19 Annexes Annexe 1 : fiche technique n° 153 novembre 2012 Dates des représentations de La Mouette Angers : Le Quai du 14 au 24 novembre 2012 et au Grand Théâtre du 14 au 18 février 2013 Nantes : Le Grand T du 27 novembre au 5 décembre 2012 La Roche-sur-Yon : Le Grand R les 10 et 11 décembre 2012 Saint-Nazaire : Le Théâtre les 13 et 14 décembre 2012 Tours : Le Nouvel Olympia du 17 au 21 décembre 2012 La Rochelle : La Coursive les 15 et 16 janvier 2013 Marseille : Le Théâtre du Gymnase du 22 au 26 janvier 2013 Lyon : Théâtre des Célestins du 30 janvier au 10 février 2013 Durée estimée : 2 h 30 Distribution Avec : Nicole Garcia, Ophélia Kolb, Agnès Pontier, Brigitte Roüan, Éric Berger, Magne-Hävard Brekke, Jan Hammenecker, Michel Hermon, Manuel Le Lièvre, Stéphane Roger. Scénographie : Sophie Perez et Xavier Boussiron Costumes : Catherine Leterrier et Sarah Leterrier Lumières : Roberto Venturi Son : André Serré Collaboratrice du metteur en scène : Valérie Nègre Traduction : Antoine Vitez (Éditions Actes Sud/Le livre de Poche) Affiche : Vincent Flouret 20 Annexe 2 : Acte III (extraits) n° 153 novembre 2012 « Ça m’est égal, je n’ai pas honte de mon amour pour toi. (Elle lui baise les mains). Mon trésor, tête folle, tu veux faire des bêtises, mais je ne veux pas, je ne te laisserai pas… (Elle rit). Tu es à moi… Tu es à moi… Ce front est à moi, et ces yeux à moi, et ces beaux cheveux de soie sont aussi à moi… Tu es tout à moi. Tu as tant de talent, d’intelligence, tu es le meilleur de tous les écrivains d’aujourd’hui, tu es l’unique espoir de la Russie… tu as tant de sincérité, de simplicité, de fraîcheur, d’humour sain… » La Mouette © Actes Sud, 1984, p. 86. « Tant mieux je n’ai pas honte de mon amour pour toi. (Elle lui baise les mains). Mon trésor, ma tête brûlée, tu veux faire des folies, mais moi, je ne veux pas, je ne te laisserai pas… (Elle rit). Tu es à moi… À moi… Et ce front, il est à moi, et ces yeux, ils sont à moi, et ces cheveux splendides, ces cheveux soyeux, ils sont aussi à moi… Tu es tout à moi. Tu es si doué, si intelligent, le plus grand des écrivains de notre temps, tu es le seul espoir de la Russie. Tu as tant de sincérité, de simplicité, de fraîcheur, d’humour salubre… » La Mouette © Actes Sud / Labor / Lemeac, 1996, p. 90. Annexe 3 : Les personnages Irina Nikolaievna Arkadina, Mme Treplev par mariage actrice Constantin Gavrilovitch Treplev son fils, jeune homme Piotr Nikolaievitch Sorine son frère Nina Mikhailovna Zaretchnaia jeune fille, fille d’un riche propriétaire terrien Ilia Afanassievitch Chamraiev lieutenant à la retraite, intendant chez Sorine Paulina Andreievna sa femme Macha sa fille Boris Alexeievitch Trigorine homme de lettres Evgueni Sergueievitch Dorn médecin Semion Semionovitch Medvedenko instituteur Iakov homme de peine 21 Annexe 4 : Acte III (extraits) n° 153 novembre 2012 Treplev : Ces derniers temps, ces jours-ci, je t’aime aussi tendrement et totalement que dans mon enfance. À part toi, il ne me reste personne. Mais pourquoi cet homme s’est-il mis entre toi et moi ? [ndlr : il parle de Trigorine] Arkadina : Tu ne le comprends pas, Constantin. C’est une personnalité très noble… Treplev : Pourtant, quand on lui a fait savoir que j’avais l’intention de le provoquer en duel, sa noblesse ne l’a pas empêché d’être un lâche. Il s’en va. Il fuit honteusement. Arkadina : Quelle absurdité ! C’est moi qui lui demande de partir. Notre relation, évidemment, ne peut pas te faire plaisir, mais tu es intelligent et cultivé, j’ai le droit d’attendre de toi que tu respectes ma liberté. Treplev : Je respecte ta liberté, mais permets-moi aussi d’être libre et de me comporter envers cet homme