équations opérationnelles abstraites et problèmes aux limites dans

Actes,
Congrès
intern.
Math.,
1970. Tome 2, p. 731 à 736.
ÉQUATIONS OPÉRATIONNELLES ABSTRAITES
ET PROBLÈMES AUX LIMITES
DANS DES DOMAINES NON RÉGULIERS
par P.
GRISVARD
1.
Equations opérationnelles abstraites :
Le but de cette première partie est d'étudier la "somme" de deux opérateurs
fermés A
etB
(à
domaines!)^
et Dg
denses) dans un espace de Banach (complexe) E.
Cette somme L est définie par Lu - Au + Bu pour u G
DL
=
DA
O
DB.
Les
propriétés de L sont bien connues lorsqu'on considère B comme une perturbation
de A (cf. par exemple le livre de Kato [10] où
DA
CDfl
avec B relativement
borné par rapport à A). La situation qu'on considère ici est complètement diffé-
rente puisqu'on ne suppose pas qu'il y a une inclusion entre les domaines
DA
etZ)Ä,
par contre en vue des applications aux équations aux dérivées partielles, on suppo-
sera que les deux opérateurs commutent en un certain sens qui sera précisé plus
loin. En général L n'est même pas fermé, mais il admet une fermeture L sous des
hypothèses assez faibles. On cherchera à préciser
D%
et on étudiera le spectre
oj;
de
T
: On peut espérer étendre à cette situation le "théorème spectral" en
prouvant l'inclusion
op
C
oA
+
oB
ou ce qui revient au même de prouver que
T
est inversible lorsque
aA
f)
a_B
=0. On donnera une condition suffisante
permettant d'obtenir cette propriété ; pour cela on utilisera les hypothèses suivantes
qui sont commodes dans les applications :
(i) L'ensemble résolvant
pA
de A contient le secteur {X ; |arg X| <
6A}
et
1104
-
Xl)-1\\<CA(6)\X\-1
pourargX =
0 ,
\6\<0A.
(ii) L'ensemble résolvant
pB
de B contient le secteur {X ; |arg X| <
6B}
et
11(5-
\I)-1\\<CB(0)\\\-1
pour argX
=
0 ,
\6\<dB
(iii) [(A -
X/)"1
; (B
pi)"1]
= 0 pour X G
pA
et p G
pB
(cette hypothèse
de "commutativité" peut être affaiblie).
THEOREME
1. - Sous les hypothèses (i) (ii) (iii) avec
6A
+
dB
>
ir
et
oA
O
o_B=0
Vopérateur
ZT
est inversible.
On démontre ce résultat en construisant explicitement
L~l
sous la forme d'une
intégrale de Cauchy
l/(2ir/)
f (B +
X/)"1
(A -
Xl)'1
d\
où
7
est une courbe joignant
°°e~l
° à
°°e
° avec
ir
QB
<
d0
<
6A,
y
demeurant
hors de
oA
et de
o_B.
Il est évident que l'essentiel dans cette construction est de
pouvoir trouver une courbe
7
"séparant"
aA
de
a_B
et sur laquelle
||(5
+
Xl)'1
(A -
X/)"
732 P. GRISVARD
D
10
décroît comme |X|"2
;
cette idée permet de modifier notablement les hypothèses
(i) et (ii).
On peut préciser
D%
puisque c'est l'image de l'opérateur
L~l
qui est explicite ;
pour cela on est amené à introduire de nouveaux espaces liés à A et B et cons-
truits au moyen de la
i£-théorie
de l'interpolation (cf. Peetre [15] et sa biblio-
graphie) : On munit
DAm
(m G N) de sa norme naturelle d'espace de Banach
et on pose par définition
DA(s
;
p) =
(DAm ;
DAn)e§pig
,
0 <
0 < 1 ,
Kp
< +
<*>,
avec s = m(l 0) 4-
«0.
