SCANNER DES ARTERES CORONAIRES Optimisation des techniques d’acquisition P. Fouvez1, K. Yasunaga1, S. Willoteaux1, F. Durand2, C. Lions1, V. Gaxotte1, Z. Negaiwi1, G. Rosey3, J.P. Beregi1 ICONO 1 2 3 Service de Radiologie Cardiovasculaire, hôpital cardiologique, CHRU Lille Service de Radiologie, hôpital de Lens Service de Cardiologie, hôpital cardiologique, CHRU Lille INTRODUCTION La réalisation d ’un scanner des artères coronaires nécessite une technique rigoureuse. De la qualité de l’examen dépend la visualisation complète ou non du réseau coronaire ainsi que la facilité et rapidité de l’interprétation. La réussite de l’examen dépend à la fois de facteurs liés au patient et à la technique d ’acquisition. L ’optimisation de ces paramètres est présentée ici. Les données sont issues de notre expérience sur un appareil Siemens Sensation 64 et des données récentes de la littérature. Le post-traitement des images ne sera pas évoqué. PLAN Préparation du patient Installation du patient Choix de la hauteur d ’exploration Acquisition sans injection / Score calcique Protocoles d ’injection Paramètres d acquisition Techniques de reconstruction Evolutions technologiques Conclusion Bibliographie PREPARATION DU PATIENT Interrogatoire et consignes Eviter la consommation de caféine le jour de l’examen Recherche des contre-indications habituelles Voie veineuse de bon calibre (18G) au pli du coude, à droite Informer le patient sur : la nécessité de ne pas bouger pendant l’examen la possible sensation de chaleur lors de l ’injection pour éviter toute surprise entraînant des mouvements l ’importance des apnées Certains préconisent l’administration d’oxygène sous masque pendant quelques minutes avant le début de l’acquisition. Cela permet d’allonger le temps d’apnée de quelques secondes et de maintenir un rythme cardiaque plus stable entre le début et la fin de l’acquisition. PREPARATION DU PATIENT Place des dérivés nitrés L ’objectif des dérivés nitrés est d ’améliorer la visualisation du réseau artériel coronaire proximal et surtout distal. Leur utilisation nécessite des précautions, notamment la prise de la tension artérielle avant administration. Selon une étude récente (Dewey), la prise de dérivés nitrés juste avant l’examen, (1,2mg de nitroglycerine en sub-lingual) permettait d ’augmenter de manière significative le diamètre proximal des artères coronaires. Toutefois, dans la littérature, il n ’existe que très peu de données concernant leur utilisation et il n ’a pas été retrouvé d ’étude sur l ’association des dérivés nitrés aux β -bloquants. Dewey Rofo 2006;178:600-604 PREPARATION DU PATIENT Importance de la fréquence cardiaque La diminution de la fréquence cardiaque est primordiale avec les scanners 16 coupes. Cet objectif persiste avec l ’utilisation des scanners 64 coupes.: Une réduction du rythme cardiaque permet d ’obtenir des données de qualité sur une seule reconstruction le plus souvent, simplifiant l ’interprétation. Avec une fréquence cardiaque basse, les données peuvent être extraites uniquement en diastole, permettant l ’utilisation de la modulation de dose, sans compromettre la qualité diagnostique de l ’examen. Une baisse de la fréquence cardiaque permet l ’utilisation d ’une reconstruction monosegmentaire. Pour cela, on peut utiliser des β-bloquants per os (+/- en intra veineux) PREPARATION DU PATIENT Contre-indications des β-bloquants Bradycardie sinusale < 60 TAS < 100 mmHg Allergie Décompensation cardiaque Asthme ou bronchospasme, BPCO sévère Bloc auriculo-ventriculaire de 2ème ou 3ème degré non appareillé Grossesse Précautions pour l ’injection IV : si BPCO sans β-agoniste en cas de prise d’agents bloquant le nœud atrio-ventriculaire (inhibiteur calcique, digoxine, autres β-bloquants) Utilisation des β-bloquants Exemple d’algorithme < 65 : pas de β- Fréquence cardiaque > 65 ou FC irrégulière et > 60 β- en l ’absence de contre-indication Métoprolol P.O. 50 mg, scope 1H, FC/15 min FC < 65 FC : fréquence cardiaque β- : β-bloquant D’après Pannu AJR 2006;186:S341-S345 FC > 65 Réaliser une apnée de 15 sec Si FC > 65 ou irrégulière et > 60 β- IV (métoprolol) en respectant les précautions - 2,5 mg sur 1 min - si FC > 65 après 5 min : 2ème dose 2,5mg - puis si FC > 65, 2 doses de 5 mg séparées de 5 min ( max 15 mg IV au total) Si β- IV: surveillance TA/FC post-procédure de 30 min Si