LETTRE TRIMESTRIELLE
1ER TRIMESTRE 2015
2
EDITO
par Philippe-Jean Péron, Président et Hugues Dubly, Directeur général
TRIPLE RUPTURE
Depuis un peu plus de six mois, nous
assistons à une triple rupture, brutale et
inattendue qui remet en cause nos équilibres
traditionnels : la baisse de l’euro, la baisse des
taux d’intérêt et la baisse du prix du baril de
pétrole.
La baisse de l’euro contre dollar a été
déclenchée après la réunion des gouverneurs
des banques centrales en août dernier à
Jackson Hole dans les Montagnes Rocheuses.
En un peu plus de six mois, la parité euro/dollar
est tombée de 1,35 à 1,15 soit une baisse
d’environ 15%.
C’est considérable et il n’est pas sûr que les
grands argentiers à l’origine de cette baisse
aient anticipé qu’elle serait aussi forte, car ils
visaient un cours de 1,27.
Les taux d’intérêt ont suivi aussi le chemin
de la baisse. Ainsi, le rendement de référence
de l’emprunt d’Etat français (OAT) est
tombé en un an de 2,60% à 0,70%, un niveau
historiquement bas, avec une accélération
de la baisse dans la deuxième partie de
l’année.
Enn, les cours du pétrole eux aussi ont chuté
de manière vertigineuse, puisque partis de
100 $ début août 2014, on les retrouve à
moins de 50 $ en ce milieu du mois de
janvier 2015.
La baisse de l’euro et la baisse des
taux sont la résultante de données
macro-économiques comme la croissance
forte américaine (+3,5% en 2014), la
stagnation de l’économie européenne, la
volonté de relance en Europe par la BCE,
qui va injecter dans l’économie d’énormes
sommes d’argent pour essayer de faire
repartir l’activité (on parle de 1 200 milliards
d’euros) par la consommation et les
investissements.
La baisse du baril est plus liée à l’abondance
de l’offre d’or noir, consécutif à l’exploitation
du pétrole de schistes aux Etats-Unis et à
la volonté de l’Arabie Saoudite de ne pas
contrecarrer cette baisse pour mettre en
difficulté les producteurs américains dont
l’exploitation n’est pas rentable en dessous
d’un prix du baril de 50-60 $.
Ces éléments brutaux et contradictoires
ont été « couronnés » le 14 janvier par la
Banque nationale suisse (BNS) qui a stoppé
ses interventions sur le franc suisse pour
essayer de contenir sa parité au niveau de
1,20 et du coup, le franc suisse a gagné en
2 jours 17% contre l’euro (euro/franc suisse
1,02).
Que retenir de ces ruptures ?
Tout d’abord, que l’euro est devenu une
monnaie sinon faible, du moins beaucoup moins
forte en dépit de la solidité des économies
allemandes et des pays du Nord.
En moins d’un an, l’euro a perdu près de
20% contre le dollar et le franc suisse, et
17% contre l’or.
Ensuite, que les pressions déflationnistes
liées à l’économie stagnante et à la baisse
des matières premières (pétrole et
matières premières agricoles) sont fortes
en Europe.
Enfin, que les
consommateurs
européens vont
retrouver du pouvoir
d’achat grâce à la baisse
du pétrole et des taux
d’intérêt.
Dans ce contexte très
spécial (croissance
molle, euro faible et
taux d’intérêt bas), il est
probable que les actions
devraient bien se comporter, notamment les
exportatrices, celles représentant des biens
réels (immobiliers). Certes, les pessimistes
retiendront que la déation est mauvaise pour
les actions, mais le gain de pouvoir d’achat lié à
la baisse du pétrole et des matières premières
agricoles, et la relance qui devrait être initiée
par les injections massives d’argent de la BCE,
devraient venir à bout de cette menace.
Les actions américaines enn, soutenues par la
bonne marche de l’économie aux Etats-Unis et
par la hausse du dollar, devraient aussi être de
bons placements pour les Européens.
