De l`espace vers la Terre Les météorites : de bien étranges pierres

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De l’espace vers la Terre Comment classe­t­on les météorites ? Les météorites : de bien étranges pierres tombées du ciel La chute de pierres venues du ciel ne passe pas inaperçue. C’est d’abord une traînée lumineuse qui s’estompe dans les couches denses de l’atmosphère pour faire place à une traînée blanchâtre de vapeur d’eau accompagnée de bruits d’explosion dus à l’onde de choc située en avant du bolide. À ces coups de canon succède une sorte de sifflement lié au passage des différents fragments dans l’air et enfin l’impact au sol plus ou moins tonitruant. Même avant de bien comprendre leur formation, les savants avaient commencé à classer les météorites en se basant sur leurs compositions minérales et les textures des minéraux. ­ Les chondrites sont formées de petites billes plus ou moins déformées (les chondres) agrégées les unes aux autres. On y trouve plusieurs types. Les « chondrites ordinaires » (près de 80% des chondrites) sont surtout constituées de péridot (olivine), de pyroxène, de feldspath et de fer. ­ Les chondrites carbonées forment un groupe de chondrites un peu à part. Elles contiennent du feldspath et des molécules carbonées. Elles contiennent très peu ou pas de fer. ­ Les rares achondrites n’ont pas de chondres ; leur texture et leur composition témoignent du refroidissement d’un liquide rocheux (un magma). Elles sont pauvres en fer. ­ Les sidérites (météorites métalliques) sont constituées de fer surtout et de nickel (entre 5% et 35%). L’attaque à l’acide nitrique d’une face polie d’une octaédrite révèle des bandes dues à un refroidissement très lent : les figures de Widmanstätten. ­ Les rares pallasites sont les représentants les plus spectaculaires du groupe des sidérolithes. Ces météorites sont composées de parties pierreuses et de parties métalliques bien séparées. Les pallasites ont des grains cristallisés de péridot disséminés dans la matrice de ferro­nickel. D’où viennent­elles ? Dans l’Antiquité, on imaginait que ces pierres avaient une origine surnaturelle, qu’elles venaient du domaine des Dieux. Au Moyen­ Age, en Europe, on y voyait une conséquence des orages et de la foudre. Au 18 e siècle, plusieurs savants sont partisans d’une origine extraterrestre, mais il faudra attendre la pluie de météorites de l’Aigle (Orne, France) en 1803 et le rapport qu’en fit le grand physicien Jean­Baptiste Biot pour que l’on admette définitivement cette origine. Durant le 19 e siècle, on pense qu’elles viennent de la Lune. Au 20 e siècle, on s’attache à calculer leur trajectoire ; malheureusement les informations données par les rares témoins sont à ce point imprécises qu’il est impossible de savoir si les météorites viennent du système solaire ou non. La question est tranchée en 1959. Il y a alors en Tchécoslovaquie une batterie circulaire de caméras braquées sur le ciel afin d’observer les trajectoires des satellites artificiels. Le 7 avril de cette année­là, à 19h 30, une météorite tombe à Pribram. La traînée lumineuse est enregistrée par des caméras. La trajectoire est calculée. Son origine est la ceinture principale d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter. Par la suite les météorites de Lost City (USA, 1970) et Innisfree (Canada, 1977) confirment cette origine. La ceinture principale d’astéroïdes En 1760, Titius von Wittemberg observe que la position des planètes connues est représentée par une formule empirique. Cette formule a d’autant plus de succès qu’elle indique la position d’Uranus, découverte quelques années plus tard. Il manque pourtant une planète entre Mars et Jupiter. Bode émet l’idée qu’il y avait bien eu une planète mais qu’elle a explosé. En 1801 l’Italien Piazzi découvre un tout petit objet planétaire, Cérès, à la distance prévue. Par la suite, d’autres petits objets sont détectés. On en compte aujourd’hui plus de 30000 : ils forment la ceinture d’astéroïdes. L’idée de Bode a été rejetée dès qu’il fut établi qu’aucune planète ne pouvait s’y former en raison des importantes perturbations gravitationnelles induites par Jupiter. Les astéroïdes sont pour ainsi dire des « planètes avortées ». Quels astéroïdes pour quelles météorites ? Les astéroïdes sont classés à partir d’observations (à distance) de la lumière solaire qu’ils renvoient. La classification fait apparaître différents types, auxquels on cherche à associer des météorites. ­ Le type C, pour carboné, représente près de 