VU DU PONT d`Arthur Miller mise en scène Ivo van Hove création

VU DU PONT
d'Arthur Miller
mise en scène Ivo van Hove
création
Odéon – Théâtre de l’Europe
Direction Luc Bondy
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VU DU PONT
texte Arthur Miller
mise en scène Ivo van Hove
création
10 octobre –
21 novembre 2015
Berthier 17e
traduction française
Daniel Loayza
dramaturge
Bart van den Eynde
cor et lumre
Jan Versweyveld
costumes
An D’Huys
son
Tom Gibbons
collaborateurs artistiques
à la mise en sne
Jeff James
Vincent Huguet
création du décor
Anthony Newton
assistante aux costumes de répétition
Britt Ange
casting
Pascale Béraud
réalisation du décor
Atelier de construction de
l'Odéon-Théâtre de l'Europe
et l’équipe technique de
l’Odéon–Théâtre de l’Europe
37
avec
Nicolas Avinée
Rodolpho
Charles Berling
Eddie
Pierre Berriau
Louis
Frédéric Borie
Le policier
Pauline Cheviller
Catherine
Alain Fromager
L'avocat Alfieri
Laurent Papot
Marco
Caroline Proust
Béatrice
avec le soutien du
Charles Berling et Pauline Cheviller
durée
2 heures
création originale du
Young Vic, Londres,
le 4 avril 2014
(version anglaise)
production
Odéon-Théâtre de
l’Europe
coproduction
Théâtre Liberté – Toulon
avec la participation
artistique du Jeune
théâtre national
la pièce est représentée
par l’agence Drama-
Suzanne Sarquier en
accord avec
l’agence ICM, Buddy
Thomas à New York
représentations avec
audiodescription
dimanche 15 novembre à 15h
mardi 17 novembre à 20h
3319
4 5
Cent mètres
avant le choc
C'est la première fois que vous dirigez des acteurs français dans leur langue.
Quelles sont vos impressions après une semaine de travail ?
Deux semaines, c'est un peu court pour faire des comparaisons avec
la façon dont les comédiens anglo-saxons, allemands, belges ou
hollandais abordent les répétitions. Ce qui est sûr, c'est que notre tra-
vail est une collaboration, comme toujours au théâtre. J'ai des idées, des
intuitions, certaines préférences en matière de style de jeu. J'apporte
certains éléments, les comédiens en apportent d'autres, et nos propo-
sitions font l'aller-retour entre nous. Jusqu'ici, je n'ai pas constaté de
différence d'approche, mais il me reste beaucoup à découvrir. Plutôt
que de réciter des clichés sans intérêt sur les techniques des uns et des
autres, je préfère observer ! En tout cas, tout le monde est content, je
crois, parce que tout le monde a quelque chose à jouer. Tous les rôles
sont forts. En particulier ceux des femmes, que Miller a beaucoup déve-
loppés dans la deuxième version de Vu du pont.
La langue française ne constitue pas un obstacle ?
Non. Je parle suffisamment le français pour me faire comprendre des
acteurs, et je le comprends beaucoup mieux que je ne le parle. Et puis
la pièce n'est pas fondamentalement verbale. Le langage comme tel n'a
pas l'importance qu'il a chez Molière ou Racine. Cela tient en partie
au milieu social dans lequel se déroule cette histoire. Les personnages
sont des gens simples, ordinaires, peu instruits. Leurs vies se déroulent
dans l'intimité de leurs pensées, sur un plan émotionnel qui ne trouve
pas forcément d'expression verbale. Leurs phrases sont courtes. Parfois,
les mots manquent à Eddie, par exemple quand il cherche à se faire
comprendre de l'avocat Alfieri.
Dans quel esprit abordez-vous cette reprise d'une mise en scène créée à
Londres avec des interprètes anglais ?
Reprendre une mise en scène avec d'autres interprètes, ce n'est peut-
être pas si fréquent, mais cela arrive de plus en plus. À Berthier, récem-
ment, Luc Bondy a par exemple refait la version française du Tart uf fe
qu'il avait créé à Vienne en langue allemande. Et moi-même, j'avais
Propos recueillis par
Daniel Loayza
Paris, 25 septembre 2015
Caroline Proust
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d'abord présenté une version américaine du Misanthrope, que j'ai
ensuite reprise avec Lars Eidinger dans le rôle-titre à Berlin. Mais ,
j'avais changé toute la section centrale. Pour Vu du pont, la mise en
scène et la scénographie n'ont pas bougé par rapport à la création lon-
donienne. Évidemment, quand vous changez d'acteurs, vous changez
de spectacle. Mark Strong, l'Eddie de Londres, est toujours distribué au
cinéma dans des rôles de méchant... Charles Berling apporte d'autres
couleurs, qui apportent d'excellentes possibilités pour le rôle. Mais ces
nuances s'inscriront dans un cadre ni. Si la reprise est exacte, c'est
que notre travail à Londres était très précis, presque comme du théâtre
Nô. Il m'arrive de faire des spectacles dans un esprit free jazz, mais ici,
la partition scénique est extrêmement réglée. Toutes les notes qu'elle
contient sont pour une raison précise. Ce qui reflète la façon dont la
pièce est écrite : chacune des répliques est motivée, chacune prépare
quelque chose. Il n'y a quasiment rien à couper. Bien sûr, si j'abordais
à nouveau Vu du pont dans dix ans, peut-être que je modifierais cer-
tains points. Mais dix-huit mois à peine après la création, même si
cette période a été bien remplie pour moi, ma conception de la pièce n'a
pas chan. Le plaisir que j'éprouve à la travailler n'est plus celui de la
découverte, mais de la familiarité : je rentre en quelque sorte chez moi
après être parti en voyage. Je connais les lieux, je retrouve des détails. Et
cela ne s'arrêtera pas là. Après avoir présenté Vu du pont à Londres puis à
Paris, comme l'avait fait Peter Brook lors de la création mondiale, je vais
partir répéter une version américaine à Broadway, avec à peu près la
même distribution qu'à Londres, à l'occasion du centenaire de la nais-
sance de Miller. Elle jouera en même temps que la version française.
