette responsabilité doit se traduire par une
certaine visibilité, celle de l’habit religieux : « L’Evangile
nous demande de ne pas mettre la lumière sous le boisseau.
Lhabit a l’avantage d’être remarqué : il attire le respect ou
le mépris. Il faut avoir le courage de le porter, fût-ce au prix
du martyre. Il faut scandaliser au bon sens du mot pour
provoquer les autres vers la vérité. Cela est valable partout.
Les musulmans ne se convertiront pas avec des prêtres
‘tolérants’ ou permissifs. Ts religieux, assoiffés de Dieu,
ils n’adreront pas à une foi édulcorée, relativisante. »
Nous oublions l’attente des âmes ; nous nestimons pas
assez la richesse du trésor de la foi qui seule peut combler
cette attente : « Même s’ils ne le savent pas, beaucoup
de musulmans attendent la vérité, et c’est au niveau des
rapports personnels que les prêtres ont un rôle à jouer. S’ils
aiment la vérité, ils doivent la faire partager à tout prix ;
cela devrait être le prolongement naturel de tout chrétien.
Et c’est possible lorsque les musulmans ne sont pas soumis
à l’emprise de la communauté, comme en France. Croyez-
moi, plus d’un musulman vivant ici s’interroge sur le
christianisme. »
Telle est notre responsabilité de baptisé, de consacré.
C’est le sens aigu de cette responsabilité qui fait de chaque
catholique un vrai missionnaire.
Editorial
Responsabilité du bapti
Sommaire
Des bâtisseurs à
soutenir
entretien avec Joseph
FaDelle : comment
parler aux musulmans
De lislam
au catholicisme,
Des convertis témoignent
lœuvre De la
Fraterni saint-
pie x Dans lesprit De
la réForme selon saint
pie x, au service De
l’eglise
Conférence de Mgr Bernard
Fellay lors du XIIe congrès du
Courrier de Rome.
P/14
Des musulmans disent comment
ils ont découvert le Verbe de Dieu
et combien ce jour-là leur vie a
été transformée pour toujours.
P/3
Le noviciat Saint-Bernard
situé à Iloilo, sur lîle de Panay,
au centre de larchipel des
Philippines, construit son église.
P/12
D’origine irakienne, Joseph
Fadelle a publié en 2010 un livre
autobiographique, Le Prix à
payer (Lœuvre éd.), dans lequel il
relate sa conversion à la religion
catholique.
P/9
Abbé Alain Lorans
En couverture : Basilique Notre-Dame dAfrique à Alger.
De l’islam au catholicisme, des convertis témoignent
3
De lislam au catholicisme,
Des convertis témoignent
Ils sont d’origine marocaine, algérienne, tunisienne. Ils sont nés dans l’islam, ont fait le ramadan,
certaines ont porté le voile des années durant. Aujourd’hui, ils sont catholiques, baptisés, conrmés,
et ils témoignent de leur conversion.
L
actualité récente a montré
combien la confrontation entre l’is-
lam et l’Europe pouvait être par-
ticulièrement violente. Dans ce
conit, l’Eglise n’a-t-elle rien à pro-
poser qu’un discours léniant sur
le dialogue interreligieux et la li-
berté d’expression ? En mars 2006,
Nouvelles de Chrétienté avait orga-
nisé à Paris une conférence sur La
conversion des musulmans qui a é in-
gralement publiée dans le n°98
(mars-avril 2006). Labbé Patrice
Laroche, professeur au séminaire
de Zaitzkofen, en Allemagne, et
auteur d’une thèse de doctorat in-
titulée « Lévangélisation des musul-
mans en France » (Strasbourg, 2001), y
portait ce jugement sévère sur l’ab-
sence de volonté missionnaire dans
l’Eglise depuis le Concile : « Le pou-
voir d’intégration et d’assimilation,
au sens noble, seule l’Eglise catho-
lique le possède, à condition de vou-
loir rester missionnaire. Or, depuis
le concile Vatican II et la nouvelle
théologie, l’Eglise, complexée dès
que le mot de prosélytisme est pro-
noncé, s’enfonce dans des dialo-
gues qui se retournent contre elle et
laisse le champ libre non seulement
à l’islam mais aussi à toutes les sectes
et à tous les ennemis de Notre-
Seigneur Jésus-Christ. A vrai dire,
me cone un musulman conver-
ti, je ne comprends pas l’attitude
de la France. Fille aînée de l’Eglise,
ayant eu dans son histoire des rap-
ports privilégiés avec les Arabes et
les musulmans, accueillant de nom-
breux musulmans sur son sol, elle
néglige de transmettre son précieux
ritage spirituel. Beaucoup de
chrétiens ne font pas leur devoir de
chrétiens. LEglise dit aux musul-
mans : vous avez des valeurs, nous
devons les respecter. Certes, mais
ces valeurs ne sont qu’humaines.