75% des astéroïdes connus ; on les détecte plutôt dans la partie externe de la ceinture principale. Ces astéroïdes ont peu évolué depuis la formation du système solaire. Ils sont probablement similaires aux chondrites carbonées, les météorites les plus primitives. Elles contiennent très peu ou pas de fer et ont pu apporter sur Terre les molécules carbonées qui sont à l’origine de la vie. Nous présentons entre autres plus de 7 kg de la météorite d’Allende et 590 g de la météorite de Murchison (tombée en 1969 en Australie) qui contient plus de 30 acides aminés d’origine extraterrestre. ­ Le type S, S pour silice ou stony (pierreux) inclut environ 17% des astéroïdes. Ils sont brillants et riches en métal. Ils pourraient être à l’origine des sidérolites (dont font partie les pallasites). ­ Le type M, pour métallique, inclut des astéroïdes de composition mal connue. Ils seraient à l’origine des météorites métalliques. Nous présentons entre autres, un fragment de 28 kg provenant de la chute de Sikhote­Alin tombée en Russie en février 1947 et un fragment de 39 kg de la météorite de Canyon Diablo (USA). Comment se forment les météorites ? Les chondrites et l’accrétion À son origine (4,6 milliards d’années), le système solaire est un nuage d’hydrogène et d’hélium enrichi par les éléments plus lourds éjectés par des étoiles mourantes. Le nuage se contracte : le soleil naît dans la région centrale ; à son voisinage très chaud, silicates et fer s’agglomèrent pour former des chondres qui engendreront des chondrites. Plus loin, des corps chimiques plus volatils s’agrègent aux objets, sous formes gazeuse, liquide ou solide. Les achondrites et la différentiation Le diamètre des corps parents des chondrites est limité à quelques centaines de km. Au­delà la radioactivité et la gravitation les échauffent ; les chondres disparaissent, le fer migre au centre et les silicates à la périphérie. Peu à peu, une planète se forme. La fragmentation et l’impactisme Les collisions entre objets célestes sont des événements fréquents à l’échelle de l’histoire du système solaire. Un impact peut briser et expulser des fragments. Certains arrivent sur Terre sous forme de météorites. La question qui se pose alors est de trouver quels sont leurs corps célestes parents. ­ Le type E, pour enstatite (un silicate de magnésium) est associé aux achondrites à enstatite. Les aubrites sont de ce type. Nous en présentons trois : Cumberland­ Fall, Pena Blanca et Mont Egerton (riche en fer). ­ Le type Q est caractérisé par un spectre proche de celui des chondrites ordinaires, ce qui permet de supposer que ces astéroïdes sont abondants. A ce jour, pourtant, on en n’a détecté que quelques­uns. Parmi les chondrites présentées, il y a : un fragment de la météorite de Valera, tombée en 1972, célèbre pour avoir tué une vache et un fragment de la météorite de Lost City, tombée en 1970, dont la trajectoire de chute a permis de confirmer qu’elle provient de la ceinture principale des astéroïdes. ­ Le type V correspond à Vesta (l’un des plus gros astéroïdes de la ceinture principale) et à ses fragments. On pense que les achondrites HED (howardites, eucrites, diogénites) proviennent de 4 Vesta* qui a dû subir un impact très violent il y a moins d’un milliard d’années. * : le numéro devant Vesta est celui du classement des astéroïdes selon leur taille (Vesta est le 4 e plus gros astéroïde).
De la Terre vers l’Espace Les météorites nous sont venues de l’espace. Leur étude permet de mieux appréhender la formation de notre système solaire. Pour aller plus avant, il nous faut aller dans l’espace et découvrir in situ les objets du système solaire. Une première phase d’exploration a été celle des planètes. Plus récemment l’attention s’est tournée vers les petits objets et en particulier les astéroïdes. Certains appartiennent à la ceinture principale. D’autres peuvent avoir des orbites assez proches de celle de la Terre et la menacent : ce sont les géocroiseurs ou ECA (pour Earth­Crossing Asteroids). Les explorations spatiales Les premières images rapprochées d’un astéroïde sont obtenues avec Galileo, un véhicule spatial américain qui, avant d’atteindre Jupiter en 1995, survole et étudie deux astéroïdes de type S, 951 Gaspra (1991) et 243 Ida (1993). L’observation de ce dernier a permis de découvrir Dactyl, le premier satellite d’un astéroïde, et de déterminer la densité (2,7) d’Ida. En 1996, la Nasa lance NEAR­Shoemaker la première sonde exclusivement consacrée aux astéroïdes. En 1997, elle survole 253 Mathilde (type