comme je veux. Une personnalité très noble ! Nous voilà presque à nous disputer tous les deux à cause de lui, et pendant ce temps-là il est quelque part au salon ou dans le jardin en train de se moquer de nous… il fait l’éducation de Nina, il essaie de la persuader définitivement qu’il est un génie. Arkadina : Tu te délectes à me dire des choses désagréables. J’estime cet homme et je te prie de ne pas dire du mal de lui en ma présence. Treplev : Moi, je ne l’estime pas. Tu veux que je le considère moi aussi comme un génie, mais pardonne-moi, je ne sais pas mentir, ses œuvres me donnent la nausée. Arkadina : C’est de la jalousie. Les gens sans talent mais prétentieux n’ont pas d’autre ressource que de nier les talents véritables. Rien à dire, c’est une consolation ! Treplev ironique : Les talents véritables ! (Avec colère). Si on en est là, alors j’ai plus de talent que vous tous ! (Il arrache son bandeau). C’est vous, les routiniers, qui avez accaparé la première place dans l’art, et vous ne tenez pour légitime et véritable que ce que vous faites vous-mêmes, le reste vous l’opprimez, vous l’étouffez. Je ne vous reconnais pas. Je ne reconnais ni toi ni lui. Arkadina : Décadent !... Treplev : Retourne à ton théâtre bien-aimé, va-t’en jouer tes pièces misérables, dérisoires. Arkadina : Je n’ai jamais joué de pièces comme ça. Laisse-moi ! Toi, le moindre vaudeville tu n’es pas capable de l’écrire. Bourgeois de Kiev ! Parasite ! Treplev : Avare ! Arkadina : Loqueteux ! (Treplev s’assied et pleure doucement). Nullité. (Allant et venant avec agitation). Ne pleure pas. Il ne faut pas pleurer… (Elle pleure). Il ne faut pas… (Elle lui baise le front, les joues, la tête) Mon enfant chéri, pardon… Pardonne à ta mère coupable. Pardonne-moi, je suis malheureuse. La Mouette, traduction d’Antoine Vitez © Actes Sud, 1984, p. 82-83 22 Annexe 5 : Entretien avec Catherine Leterrier, costumière n° 153 novembre 2012 Est-ce que Frédéric Bélier-Garcia vous a proposé une époque pour les costumes de La Mouette ? Catherine Leterrier : Frédéric n’aime pas les faux culs, les tournures, les cols durs, les manches gonflées car il ne veut pas gêner les acteurs dans leur jeu physique et souhaite que le public s’identifie facilement aux personnages. Donc on ne respecte pas l’époque. On est plutôt dans un mélange d’époques. Frédéric ne voulait pas non plus que ces costumes évoquent la Russie. Apparemment vous vous êtes inspirée du peintre Vuillard ? C. L. – Oui, Frédéric a été très intéressé par Vuillard. Dans La Mouette les personnages sont au début pleins d’espoir, ils sont plutôt dans des couleurs et tissus unis. Puis petit à petit, comme la vie ne leur permet pas de réaliser leurs rêves, on a trouvé intéressant que les imprimés des costumes deviennent de plus en plus présents et donnent l’illusion d’entrer dans les imprimés du décor. Comme si les personnages s’effaçaient dans le décor ? C. L. – Oui, comme chez Vuillard où l’on voit émerger des gens qui sont enserrés dans un décor aux impressions fortes. Il fallait qu’entre le décor et les imprimés des costumes ça coince, ça s’agresse : les personnages semblent coincés entre les impressions du décor et ceux de leurs costumes. Dans La Mouette il y a des personnages de la campagne comme Chamraiev, Medvedenko et ceux de la ville comme Arkadina et Trigorine. À quoi le voit-on dans votre création de costumes ? C. L. – Pour Arkadina et Trigorine, Frédéric nous a dit de « faire nouveaux riches » surtout à l’acte IV. Les costumes de Chamraiev et de Medvedenko seront en revanche assez ravaudés. Mais même avec Arkadina on est resté dans la simplicité car Frédéric n’aime pas les détails. On a cherché