Intégrer l`e-learning dans l`enseignement supérieur

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Intégrer l’e-learning dans
l’enseignement supérieur
martina.
[email protected]
Martina Dittler & Jacqueline Henn, Université de Bâle
(traduit de l’allemand par Ursule Mayor, DABS - EPFL & Patrick Jermann, CRAFT - EPFL)
On prête
jacqueline.
[email protected]
un grand potentiel de modernisation au e-learning pour la formation de base et de
la formation continue. En tant que mesure isolée, l’e-learning ne peut toutefois pas
répondre à ces attentes. Le succès pérenne de l’e-learning dépend de son intégration aux niveaux stratégique,
didactique et organisationnel. Dans cette contribution, nous faisons état de nos expériences en la matière en utilisant le projet Campus Virtuel Suisse Financial Markets comme exemple de l’intégration de l’offre e-learning dans
le cursus de l’Université de Bâle.
Le niveau stratégique
A l’Université de Bâle, le terme e-learning est utilisé pour désigner des formes d’apprentissage et d’enseignement qui sont soutenues par l’utilisation d’ordinateurs et d’Internet. L’e-learning ne correspond donc pas uniquement à de l’enseignement et de l’apprentissage virtuel, mais inclut différents degrés d’utilisation pédagogique
des nouveaux médias dans l’enseignement supérieur. Sur la base de cette définition et du plan stratégique pour la
modernisation de l’enseignement, l’Université de Bâle a formulé les lignes directrices suivantes pour l’introduction
de l’e-learning:
❚ l’e-learning est intégré au processus global de modernisation de l’enseignement au même titre que d’autres
mesures de modernisation (par exemple le processus de Bologne).
❚ l’e-learning est un domaine de la pédagogie universitaire, c’est-à-dire que ce sont les scénarios e-learning avec
une claire plus-value didactique plutôt que les possibilités techniques qui occupent le devant de la scène.
❚ l’Université de Bâle veut moderniser l’enseignement présentiel. L’e-learning n’est pas utilisé pour virtualiser
l’Université.
Le niveau didactique
Les Scénarios bâlois d’e-learning furent développés sur la base de ces réflexions (voir fig. 1).
fig. 1
Scénarios bâlois
d’e-learning
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Technologies de formation: l’âge de la maturité
Intégrer l’e-learning dans l’enseignement supérieur
Concept d’enrichissement: entrent dans cette catégorie, toutes les manifestations présentielles qui sont enrichies
par des éléments multimédias pour faciliter l’accès des apprenants à l’information. Les enseignants peuvent
par exemple utiliser des bases de données d’images, des animations, des simulations, etc. comme compléments
à une présentation Power Point dans leur enseignement présentiel. Cette catégorie comprend également le
matériel d’apprentissage et les exercices qui sont proposés aux apprenants sur la toile en tant que compléments
facultatifs (par exemple des transparents, des scripts, etc.).
Concept intégratif: ce terme recouvre les formes d’enseignement dans lesquelles les manifestations en présence
et l’apprentissage autonome ont une importance égale et dont les méthodes d’enseignement et d’apprentissage
sont complémentaires. Ceci signifie que l’apprentissage autonome assisté par ordinateur, par exemple avec des
logiciels d’enseignement assisté par ordinateur, des modules en ligne, des systèmes d’information ou encore
l’utilisation d’outils de coopération, est un composant obligatoire de l’enseignement. L’objectif de l’intégration
est de réduire les phases de présence, ou encore de les focaliser sur des thèmes et des méthodes spécifiques (par
exemple par la discussion sur des aspects particuliers du domaine). Le concept intégratif comprend toujours
un tutorat des apprenants pendant les phases d’apprentissage autonome. Ce qui distingue le concept intégratif de l’enrichissement, est que le contenu de l’enseignement présentiel doit toujours être adapté. En d’autres
termes, il s’agit de créer un concept global qui intègre enseignement présentiel et e-learning.
Concept d’enseignement virtuel: il s’agit de manifestations entièrement ou partiellement virtuelles (par exemple
des séminaires virtuels) qui se caractérisent par un petit nombre de phases de présence (souvent en début et en
fin de cursus).
Les Scénarios bâlois d’e-learning (voir fig. 1) sont orientés en fonction des différentes formes d’organisation
ainsi qu’en fonction des différentes méthodes d’enseignement et d’apprentissage dans l’enseignement supérieur.
Le but de cette classification est de faciliter la mise en pratique des lignes directrices de l’Université de Bâle par des
scénarios didactiques concrets qui illustrent l’utilisation de l’e-learning dans une Université présentielle. L’Université de Bâle met la priorité sur le concept intégratif parce qu’il présente le plus grand potentiel d’amélioration pour
l’enseignement présentiel (voir Financial Markets). L’offre e-learning est actuellement utilisée dans environ 80 enseignements de l’Université de Bâle et touche environ 2500 étudiants. De nombreux projets e-learning internes
complètent les projets du Campus Virtuel Suisse [1] (CVS).
