ARTICLE DE REVUE 707
Conséquence inéluctable du traitement antidiabétique
L’hypoglycémie chez le patient
diabétique
Dr méd. Sophie Maitre, Dr méd. Jaafar Jaafar, Dr méd. Giacomo Gastaldi, Prof. Dr méd. Jacques Philippe
Service d’endocrinologie, diabétologie, hypertension et nutrition, Hôpitaux universitaires de Genève, Genève
L’hypoglycémie est un eet secondaire inévitable de l’insulinothérapie et de cer-
tains anti-diabétiques oraux. La morbidité et les coûts occasionnés sont conséquents.
L’identication des manifestations et des causes ainsi que la capacité à agir en
conséquence sont fondamentales pour la gestion du diabète.
Introduction
L’hypoglycémie est un eet secondaire redouté mais
ivitable du traitement du diabète. La litrature scien-
tique emploie d’ailleurs le terme d’hypoglycémie
iatrogène pour la distinguer de l’hypoglycémie non
diabétique. La gestion d’une hypoglycémie devrait être
rapide, ecace et inclure l’analyse du contexte. Les don-
nées épidémiologiques permettent de comprendre l’im-
portance de la problématique tout en posant un seuil
de réexion sur la fréquence acceptable de l’hypoglycé-
mie du point de vue médical. Leur interprétation re-
quiert néanmoins une grande prudence [].
L’incidence des hypoglycémies légères à modérées chez
les patients diabétiques de type est d’environ épi-
sodes/patient/année (moins d’un épisode par semaine).
Celle des hypoglycémies sévères est de , épisodes/pa-
tient/ane. En outre, on estime que à % des cès
chez les patients diabétiques de type  sont dus aux hy-
poglycémies. Concernant les patients avec un diabète
de type , l’hypoglycémie est moins fquente avec
une incidence respective de  à  épisodes/patient/
ane et de , à ,épisodes/patient/années d’hypo-
glycémies modérées et sévères.
Compte tenu de la prévalence du diabète de type  et du
fait que dans les pays occidentaux plus du quart de ces
patients sont traités par insuline, la plupart des épi-
sodes d’hypoglycémies, sévères y compris, surviennent
chez ces derniers. L’hypoglycémie est d’ailleurs la deu-
xième cause la plus fréquente d’hospitalisation pour
iatrogénie .
nitions et physiopathologie
Les conséquences biomédicales de l’hypoglycémie sont
corlées à trois éléments: la sévérité, la durée et la fré-
quence. Il convient donc de s’accorder sur la terminolo-
gie d’hypoglycémie. Chez les patients diabétiques, le
seuil glycémique auquel des symptômes apparaissent
peut varier avec l’équilibre glycémique. Il diminue
chez les patients bien contrôlés et augmente en cas de
déséquilibre chroniques.
Dans le diabète, la dénition d’hypoglycémie est toute
valeur du glucose sanguin égale ou inférieure à
,mmol/l. Elle a été élaborée par un consensus d’ex-
perts dans le but de prévenir les atteintes potentielles.
En eet, les signes et symptômes d’hypoglycémie
(tab.) sont observés, chez des volontaires sains, à un
seuil légèrement inférieur. Les avantages de cette dé-
nition sont d’intégrer une marge de tolérance sécuritaire
Sophie Maitre
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(35):707–713
ARTICLE DE REVUE 708
et de se libérer des dicultés inhérentes au manque de
précision des glucomètres (% de marge d’erreur tolé-
rée depuis  et % précédemment).