plutôt une ligne. Pas de bouillonné ni de nœuds. On a aussi fait des liens entre des personnages comme Arkadina et Nina qui l’admire et voudrait lui ressembler : on a créé un costume avec de grosses rayures pour Arkadina (les rayures étant la marque des personnages hors de la société, bagnards comme acteurs) et à l’acte IV Nina, devenue une petite actrice ratée, porte aussi des rayures. Certains personnages ont plusieurs costumes : par exemple Nina qui change beaucoup entre le I et le IV. C. L. – Nina a quatre costumes. On a marqué le temps. À la fin, elle a un corset sous sa robe, elle est devenue une femme marquée par la vie. Vous vous occupez aussi des dessous ? C. L. – Oui, les silhouettes avec corsets semblent plus anciennes et coincées que les silhouettes avec soutien-gorge. Et les accessoires ? C. L. – Quelques réticules, le panama de Dorn mais pas de chapeaux de femmes. Frédéric ne veut pas trop marquer l’époque. 23 Annexe 6 : PHOTOS DE quelques COSTUMES n° 153 1 2 3 4 5 6 7 8 9 novembre 2012 10 Photos des costumes de La Mouette © dany porché 24 Suite de l’annexe 6 noms des personnages associés aux costumes n° 153 1 2 3 novembre 2012 Nina Chamraïev 4 5 6 Medvedenko Macha 7 8 Sorine 10 Dorn Treplev Paulina 9 Trigorine Arkadina 25 Annexe 7 : Les personnages et leurs costumes n° 153 novembre 2012 Macha [qui répond à la question de Medvedenko : « Pourquoi êtes-vous toujours en noir ? »] « C’est le deuil de ma vie. Je suis malheureuse… Ce n’est pas une question d’argent. Un pauvre peut être heureux. » Medvedenko à Macha « Je ne gagne que vingt-trois roubles par mois, et on me retient encore là-dessus pour la Caisse de retraite, pourtant je ne porte pas le deuil. » Sorine à Arkadina « Ce serait si bien de s’arracher, ne fût-ce qu’une heure ou deux, à cette existence de goujon. » Arkadina à son frère Sorine « Si, j’ai de l’argent, mais je suis actrice ; rien que les toilettes, c’est une ruine. » Paulina à Dorn « Evgueni, mon très cher, mon chéri, prenez-moi avec vous… Notre temps passe, nous ne sommes plus jeunes, et au moins à la fin de notre vie ne plus nous cacher, ne plus mentir… » Dorn à Paulina « J’ai cinquante-cinq ans, c’est trop tard pour changer de vie. » Treplev à Nina « Je suis solitaire, je n’ai pour me réchauffer aucune affection, j’ai froid comme dans un souterrain. » Trigorine à Nina « Quand je serai mort, mes amis, en passant devant ma tombe, diront : - Ici repose Trigorine. C’était un bon écrivain, mais il écrivait moins bien que Tourgueniev. » Nina à Trigorine « J’ai pris une décision irrévocable, le sort en est jeté, je ferai du théâtre. » Chamraïev à Arkadina « Chère madame, vous ne savez pas ce que c’est qu’une exploitation agricole. » 26 Annexe 8 : Entretien avec Sophie Perez scénographe n° 153 novembre 2012 Vous avez conçu une scénographie qui fait cohabiter intérieur et extérieur, un intérieur qui phagocyte petit à petit l’extérieur : un lac idéalisé, lieu d’une enfance merveilleuse, extérieur qui va être progressivement avalé par la maison… Sophie Perez : La Mouette parle de la mise en abîme du théâtre. Entre l’histoire de la mère, l’actrice Arkadina, du fils, Treplev, jeune auteur de théâtre qui a l’idée d’un théâtre moderne, ça ne fait que parler de réinventer le théâtre. À partir de là, la scénographie proposée est réversible : la maison est représentée par des châssis mais les châssis seront aussi des châssis de théâtre quand ils seront retournés. Il n’y a pas le lac mais il y a l’île. Tout est induit et tout est réversible. On a vraiment travaillé sur ce qui constitue le théâtre d’un point de vue archaïque, d’un point de vue scénographique aussi. Il y a un intérieur qui est