Analyse
24 IADH In° 717 Novembre 2012
L’éthique,telle qu’elle est caractérisée dans sa
dénition, est une « science qui traite des principes
régulateurs de l’action et de la conduite morale.
Pour afner,onpourrait dire que l’éthique correspond à
un ensemble de règles morales et pratiques s’appliquant à
un milieu humain, et ayant pour but d’exposer àceux qui y
vivent la façon de se comporter,d’agir ou d’être (entre eux
et envers leur environnement). Pour simplier,l’éthique
vise àrépondre àlaquestion Comment agir au mieux .
Il existe différentes formes d’éthique,que l’on
peut distinguer par leur champ d’application
(l’environnement, la médecine,l’informatique ou l’activité
opérationnelle pour les sapeurs-pompiers par exemple)
ou par leur fondement culturel (religion, traditions...).
Mais l’éthique n’est pas uniquement un concept théorique.
Elleengageàdes actions bien concrètes ne pas faire ceci »,
ou «agir comme cela ») et àl’adoption d’un comportement
particulier dans le respect de soi-même et des autres.Elle
peut donc,aunal, être qualiée d’activité pratique,car le
principe n’est pas d’acquérir un savoir ou une sagesse,mais
d’agir dans la société d’une façon responsable.
«L’éthique est un art de vivre. On pourrait direque
la morale commande et que l’éthique recommande. »
André Comte-Sponville
Qu’est-ce que l’éthique ?Ilnous paraissait important de commencer par définir ce mot
avant de se lancer dans un dossier sur ce thème. En effet, c’est un terme que l’on retrouve
souvent dans les différents discoursque nous transmettent les médias, mais on l’entend
aussi beaucoup dernièrement au sein de la BSPP.Ainsi, nous voulions être certains que sa
signification soit aussi claire que possible, afin de cadrer au mieux les interprétations qui
peuvent en être faites. Car,sil’éthique peut servir de référence collective, elle implique
aussi un engagement personnel, et devient dès lorssource de subjectivité.
L’éthique,
versune définition générale...
SGTJULIEN SCION
Novembre 2012 n° 717 IADH I25
Éthique, morale et déontologie
La distinction entre éthique et morale n’est pas
évidente,puisque leurs dénitions se confondent
parfois en fonction des philosophes ou sociologues qui
travaillent sur la question. D’ailleurs,dans la plupart des
dictionnaires,ladénition du mot «éthique »renvoie à
celle de «morale », et inversement... Beaucoup d’entre
nous ont ainsi tendance àemployer ces deux mots avec
une certaine synonymie.Onpourrait, en effet, tendre à
penser –etàraison d’ailleurs –que morale et éthique
visentàdéterminerunemanièredevivrereconnuecomme
convenable dans un environnement et un groupe social
dénis.Cependant, certains penseurs contemporains
apportent une note de distinction entre ces deux termes.
Citons,par exemple,André Comte-Sponville,philosophe
français,membre du Comité consultatif national
d’éthique L’éthique est un art de vivre.Onpourrait dire
que la morale commande et que l’éthique recommande ».
On rattache ainsi généralement àlanotion de morale un
ensemble de devoirs,etàcelle de l’éthique l’adoption
d’une attitude raisonnable dans la recherche du bon.
Éthique et morale ne sont pas àconfondre non plus avec
la notion de déontologie.Cette dernière est caractérisée
par un « ensemble de règles morales (ou éthique ?) qui
régissent l’exercice d’une profession ou les rapports
sociaux de ses membres.Ils’agit donc d’obligations
professionnelles que les membres du groupe s’engagent
àrespecter pour se conformer àuncode d’éthique lié
àlaprofession. Chez les sapeurs-pompiers de Paris,
l’obligation de réserve et de discrétion font, par exemple,
partie du code de déontologie,mais leur application
s’inscrit dans une démarche éthique vis-à-vis de la
population qu’ils défendent.