Quand je vois l’état des musul-
mans en France, leur révolte, leurs
recours à la linquance, je me dis
qu’on ne leur apprend pas à ouvrir
leur cœur, à aimer, à tendre vers ce
qui libère vraiment. Lorsqu’il vit
dans une société islamique, le mu-
sulman est encadré, orienpar sa
famille, son clan, ce qui l’empêche
de dévier. Mais ici, livré à lui-même,
il ne sait pas gérer sa liberté car il
en ignore le sens véritable. Alors, il
se perd. C’est une raison susante
pour lui inculquer d’authentiques
valeurs spirituelles. Nest-ce pas le
le de l’Eglise ?’ ».
Et l’abbé Laroche concluait cette
conférence par une citation du car-
dinal Giacomo Bi, alors arche-
vêque de Bologne : « Je pense que
l’Europe redeviendra chrétienne ou
sera musulmane. Ce qui me semble
sans avenir est la ‘culture du rien’, de
la liberté sans limite et sans conte-
nu, qui semble être l’attitude domi-
nante parmi les peuples européens,
et sera incapable de soutenir l’assaut
idéologique de l’islam qui ne man-
quera pas : seule la redécouverte
de ‘l’événement chtien’ comme
moyen unique pour l’homme de se
sauver et donc seulement la résolu-
tion de ressusciter l’ancienne âme
de l’Europe, pourra orir une issue
diérente à cette confrontation iné-
vitable. » (Lettre pastorale du 12 sep-
tembre 2000)
Les moignages de musulmans
convertis que nous avons unis
ici, viennent corroborer la justesse
de l’analyse de l’abbé Laroche. Ils
ont une force incomparable, car ce
ne sont pas des raisonnements sur
la conversion des musulmans, mais
bien des musulmans qui disent
comment ils ont découvert le Verbe
de Dieu, et combien ce jour-là leur
vie a été transformée pour toujours.
La Vierge de Maaloula en Syrie.
En couverture : Basilique Notre-Dame dAfrique à Alger.
Nouvelles de Chrétienté Nº 151
janvier - février 2015
4
Fasciné par les saints
catholiques
Christophe, 63 ans, d’origine
algérienne, baptien 1970.
L’arrivée en France
Je suis arrien France en 1961, à
Paris, dans le Ve arrondissement.
Mon père partait travailler ts
tôt et je me réveillais avec lui.
Pour ne pas me rendormir et être
bien à l’heure à l’école, j’écoutais la
radio. A cette époque, c’était une
émission religieuse animée par
des protestants suisses et c’est ain-
si que jecouvre la vie de Notre-
Seigneur Jésus-Christ. Jai écrit à
cette émission et jai ru quelque
temps plus tard lEvangile selon
saint Jean, puis la Bible dans son
intégralité. Parallèlement à ces
écoutes et à ces lectures, je dé-
couvre les églises, ce monde mer-
veilleux que je naurais jamais ima-
giné. Mais surtout la musique et
le chant ggorien ! Et ce qui me
fascine par dessus tout, ce sont
les saints catholiques qui sont
d’une radicalité époustouante.