très réaliste mais en même temps on voit les châssis qui sont apparents. Tout peut se moduler : ce qui est une pièce de la maison peut devenir un bout d’île. L’île peut devenir la moquette d’un intérieur. Il faut que cette scénographie soit envisagée comme un objet de théâtre relatant l’histoire des codes théâtraux et l’idée de la modernité… Aucune époque précise ne se dégage de cette scénographie ? S. P. – Non, mais il y a des notions esthétiques, il y a l’histoire de la Russie et du théâtre russe de l’époque. Par exemple, je me suis inspirée, pour le grand rideau de scène, de la première mise de scène de La Mouette où Stanislavski utilisait des toiles peintes avec des arbres et, dans notre scénographie, il y a un rideau avec de la marqueterie de tissus. En fait notre scénographie s’inspire de l’histoire du théâtre et de l’histoire de La Mouette et de toutes ses représentations dont la première, celle de Stanislavski. Comment avez-vous traité le sol ? S. P. – Les îlots sont recouverts de moquette mais ils vont être jonchés de feuilles mortes (toujours la confusion entre intérieur et extérieur et la réversibilité possible). Il y a comme une histoire des saisons complètement inversée, renversée puisque la végétation est assez luxuriante, mais il y a des feuilles mortes qui jonchent le sol, et le sol qui pourrait être de la moquette d’intérieur. Tous les thèmes esthétiques sont comme chamboulés ou inversés. Le sol est composé d’îlots qui peuvent changer de place comme dans un puzzle ? S. P. – Oui, ces changements rendent compte des époques où les personnages se retrouvent (deux ans s’écoulent entre l’acte III et l’acte IV), de la manière dont les choses changent sans vraiment changer d’ailleurs. On sent dans La Mouette un héritage, un poids : un héritage terrible et magnifique, qu’on porte tous. La Mouette parle de la manière dont les choses se modulent tout en restant malheureusement ou heureusement identiques. Est-ce vous qui pensez les costumes ? S. P. – Quand je travaille avec Frédéric, je fais les costumes car j’aime penser à tout mais là c’est quelqu’un d’autre qui s’est occupé des costumes, quelqu’un de plus traditionnel. Les costumes évoqueront probablement la fin du xixe, le début du xxe. Et comme ce parti pris daté était là pour les costumes c’était bien d’être plutôt sur une évocation générale du théâtre dans la scénographie. Quelles seront les couleurs dominantes de la scénographie ? S. P. – L’intérieur de la maison ressemble à des casemates avec du papier peint. C’est vraiment la Russie, la datcha avec une accumulation de rideaux, de peintures, de tapisseries, de guéridons. L’intérieur est très chargé, très réaliste. Je voulais que l’intérieur des maisons soit réaliste comme au cinéma puisqu’on a une abstraction de l’espace. 27 Annexe 9 : Didascalies initiales des quatre actes Didascalie initiale de l’acte I n° 153 novembre 2012 Coin de parc dans la propriété de Sorine. Une large allée partant du public et traversant le parc jusqu’à un lac est barrée par une estrade hâtivement dressée pour un spectacle d’amateurs, si bien que le lac est entièrement invisible. À droite et à gauche de l’estrade, des buissons. Quelques chaises, une petite table. Le soleil vient de se coucher. Sur l’estrade, derrière le rideau baissé, Iakov, avec d’autres ouvriers ; on entend tousser, frapper des coups de marteau. Macha et Medvedenko arrivent sur la gauche, revenant de promenade. Medvedeno : « Pourquoi êtes-vous toujours en noir ? Macha : C’est le deuil de ma vie. Je suis malheureuse » Didascalie initiale de l’acte II Un terrain de croquet. Au fond, à droite, la maison, avec une grande terrasse ; à gauche on voit le