En cas de baisse de la glycémie, deux niveaux distincts
sactivent en parallèle (g.). Au niveau endocrinien, il
existe une inhibition complète de la crétion d’insu-
line et une activation de la sécrétion de glucagon qui
stimule la glycogénolyse et la gluconéogenèse hépa-
tique le temps d’éliminer l’insuline circulante. En paral-
lèle, le système nerveux central (SNC) active le sys-
tème nerveux sympathique (SNS) et l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien (la réponse
autonome à l’hypoglycémie). Le SNS stimule la -
crétion de la noradrénaline responsable des symp-
tômes dits «adnergiquede l’hypoglycémie soit la
transpiration, les tremblements, les palpitations et
l’anxiété alors que la faim et la transpiration sont liées
à l’action de l’acétylcholine relâchée par le neurone
pré-ganglionnaire. La stimulation de l’axe hypothala-
mo-hypophyso-surnalien va de son côté conduire à
une élévation des taux d’adrénaline et de cortisol cir-
culant qui vont stimuler la crétion pancatique de
glucagon, avoir une action directe au niveau hépatique
(favorise la glycogénolyse et la gluconéogenèse), dimi-
nuer l’utilisation de glucose par les muscles enriphé-
rie et stimuler la glycogénolyse rénale. Enn, la baisse
de la glycémie agit comme stimulus direct sur la séc-
tion de l’hormone de croissance, la vasopressine et de
l’ocytocine. L’activation combinée de l’ensemble de ces
mécanismes de gulation permet d’assurer une pro-
tection ecace du SNC contre les risques inhérents à la
survenue d’une hypoglycémie.
Chez les patients diabétiques, l’élimination de l’insu-
line circulante dépend des proprtés pharmacoci-
tiques de l’insuline ou du traitement administré. Par
ailleurs, il existe, chez les patients avec un diabète de
type ou de type de longue date, un défaut intrin-
sèque de sécrétion du glucagon secondaire au -
quilibre entre cellules α et β ainsi qu’un faut de la
réponse autonome aux hypoglycémies («hypoglyce-
mia-associated autonomic failure [HAAF). Ce faut
est aggravé par la répétition des hypoglycémies. En ef-
fet, il a pu être démontré, chez des volontaires sains,
qu’en cas d’exposition à deux protocoles d’hypoglycé-
mies répétées ( vs épisodes d’hypoglycémie prolon-
géed’une durée de heures à ,mmol/l duranth),
les symptômes adrénergiques et l’activation des hor-
mones de contre-régulation sont plus atténués après
hypoglycémies. Formellement, l’HAAF et l’insensibi-
lité aux hypoglycémies sont deux entités distinctes
bien qu’elles se recoupent. La dénition d’insensibilité
aux hypoglycémies englobe l’atténuation et la modi-
cation des symptômes d’hypoglycémie observés chez
les patients sourant de neuropathie autonome, de dia-
bète de longue durée ou traités par des bêta-bloquants
ainsi que l’HAAF ,.
Lexistence d’un HAAF est parfois dicile à déceler,
particulièrement si les épisodes d’hypoglycémies sont
nocturnes. Dans ce cas de gure, la répétition des hypo-
glycémies induit une diminution progressive du seuil
d’activation des réponses de contre-régulation avec à la
longue la disparition de toutes manifestations cliniques.
La situation devient apparente seulement lorsqu’une
hypoglycémie diurne non ressentie nit en un coma
brutal. Les canismes neurobiologiques du HAAF
restent pour l’instant insusamment compris, mais le
HAAF se distingue de l’insensibilité aux hypoglycé-
mies par une forme de réversibilité. En eet, en dimi-
nuant voire éliminant toutes les hypoglycémies, il est
possible de retrouver une réponse aux hypoglycémies
déjà après  semaines. .
Importance de la classication
des hypoglycémies
La compréhension des mécanismes d’adaptation à l’hy-
poglycémie et de l’éventualité que la symptomatologie
puisse être altérée met en exergue l’importance pour
le clinicien de classier chaque épisode en fonction de
sa sévérité (tab.). La prise en charge en dépend. Il lui
incombe aussi la responsabilité de s’assurer que le seuil
reste proche de  mmol/l. Il est utile que le patient
comprenne l’origine des manifestations cliniques res-
senties, le lien entre la sévérité et le type d’atteinte et
surtout l’importance de la correction systématique,
Tableau 1: Signes et symptômes de l’hypoglycémie.
