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Notre travail part du constat suivant : les firmes sont de plus en plus nombreuses à
expliciter et à affirmer publiquement leur «éthique» à travers différents types de documents, à
investir des hommes et des moyens dans la réflexion et l'action concernant cette dimension.
Nous souhaitons centrer nos travaux sur ce concept de formalisation éthique.
La formalisation éthique consiste à poser explicitement, par écrit, les idéaux, valeurs,
principes et prescriptions de l’entreprise. Elle prend donc l’aspect d’un document de référence
rédigé par l’entreprise énonçant ses valeurs et comportant une dimension éthique.
Une telle préoccupation éthique semble d'autant plus urgente que le climat dans lequel se
déroulent les activités économiques et industrielles est empoisonné par la multiplication
d'affaires mettant en cause de grandes entreprises occidentales. D'après Etzioni1 (1986), les
deux tiers des 500 plus grandes firmes américaines ont été impliquées, à différents degrés,
dans une forme de comportement illégal durant la période 1976-1986.
La France qui n'est pourtant pas épargnée par cette montée de la corruption et des pratiques
illégales est certainement le pays occidental le plus attardé en matière de formalisation de
l’éthique. Toutefois, les nombreuses interrogations et incertitudes soulevées à ce sujet
témoignent de la vitalité de la réflexion qui lui est consacrée :
- l'éthique est-elle un élément supplémentaire de notoriété pour les entreprises et leurs
dirigeants qui se décernent un certificat de bonne conduite ?
- est-elle plutôt à usage interne pour créer un consensus social entre tous ceux qui travaillent
dans l'entreprise : support actif d'identification, de cohésion, de culture, par les valeurs qu'elle
propose ?
- peut-on, en outre, parler de la gestion de l'éthique, comme le fait Bergmann (1989, p. 1121)
indiquant par là que celle-ci est un instrument au service de l'entreprise ?
Ainsi, la prise en compte de la réflexion éthique dans l'entreprise suscite un débat
idéologique d’une telle ampleur que nous sommes incités à formuler plusieurs questions
fondamentales : comment se manifeste-t-elle, en France et à l'étranger, faut-il recourir ou non
à la publication des principes éthiques fondamentaux d'une entreprise, l'éthique d'entreprise
peut-elle se réduire à des codes, quelle utilité les dirigeants espèrent-ils tirer de la rédaction de
tels documents ? En d'autres termes, les outils mis en place actuellement constituent-ils une
bonne réponse à une vraie question ?
1 Cité par Saul W. GELLERMAN : "Why "good" managers make bad ethical choices", Harvard Business
Review, July-August 1986, p. 9.