lac, dans lequel un soleil étincelant se reflète. Parterres de fleurs. Midi. Il fait chaud. A côté du terrain, dans l’ombre d’un vieux tilleul, Arkadina, Dorn et Macha sont assis sur un banc. Dorn tient sur ses genoux un livre ouvert. Didascalie initiale l’acte III La salle à manger dans la maison de Sorine. Portes à droite et à gauche. Un buffet. Une armoire à pharmacie. Au milieu de la pièce, une table. Une valise et des cartons ; préparatifs de départ. Trigorine déjeune. Macha est debout à la table. Didascalie initiale l’acte IV Un salon dans la maison de Sorine, transformé par Constantin Treplev en cabinet de travail. À droite et à gauche, des portes donnant sur les pièces intérieures. En face, une porte vitrée donnant sur la terrasse. Outre le mobilier habituel d’un salon, il y a un bureau dans le coin à droite, un divan turc près de la porte de gauche, une bibliothèque, des livres sur les rebords de fenêtres, sur les chaises. C’est le soir. Le salon n’est éclairé que par une lampe à abat-jour. Pénombre. On entend le bruit des arbres et le hurlement du vent dans la cheminée. Le gardien de nuit frappe ses palettes de bois. Entrent Medvedenko et Macha. Annexe 10 : CADRES de scènes 28 Annexe 11 : Acte III (extraits) n° 153 novembre 2012 « Trigorine (rentrant) : J’ai oublié ma canne. Elle doit être là-bas, sur la terrasse. (Il se dirige vers la porte de gauche et rencontre Nina qui entre). C’est vous ? Nous partons. Nina : Je sentais que nous nous reverrions (Émue). Boris Alexéiévitch, j’ai pris une décision irrévocable, le sort en est jeté, je ferai du théâtre. Demain, je ne serai plus ici, je quitte mon père, j’abandonne tout, je commence une nouvelle vie… Je m’en vais, comme vous… à Moscou. Nous nous verrons là-bas. Trigorine, (après un regard autour de lui). Descendez « au bazar slave »… Prévenezmoi tout de suite… Rue Moltchanovka, maison Grokholski… Je me dépêche… Un temps Nina : Non, encore une minute… Trigorine : à mi-voix. Vous êtes si belle… Oh ! quel bonheur de penser que nous nous verrons bientôt ! (elle se penche sur sa poitrine). Je verrai encore ces yeux merveilleux, ce sourire inexprimablement beau et tendre… ces traits si doux, l’expression de la pureté angélique… Ma chérie… » Baiser prolongé La Mouette, traduction d’Antoine Vitez © Actes Sud, 1984, p. 88-89. 29 Annexe 12 : L’Affiche du spectacle affiche LA MOUETTE_400x600_Mise en page 1 08/10/12 13:58 Page1 novembre 2012 de Anton Tchekhov mise en scène Frédéric Bélier-Garcia tion duc Pro avec Nicole Garcia Ophelia Kolb Agnès Pontier Brigitte Roüan Eric Berger Magne-Håvard Brekke Jan Hammenecker Michel Hermon Manuel Le Lièvre Stéphane Roger production Nouveau Théâtre d’Angers Centre Dramatique National Pays de la Loire LE QUAI - FORUM DES ARTS VIVANTS du mercredi 14 au samedi 24 novembre 2012 GRAND THÉÂTRE, PLACE DU RALLIEMENT du jeudi 14 au lundi 18 février 2013 ET TOURNÉE NATIONALE AUTOMNE-HIVER NANTES… LA ROCHE-SUR-YON… SAINT-NAZAIRE… TOURS… LA ROCHELLE… MARSEILLE… LYON renseignements / réservations 02 41 22 20 20 www.lequai-angers.eu © vincent flouret Conception et impression : Setig Palussière, Angers. 