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Au cœur de l’exposition :
les archives familiales
En 2005, le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme reprend l’exposition Les juifs dans la Grande Guerre
organisée en 2002 par l'Historial de la Grande Guerre à Péronne sous le titre Juifs de France dans la
Grande Guerre et insiste sur les destins individuels. Le recours aux archives familiales s’avéra
essentiel pour évoquer de manière intime les combattants juifs français et étrangers dans la Grande
Guerre, leurs familles et le sort réservé aux anciens combattants sous l’occupation allemande pendant
la Seconde Guerre mondiale. L’année suivante, l’exposition Alfred Dreyfus, le combat pour la justice
est construite à partir des archives familiales données au MAHJ en 1997 par les descendants d’Alfred
et Lucie Dreyfus. Enfin, en 2009, grâce au prêt généreux du musée Nissim-de-Camondo (Paris),
l’exposition La Splendeur des Camondo fait connaître au grand public les archives de la famille
Camondo. Ces trois expositions ont établi le rôle fondamental de l’archive familiale, non comme une
illustration mais comme source, dans la reconstitution de moments ayant marqué durablement la vie
et la conscience des juifs de France, d’Europe et du Maghreb […].
[…] Organiser une exposition sur les juifs d’Algérie s’est avéré une entreprise plus ardue qu’on ne
pouvait l’anticiper. En 2011, le musée a lancé un appel à la participation au projet Juifs d’Algérie et à
la collecte d’archives en vue de constituer un fonds sur le sujet. Ayant bénéficié de dons généreux
touchant diverses familles et thèmes, le MAHJ a reçu dès 2006 le don de Pierre Zermati puis en juillet
2011 celui de Jean-Claude Lalou. Depuis, plus d’une centaine de familles et quelques associations
cultuelles nous ont ouvert leurs archives et donné leurs témoignages. Malheureusement, les moyens
et le temps manquent pour mettre en œuvre une collecte de témoignages audiovisuels destinés à
l’exposition. Mais cela pourra être poursuivi ultérieurement pour compléter le fonds numérique qui sera
mis en ligne sur le site du MAHJ comme l’a été le fonds Dreyfus en 2006.
La majorité des documents recueillis datent d’une période allant de la fin du XIX
e
jusqu’à 1962 et
consistent en photographies, portraits peints, papiers familiaux et administratifs, et objets. Les
périodes antérieures sont d’un abord plus difficile et les archives des consulats de France à Alger,
Oran et Bône (aux ANOM à Aix-en-Provence) ont été fort utiles pour évoquer par exemple la part prise
par les juifs dans le commerce méditerranéen. Rassembler des judaica (objets de culte), qui jouent un
rôle important pour montrer la diversité des communautés, des styles esthétiques et des liturgies,
permet d’évoquer une profession exercée en majorité par des juifs, l’orfèvrerie, qui a produit une série
d’objets en tous points remarquables, tels les rimmonim (ornements de bâtons de torah) de la
collection du MAHJ mais aussi l’ensemble des judaica constantinoises appartenant au Wolfson
Museum of Jewish Art du Heichal Shlomo ou les magnifiques objets composant la collection du Musée
d’Israël à Jérusalem.
Soucieux de transmettre leur patrimoine juif ou familial à la postérité, nombre de juifs d’Algérie ont
choisi le MAHJ pour être le garant d’une (nouvelle) forme de continuité de la mémoire, collective et
familiale, et de la transmission. Citons ici l’exemple du manuscrit Duran offert au musée en 2002 par
l’ensemble des membres de la famille Durand, descendants de Rabbi Simon ben Tsemah Duran,
précieux
ouvrage conservé et transmis de génération en génération depuis le XV
e
siècle
[…]
.
Extraits de l’essai pour le catalogue Garder la mémoire, montrer l’histoire. Sur les traces du judaïsme
d’Algérie, d’Anne Hélène Hoog, commissaire de l’exposition