Adrénergiques Neuroglycopéniques
Tremblements
Palpitations
Sudations
Anxiété
Faim
Nausées
Fourmillements
Difcultés de concentration
Diminutions des performances
intellectuelles
Irritabilité
Faiblesse
Céphalées
Difficultés d’expression
Troubles visuels
Confusion
Vertiges
Troubles de la conscience
Convulsion
Coma
Décès
Dans le diabète, la dénition d’hypoglycémie
est toute valeur du glucose sanguin égale ou
inférieure à 3,9mmol/l.
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(35):707–713
ARTICLE DE REVUE 709
même lors d’hypoglycémie plus gère. L’intensité des
symptômes peut aussi être inuencée par la rapidité de
la diminution du taux plasmatique de glucose, la durée
du diabète, les traitements concomitants (bêta-blo-
quants) et le type de complication (neuropathie auto-
nome).
L’hypoglycémie sévère doit être retenue dans chaque
situation l’aide d’un tiers a énécessaire pour sa
correction. Toute hypoglycémie sévère (tab.) doit être
analysée avec le patient de manière circonstanciée et
l’insensibilité aux hypoglycémies recherchée. Le re-
cours à un senseur glycémique et à une évaluation s-
cialisée devrait être systématique.
Enn, il peut arriver qu’un patient rapporte des signes
d’hypoglycémie sans conrmation biologique. En l’ab-
sence d’autres causes de stimulation de l’axe hypothala-
mo-hypophyso-surrénalien (crise de paniques, arythmie
cardiaque brève, etc.), la terminologie de pseudo-hypo-
glycémie s’applique. Ce type de ressenti physique découle
de l’activation des canismes de contre-régulation à
des seuils plus élevés, notamment en cas de séquilibre
glycémique durable et conséquent. La situation peut né-
cessiter une attention particulière, notamment chez les
patients qui réalisent peu de contrôles glycémiques, qui
vont se retrouver désorientés par la discordance entre
leurs ressentis et les glycémies.
Identier le risque individuel et les
facteurs étiologiques de l’hypoglycémie
L’hypoglycémie étant secondaire au traitement, il est
fondamental que chaque patient soit informé sur sa
situation individuelle. Linsuline et particulièrement
les régimes insuliniques composés d’injections multi-
ples (insuline lente et insuline rapide au moment des
repas) ou d’insulines mixées conèrent le plus de risque.
La prise d’une unique injection d’insuline basale est
associée à un risque plus limité. Les sulfonylurées (SU)
peuvent aussi entrainer des hypoglycémies. Dans cette
classe thérapeutique, le gliclazide se distingue des an-
ciennes SU, comme le glibenclamide et le glimépiride,
par une action hypoglycémiante similaire avec un
risque d’hypoglycémie inférieur. Les autres SU ne de-
vraient plus être prescrites. Les glinides conèrent un
risque réel d’hypoglycémie mais limité dans le temps
de par leur courte due d’action.
A l’inverse, la metformine, les thiazolidinediones, les
inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase- (DPP-), les
analogues du glucagon-like peptide- (GLP-) et les inhi-
biteurs du sodium-glucose co-transporteur (SGLT-)
n’entrainent pas d’hypoglycémie signicative en l’ab-
sence d’autre pathologie concomitante ou de situa-
tions métaboliques particulières (le jeûne prolongé, ac-
tivité physique extme, etc.). Il arrive d’observer des
valeurs glycémiques < mmol/l sous un traitement
consiré non hypoglymiant. Lhypoglymie découle
le plus souvent d’une problématique technique ou de
la marge d’erreur du système. En l’absence de répercus-
sion clinique, le patient doit être rassu. A l’inverse,
bien que la situation soit extmement rare, la surve-
nue d’une hypoglycémie sévère sous un traitement
non hypoglycémiant impose une recherche circons-
tanciée des hypoglycémies non diabétiques.