Financial Markets
fig. 2
Page d’accueil de
Financial Markets
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Intégrer l’e-learning dans l’enseignement supérieur
Le cours Financial Markets (http://www.financial-markets.ch) est un exemple d’utilisation réussie de l’e-learning à l’Université de Bâle. Financial Markets a été développé dans le cadre du CVS et est actuellement utilisé
comme concept intégratif et comme enseignement virtuel. Le cours a été développé sous la direction du Prof. H.
Zimmermann de l’Université de Bâle, en collaboration avec l’Université de Zürich (Prof. R. Gibson) et l’Université de Lausanne (Prof. A. Ziegler). Il couvre les domaines de la théorie des portefeuilles, les modèles de Asset
Pricing, Investment Management et produits dérivés. L’objectif était de couvrir tout un domaine thématique plutôt
qu’un cours isolé. C’est une des raisons pour le choix d’une architecture modulaire. L’autre raison pour ce choix
est que les enseignants et apprenants peuvent ainsi choisir eux-mêmes les domaines et le niveau de détail qu’ils
souhaitent étudier.
Les modules de Financial Markets sont intégrés selon une structure uniforme à la plate-forme WebCT.
La première page contient une introduction au thème, une définition claire des objectifs d’apprentissage et des
lectures en format pdf. Les pages suivantes contiennent des devoirs de lecture (qui concernent soit les fichiers pdf
soit un ouvrage de référence), des activités comme des questionnaires à choix multiples, des exercices Excel, des
simulations, des animations ou encore des thèmes de discussion qui peuvent être débattus dans le forum. L’offre
est complétée par une synthèse. A la fin du module, les apprenants ont accès à des références et un quiz qui leur
permet de contrôler leur compréhension des concepts centraux.
Pourquoi un thème comme la théorie des marchés financiers est-il prédestiné au e-learning ? Les technologies de l’information jouent depuis longtemps un rôle prépondérant dans ce domaine. La théorie des portefeuilles
développée par Markowitz dans les années 50 n’a été implémentée que dix ans plus tard avec l’apparition d’ordinateurs assez puissants. L’utilisation des ordinateurs a été renforcée par le développement de la théorie des prix à
option dans les années septante. De même, il est difficile, voire impossible d’apprendre le modèle de Capital Asset
Pricing et les procédures de tests qui lui sont associées sans l’assistance d’un ordinateur. C’est pourquoi il est important que les étudiants en théorie des marchés financiers soient en mesure de résoudre des problèmes mathématiques, statistiques et économétriques à l’aide des nouvelles technologies dès le début de leurs études.
Utilisation à l’Université
Actuellement, le cours Financial Markets est utilisé dans les universités de Bâle, Berne, Lausanne et Zurich,
ainsi que dans la formation continue. L’Université de Bâle avait déjà démarré avec le premier projet pilote au
cours du semestre d’hiver 2001/02 et depuis le semestre d’hiver 2002/03, le Financial Markets est totalement
intégré dans le cursus. Dans le cours de licence Théorie du marché des portefeuilles et des capitaux (env. 100-120
étudiants) conçu pour les étudiants de 3e année, un tiers de l’enseignement présentiel est remplacé par le cours
e-learning. L’architecture modulaire de Financial Markets permet, à partir de certaines parties du cours présentiel
traditionnel, d’élaborer d’autres modules individuels à l’aide d’exemples concrets. Dans ces phases d’e-learning, les
étudiants travaillent de façon indépendante sur des thèmes choisis, aidés par des assistants au moyen de forums
de discussions ou d’e-mails. Des discussions approfondies sur ces thèmes ont ensuite lieu dans le cours présentiel
suivant. Le cours semestriel entier (y compris l’e-learning) est évalué avec un crédit de 9 points. Dans le semestre
d’été également, un concept semblable est appliqué au cours Théorie des prix d’options et dérivés.
Utilisation dans la formation continue
Depuis le semestre d’hiver 2003/04, le cours Financial Markets est également offert, dans le programme de
formation continue des Universités de Zurich et de Bâle, sous forme d’un cours purement e-learning (Concept
d’enseignement virtuel). Du fait que seule l’introduction est présentielle, un bon encadrement en ligne des participants est particulièrement important. Si une réponse rapide aux questions spécifiques et le soutien des groupes de
discussion sont du ressort de l’assistant en ligne, il est cependant tout aussi important de motiver les étudiants.
Evaluation et leçons apprises
Le cours Financial Markets est régulièrement évalué par les étudiants quant à ses aspects techniques, son contenu, son succès didactique et d’apprentissage et son utilité. Le feed-back est très positif. Les étudiants apprécient
particulièrement les nombreux exercices interactifs ainsi que les documents pdf. La fine correspondance entre
l’e-learning et les cours présentiels s’est avérée être déterminante pour le succès de l’approche intégrative.
