PHILOSOPHIE GRECQUE /CHA & D : 26/06/2008/ 4
2. LES PHILOSOPHES "IONIENS"
Originaires des colonies ioniennes d'Asie, sur la mer Égée, ces penseurs du 6ème et du
5ème siècles sont d'abord des hommes de science: THALÈS de Milet (début du 6ème siècle)2 et
ANAXIMÈNE de Milet (milieu du 6ème) sont astronomes, ANAXIMANDRE de Milet (vers 575)
géographe et horloger, en même temps qu'homme politique (il fut oekiste d'une colonie). Ils se
préoccupent du fonctionnement de l'univers (ANAXIMANDRE et ANAXIMÈNE ont écrit
chacun un Πε
ΠεΠε
Περ φύ
ρ φύρ φύ
ρ φύσεως
σεωςσεως
σεως), d'où le nom de Physiologues qu'on leur donne également.
S'interrogeant sur le devenir que l'on observe dans la nature, ils enseignent que le
monde est issu naturellement d'un Principe matériel unique, et que cette matière est vivante
(d'où le nom d'HYLOZOÏSME par lequel on désigne cette doctrine) et, ajoutent certains
fragments, intelligente et divine. Le principe premier est l'eau, selon THALÈS, l'air selon
ANAXIMÈNE et DIOGÈNE d'Apollonie (5ème), le feu selon HÉRACLITE d'Éphèse (vers 500).
Mais ANAXIMANDRE, disciple et associé de Thalès, appelle déjà ce premier principe
(
ρχη
ρχηρχη
ρχή) l' “illimité” (τ
τ τ
τ α
αα
απειρον
πειρονπειρον
πειρον)3 et conçoit l'opposition de la limite et de l'illimité. Il affirme
que l' απειρον n'a pas de principe, car il serait alors limité; il est inengendré et incorruptible;
source de tout, il n'a pas pu commencer d'exister, il est l'existence éternelle; une telle
existence éternelle est exigée par toutes les existences éphémères; si tout a dû commencer,
rien n'a pu commencer; il faut donc au moins un éternel.
“Le principe premier par lequel le monde commence ne peut être identique
à l'une des substances. Il doit être capable de donner sans cesse naissance à
l'immense multitude des substances. À ce double titre, le principe doit être
sans limites qualitatives ou quantitatives.”
Dès Anaximène, on voit apparaître l'opinion que les éléments se transforment les uns
dans les autres par dilatation et par condensation. HÉRACLITE surtout conçoit le monde
comme une constante lutte de principes contraires, comme une unité de principes opposés
(“le combat entre les contraires est le père de toute chose”), donc comme un DEVENIR
perpétuel venant du feu “intelligent et vivant” et y retournant. Pour lui, frappé par le
changement, par les transformations du monde, il n'y a de réel que le changement: πάντα ε,
πάντα χωρε, κα οδν µένει.
Par ailleurs THALÈS considère l'âme comme le moteur de l'univers, HÉRACLITE le
λόγος
ςς
ς.
2 Les dates des premiers philosophes sont le plus souvent inconnues. La seule date que l'on donne indique
traditionnellement l'époque de leur κµή (ou floruit), c'est-à-dire de leur plus grande activité. Les Anciens
la situaient généralement à 40 ans.
3 que l'on traduit parfois par l' “infini indéterminé”; mais pour les Anciens, l'infini n'est pas une qualité. Il vaut
donc mieux traduire par “l'indéfini sans limites”.