22
n° 153 novembre 2012
Annexe 5 : Entretien avec Catherine Leterrier,
costumière
Est-ce que Frédéric Bélier-Garcia vous a proposé
une époque pour les costumes de La Mouette ?
Catherine Leterrier : Frédéric n’aime pas les
faux culs, les tournures, les cols durs, les
manches gonflées car il ne veut pas gêner les
acteurs dans leur jeu physique et souhaite que
le public s’identifie facilement aux person-
nages. Donc on ne respecte pas l’époque. On est
plutôt dans un mélange d’époques. Frédéric ne
voulait pas non plus que ces costumes évoquent
la Russie.
Apparemment vous vous êtes inspirée du peintre
Vuillard ?
C. L. – Oui, Frédéric a été très intéressé par
Vuillard. Dans La Mouette les personnages sont
au début pleins d’espoir, ils sont plutôt dans
des couleurs et tissus unis. Puis petit à petit,
comme la vie ne leur permet pas de réaliser
leurs rêves, on a trouvé intéressant que les
imprimés des costumes deviennent de plus en
plus présents et donnent l’illusion d’entrer dans
les imprimés du décor.
Comme si les personnages s’effaçaient dans le
décor ?
C. L. – Oui, comme chez Vuillard où l’on voit
émerger des gens qui sont enserrés dans un
décor aux impressions fortes. Il fallait qu’entre
le décor et les imprimés des costumes ça
coince, ça s’agresse : les personnages semblent
coincés entre les impressions du décor et ceux
de leurs costumes.
Dans La Mouette il y a des personnages de la
campagne comme Chamraiev, Medvedenko et
ceux de la ville comme Arkadina et Trigorine.
À quoi le voit-on dans votre création de cos-
tumes ?
C. L. – Pour Arkadina et Trigorine, Frédéric nous
a dit de « faire nouveaux riches » surtout à
l’acte IV. Les costumes de Chamraiev et de
Medvedenko seront en revanche assez ravaudés.
Mais même avec Arkadina on est resté dans la
simplicité car Frédéric n’aime pas les détails. On
a cherché plutôt une ligne. Pas de bouillonné
ni de nœuds. On a aussi fait des liens entre
des personnages comme Arkadina et Nina qui
l’admire et voudrait lui ressembler : on a créé un
costume avec de grosses rayures pour Arkadina
(les rayures étant la marque des personnages
hors de la société, bagnards comme acteurs)
et à l’acte IV Nina, devenue une petite actrice
ratée, porte aussi des rayures.
Certains personnages ont plusieurs costumes :
par exemple Nina qui change beaucoup entre
le I et le IV.
C. L. – Nina a quatre costumes. On a marqué le
temps. À la fin, elle a un corset sous sa robe,
elle est devenue une femme marquée par la vie.
Vous vous occupez aussi des dessous ?
C. L. – Oui, les silhouettes avec corsets semblent
plus anciennes et coincées que les silhouettes
avec soutien-gorge.
Et les accessoires ?
C. L. – Quelques réticules, le panama de Dorn
mais pas de chapeaux de femmes. Frédéric ne
veut pas trop marquer l’époque.