On montre que pour s et p donnés cet espace ne
dépend pas du choix particulier de
m
et
«
et plus précisément on montre dans [4] le
THEOREME
IL
Sous Vhypothèse (i), x G
DA(s
; p) si et seulement si
f
+°°
||
PAm
(A -
tiym
x
\\P
dt/t < +
oo,
J o
pour
n'importe
quel m G N , m > s (avec la modification habituelle
pourp
=
4-
oo).
Ces espaces seront faciles à expliciter dans les cas concrets
(cf.
plus loin). Dans
le cas hilbertien on rappelle que
DA(s
; 2) =
(DAm
;
DAn)e2;K
=
[DAm
\DAn]Q
où les crochets désignent l'interpolation complexe de [2]. L'espace
DA(s
; p) est
une fonction croissante de p, décroissante de s et
DA(m
; 1) C
DAm
C
DA
(m ;
°°),
pour m G N
On peut évidemment introduire des espaces analogues relatifs à B ; et on
prouve dans [5] le
THEOREME
III.
Sous
les
hypothèses
du
théorème
I on a :
DrGDA(\
;
°°)nnB(l
;oo)
Cet espace est très "voisin" de
DL
(cf. [4]). Dans [5] on démontre aussi le
THEOREME
IV.
Sous les hypothèses du théorème I l'opérateur
L"1
est linéaire
continu de
DA(s
;
p) dans
DA(s
+ 1
;
p) pour tout s > 0 et tout p >
L
On en déduit que L est un isomorphisme de
{
u G
DL
;
Au,
Bu G X} sur X
où X est l'un quelconque des espaces
DA(s
;p) et
DB(s
;p)
; en particulier la
"restriction" de L à X est fermée.
Dans le cas où E =
H
est un espace de Hilbert, on peut améliorer les résultats
précédents (cf. [12]) :
THEOREME
V.
Si E est un espace de Hilbert, on fait les hypothèses (i) (ii) (iii)
et on suppose de plus qu
'il
existe s > 0 tel que
DA(s
;2) =DA*(s\2)
alors L est fermé et inversible.
EQUATIONS
OPERATIONNELLES
ABSTRAITES
733
On verra que dans les applications la nouvelle hypothèse est facile à vérifier.
La démonstration utilise le fait que d'après [14] E est interpolé entre
DA(s
; 2) et
son dual.
Une variante du problème étudié ci-dessus consiste à déterminer l'image de
L
dans certains cas où
aA
O
a_B
¥"
0
: On ne considérera que le cas plus simple
où
aA
contient un nombre fini de valeurs propres de
B (pour d'autres situations
cf. Doubinski [3]) : Plus précisément on remplacera l'hypothèse (ii) par la
suivante :
(ii)'
Il existe
\l9.
..
Xk
tels que
pB
D
{X ; |arg X| <
6B
, X
i= Xj ,j
= l,2...k},
(B -
Xiy1
a un pôle simple en chacun des points
X;
et ||(i? -
X/)_1||
<
CB(6)
|X|_1
pour arg X = 0 , |0| <
ÔB
, |X| assez grand. On introduit les projecteurs
P, = -
1/(2*/)
f (B -
Xl)'1
dX
Ì
Jy
où
y*
est une courbe simple d'indice un par rapport à
Xy
et zéro par rapport à
tout autre point de
oB.
Ceci posé on a le
THEOREME
VI. - Sous les hypothèses (i) (ii)' (iii) avec
ÔA
4-
6B
>
n
l'image
de L est le sous-espace de E formé des f tels que
Pff
G
(A +
Xjl)
(DA
) pour
]
= 1, 2,.
..
k. Si de plus
f€DA(s
\p),
il existe u G
DL
(non
unique) solution
de Lu
=
f avec Au, Bu
^DA(s
;
p). Enfin dans le cas hilbertien et si il existe
s > 0 tel que
DA(s
; 2) =
DA*(s
; 2) l'image de L est le sous-espace de E défini
par les conditions
P^/G
(A +
Xjl) (DA)
pour
j
= \,2,
~
. ,k.
En particulier lorsque (A +
Xjl)
est à image fermée pour
/
= \, 2,. . .
k,
l'image de E est fermée.