10/2012. Photographie © Vincent Flouret. n° 153 30 n° 153 novembre 2012 Répliques dans lesquelles figure le mot « mouette » Nina à Treplev (acte I) « Mon père et ma mère ne veulent pas que je vienne ici. Ils disent que c’est la bohème ici… ils ont peur que je devienne actrice… Mais je suis attirée par ce lac comme une mouette… Mon cœur est plein de vous. » Treplev à Nina (acte II) « J’ai eu la bassesse de tuer cette mouette aujourd’hui. Je la dépose à vos pieds… C’est comme ça bientôt que je me tuerai moi-même. » Trigorine à Nina (acte II) « Un sujet m’est venu à l’esprit… : au bord d’un lac, depuis son enfance vit une jeune fille, comme vous ; elle aime le lac comme une mouette, elle est heureuse et libre comme une mouette. Mais par hasard un homme est passé, l’a vue et, par désœuvrement, il la fait périr comme une mouette. » Trigorine à Nina (acte III) « Il y a huit jours, vous portiez une robe claire… Nous avions parlé… il y avait une mouette blanche sur le banc. » Treplev à Dorn (acte IV) « Elle (Nina) signait la Mouette… dans ses lettres, elle répétait sans cesse qu’elle était une mouette. » Chamraïev à Trigorine (acte IV) « Un jour, Constantin Gavrilovitch avait tué une mouette et vous m’aviez chargé de la faire empailler. » Nina à Treplev (acte IV) « Je suis une mouette… Non ce n’est pas ce que je veux dire. » 31 Annexe 13 : Note d’intention de Frédéric Bélier-Garcia n° 153 novembre 2012 Tchekhov compose avec La Mouette un grand cabaret de l’existence, chaque personnage est introduit dans un duo (Macha-Medvedenko, Treplev-Sorine, Dorn-Paulina…) puis y va de son numéro. Chacun essaie d’être aimable, de faire l’aimable tandis qu’au plus profond de lui ahane la panique d’exister, qu’on essaie de faire taire en babillant, braillant, chantant. Comme cet enfant qui, obligé d’aller chercher quelque chose à la cave, chante de plus en plus fort pour disperser les fantômes et les peurs. Qu’as-tu fait de ta vie ? Et des promesses premières ? La question est toujours effroyable, aussi imparable qu’un matin blême. Ici chacun y est convoqué, la fuit, la contourne, s’y fracture, s’étouffe dans l’anorexie progressive du présent, s’exaspère à attendre alors qu’il sait qu’il n’y a rien à patienter, et sort de scène en espérant que les autres « ne garderont pas un mauvais souvenir ». Raconter La Mouette, c’est mettre en acte cette grande bataille immobile qu’est la vie, où tout est déjà « trop tard ». Chacun poursuit un amour, une ambition, une chimère qui se dérobe quand il croit la tenir. Dans La Mouette, le rêve est toujours au plus proche, prêt à emporter chaque être vers le meilleur, mais les personnages, comme de grands oiseaux incapables de voler, demeurent dans ce décor, dans ce théâtre, qui se flétrit sur eux, en eux au fil des actes et des années. Et en bout de piste, les personnages semblent attendre une fête qui n’a pas eu lieu. Pour finir comme les silhouettes de Vuillard par s’effacer dans le motif mural. Mettre en scène Tchekhov, c’est s’éprouver à l’humilité de Tchekhov, comme un pianiste joue les variations Goldberg. Une humilité foisonnante de ressources, de détails, de couleurs. La vérité y est tant dans les mots que dans l’infime variation météorologique, le reflet d’un lac, un courant d’air, la couleur d’un tissu. La modestie de Tchekhov tient dans son inquiétude de l’entre-deux : tenir en même temps la voie symbolique (le lac, le théâtre, la mouette, le noir de Macha…) et la veine naturaliste, comme si l’affaire humaine se tenait dans cette gravité subtile des choses et des êtres pris entre leur poids matériel et leur destination poétique. La Mouette, plus que toutes ses autres pièces, porte cette ambiguïté à sa quintessence. 