Caracriser le degré de risque d’un individu repose sur
la prise en compte d’éléments distincts. Les phases de
changements trapeutique, de transition de lieu de
vie (retour à domicile après une hospitalisation, etc.)
ou d’habitude (nombre de repas, reprise activité spor-
tive, etc.) sont des périodes à risque. Il existe des fac-
teurs de risques d’hypoglycémie intrinsèques au diabète
tels que le cit en insuline endogène, la durée de dia-
bète, une longue due d’insulinothérapie et la surve-
nue d’une hypoglycémie sévère dans les  heures
précédentes (HAAF). L’existence dune insensibilité aux
Tableau 2: finition de la sévérité de l’hypoglymie chez le patient diabétique*
(adapté d'aps [1]).
Légère Glycémie <3,9mmol/l. Symptômes adrénergiques.
Le patient est capable de se corriger de lui-me.
Modérée Glycémie <3,9mmol/l. Symptômes adrénergiques et neuro-
glycopéniques. Le patient reste capable de se corriger de lui-me.
Sévère Glycémie <3,9mmol/l, souvent <2,8mmol/l. Atteintes neuroglyco-
niques sévères (confusion, trouble de l’état de conscience).
Le patient requiert
l’assistance d’une tierce personne pour se corriger.
Hypoglycémie
non-perçue
(asymptomatique)
Glycémie < 3,9
mmol/l.
Non accompagné de sympme typique.
(Seuil de déclenchement du mécanisme de contre-régulation abaissé /
diminution du seuil de séction des cacholamines).
* Ces définitions sont limitées aux patients sous traitements hypoglycémiants.
Chute de la glycémie
(<3,9 mmol/l)
Pancréas Cerveau
ÌInsuline
ÊSystème sympathique
ÊAdrénaline
Ê Glucagon
Ê Cortisol
Ê Hormone de
croissance
Ì Utilisation
de glucose
(muscles)
Ê
Vidange gastrique
Ê
Ê
Glycogénolyse hépatique
Ê Gluconéogése (foie + rein)
Flux sanguin cérébral
périphérique
Figure 1: Mécanismes de contre-régulation.
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(35):707–713
ARTICLE DE REVUE 710
hypoglycémies ou d’un défaut de la réponse autonome
aux hypoglycémies vont augmenter ce risque respecti-
vement de  et  fois. Il est dès lors peu surprenant de
constater que la survenue d’une hypoglycémie sévère
constitue le premier facteur de risque de récidive dans
l’année. D’autres facteurs sont listés dans le tableau.
Enn, il faut tenir compte du facteur humain. Les élé-
ments fquemment incriminés dans la survenue
d’hypoglycémie sont les aptitudes techniques (insuline
mal solubilisée: NPH), le vécu de la maladie et des hy-
poglycémies (anxiété de performance avec glycémies à
la limite de l’hypoglycémie), les capacités de comptage
des hydrates de carbone, la gestion de l’insuline de cor-
rection, la gestion de l’exercice physique, la survenue
d’imprévus, sans oublier la gestion de l’hypoglycémie
en elle-même (tab.).
Résoudre l’équation posée par la survenue d’une hypo-
glycémie suppose de la part du clinicien d’arriver à
intégrer le contexte somatique général et spécique au
diabète dont l’éventualité d’un HAAF, les circonstances
d’apparition et le facteur humain. En revanche, parve-
nir à éviter que l’hypoglycémie se répète, repose sur la
capacité du patient à identier les situations analogues
pour en modier la gestion.
Répercussions à court et long terme
de l’hypoglycémie
Les conséquences de l’hypoglycémie peuvent être -
parées en fonction de la temporalité des manifestations
ou du type de répercussions. Dans leur grande majorité
elles sont gatives comme le montre de nombreux
travaux scientiques.