bronchospasme: inhalation β-agoniste Si FC < 45: atropine, ou β1-agoniste (dopamine) si résistance INSTALLATION DU PATIENT Importance du tracé ECG nécessitant un bon positionnement des électrodes Bras surélevés 1 2 1 : sur la ligne médiane de la clavicule droite, juste en dessous de la clavicule 2 : sur la ligne médiane de la clavicule gauche, juste en dessous de la clavicule 3 : au niveau du 6ème ou 7ème espace intercostal 3 CHOIX DE LA HAUTEUR D ’EXPLORATION La hauteur d ’exploration dépend de l ’indication du coroscanner. Début: • Pour l ’étude des coronaires natives, on débute juste au-dessus de la carène 1 • En cas d ’arc supérieur gauche proéminent, on commencera 1 à 2 cm plus haut 2 • Pour un contrôle de pontage coronaire, on débute - au sommet de l ’arc aortique s ’il s ’agit d ’un pontage veineux 2 - ou au niveau des clavicules s ’il s ’agit d ’un pontage mammaire 3 Fin: 2 cm au-dessous de la silhouette cardiaque 4 3 2 1 4 ACQUISITION SANS INJECTION ET SCORE CALCIQUE 2 techniques sont possibles : Acquisition en mode séquentiel avec synchronisation prospective, pendant la diastole, permettant une irradiation moindre. Ce type d ’acquisition est sensible à l ’arythmie. Acquisition en mode spiralé avec synchronisation rétrospective. ACQUISITION SANS INJECTION ET SCORE CALCIQUE Double intérêt : Permet la quantification des calcifications des artères coronaires, notamment par le score d ’Agatston, corrélé à la survenue d’ événements coronariens. Toutefois, ce score demeure peu utilisé en pratique clinique en France. Pour certaines équipes, en cas de score calcique élevé, l’acquisition avec injection n’est pas réalisée, en raison des difficultés prévisibles d’analyse sur les segments calcifiés. Ceci doit être nuancé en fonction de la question posée par l’examen et de la localisation des calcifications. Objectif de l'injection de produit de contraste Rehaussement uniforme des cavités gauches à 300 HU ou plus Réduire au minimum les artefacts dus au contraste dans la veine cave supérieure et le ventricule droit PROTOCOLES D ’INJECTION Le choix du produit de contraste et les protocoles sont discutés dans la littérature. Concentration de 300 à 400 mg Iode/ml Quantité : 80-90 cc Débit : la majorité des équipes utilisent un débit élevé, de 4 ml/s jusque 7 ml/s; toutefois, l’utilisation de débits supérieurs à 4 ml/s augmente nettement le risque d’extravasation de produit de contraste. Les produits fortement concentré en iode doivent être tiédis au préalable pour permettre des débits d’injection élevés. Injection de produit de contraste Impact du type de produit de contraste et de sa concentration en Iode (en mg d’Iode/ml) Cademartiri. Radiology 2005;236:661-665 (Scanner 16 « coupes ». Omni300 Visi320 Omni350 Iom350 Artères coronaires Aorte descendante Cademartiri. Radiology 2005;236:661-665 Iom400 PROTOCOLES D ’INJECTION Utilisation d ’un injecteur double tête avec injection d ’un bolus à vitesse constante de produit de contraste, suivie d ’un bolus de sérum physiologique (30 à 50 ml). intérêt du sérum hausse du réhaussement artériel baisse des artefacts de durcissement des cavités droites absence de produit de contraste résiduel dans le système veineux baisse de 15 à 20% de la quantité de produit de contraste injecté Pour certains, injection biphasique : la moitié du produit de contraste à haut débit, puis l ’autre moitié à bas débit +/dilution. cela permet un réhaussement homogène des cavités droites mais sans gêner l ’interprétation de l ’artère coronaire droite PROTOCOLES D ’INJECTION 2 possibilités pour le début de l’acquisition : Bolus test: Séries à base dose dans l’aorte ascendante après injection de 20 ml à 4-5 ml/s (utiliser le débit de l’examen) et de sérum Temps idéal : pic de rehaussement de l’aorte + 5 sec Avantages : diminue l’effet de surprise de l’injection permet de faire débuter l ’apnée quelques secondes avant le début de l ’injection pour éviter les artefacts de mouvements sur les coupes les plus hautes Détection automatique de l ’arrivée de produit de contraste: Le choix du seuil est discuté, variant de 120 à 200 UH, dans l’aorte ascendante Avantage : une seule injection de produit de contraste PARAMETRES D ’ACQUISITION Exemple de protocole Siemens Sensation 64: Acquisition cranio-caudale Pitch : 0,24 Collimation 64 x 0,6 120 kV, 700 mAs Vitesse de déplacement de la