Je trouvais que les protestants li-
saient plus et connaissaient mieux
l’Evangile que les catholiques mais
sur le plan du don de soi, de cette
demande du Christ Si tu veux
être parfait, va, vends ce que tu as,
donne-le aux pauvres, et tu auras
un trésor dans le ciel ; puis viens
et suis-moi Mt 19,16-26 »), il
n’y a que dans l’Eglise catholique
que l’on puisse trouver cela dans
sa plénitude. Et dans un nombre
incalculable… Les prêtres, les re-
ligieux, les religieuses. Et celui
qui m’a le plus fasciné, c’est saint
François d’Assise. Cet homme qui
abandonne tout, qui se met à mar-
cher pieds nus ou quasiment. Je
me disais, voilà, cest cela l’Evan-
gile. Et aujourdhui encore, je me
dis que si nous avions une dizaine
de saint François d’Assise et quon
les laissait libres de se promener
en Algérie ou au Maroc, ça ferait
une volution !
La pratique religieuse dans
l’islam
Tout le monde pratique plus ou
moins dans l’islam mais les mu-
sulmans ne connaissent pas très
bien leur religion. Ce qui est obli-
gatoire, c’est la fade. Le rama-
dan, il faut le faire, c’est évident.
Il ne faut pas manger devant les
autres même. Et il faut confesser
sa foi même si on ne la pas. Il faut
dire que le Coran vient de Dieu,
même si on ne le pense pas, dire
que Mahomet est lenvoyé d’Allah,
même si on ne le pense pas non
plus. Cest pour cela qu’on a sou-
vent l’impression d’un bloc mo-
nolithique vu de lextérieur, d’une
communauté soue. Cest parce
qu’il faut faire corps et faire sem-
blant. Ce qui compte, ce n’est pas
le bien que lon fait à autrui mais
les devoirs que lon accomplit vis-
à-vis de Dieu : ramadan, le -
lerinage de la Mecque, faire ses
ablutions… C’est un fait que chez
beaucoup de musulmans, à lap-
proche de la mort, on constate une
peur panique parce qu’il n’y a pas
d’espérance réelle dans le cœur
des gens. Pourquoi est-ce que je
dis cela ? Eh bien parce que la f-
quentation du Christ, sa connais-
sance intime fait que nous avons
une telle conance en Dieu, quon
se dit qu’Il ne peut pas nous faire
du mal. Dans l’islam, ce n’est pas
cela. Dieu est tellement loin, tel-
lement arbitraire. Les musul-
mans n’ont aucune proximité avec
Lui. Il est interdit de l’appeler
Père. La découverte que Dieu est
père, c’est fabuleux, c’est quelque
chose d’inouï. Cela explose dans
notre tête ! Et en plus, quand on
comprend que c’est un re d’un
amour maternel
La réaction des proches
Javais 17 ans, je voulais recevoir
le baptême. Cela a été ts mal re-
çu bien r. Dautant plus que le
conit algérien s’est surajouté.
C’était une trahison, un passage à
l’ennemi. On m’a menacé, frappé,
jai perdu connaissance et comme
jétais mineur, jai été contraint
de patienter quelque temps. Dans
l’islam, l’ « apostat » risque la mort.
C’est à la famille qu’il revient de
prononcer la « sentence » d’ap-
pel au meurtre. Le mieux est de
fuir sa famille. Evidemment, en
pays musulman, cest plus di-
cile. Mais comme nous étions en
France, jai pu quitter mes proches
après mon baptême. Pendant un
an, nous n’avons plus eu aucun
contact. Au bout de 20 ans, nous
avons pu nous réconcilier. Mes pa-
rents ont simplement constaté que
je ne les aimais pas moins, même
plus, que je ne les avais pas rens.
Ils ont compris qu’ils n’avaient pas
perdu leur ls. Le problème au-
jourd’hui est que la communau-
tend à remplacer la famille et
seule la fuite est possible pour ne
pas risquer sa vie. Aujourd’hui je
reçois encore des menaces par in-
ternet d’inconnus mais c’est de
moins en moins le cas. J’ai le senti-
ment que l’islam est tellement r
de lui ici en France…
Notre-Dame dAfrique.
5
De l’islam au catholicisme, des convertis témoignent
La vie chrétienne
C’est comme sortir des ténèbres,
être enfermé dans une caverne et
voir la lumière. Ce passage est une
nouvelle naissance. Ensuite, cette
nouvelle vie s’approfondit avec la
couverte de ce Dieu qui nous
aime, qui veut faire de nous ses
enfants, ses ls. Le Christ emploie
souvent ce terme : « votre Père du
Ciel ». On ne peut que se réjouir et
s’enraciner dans cette foi, dans cet
amour de Dieu. Parce que lamour
de Dieu permet d’aimer les
hommes. Et plus on s’éloigne de
Dieu, moins on aime les hommes.