32 Annexe 14 : Entretien avec Frédéric Bélier-Garcia metteur en scène n° 153 novembre 2012 Tchekhov est un des rares auteurs qui a su rendre vivante une communauté de personnages (une dizaine en l’occurrence pour La Mouette), communauté familiale où chaque personnage a sa place très définie. Mais ces scènes chorales sont particulièrement délicates à mettre en jeu. Frédéric Bélier-Garcia : La difficulté de ces scènes chorales, c’est que deux parlent pendant que dix sont sur le plateau. Il faut alors veiller à ce que les dix soient impliqués sans artifice, que chacun se trouve une implication dans le dialogue en cours. Il faut faire monter de vrais enjeux humains dans le dialogue, que ce ne soit pas de l’ordre de la conversation. Ainsi au début de l’acte II, il y a les deux êtres faibles de la pièce, Medvedenko et Macha, qui sont rabroués dans le dialogue et, pour que leur vexation soit plus forte, il faut qu’elle ait lieu en public. Mais chaque personnage du chœur doit réagir à cette humiliation de manière vivante. L’autre question posée par l’écriture de Tchekhov, c’est ce qu’on appelle le sous-texte, ce qui n’est pas dit mais que doivent imaginer l’acteur et le metteur en scène pour faire comprendre ce qui est dit. Dans la scène entre Trigorine et Nina (fin de l’acte III) par exemple où les points de suspension sont nombreux, comme très souvent chez Tchekhov, vous semblez imaginer que, derrière cette hésitation de Trigorine, il faut voir une gêne de retrouver Nina à la fin de l’acte III qu’il a finalement assez vite oubliée. F. B.-G. – Dans la pièce, tout n’est pas écrit. L’histoire de Trigorine et de Nina se décompose en trois scènes. La nature de leur amour est en grande partie laissée à l’interprétation des acteurs et du metteur en scène. On sait que ces trois scènes se terminent par un baiser (fin de l’acte III) et on sait ce qu’il advient à Nina (par Treplev à l’acte IV). Mais qu’aime Nina en Trigorine ? Est-ce lui qu’elle aime ou la gloire qu’il représente ou ce mode de vie mondain et moscovite. Du point de vue de Trigorine aussi il y a des doutes sur l’importance qu’il accorde à cet amour pour Nina. Tchekhov n’appréciait pas l’interprétation de Trigorine par Stanislavski qu’il trouvait trop élégant, trop « dragueur ». Il ne voulait pas d’un Trigorine « homme à femmes » mais plutôt pris dans ses problèmes littéraires. Tchekhov proposait que Trigorine ait des chaussures trouées et un pantalon à carreaux. Trigorine est effectivement un terrien, qui aime manger (début acte III), pêcher… Pour revenir au passage que vous évoquez, on ne sait si Trigorine revient dans la maison vraiment pour voir Nina et donne le prétexte de la canne à pêche oubliée ou s’il vient effectivement rechercher sa canne à pêche et a déjà oublié le rendez-vous avec Nina. La deuxième hypothèse est sans doute plus intéressante car elle crée une grande tension entre Nina qui ne rêve que de Trigorine et Trigorine qui l’a déjà oubliée. Revenons à votre distribution : vous choisissez, pour jouer l’actrice Arkadina, votre mère Nicole Garcia très connue aussi dans le monde du cinéma. La notoriété de l’actrice Nicole Garcia vous permetelle de suggérer la célébrité dont le personnage Arkadina dit connaître ? F. B.-G. – Je ne veux pas jouer sur la notoriété mais plutôt sur des générations d’acteurs. J’ai choisi deux générations d’acteurs : l’une qui a commencé dans un théâtre d’avant-garde dans les années 1970 et a eu progressivement une notoriété au cinéma (ceux qui jouent Arkadina, Sorine, Paulina) et la génération plus jeune (ceux qui jouent Medvedenko, Treplev, Nina et Macha) composée d’acteurs sortis des conservatoires en même temps et qui font des recherches surtout dans le domaine théâtral. L’histoire de la Mouette est une histoire de générations : le triomphe des parents qui refusent de passer la main, la victoire d’une génération passée sur la génération présente. 33 Annexe 15 : Le jeu choral n° 153 novembre 2012 © MARC ENGUERAND et ARMELLE ENGUERAND CDDS © MARC ENGUERAND et ARMELLE ENGUERAND CDDS 34 Annexe 16 : L’évolution du costume de Nina n° 153 novembre 2012 © DANY PORCHÉ © DANY PORCHÉ © stÉphane tasse © stÉphane tasse © stÉphane tasse