
le shofar
5
par Philippe Lewkowicz
« Une génération s’en va, une autre lui suc-
cède  et  la  Terre  subsiste  éternellement »  
(Ecclésiaste 1 :4) 
Rabbi  Abba  ben  Kahana  déclare : Que 
la  génération  qui  arrive  soit  à  tes  yeux 
comme celle qui est partie. Que tu ne dises 
pas : si Rabbi Akiva était là, j’aurais été le 
consulter  ! Si Rabbi Zéra ou Rabbi Yoha-
nane  étaient  là,  j’aurais  été  les  trouver ! 
Mais  considère  la  génération  qui  est  la 
tienne et le sage qui en fait partie comme 
les  générations  passées  et  les  sages  d’an-
tan.» (Midrash sur Ecclésiaste 1 :4) 
Le  3  juin  dernier,  lors  de  son  émission,  le 
rabbin Josy Eisenberg présentait le nouveau 
livre d’Isabelle Levy « Vivre en couple mixte 
– quand les religions s’emmêlent ». L’auteur 
et  l’animateur  exposaient  les  motivations 
et  les  difficultés  rencontrées  par  ces  cou-
ples,  qui  représentent parfois plus de  50 % 
des mariages dans certaines communautés. 
Etaient bien sûr évoqués le taux  très im-
portant de divorces, le problème identitaire 
des enfants, l’intégration familiale, etc… Je 
retiens surtout, aujourd’hui, l’évocation que 
fit le rabbin Eisenberg sur la source d’assi-
milation  importante  que  constitue  ce  type 
d’union.    Il  constate  le  fait,  le  regrette  et 
malgré l’importance du phénomène, il n’ap-
porte aucune réflexion sur une solution ou 
une approche de celle-ci. Ainsi, il n’évoque 
pas, fut-ce de manière indirecte, l’approche 
du Judaïsme progressiste qui pourtant sau-
ve la communauté juive américaine.  
On pouvait s’y attendre, mais tant que des lea-
ders de communautés orthodoxes nous consi-
déreront comme un danger au lieu d’être des 
alliés, ils passeront à côté de cette menace, si 
importante pour la pérennité du peuple juif.  
Notre  approche  moderne  du  Judaïsme,  où 
ce qualificatif ne veut rien dire d’autre que 
permettre de vivre un judaïsme libre et in-
tégré mais toujours éclairé par les textes de 
nos pères, permet à de nombreux jeunes de 
s’épanouir dans une tradition familiale non 
coercitive.  Ainsi,  au lieu  de  rejeter  parfois 
définitivement  cet  héritage,  ils  gardent  en 
mémoire la douceur de ce qu’ils ont vécu et 
le  moment  venu,  ils  voudront  à  nouveau  y 
tremper leurs lèvres  pour  partager ce miel 
avec  leur  famille.  Après  tout,  d’innombra-
bles  textes  de  la  tradition  nous  invitent  à 
l’accueil  (midrach  Yalkout  Shimoni  –  Bo 
12) et évoquent la prise de conscience et la 
responsabilisation progressive («On ne pèse 
pas sur celui qui vient de se convertir, on 
ne se montre pas tatillon» Yevamot 47a)
Bien sûr ce schéma est fort simple, mais il 
résume peut-être assez bien l’aboutissement 
désiré de la démarche: réussir la transmis-
sion.
Mais, pour en arriver là, le chemin fut long 
et long encore il sera. L’histoire du judaïsme 
libéral  commence  en  Allemagne  au  milieu 
du  XIXème  siècle  pour  « d’une  part  intégrer 
la modernité à la tradition juive  libérée  du 
ghetto, tout en  restant fidèle  au judaïsme ; 
d’autre part endiguer une assimilation gran-
dissante en proposant aux Juifs des répon-
ses plus conformes aux réalités historiques 
et mieux adaptées  au changement des men-
talités »(1). 
LE MOT DU PRÉSIDENT
(1)  
Pierre Haïat dans l’introduction de son « Anthologie du Judaïsme Libéral » (Pierre Haïat et Rabbin Daniel 
Farhi : éd Parole et Silence, 2007)
Notre approche du judaïsme