Quand je suis arrivé en France, je
haïssais les Fraais ! Dans l’is-
lam, la philanthropie n’existe pas.
L’autre est un concurrent, un ad-
versaire. Certes, on utilise souvent
le terme « frère », mais « frère »
pour le combat, contre l’ennemi.
Alors que le Christ nous invite
tous les jours à aimer notre pro-
chain et à l’aimer autant que nous-
mêmes. Cest cela qui fait tomber
ce mur entre les hommes. Dieu
est notre Père à tous, Il aime celui
que je n’aime pas, qui me donne de
l’urticaire à chaque fois que je le
vois.
L’apostolat envers les musul-
mans
Je pense vraiment que les musul-
mans sont ais de Dieu et qu’Il
attend leur conversion. L’apostolat
n’est pas facile mais on se rend
compte qu’en discutant en tête-à-
tête, on peut faire passer des mes-
sages beaucoup plus facilement.
Je dis souvent à mes amis musul-
mans : « Celui qui va à la mos-
quée, même s’il y va tous les jours,
et même si c’est l’imam, tu es sûr
qu’il croit en Dieu, qu’il pratique
vraiment dans son cœur ? Donc,
c’est à Dieu de juger, pas à toi. »
Les musulmans sont tout à fait ca-
pables de raisonner. Par contre,
les conditions du dialogue sont
très diciles. Et fondamentale-
ment, les musulmans ne sont pas
libres de se convertir. Je connais
beaucoup de ménages dont l’un
des conjoints est converti dans son
ur mais il ne peut pas le dire,
ni pratiquer car le foyer serait bri-
; si c’est une femme, on la pri-
verait de voir ses enfants, elle se-
rait battue, et si c’est un homme,
il serait banni de la communauté.
C’est anormal ! Cela va contre la
gloire de Dieu qui demande à ce
quon adre librement, sinon ce
n’est plus une adhésion. Comment
peut-on imaginer que je vais traî-
ner par force quelqu’un pour
croire en Allah ? Même s’il fait
semblant toute sa vie, Dieu peut-
il se réjouir de cela ? Le Coran
parle souvent de la « satisfaction »
d’Allah. Je ne crois pas qu’il soit
satisfait de quelqu’un qu’on traîne
de force à la mosqe. En tout cas,
le vrai Dieu ne souhaite pas cela.
Les conversions à l’islam
Comment expliquer que l’islam
convertisse en France ? Beaucoup
n’ont qu’un vernis chrétien. La
majorité le fait pour épouser une
musulmane ou, par exemple dans
les prisons, pour ne pas subir de
harcèlement. Quant aux autres,
ceux qui le font par conviction, ils
recherchent, et trouvent parfois,
cette ambiance, cette solidarité,
cette entente face à lennemi. S’ils
se convertissent, c’est qu’ils sont
en opposition vis-vis de notre
société. Mais dans le fond, il n’y
a aucune rencontre avec Dieu. Et
je ne peux pas croire qu’un ch-
tien qui a connu cette relation
avec Dieu puisse devenir musul-
man. Cest comme si un ls c-
ri et aimé reniait sa proprere…
C’est insen. Le vrai Dieu nous
comble !
Prier pour les musul-
mans, ne pas avoir
honte du Christ
Myriam, 35 ans, dorigine ma-
rocaine, baptie en 2007.
Une éducation musulmane
J’ai grandi dans un milieu musul-
man. Que ce soit la famille, les
amis… J’étais dans une pratique
de l’islam assez rigoureuse. Il fal-
lait faire les prières, respecter scru-
puleusement le ramadan, avoir
une tenue pudique, être chaste.
Tout est très réglemen dans l’is-
lam. Le christianisme nétait alors
pas du tout un attrait pour moi.
Je me contentais de mon héritage.
Pour moi, j’étais à ma place. Les
Un minaret et un clocher à Beyrouth (Liban).
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