Sommaire
> La déation : l’exemple japonais p 3
> La renaissance de l’industrie européenne p 6
> L’automobile américaine telle le phénix,
renait de ses cendres p 8
> Canadian National Railway : un baromètre
de l’économie réelle p 10
> De la vertu des taux bas ... p 12
> Le bon père de famille s’en est allé ... p 14
Directeur de la publication : Hugues Dubly
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Les consommateurs
européens vont
retrouver du pouvoir
d’achat grâce à la
baisse du pétrole et
des taux d’intérêt
4
Au regard des derniers chiffres publiés, les
prix ont baissé de 0,2% en janvier sur le vieux
continent.
Prenons le cas du Japon pour traduire
et comprendre ces évènements au niveau
économique.
Le pays du soleil levant est le seul cas
de déation dans l’histoire économique
récente. En effet, depuis une vingtaine
d’années le Japon s’est enfermé dans une
équation impossible avec une croissance faible
voire négative, des taux directeurs au plus bas
et une dette publique extrêmement élevée qui
continue de croître.
Dénition
La déflation correspond au processus de
baisse cumulative du niveau général des
prix (le prix de demain est inférieur au prix
d’aujourd’hui).
Le risque de déation : a priori, il y a peu de
raison de s’effrayer de voir les prix baisser, cela
est même régulièrement perçu comme une
bonne nouvelle.
Pourtant, il s’agit bien du phénomène
économique le plus dévastateur qui soit.
En substance, le mécanisme sous-jacent est le
suivant :
JAPON
par Sarah Jakubowicz
sarah.jakubowiczaisene@dubly.fr
LA DÉFLATION : L’EXEMPLE JAPONAIS
1- Les entreprises et les consommateurs
anticipent que les prix seront inférieurs demain
à ce qu’ils sont aujourd’hui ;
2- Ce qui les incite à repousser leur projet
dans le temps car leur réalisation sera moins
couteuse dans le futur.
La consommation diminue et l’épargne
augmente car les ménages préfèrent attendre
avant de dépenser ;
3- Ce qui se traduit par une baisse des
commandes faites aux entreprises et une
activité qui vacille car le crédit ne se développe
plus ;
4- Les entreprises doivent alors diminuer leurs
investissements et leurs effectifs pour tenter
de conserver leur protabilité ;
5- Le tout aboutissant à une diminution des
salaires et une accélération des anticipations
à la baisse des prix de la part des agents
économiques privés ;
6-Pour finalement former la spirale
autoentretenue : le jeu des anticipations fait
que les agents économiques attendent de
nouvelles baisses de prix avant de se remettre
à dépenser, même lorsqu’ils le peuvent ; ainsi,
les prix, le volume de l’activité et l’emploi
baissent conjointement.
La déation est un processus qui mène quasi
inexorablement au blocage de l’économie et
dont il est extrêmement compliqué et long de
s’extirper.
Le Japon est probablement le cas le
plus connu qui lutte contre la déation
depuis près de 20 ans sans réussir à s’en
extraire.
Le cas du Japon …
L’évolution de l’ination depuis le début des
années 1990 indique un ralentissement de la
hausse des prix (désination) jusqu’en 1995
avant d’entrer dans une phase déationniste à
partir de 1998-1999.
Depuis cette période, le Japon n’a
connu que de très brèves et très
modestes périodes d’ination à la faveur
d’évènements souvent exceptionnels.
… une équation impossible : les causes
Avec une dette équivalente à 245% du PIB
2014 et un taux directeur égal à 0,10% depuis
2008, il est difficile de diminuer les impôts
La spirale déationniste
Source : Vadémécum 2014
Ination au Japon en glissement annuel (%)
Source : Bloomberg
5
ou de baisser les taux en vue de relancer la
consommation et les investissements.
De plus, le Japon est le pays qui vieillit le
plus vite au monde : les départs à la retraite
sont massifs et le taux de natalité est très
faible (1,4 enfants par femme). L’Etat emprunte
presque la moitié du montant de son budget
pour nancer la dette et le vieillissement de la
population.
A son arrivée au poste de premier
ministre, Shinzö Abe a mis en place des
mesures visant à relancer l’économie
japonaise. Depuis décembre 2012, pour
contrer cette spirale, la Banque du Japon
(BoJ) décide de développer des mesures dites
« non-conventionnelles » : les Abenomics.
En pratique cela renvoie à augmenter
significativement la «base monétaire»,
notamment via le système de
«l’assouplissement quantitatif»
(QE - Quantitative Easing, en anglais) qui
consiste à injecter de très grandes quantités
de liquidités dans le système nancier.