Éthique, valeurs et attitude
Le terme «valeurs »fait également partie du
vocabulaire courant pour désigner un sapeur-pompier,
qu’il soit de Paris ou non. Le courage,ledévouement,
l’abnégation, l’altruisme sont autant de valeurs
indissociables de la profession. Ce terme est donc
étroitement lié àcelui d’éthique.Uncertain nombre de
valeurs,organisées entre elles,permettent d’élaborer
une éthique qui, en retour,apporte un sens et une
cohérence àl’ensemble de ces valeurs.L’exemple le plus
parlant pour les soldats du feu est très certainement celui
de l’Éthique du sapeur-pompier,dénie par le général
Casso,qui commanda la Brigade de 1963 à1970. Trois
valeurs principales sont recensées pour dénir cette
éthique :l’altruisme,l’efcience et la discrétion.
*Définition du Centre national de ressources textuelles et lexicales
«Toute activité orientée selon l’éthique peut êtresubordonnée
àdeux maximes totalement différentes et irréductiblement opposées :
l’éthique de responsabilité ou l’éthique de conviction. »
Max Weber (philosophe allemand)
«L’éthique c’est
l’esthétique du
dedans. »
Pierre Reverdy
(poète français)
CCH SYLVIA BOREL
L’éthique du sapeur‑pompier
en couleurs
Analyse
26 IADH In° 717 Novembre 2012
Être sapeur-pompier de Paris ne se résume pas
simplement àexercer une profession de l’urgence.
En souscrivant un engagement àlaBSPP,le
candidat accepte,eneffet, de porter un certain nombre
de valeurs véhiculées par l’Institution. Ces valeurs,
héritées de l’histoire et du patrimoine de la Brigade,
sont, aujourd’hui encore,indissociables des missions
inhérentes aux soldats du feu et de la vie.Ainsi, tout
sapeur-pompier de Paris doit non seulement les accepter,
mais aussi yadhérer pour pouvoir honorer pleinement
son engagement. Or,les prols du personnel de la BSPP
sont multiples.Iln’est pas
rare qu’un homme ou une
femme choisisse de servir
la Brigade par tradition
familiale,héritant de la
«bre »transmise par la
ou les générations qui l’ont
précédé. Eux ont déjà, en
règle générale,unterrain
favorable àl’éthique de la profession, et s’y engagent
en toute conscience.D’autres sont sapeurs-pompiers
volontaires,etrêvent d’accéder àlamythique Brigade.
Leur culture de l’éthique est parfois moins approfondie,
mais leur expérience dans le volontariat leur apporte
une base non négligeable.Enn, certains n’ont aucune
expérience préalable,aucune famille dans le métier,et
vont alors découvrir la composante éthique dans laquelle
ils s’engagent. Cependant, quel que soit le parcours de
ceux qui se retrouvent àporter un jour l’uniforme du
sapeur-pompier de Paris,tous niront par partager ces
mêmes valeurs :l’altruisme,l’efcience,ladiscrétion... Ce
sontdesvaleursqui rassemblent,outrepassantles origines
sociales ou géographiques,les convictions religieuses,
les influences culturelles...
Ce comportement éthique
deviendra alors un pilier
de l’engagement du sapeur-
pompier de Paris,unart
de vivre au quotidien, mis
au prot non seulement
des victimes et de leur
environnement, mais
également au prot des autres soldats du feu, àtous les
niveaux de la hiérarchie.Laquestion de l’éthique est
donc légitimement au cœur des questionnements de la
Ce comportement éthique deviendra
alorsunpilier de l’engagement du
sapeur‑pompier de Paris
L’éthique est-elle innée ou est-elle le fruit d’un enseignement, d’une éducation ?La
question est difficile, et sa réponse n’est sûrement pas arrêtée. Mais, faisant fideces
considérations philosophiques, la Brigade met àdisposition des sapeurs-pompiersde
Paris de nombreux outils afinque ces derniersprennent conscience, cultivent et mettent
en application un comportement éthique indissociable de leur profession.