Dans le scénario virtuel, en formation continue, un bon concept d’encadrement et des travaux en groupe
sont fondamentaux pour maintenir le taux d’abandon à un niveau minimal. La solitude de l’étudiant devant son
écran peut être réduite grâce à son intégration dans un groupe de discussion. L’encadrement comprend aussi la
définition de règles valables aussi bien pour le coach que pour les étudiants. Parmi ces règles figurent la disponibilité de l’assistant, la rapidité des réponses aux questions et des corrections de travaux, le dynamisme de leur
collaboration et de leur comportement dans les forums de discussion. Il est également important, pour pouvoir
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accéder à des cours d’e-learning, de pouvoir naviguer aisément et dans un environnement fiable. Les problèmes
éventuels seront évités grâce à un cours d’introduction présentiel approprié.
L’intégration réussie des offres d’e-learning, comme l’est le Financial Markets, dépend, d’un point de vue
didactique, de divers aspects à différents niveaux: ainsi, tout d’abord, les conditions d’introduction d’e-learning
doivent être définies par les règlements d’études, les cursus ainsi que d’autres directives institutionnelles (macroplan), c’est à dire que les types d’enseignement et d’examen, ainsi que l’attribution de crédits devront tenir compte
des contenus et des règlements prévus. D’autre part, l’offre e-learning doit absolument avoir une certaine importance dans le cursus.
Sur le plan de l’enseignement semestriel (meso-plan), il vaut la peine de planifier formellement l’intégration de
l’offre e-learning dans l’enseignement présentiel. Pour garantir que les parties présentielle et d’e-learning assument
réellement, et d’une manière pédagogiquement appropriée, des tâches spécifiques dans l’enseignement et les
processus d’apprentissage, il faut examiner la question suivante: où la mise en œuvre de médias et de technologies nouvelles offre-t-elle une réelle plus-value pédagogique ? Pour cela, il faut que les enseignants prennent en
commun des décisions concrètes sur le plan didactique: c’est à dire qu’il faut que les buts, contenus et contrôles
de qualité de l’enseignement concordent (cohérence didactique) et il faut décider quels contenus et objectifs de
l’enseignement seront le mieux atteints par l’e-learning et par les cours présentiels.
Sur le plan des cours individuels (micro-plan), il s’agit – last but not least – de réaliser concrètement le processus d’enseignement et d’apprentissage grâce à l’interaction des étudiants entre eux et avec les enseignants et à l’intégration directe de l’offre d’e-learning. Il y aura aussi lieu, dans ce contexte, de s’assurer que les enseignants et les
étudiants comprennent bien leur rôle respectif et de vérifier leur compétence dans l’utilisation des médias et leurs
préférences en matière d’enseignement et d’apprentissage. Une attention particulière devra en outre être portée au
pilotage et à la structuration appropriée du processus d’enseignement et d’apprentissage. Enfin, l’encadrement des
étudiants ainsi que leur motivation par les enseignants et les assistants jouera un rôle décisif.
Finalement, des évaluations régulières, telles qu’elles sont effectuées pour Financial Markets, sont nécessaires
pour une intégration péréenne des offres d’e-learning dans l’enseignement. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra garantir l’optimisation permanente des offres d’e-learning ainsi que des cours d’accompagnement.
Le niveau organisationnel
Les mesures à prendre pour l’intégration stratégique de l’e-learning ne se limitent pas seulement au renouvellement didactique de l’apprentissage. Il faut également organiser des structures de soutien durables qui offrent
l’infrastructure nécessaire et mettent à disposition des enseignants des offres appropriées de conseil et de formation. Le support de l’e-learning à l’Université de Bâle est le réseau de compétences LearnTechNet (LTN). Il comprend les domaines Ressort Lehre (section enseignement), le New Media Center, le centre de calcul universitaire, la
bibliothèque universitaire, le centre de langues et le centre d’études médicales. Le LTN accompagne l’introduction
de l’e-learning dans les domaines de la didactique, de l’évaluation, du développement des médias, de la technique
et de la gestion de projets, par des conseils et des informations; il offre des formations pour enseignants, des collaborateurs de projets et des étudiants et prépare l’infrastructure nécessaire à ces groupes-cibles. L’offre est accessible
à tous les intéressés sur le portail LTN (http://ltn.unibas.ch).
Bilan
Toutes les mesures pour l’e-learning à l’Université de Bâle doivent être considérées dans le cadre du processus
de modernisation de l’ensemble des universités et ont pour but d’offrir aux enseignants aussi bien qu’aux étudiants un enseignement et un apprentissage plus attractifs et plus efficaces. Avec les mesures décrites – stratégie
globale en vue de la modernisation de l’enseignement, planification didactique explicite et intégration dans le
cursus et dans le support organisationnel – l’université de Bâle implémente avec succès son projet d’intégration
d’e-learning dans l’enseignement supérieur.
Référence
[1]
FI-ETE 2004
page 11
Le Campus Virtuel Suisse est un programme de la confédération pour l’encouragement de la société de
l’information suisse. Cinquante projets E-Learning universitaires ont été encouragés dans le cadre du programme d’impulsion (2000-2003). L’Université de Bâle a participé à cette phase avec 20 projets (6 projets
comme Leading House, 14 projets partenaires). L’Université de Bâle participe au programme de consolidation (2004-2007) avec la direction de trois projets et 9 projets partenaires. ■
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