Parallèlement à ces mesures monétaires,
des mesures budgétaires et fiscales sont
développées. Ces mesures ont permis
au Japon de voir son économie
redémarrer.
Malgré tous ces efforts le Japon nit l’année
2014 sur une note contrastée. Avec une
inflation quasi-nulle, la consommation des
ménages qui diminue et la production
industrielle qui recule nous pouvons voir que
les Abenomics patinent et ainsi mettent en
doute l’efcacité de cette politique. Même si
la BoJ a annoncé à la mi-janvier une révision
à la baisse de ses prévisions d’ination, cette
dernière reste positive sur ses anticipations
de croissance avec produit intérieur brut
(PIB) en hausse de 2,1% pour l’exercice scal
2015-2016.
Les conséquences sur les actifs
immobiliers et boursiers
Les marchés financiers appréhendent de
manière négative la déation. En effet depuis
le début des années 90 avec l’éclatement de
la bulle boursière puis celle de l’immobilier, la
bourse japonaise s’est effondrée de près de
77%.
Le nombre de faillites d’entreprises au Japon
atteint le deuxième niveau de plus élevé de
l’après-guerre avec 19 441 dépôts de bilan
en 2011 et l’une des principales causes est la
déation.
La crise a frappé de plein fouet des secteurs
clés de l’économie entrainant le pays en
récession. Le secteur de l’immobilier et le
secteur bancaire ont été les premiers à être
touchés et les géants japonais de l’électronique
ou de l’automobile n’ont pas non plus été
épargnés.
Dans ce contexte l’expérience japonaise
est forte d’enseignements eu égard à la
situation actuelle des prix en zone euro.
INDUSTRIE
par Tania Gonçalves
tania.goncalves@dubly.fr
LA RENAISSANCE DE L’INDUSTRIE EUROPÉENNE
Les nouvelles associées à l’industrie française
ont souvent été synonymes de désillusions,
telles les déboires d’Areva, le rachat
d’Arcelor par Mittal ou encore les difcultés
nancières d’Alcatel.
Après une période de vaches maigres,
nos industriels pourraient voir, dans les
récents évènements, revenir le temps des
« vaches grasses ».
Nous assistons presque incrédules à deux
événements majeurs : tout d’abord la poursuite
de la baisse des taux, qui sont à leurs plus bas
historiques. Pour la première fois l’Etat français
emprunte à 10 ans à 0,63%. A cela s’ajoute
l’effondrement de plus de 50% du prix du baril
de pétrole, qui a vu son cours passer de 116 $
à 47 $. Un temps béni donc pour les industriels
endettés d’une part, mais également ceux dont
le pétrole représente une part importante du
coût d’exploitation.
Prenons l’exemple du nouvel ensemble
LAFARGE/HOLCIM. Ces deux leaders
des matériaux de construction, le français
LAFARGE et le suisse HOLCIM, ont
annoncé en avril dernier « une fusion entre
égaux » pour créer le leader mondial du
secteur avec un chiffre d’affaires de 27 milliards
d’euros.
Neuf mois après l’annonce de la fusion, Bruno
Lafont (président de LAFARGE) et Wolfgang
Reitzle (président d’HOLCIM) reviennent avec
un discours très optimiste sur le déroulement
de l’opération, soutenu par cet environnement
très favorable. Ils font état de trois éléments
clés :
1/ Le retour de la croissance dans la
construction
« La locomotive américaine repart », tel est
le signal envoyé par les Etats-Unis depuis
maintenant plus de 6 mois avec une croissance
attendue pour l’année de plus de 3%.
Le Groupe LAFARGE/HOLCIM réalise plus de
20% de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis.
L’indice japonais des années 80 à nos jours
Source : Bloomberg
Une hausse des volumes attendue dans l’industrie du ciment
Source : estimations JP Morgan
-3%
2%
6%
4%
3% 3%
0%
3%
7%
4%
5%
4%
Europe de
l'Ouest
Europe de l'Est Amérique du
nord
Moyen Orient /
Afrique
Asie Pacifique LATAM
2014 (e) 2015 (e)
87
AUTOMOBILE
par Alexis Bossard
alexis.bossard@dubly.fr
L’AUTOMOBILE AMÉRICAINE TELLE LE PHÉNIX,
RENAIT DE SES CENDRES
A la crise des subprimes aux Etats-Unis est
associé généralement le nom de Lehman
Brothers, la banque qui t faillite en 2008.