table : 9,2 mm par rotation Injection de 80 cc d ’ioméprol (Iomeron 400 mg/ml), à 4 à 5 ml/s, suivie de l ’injection d ’un bolus de 40 ml de sérum physiologique Détection automatique de l’arrivée de produit de contraste, seuil : 140 UH, région d ’intérêt : aorte ascendante Axe z Pitch et fréquence cardiaque Gap Temps Influence d’un pitch trop élevé par rapport à la fréquence cardiaque Des données sont manquantes (« Gap ») aboutissant à un aspect de flou de l’image par endroit. Pitch et fréquence cardiaque Un protocole standard est utilisé pour des fréquences cardiaques au dessus de 50/min Le pitch doit être abaissé (0.18) pour des fréquences cardiaques inférieures à 50/min Pour le Sensation 64 Siemens, le temps de rotation doit passer de 0.33 s à 0.37 s pour les fréquence en dessous de 50/min La fréquence cardiaque baisse habituellement en début d’apnée. Pour un patient ayant une fréquence juste au dessus de 50/min avant l’acquisition, il est nécessaire de tester l’apnée avant l’injection de produit de contraste pour vérifier si la fréquence reste stable ou passe en dessous de 50/min. PARAMETRES D ’ACQUISITION Irradiation et modulation de dose Modulation de la dose en fonction du cycle cardiaque DIASTOLE La modulation de dose selon l’ECG permet de diminuer de 30 à 50% la dose totale. La modulation de dose selon l’ECG nécessite un rythme cardiaque régulier. Irradiation et modulation de dose Exemples de dose reçue avec un scanner 64 barrettes (120kV, 880mAs) : pour un homme : 13,4 mSv sans modulation 8 mSv avec modulation pour une femme : 18,9 mSv sans modulation 11,3 mSv avec modulation Coronarographie diagnostique : 3 à 10 mSv Jill supplement to Applied Radiology 2005 Modulation de dose en fonction de l’ECG Systole Diastole TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION Technique mono ou pluri segmentaire Algorithme de reconstruction à partir des données acquises sur 180° 2 possibilités de reconstruction : Reconstruction mono segmentaire (si FC < 65 bpm) une image est produite à partir d ’un seul cycle cardiaque Reconstruction pluri segmentaire (si FC > 65 bpm) une image est produite à partir des données issues de plusieurs cycles cardiaques: 2 segments maximum pour Siemens 2 ou 4 segments pour General Electric, selon la fréquence cardiaque TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION Technique mono segmentaire Reconstruction mono segmentaire (si FC < 65 bpm) Une image est produite à partir d ’un seul cycle cardiaque Desjardins. AJR 2004;182:993-1010 TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION Technique pluri segmentaire Reconstruction pluri segmentaire (si FC > 65 bpm). Une image est produite à partir des données de plusieurs cycles cardiaques. Desjardins. AJR 2004;182:993-1010 TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION En cas de modification du rythme cardiaque durant l’acquisition, la sélection du mode mono ou pluri segmentaire peut se faire automatiquement selon la fréquence cardiaque: système ACV (Adaptative Cardio Volume) chez Siemens Adaptive cardio volume Image 168 Fréquence cardiaque inférieure à 65/min Reconstruction mono segmentaire Résolution temporelle à 164 ms Temps de rotation du tube 330 ms Image 257 Fréquence cardiaque supérieure à 65/min Reconstruction pluri segmentaire Résolution temporelle à 113 ms Temps de rotation du tube 330 ms TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION Choix de l’intervalle R-R On sélectionne a posteriori la ou les phases de reconstruction des images Celles-ci sont choisies : Soit en % de l ’intervalle R-R: délai relatif Soit en ms avant/après l’onde R: délai absolu/délai absolu inverse TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION 100% +x% -x% Délai relatif RR 2 Temps + x ms Délai absolu Temps - x ms Délai absolu inverse Temps TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION Choix de l’intervalle R-R Le plus simple est de programmer de façon systématique des reconstructions couvrant l’ensemble du cycle cardiaque, en pourcentage, tous les 10%. La contrainte est alors le nombre d’images générées. Des outils de prévisualisation permettent de reconstruire rapidement un ou deux niveaux de coupe sélectionnés, tous les 5 %. Cette technique permet de choisir de façon séparée les meilleurs phases pour les artères coronaires droite et