Pour le cas où l'hypothèse (i) n'est vérifiée que sur un
sous-espace
fermé F de
E cf. [5] (On résoud Lu = /pour /G F seulement).
IL
Applications :
(a) Dans les exemples on aura à déterminer les espaces
DA(s
; p) lorsque
DA
=
WkPtM(Sl)
={u G
Wkp(Sl)
;MjU
=
0 sur bSl J
=
1,.../},
1
<p<+oo0ùft
est un ouvert borné et régulier de
Rn,
M une famille d'opérateurs
Mf
d'ordre
<k
1 et
Wp(£l)
est l'espace de Sobolev usuel d'ordre k relatif à
Lp(£L)
=E
(On renvoie à [13] pour la définition précise de tous les espaces fonctionnels
utilisés dans ce qui suit).
Pour s assez petit
(0 <
s <
i/kp)
il résulte de [14] que
DA(s
;p)
=
Wps(SÏ)
sans hypothèse sur M. Dans [6] [7] on détermine
DA(s
;
p) pour tout s en suppo-
sant que le système M est normal (i.e.
b£l
est non caractéristique pour
Mj
pour
tout
/
et les
Mj
sont tous d'ordres différents ; on notera
mf
l'ordre de
Mj).
THEOREME
VIL
On suppose que le système M est normal et qu'aucun des
opérateurs
Mj
n'est
d'ordre ks
l/p
; on suppose de plus que ks n'est pas entier
lorsque p
iz
2, alors pour 0 < s <
1,
on a
DA(s
;
p) =
WktsM
02)
= | u G
Wkps(to)
;
Mfu
= 0 sur
3fì
,
my
< ks - - j
734 P. GRISVARD
D
10
Plus généralement on a pour 0 < s < 1 et
mf
¥*
ks
l/p
, j =
I,
...
I
DA(s
;
q)={uG
Bp*q
) ;
Mfu
= 0 sur
2
pour
m$
< ks - l/p}
où
Bp*q
désigne l'espace de Besov et on a aussi
DA
(s
;
oo)
=
{u
e
Hks(Sl)
;
Mfu
= 0 sur
b&l
pour
mj<ks
-
l/p}
où
^(Sl)
désigne l'espace de
Nikolski.
On renvoie à [6] [7] pour les autres
cas qui nécessitent l'emploi d'espaces avec poids. Ces résultats sont encore vrais
si on remplace les fonctions numériques par des fonctions à valeurs dans un es-
pace de Banach X.
Récemment Seeley
[16]
a étendu ces résultats au cas de
l'interpolationxomplexe.
(b) On va détailler l'application de la partie I à l'étude du premier problème
aux limites pour l'équation de la chaleur. Les résultats ne seront pas nouveaux
mais serviront à éclairer dans un cas concret la signification des théorèmes abstraits
de la partie I : On pose
ß =
]0J[xfl
où
ß
est un ouvert borné régulier de
Rn
; puis on pose
E
=Lp(Q) ,DA={u
G
Wp>°(Q)
; u = 0 pour t = 0} , Au = - bu/bt
DB=iu
G
Ff£2)
;
u
= 0 sur
]0,
T[
x b
&.}
,
Bu =
Axu
,
où
Wpk(Q)
désigne l'espace des fonctions qui ont leurs dérivées jusqu'à l'ordre
/
par rapport à t G
]0,
T[ et jusqu'à l'ordre k par rapport à x G
£2
dans
Lp(Q).
Alors l'équation Lu = f avec u G
DL
s'explicite comme suit :
I
bu
-
Axu
=f dans Q
bt
u = 0 pour t = 0 et u = 0 sur ]0 , T[ x
3ft
Le théorème III signifie que pour
f€Lp(Q)
ce problème admet une unique so-
lution (faible) u G
H}'2
(Q) (espace de Nikolski) ; ensuite le théorème IV montre
que si de
plus/G Mn2s(Q)
avec 0 < s < \\2p, le problème (1) admet une solution
(forte) u G
Wpli2s¥^(Q),
enfin le théorème V montre que pour /G
L2(Q),
le pro-
blème (1) admet une solution (forte) u G
W22(Q)
: Dans ce dernier cas
(p =?