Mais on se souvient moins des images d’usines
en ruines, des rues désertes et des maisons
abandonnées dans les anciennes régions
industrielles américaines.
Ainsi la ville de Detroit dont le destin est
lié à celui de l’industrie automobile en
est la parfaite illustration.
« Motor city » montrait ce visage d’une 1ère
puissance mondiale aux abois, General Motors
et Chrysler venaient de faire faillite, la ville avec
plus de 18 milliards de dettes n’était même
plus en mesure d’assurer l’éclairage public de
ses citoyens et se retrouvait en cessation de
paiement. Et pourtant…
Six années se sont écoulées et la ville
semble aujourd’hui renaître de ses
cendres.
Finis les restructurations et les licenciements
massifs, la reprise économique et les taux
d’intérêt particulièrement bas ont poussé
les ménages américains à renouveler leurs
véhicules.
AutoNation, le 1er revendeur automobile
aux Etats-Unis a vu ses ventes progresser de
14,5% par an entre 2009 et 2013.
Malgré un ralentissement logique du rythme
de la croissance des ventes au début de l’année
2014, la chute des prix du pétrole au cours de
l’été dernier a redonné un coup de fouet au
marché automobile
américain.
Le prix à la pompe
du gallon d’essence
est passé de 3,40$
il y a un an, à moins
de 2,40$ aujourd’hui,
soit une économie
de près de 30% pour
l’automobiliste.
AutoNation, le 1er
revendeur automobile
aux Etats-Unis a vu
ses ventes progresser
de 14,5% par an entre
2009 et 2013.
Si la principale matière première reste
le granulat, les dépenses liées au pétrole
représentent 6% du chiffre d’affaires (plus de
7,5% des coûts de production).
Du fait de la baisse du pétrole, la marge
d’exploitation de 2014e pourrait passer de
15,4% à 18% du chiffre d’affaires, soit une
croissance de 17% du résultat d’exploitation.
32%
15%
7% 6%
25%
15,4%
18,0%
Matières
premières
Masse
salariale
Electricité Pétrole Autres AVANT
baisse
pétrole
APRES
baisse
pétrole
Résultat
exploitation
Structure de coût en % du chiffre d’affaires (2014e)
(ex. LAFARGE)
Source : estimations JP Morgan
1 Free Cash Flows : Trésorerie nette des investissements réalisés par l’entreprise
Prix de l’essence à la pompe en US $ / gallon (3,8 litres)
Source : SG Datastream
-30%
3/ Rationalisation de l’endettement
Tout comme de nombreuses sociétés
industrielles, le Groupe LAFARGE est
fortement endetté avec une dette financière
nette qui représente 16x les Free Cash Flows 1
du Groupe (7,6x pour HOLCIM).
Par cette fusion, le nouvel ensemble va
supporter une dette de 15 milliards d’euros,
mais il va pouvoir bénécier :
• d’une notation de crédit plus solide pour le
nouvel ensemble,
• des renégociations de lignes de crédit,
profitant ainsi de la baisse des taux (taux
d’intérêt moyen de 6,4% en 2013 pour
LAFARGE).
Pour cette année, le Groupe LAFARGE/
HOLCIM devrait réaliser une économie de frais
nanciers de 200 millions d’euros.
Enn, rappelons que la hausse récente de plus
de 15% du franc suisse n’aura pas d’impact
tant sur la parité d’échange que sur le chiffre
d’affaires puisque ni LAFARGE, ni HOLCIM
n’exercent d’activité en Suisse.
En revanche, avec un siège social en Suisse, le
Groupe LAFARGE/HOLCIM pourrait pâtir des
variations de change lors de la consolidation des
résultats en franc suisse.
A l’exemple de ce qui se passe sur
LAFARGE / HOLCIM, c’est l’ensemble de
l’industrie européenne qui pourrait bénécier
de cette conjoncture exceptionnelle de baisse
des taux et d’énergie bon marché.
Par cette renaissance, nous espérons le
retour d’une croissance saine en Europe.
2/ La baisse du prix du baril de pétrole, une aubaine pour la protabilité du Groupe
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