2- L’As de Trèfle 3/2014
ci-dessous (Plaidoyer pour de petits départements),
cela ne les empêchera pas de dissocier les villes et les
campagnes. Nous aurons partout des assemblées
pléthoriques et des espaces étriqués, incapables
d’hériter des actuelles responsabilités
départementales, lesquelles viendront encombrer les
régions. Transfert à leur profit des collèges, des
routes, des transports scolaires, tout est dans le projet
de loi. Il n’y avait pas besoin de grandes régions pour
cela. Après une parenthèse bien imparfaite, l’on en
revient à la centralisation, jadis parisienne, régionale
demain.
La France avec ses 65 millions d’habitants compte 350
sénateurs et 577 députés, total 927. Les Etats-Unis
avec leurs 300 millions d'habitants comptent 100
sénateurs et 435 représentants, total 535. La Russie
ne compterait qu’une centaine de députés. Nous
sommes bien la nation des assemblées mirifiques. Or
apparemment tout est en place pour obtenir la même
chose dans nos grandes régions et nos
intercommunalités. Les assemblées régionales et
locales pourront friser les 300 élus dont 50 vice-
présidents. Le Grand Londres, lui, n’a que 25 élus. Le
but n’étant pas en France de déconsidérer totalement
les régions et les intercommunalités, que cherche
notre législateur ? S’agirait-il seulement de nier qu’il
puisse y avoir tutelle d’une collectivité sur une autre,
toutes les communes étant présentes dans les
intercommunalités et toutes les intercommunalités
dans les régions de demain ? Si tel est le cas, il faut
enlever au plus vite de la Constitution ce refus de toute
tutelle.
Question finale : que deviendra notre territoire en cas
d’effondrement toujours possible du pouvoir central ?
C’est cette question qui a décidé De Gaulle en mai
1968 à proposer quelques mois après une vraie
régionalisation aux Français. La résilience, c’est de
pouvoir passer de l’automobile au vélo. Le moins que
l’on puisse dire, avec les projets actuels mettant sur
les routes des milliers d’élus régionaux pour s’occuper
des collèges ou des transports scolaires, c’est qu’on
n’en prend guère le chemin. Saurons-nous un jour, à
titre posthume, donner raison à l’homme qu’en 1969
nous avons renvoyé dans ses foyers ?
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PLAIDOYER POUR DE PETITS DEPARTEMENTS
Ouest-France 20 mai 2014
Oui aux grandes régions, seules aptes à équilibrer une
Ile-de-France ayant satellisé de fait les régions
voisines. Mais non à la suppression des départements
au profit des intercommunalités. Ce sont les
départements qu’il faut valoriser, en les rapprochant
des citoyens et en laissant à l’intercommunalité rurale
son rôle de coopération fraternelle entre communes
voisines.
La nouvelle carte intercommunale annoncée par
Manuel Valls sera fondée sur les bassins de vie. Ceux-
ci devront inclure, pour éviter que la région (conseil
régional) ne s’encombre des services de proximité, les
lycées, hôpitaux, tribunaux d’instance, la gestion du
réseau routier emprunté par les navettes domicile-
travail et celle du parc de logement permettant la
mobilité résidentielle. Centrés le plus souvent sur une
préfecture ou une sous-préfecture, il faudra à ces
bassins regrouper souvent 100 ou 200 communes.
C’est hors de portée de l’intercommunalité. Limitée à
58 communes sur les 288 du département et les 514
de l’aire urbaine, l’assemblée du Grand Lyon compte
déjà 155 membres, dont quarante vice-présidents. Le
Grand Londres, lui, c’est vingt-cinq élus.
Recouvrement rendu possible des bassins de vie,
modestie des assemblées, respect des liens de
voisinage entre communes : trois bonnes raisons pour
amener de petits départements, et non une
intercommunalité bouffie, à constituer le futur échelon
idéalement situé entre la commune et la Région.
En 1964, 202 bassins d’équipements collectifs
dépassant le plus souvent les 100.000 habitants furent
dessinés en France à l’initiative du Commissariat au
Plan. Ils furent vite oubliés mais inspirèrent, en 1971,
le Comité d’Etudes et de Liaison des Intérêts Bretons.
Quinze pays venaient prendre le relai des cinq
départements bretons. C’est dans cette voie qu’il faut
avancer.
Baptisé bassin, pays, district ou petit département, le
nouvel échelon serait amené à jouer un rôle majeur
dans notre vie quotidienne. Sa carte devra être
contrôlée par la région. Ne perdons pas de vue, en
effet, qu’associée aux moyens budgétaires alloués,
elle commanderait l’armature urbaine de notre pays.
De nouveaux bassins devront pouvoir être promus
entre deux agglomérations souffrant d’une croissance
trop rapide. A l’inverse de petits bassins pourront
gagner à s’agréger face à de puissants bassins
tendant à concentrer la croissance.
Bien dimensionné, le nouvel échelon pourrait répondre
à de multiples fins :
-Simplification: la nouvelle institution réunira les
compétences des agglomérations et des
départements. Un échelon de moins.
- Légèreté: les nouvelles assemblées départementales
pourront ne compter qu’une vingtaine de membres.
- Moindre engorgement des Régions et vraie
démocratie locale : l’ensemble des équipements
collectifs concernant la population pourra être du
ressort des nouveaux départements.
Meilleur équilibre territorial : les sous-préfectures
érigées en chefs-lieux cesseront d’être marginalisées
comme aujourd'hui.
Quatre heureuses perspectives à expérimenter au plus
tôt.
Loeiz Laurent, 2014
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Chargé de 1993 à 2000 d’une mission nationale
d’étude des solidarités territoriales,auteur de Petits
départements et grandes régions, proximité et
stratégies, L’Harmattan, 2011