Comment en êtes-vous venu à monter cette pièce ?
Il y a cinq ou six ans, j'avais mis en scène une version théâtrale d'un
très beau scénario de cinéma, Rocco et ses frères, de Visconti. Il y est aussi
question de l'immigration italienne, non pas d'un pays à l'autre, mais
du Mezzogiorno vers Milan. L'idée était née de proposer un double
programme, en alternance avec Vu du pont. Le projet s'est malheureu-
sement avéré trop compliqué à organiser, mais quelque temps aps,
quand on m'a invité à monter un premier projet à Londres, Vu du pont
a refait surface. Cela dit, au début, je ntais pas très enthousiaste. En
diptyque avec Visconti, cela avait un sens, mais sinon, pourquoi cette
pièce-là plutôt qu'une autre ? Je dis souvent que je ne suis pas à louer :
je ne veux pas passer ma vie à faire ce que d'autres gens me demandent
de faire. Ce que je veux, c'est faire ce que j'aime, moi – et j'en souhaite
autant à tout le monde, même si ce n'est pas facile. Donc, je me méfie
devant ce genre de propositions. En plus, je me souvenais du person-
nage d'Alfieri, et personnellement, au théâtre, je n'aime pas les nar-
rateurs, qui me disent ce que je dois penser, à quoi faire attention...
Charles Berling et Pauline Cheviller
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En tant qu'artiste, si je me laisse dicter des points de vue, c'est le but
de la n. Mais Jan Versweyveld, mon scénographe, était enthousiaste,
et il a insisté : «Penses-y, tu as vraiment quelque chose à faire avec cette
pièce». Alors je l'ai relue. Et j'ai couvert que le malentendu était total,
que l'intrigue est superbe, compliquée, ambiguë, ts loin de mes vieux
préjugés sur Miller. Je croyais qu'il n'était pas un auteur pour moi. Je
voyais en lui un écrivain «politiquement correct» – un dramaturge
opposant toujours le bien et le mal, et vous disant toujours clairement
dans quel camp se range tel ou tel personnage. Je dois dire que je me
trompais complètement.
Qu'est-ce qui a modifié votre regard sur l'œuvre ?
Je ne sais pas. Parfois il se passe des choses étranges. J'ai créé la pièce au
Young Vic, elle est passée au West End, j'ai donje ne sais combien
d'interviews et c'est seulement plusieurs mois plus tard que j'ai ni
par faire le rapprochement avec mes propres origines. Je viens d'un
minuscule village en Belgique, deux mille habitants à peine. D'un
côté de la rue, il y avait des Flamands, surtout des paysans. Et en face,
l'autre moitié de la population, c'était une communauté d'immigrants
italiens. Quelque part en moi, cela a rester enfoui. Pourtant,
quand j'ai relu la pièce, je n'ai pas fait le rapport. Cela a dû jouer un
rôle, mais à mon insu. Cela dit, j'aime toujours au théâtre que la don
-
née dramatique permette d'aborder une petite société bien définie,
et en même temps, qu'elle puisse avoir une résonance universelle,
sans se réduire à illustrer une donnée trop spécifique. Vu du pont
nous montre un milieu d'immigrants italiens. Comment échappe-
t-on à la pauvreté ? Marco a quitson pays pour des raisons uni-
quement économiques. Tout ce qu'il veut, c'est gagner de l'argent
pour sa famille, qu'il veut rejoindre dès que possible. Rodolpho, lui,
affirme très vite son désir de devenir Américain. Leurs motifs et
leurs stratégies, leurs visions de l'avenir sont difrents, voire oppo
-
sés. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'au sein de leur famille, et
dans le quartier, les immigrants reconstituent leur société d'origine,
avec les mêmes règles d'omer et de vendetta. Miller n'impose pas
un point de vue simple. Il nous montre les possibilités et les impos-
sibilités, les tensions d'une certaine situation humaine probléma-
tique. Et comme toujours chez lui, le social et l'intime se recoupent.
Le désir, la sexualité, ont des conséquences au-delà du cercle fami-
lial. Je vais mettre prochainement en scène Les Sorcières de Salem à
Broadway, et on y retrouve un motif du même ordre : Proctor a com-
mis l'adultère une fois dans sa vie, et cette faute, dont il s'est expli-
qué avec sa femme, est l'une des causes de sa perte. J'aime beaucoup
cette façon qu'a Miller de connecter l'histoire des individus à celle
de leur communauté.
Pauline Cheviller et Nicolas Avinée
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