A nalyse
Cultiver l’éthique
chez les sapeurs‑pompiersdeParis
SB
Novembre 2012 n° 717 IADH I27
Brigade,etest d’ailleurs développée dans l’un des axes
majeurs du plan d’actions 2011-2015 du général Glin,
commandant la Brigade.
L’éthique au cœur du plan d’actions
«Dans le cadre du plan d’actions 2011-2015 qui fixeen
cinquième axel’objectif de valoriser l’éthique,l’esprit de
corps et les traditions,jesouhaite formaliser et développer
une politique de transmission et d’assimilation de
l’éthique et des principes élémentaires de savoir-être »,
écrit le général Glin dans la directive pluriannuelle n° 10
en date du 3juillet 2010. Àcet effet, deux axes d’efforts
sont identiés :
•actualiser,enseigner et entretenir les valeurs
morales et déontologiques en vigueur au sein de
la Brigade àtous les échelons et développer un
environnement favorable àleur assimilation ;
•replacer l’éthique au cœur de l’excellence
opérationnelle par le biais du retour d’expérience et/ou
du contentieux.
Le plan d’actions est un document essentiel qui
façonne le visage de la Brigade sur la période concernée.
Ainsi, force est de constater l’importance attribuée àla
culture de l’éthique aujourd’hui. En effet, derrière cette
démarche afchée du commandement, il n’y apas que
le simple souhait de perpétuer une tradition séculaire,
mais bien la volonté de promouvoir des valeurs au sein
desquelles chaque militaire de la Brigade pourra puiser
sa forcetravers un accompagnement moral, c’est
donc aussi un atout opérationnel qui se joue ici. Pour
yparvenir,les ambitions du commandement sont les
suivantes :
•chaque militaire devra connaître la symbolique
forte qui illustre les valeurs fondamentales de la BSPP
(le drapeau, le cérémonial des morts au feu, le code
d’honneur du sapeur-pompier de Paris, l’Éthique du
général Casso) ;
•consolider le continuum de formation actuel par
l’intégration d’un processus de formation éthique initiale
et continue ;
Enseigner l’éthique
Qu’il soit un jeune engagé ou un soldat du feu et
de la vie plus chevronné, le sapeur-pompier de Paris
passe régulièrement entre les mains du personnel
du groupement formation instruction et de secours
(GFIS) de la Brigade.C’est un lieu privilégié pour
éduquer et former àl’éthique,etles instructeurs du
GFIS n’oublient jamais cette discipline,dispensée
selon leur public sous forme de cours ou de simples
piqures de rappel. « On cherche àfaire comprendre
aux jeunes recrues qu’il existe certes des règles
professionnelles,mais,qu’au-delà, il yaaussi des
règles morales et comportementales », explique
l’adjudant-chef Le Bretton. « Pour les cadres,
on travaille essentiellement sur des cas concrets,
issus de leur expérience,etotablit àpartir de là
une discussion, un échange.Ontente également de
donner des solutions. »
Éthique et code d’honneur du sapeur-pompier
de Paris sont mis en valeur sur les murs du
fortdeVilleneuve-Saint-Georges.
Analyse
28 IADH In° 717 Novembre 2012
•favoriser la prise en compte de la dimension
éthique par chaque militaire du Corps ;
•contrôler àplusieurs niveaux l’appropriation de
ces valeurs par le personnel ;
•exploiter en retour d’expérience les cas réels (en
et hors opération) par la mise en place de «ches retex
éthique »;
•récompenser les cas méritoires,mais aussi
sanctionner les dérives et manquements avérés aux
principes d’éthique.