2)
on a
DA
=iu
G
W1>0(Q)
;u
=
0
pour t = 0}
DA.
=iu
G
W\'°(Q)
;u
=
0
pour t = T)
d'où
DA(s
; 2) =
D^Cs
; 2) =
W\°(Q)
pour
5
< 1/2 ; ce qui donne un exemple
typique où l'hypothèse du théorème V est vérifiée sans que
DA
=
DA*.
On a ainsi retrouvé des résultats classiques de Solonnikov [17], Lions [12].
L'application de ces techniques à la résolution des problèmes mixtes paraboliques
de degré quelconque est développée dans [7]. On résoud de même les problèmes
elliptiques pondérés de
Agmon-Nirenberg
[1] ; dans ce cas l'opérateur A est la
dérivation b/bt dans Q = R x
Q,
donc A est autoadjoint lorsque p = 2.
EQUATIONS OPERATIONNELLES ABSTRAITES
735
(c) Voici à présent un exemple moins classique : L'étude d'un problème aux
limites elliptique dans un cône. Pour simplifier l'exposé, on considérera le problème
le plus simple de ce type : Le problème de Dirichlet pour l'équation de Laplace
dans un
cône
(tronqué) :
12
={x =
reo
; 0 < r < 1,
œ
G G) où G désigne un
ouvert régulier de
S"-1
(la sphère à n
1
dimensions).
On pose naturellement
E =
iu
;
u/r2
G L
p(12)}
, Au = r2
~f
+ (n - 1) r
J1
p
br2 br
(
ou ,
b2u
)
pour u G
D A
=
«
;
w,
r
—-,
r2
-
G E, u = 0 pour
r
=
1
*
(
o/-
br2
)
et
ita =
Au (l'opérateur de Laplace-Beltrami sur
Sn~~l)
pour u
DB
= {u ;
D^u
G E ,
\a\
<
2 et u = 0
pour*
=
reo,
co
G
3G}
.
Le résultat suivant est conséquence directe du théorème VI lorsque p
=
2 (et
plus indirecte lorsque p
#
2) :
THEOREME
VIII. -
On
suppose p > 2n/(n + 2)
a/ora
poi/r
/G
Lp(12),
il existe
u telle que
rM~2
Dau
G
Lp(£l)
pour
|a|
< 2, solution de
Ì
Au
= f dans
12
M
= 0 sur
312
«*
e/
seulement si (f ; v) = 0
pow/*
fowfe
v
feto1
#we
r^Dav
G
Lp<(£l)
solution
de
( Av = 0 dans 12
(3) ( v = 0 dans
312
à condition que soit vérifiée l'hypothèse (v.p.) qui suit :
(v.p.) Les valeurs propres de A avec conditions de Dirichlet sur G sont toutes
différentes de
(n/p1)
(-
-
2\
On est ici dans la situation où
oA
D
a_B
j=
0, cet ensemble contenant un
nombre fini de pôles simples de (B -
X/)"1,
l'opérateur (A +
XI)
étant pour
chacune de ces valeurs injectif et à image fermée. Les fonctions v considérées
dans l'énoncé du théorème VIII forment un espace vectoriel dont la dimension
est le nombre de valeurs propres de A avec condition de Dirichlet sur G qui sont
supérieures à
j (
2 Y Cet espace est donc réduit à 0 (et la condition (v.p.)
p
\p
/
est automatiquement vérifiée) lorsque p = 2 et n > 4 ; en dimension 3, si on ne
considère que des cônes circulaires (i.e. si G est une calotte sphérique) l'espace
des v est réduit à 0 si 12 est convexe ; il en est de même en dimension 2 pour
un secteur convexe. Dans le cas où p < n utilisant un théorème d'immersion,
on voit que si n > p > 2n/(n + 2), alors le problème (2) admet
pour/G
Z,p(!2)
une solution unique u G
W£(Î2)
si et seulement (/ ; v) = 0 pour toute v G
Lp.(l~l)
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