C). Le 14 février 2000, jour de la Saint­Valentin, la sonde a rendez­vous avec le petit géocroiseur 433 Eros (type S). Elle se met en orbite, en fait la cartographie et tombe en douceur sur l’astéroïde le 12 février 2001, avant d’envoyer son dernier signal à la fin février. En mai 2003, l’agence japonaise JAXA lance la sonde Hayabusa en destination d’un tout petit géocroiseur 25143 Itokowa (type S). L’idée est qu’un petit objet n’a pas dû beaucoup évoluer depuis la formation du système solaire. La sonde reste à son voisinage entre 2005 et 2007, en tentant de collecter des échantillons, avant de repartir vers la Terre avec peut­être des précieuses particules solides. Le retour est prévu pour 2010. La sonde européenne Rosetta a pour mission de survoler deux astéroïdes. En septembre 2008, elle est passée à 800 km de 2867 Steins (type E). En 2010, elle survolera un gros astéroïde 21 Lutetia (type M ou C). En 2014, elle rejoindra la comète Churyumov­Gerasimenko, afin de la suivre pendant au moins deux ans et de déposer pour la première fois un module d’analyse à la surface d’un noyau cométaire. L’aventure continue avec la mission Dawn lancée en 2007, par la NASA, à destination de deux gros astéroïdes de la ceinture principale, 1 Cérès et 4 Vesta. Le premier rendez­vous est prévu pour 2011­12 avec Vesta, suivi de celui avec Cérès en 2015. Ces missions vont permettre de mieux affiner la relation astéroïdes­météorites. L’exploration des planètes avait, quant à elle, permis de trouver l’origine de rarissimes météorites. Les météorites lunaires et martiennes De la Terre à la Lune : la mission Apollo et les sondes Luna Le 12 avril 1961, les Soviétiques réalisent le premier vol spatial humain. En pleine guerre froide, le président Kennedy réagit : des astronautes iront sur la Lune. Le programme Apollo est lancé. Le 21 juillet 1969 (Apollo 11), Neil Armstrong pose son pied (gauche) sur la Lune. Les missions 14 à 17 (1971­72) rapportent 382 kg de roches. Les sondes soviétiques LUNA 16, 20 et 24 (1970­72­76) n’en récoltent, quant à elles, que 300g. Les météorites lunaires En 1982, on récolte en Antarctique une météorite bizarre ; c’est une brèche, formée d’un mélange silicaté de grains fins anguleux qui n’avait jamais été trouvé dans une météorite, mais qui était connu dans les roches lunaires. L’analyse confirme que ses formations minérales, ses taux d’isotopes sont similaires à ceux des roches lunaires. Aujourd’hui, on connaît environ quarante météorites d’origine lunaire. Comment sont­elles venues sur Terre ? Leur présence sur Terre est attribuée à des fragments éjectés de la Lune après un impact. Les nombreux cratères à la surface lunaire sont les stigmates du bombardement météoritique. Lors d’un impact, une partie de la matière éjectée peut retomber ou bien échapper à son attraction et être attirée par la Terre ou le Soleil. Le transfert de la Lune à la Terre est parfois long, jusqu’à plusieurs millions d’années. De Mars à la Terre Les très rares SNC (pour Shergotty, 1865, Inde ; Nakhla 1911, Égypte, et Chassigny, 1815, Haute­Marne, France) forment des météorites à part. Ce sont des basaltes, des pyroxénites, des dunites,… d’origine volcanique. Elles ne proviennent ni d’un astéroïde, ni de la Lune ou de Mercure car leur volcanisme s’est éteint depuis bien trop longtemps. Les autres candidats sont Vénus, Io et Mars. Vénus est exclue à cause de sa forte gravité, Io à cause de la gravité de Jupiter. Il ne reste que Mars. Cette origine a été confirmée avec l’analyse des gaz (martiens) contenus dans la shergottite EETA 79001. Coordinateurs : Pr Anny­Chantal Levasseur­Regourd, UPMC/LATMOS Dr Alain Carion, Galerie Alain Carion, Pr Michel Cabane, UPMC/LATMOS Dr Jean­Claude Boulliard, UPMC/IMPMC Collection des Minéraux de l’Université Pierre et Marie Curie Case courrier 73, 4 place Jussieu, 75252Paris cedex05 tel :01 44 27 52 88 www.impmc.jussieu.fr/impmc/collection ou www.impmc.jussieu.fr/impmc/AMIS La météorite qui fâche La météorite de Tafassasset (Niger, 14­02­2000) est une énigme. Est­elle une chondrite carbonée très transformée ? Est­ elle une achondrite primitive ? Est­elle le chaînon manquant entre chondrites et achondrites ? Ou bien… vient­elle de Mercure ?!! IMPMC : Institut de Minéralogie et de Physique des Milieux Condensés LATMOS : Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales UPMC : Université Pierre et Marie Curie Associés au CNRS Photographies : avec l’aimable autorisation de Nasa/JPL­Caltech
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