gauche. TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION Choix de l’intervalle R-R Selon une étude récente (Leschka), quelque soit la fréquence cardiaque, les meilleures images étaient obtenues à 60 % de l’intervalle R-R (soit en médio-diastole) sur un scanner 64 barrettes. Leschka. Eur Radiol 2006;16: 1964-1972 TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION Choix du filtre Filtre intermédiaire : pour les artères coronaires natives. Filtre dur avec renforcement des contours si: Stent coronaire Calcifications coronaires importantes TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION Choix du filtre Reconstruction en filtre « dur », spécifique à la visualisation des stents (B46f). Images « bruitées » mais meilleur analyse de la lumière intra-stent Ici, hypodensité intrastent témoignant d’une resténose TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION Epaisseur de coupes/ Incrément: On utilise des coupes sub-millimétriques chevauchées : coupes de 0,6 à 0,8 mm, avec un incrément de 0,3 à 0,5 mm afin d’optimiser le reformatage TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION Champ de vue Haller. AJR 2006:187:105-110 Le champ de vue doit être centré et zoomé sur le cœur Une reconstruction avec un champ de vue large doit être réalisée en fenêtre parenchymateuse, même si la totalité du thorax n’a pas été couverte par le volume d’acquisition EVOLUTIONS TECHNOLOGIQUES Le passage de scanner 16 au 64 coupes a essentiellement permis d’améliorer la visualisation des segments distaux. Mais le scanner 64 coupes n’a pas levé toutes les limites de cette technique notamment en terme de résolution spatiale et temporelle par rapport à la coronarographie. EVOLUTIONS TECHNOLOGIQUES Les avancées technologiques possibles peuvent porter essentiellement sur: L’augmentation du nombre de coupes acquises par tour de spire, La réduction du temps de rotation du tube. Le scanner « bitube » (Siemens) constitue une innovation particulière permettant: L’utilisation d’algorithme de reconstruction sur 90° grâce à l ’utilisation de 2 tubes, D’obtenir une résolution temporelle de 83 ms, indépendante de la fréquence cardiaque. CONCLUSION De nombreux facteurs influencent la qualité globale d’un scanner des artères coronaires. Cet examen nécessite une technique rigoureuse. L’enjeu principal est la visualisation de l’ensemble des segments coronaires La facilité et rapidité d’interprétation dépendent de la qualité de l’examen avec notamment la possibilité ou non d’utiliser les outils de post-traitement automatisés BIBLIOGRAPHIE (1) Abada et al. MDCT of the Coronary Arteries : Feasibility of Low Dose CT with ECG-Pulsed Tube Current Modulation to Reduce Radiation Dose. Am J Roentgenol 2006;186:S387-S390 Bruzzi JF, Remy-Jardin M, Delhaye D, Teisseire A, Khalil C, Remy J. When, Why, and How to Examine the Heart During Thoracic CT: Part 1, Basic Principles. Am J Roentgenol 2006;186:324-332. Clouse ME. How useful is computed tomography for screening for coronary artery disease? Noninvasive screening for coronary artery disease with computed tomography is useful. Circulation 2006;113:125-146. Cademartiri et al. Intravenous Contrast Material Administration at Helical 16Detector Row CTCoronary Angiography : Effect of Iodine Concentration on Vascular Attenuation. Radiology 2005;236:661-665 Dewey et al. Multislice CT Coronary Angiography : Effect of Sublingual Nitroglycerine on the Diameter of Coronary Arteries. Rofo 2006;178:600-604 Haller et al. Coronary Artery Imaging with Contrast-Enhanced MDCT : Extracardiac Findings. Am J Roentgenol 2006;187:105-110 BIBLIOGRAPHIE (2) Jill et al. How to Do Coronary CT Angiography : A Radiologist ’s Perspective. Supplement to Applied Radiology 2005 Leschka et al. Accuracy of MSCT Coronary Angiography with 64-Slice Technology : First Experience. European Heart Journal 2005; 26:1482-1487 Leschka et al. Optimal Image Reconstruction Intervals for Non Invasive Coronary Angiography with 64-Slice CT. Eur Radiol 2006;16: 1964-1972 Nakanishi T et al. Pitfalls in 16-detector row CT of the coronary arteries. Radiographics 2005;25:425-438. Pannu et al, β-Blockers for Cardiac CT : a Primer for the Radiologist. Am J Roentgenol 2006;186:S341-S345 Utsunomiya D et al. Cardiac 16-MDCT for Anatomic and Functional Analysis: Assessment of a Biphasic Contrast Injection Protocol. Am J Roentgenol 2006;187:638-644.