Cependant, pour que le soldat du feu accepte cette
philosophie comportementale et morale,etque cette
dernière perdure au l du temps,ilest impératif que le
commandement accompagne le personnel de la Brigade
dans cette démarche.Pour ce faire,denombreux outils
ont été,sont ou seront mis en place au sein de l’Institution
an de sensibiliser et d’éduquer le sapeur-pompier de
Paris aux valeurs inhérentes àsaprofession ;etce, quel
que soit son grade,son ancienneté ou son parcours.
Des outils en place ou àvenir
Le code d’honneur du sapeur-pompier de Paris (voir ci-
dessous)
Rédigé en 2001 par le général Richard Lefèvre,
qui commanda la Brigade de 1998 à2001, ce texte est
devenu une référence pour les sapeurs-pompiers de
Paris.Chacun d’entre eux se doit de le connaître,mais
également de l’appliquer sur opération, comme dans
les centres de secours.Ilest àlabase de la culture de
l’éthique du soldat du feu parisien.
La phrase du général Casso (voir ci-dessous)
Rédigé par le général Casso qui commanda la Brigade
de 1963 à1970, ce texte est certainement le plus connu
de tous au sein de l’Institution. Ce document va au-delà
du précepte,delaprescription ou du simple règlement.
Il est devenu un symbole pour tous les sapeurs-pompiers
de Paris,une raison àleur engagement.
A nalyse
Le rôle primordial des anciens
Les anciens sapeurs-pompiers de Paris ont eux
aussi un rôle primordial àjouer dans la transmission
des valeurs et la culture de l’éthique.Gardiens de
nombreuses traditions,piliers de la plupart des
cérémonies commémoratives,ils sont la mémoire
de l’Institution. Ils occupent ainsi une fonction
fondamentale auprès de la jeune génération, en
se rendant régulièrement au sein des centres de
secours.Car la réputation dont jouissent les sapeurs-
pompiers de Paris d’aujourd’hui s’explique en
partie àtravers l’exemplarité dont ont fait preuve
leurs aînés par le passé. Et de la même façon, du
comportement des soldats du feu et de la vie
d’aujourd’hui dépendra l’estime que la population
portera àses sapeurs-pompiers de demain.
Ayant acceptéde servir avec honneur et loyauté
àlaBrigade de Sapeurs-Pompiers de Paris.
J’accomplis la mission reçue jusqu’au bout.
Je respecte mes chefs, mes subordonnés, mes camarades.
Je fais preuved’humilité,mais aussi d’un dévouement,
d’une discrétion et d’une disponibilitésans faille.
Je m’entraîne chaque jour avec rigueur pour acquérir et
conserver une efficacité optimale.
J’agis avec célérité,courtoisie et impartialité
quel que soit le type d’intervention pour laquelle j’ai étéappelé.
Je respecte toutes les victimes
et je prends en compte toute détresse.
Toujours solidaire, je ne connais ni violence,
ni différence, ni lassitude.
Je m’engage àfaire preuveentoute circonstance
de discipline et d’une rigueur morale exemplaire.
Je suis fier du savoir et des traditions
que m’ont léguées mes anciens.
J’accepte les devoirs et les exigences du métier
de sapeur-pompier militaire.
LE CODE D’HONNEUR
DU SAPEUR-POMPIER DE PARIS
ALTRUISME
EFFICIENCE
Je ne veux connaître ni ta philosophie,
ni ta religion, ni ta tendance politique,
peu m’importe que tu sois jeune ou vieux,
riche ou pauvre, Français ou étranger.
Si je me permets de te demander quelle est ta peine,
ce n’est pas par indiscrétion, mais bien pour mieux t’aider.
Quand tu m’appelles, j’accours,
mais assure-toi de m’avoir alertépar les voies les plus rapides
et les plus sûres.
Les minutes d’attente t’apparaîtront longues, très longues,
dans ta détresse pardonne mon apparente lenteur.
GénéralCasso,
(commandant le régiment puis la brigade de 1963 à1970)
DISCRÉTION
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