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n° 153 novembre 2012
Avant de voir le spectacle
La représentation en appétit !
Frédéric Bélier-Garcia, metteur en scène de La Mouette, opte pour la traduction
d’Antoine Vitez
1 plutôt que pour celle d’André Markowicz qu’a choisie Arthur
Nauzyciel dans sa mise en scène pour la cour d’honneur du festival d’Avignon
(2012). Pourquoi ?
Frédéric Bélier-Garcia : « La traduction de Vitez est plus simple. Tchekhov a un grand
souci de la simplicité de la langue. La magie de son théâtre ne vient pas d’une
complexité de la langue comme chez Shakespeare, Claudel ou Racine mais elle
est dans l’aller-retour entre texte et sous-texte, elle vient d’une sorte de quotidienneté qui est
toujours un peu symbolique. Et Vitez retranscrit bien cette simplicité de la langue présente dans
le théâtre comme dans les nouvelles de Tchekhov ».
1. Toutes les citations du texte, sauf
mention contraire, sont issues de la
traduction d’Antoine Vitez : La Mouette,
Anton Tchekhov, et sont © Actes Sud,
1984. La pagination se réfère à l’édition
au Livre de poche de ce texte.
Les disdascalies sont en italique.
Le choix de la traduction
Activité
Comparer les deux traductions
de La Mouette
Objectif : faire prendre conscience de
la singularité de la traduction choisie.
b À la lumière de cette réflexion sur la
langue de Tchekhov et sur la traduction
de Vitez, l’enseignant demande aux élèves
d’observer les deux traductions d’un passage
de l’acte III (annexe 2) où Arkadina essaie de
convaincre Trigorine de rester avec elle alors
qu’elle sent qu’il lui échappe. Sans préciser
quelle version est de Markowicz ou de Vitez,
le professeur demande à deux élèves de se
mettre debout, chacun ayant en main une
traduction différente et de l’adresser à un
camarade de la classe : à chaque signe de
ponctuation, l’élève lecteur s’arrête puis
écoute l’autre élève dire le même texte dans
la deuxième traduction. Ils ne doivent pas
spécialement mettre d’intention mais faire
simplement entendre les mots et laisser du
silence entre chaque signe de ponctuation.
À la fin, la classe entière se prononce sur le
vocabulaire, la construction des phrases qui
ont semblé « plus simples ».
« Ça m’est égal, je n’ai pas honte de mon amour
pour toi. (Elle lui baise les mains). Mon trésor,
tête folle, tu veux faire des bêtises, mais je ne
veux pas, je ne te laisserai pas… (Elle rit). Tu
es à moi… Tu es à moi… Ce front est à moi, et
ces yeux à moi, et ces beaux cheveux de soie
sont aussi à moi… Tu es tout à moi. Tu as tant
de talent, d’intelligence, tu es le meilleur de
tous les écrivains d’aujourd’hui, tu es l’unique
espoir de la Russie… tu as tant de sincérité, de
simplicité, de fraîcheur, d’humour sain… »
Traduction d’Antoine Vitez
« Tant mieux je n’ai pas honte de mon amour
pour toi. (Elle lui baise les mains). Mon trésor,
ma tête brûlée, tu veux faire des folies, mais
moi, je ne veux pas, je ne te laisserai pas…
(Elle rit). Tu es à moi… à moi… Et ce front,
il est à moi, et ces yeux, ils sont à moi, et ces
cheveux splendides, ces cheveux soyeux, ils sont
aussi à moi… Tu es tout à moi. Tu es si doué, si
intelligent, le plus grand des écrivains de notre
temps, tu es le seul espoir de la Russie. Tu as
tant de sincérité, de simplicité, de fraîcheur,
d’humour salubre… »
Traduction d’André Markowicz
© Photo d’équipe NTA Maquette