A court terme, les hypoglycémies, légères ou modérées,
rapidement identiées sont simples à corriger et sans
réelles conséquences somatiques hormis la désagréable
activation des voies adnergiques qui va persister en
moyenne minutes. En revanche, il est courant d’ob-
server une crainte démesurée de leur impact, les pa-
tients comme les soignants, les considérant à tort -
tales.
La dangerosité d’une hypoglycémie légère ou modérée
est liée à un double manquement: un environnement
périlleux et l’absence de moyens de correction. Par
exemple, s’il existe un risque de chute (ouvrier, grutier,
etc.), durant un déplacement (voiture, moto, vélo), lors
de la pratique d’une activité sportive (escalade, ski ran-
donné, plongée, etc.) ou au début de la maladie (non
identication par manque d’expérience). Ces situations
demandent à être anticipées et systématisées. Elles
sont sensibles car elles ne peuvent être ignorées alors
que leur communication est de fait génératrice d’an-
xiété. Elles doivent être notiées dans le dossier pour
des raisons médico-légales évidentes et gagnent à être
répétées à l’instauration de chaque traitement et pour
tout patient conducteur automobile (http://sgedssed.
ch/fr/informations-pour-professionnels/recommanda
tions- pour-medecins-de-famille/). Dans les directives
, le risque d’hypoglycémie est considéré faible chez
les patients traités par un analogue lent d’insuline une
fois par jour ou par gliclazide ou un glinide (répaglinide
et natéglinide).
En cas d’hypoglycémie modérée prolongée et lors
d’hypoglycémie sévère, les signes de neuroglycopénie
(tab.) tel que les troubles de l’humeur, les dicultés de
concentrations vont, de fait, empiéter sur l’activité en
cours ou la stopper brutalement en cas de coma. Le
risque de récidive va s’en trouver augmenté durant les
heures suivantes (phénomène du HAAF) et en cas de
répétition elles vont nir par entrainer la perte des si-
gnaux d’alerte. Cette problématique, est connue depuis
la publication de l’étude DCCT Diabetes Control and
Complications Tria) et aectait presque un tiers des
patients diabétiques de type  sous traitement intensif.
Aujourd’hui, elle s’observe aussi chez les patients avec
un diabète de type, traité par insuline de longue date
et dans les cas de surdosage en insuline .
Hypoglycémie et létalité [2]
La létalité de l’hypoglycémie constitue une crainte par-
tagée des soignants et des patients. Du point de vue
scientique, le sujet est passablement débattu. Dans
tous les cas, ce risque ne peut être nié mais il demande
Tableau 3: Facteurs de vulrabilité (adapté d'après [9]).
Age (enfants, personnes âgées)
Insuffisance rénale chronique
Insuffisance hépatocellulaire
Insensibilité aux hypoglycémies
Due du diabète et de l’insulinothérapie
cit en insuline (type 1, pancatoprive,
type2 de longue date)
Troubles cognitifs / démence
Isolement social
Comorbidités multiples
Méconnaissance de la maladie
Difcultés techniques (injections, autocontrôle,
pompe à insuline, lipodystrophies…)
Maladie aiguë
Malnutrition
Antécédents d’hypoglycémie
Hospitalisation récente
Polymédication (>5 médicaments) et complexi
du traitement d’insuline
Dépression
Insuffisance cardiaque
Consommation d’alcool
Polyneuropathie
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(35):707–713
ARTICLE DE REVUE 711
à être pondéré. Les hypoglycémies sévères prolongées
(plusieurs heures) peuvent provoquer la mort cérébrale.
Les décès consécutifs à un épisode d’hypoglycémie se-
raient secondaires à des troubles du rythme cardiaque.
Le mécanisme postulé est lié à l’observation que la
séction des hormones de contre-régulation et l’acti-
vation du SNS induisent une augmentation du rythme
cardiaque et de la pression artérielle systolique. Il s’en
suit une augmentation des besoins en énergie et en
oxygène du cœur donc du débit coronarien. Chez le
patient sourant d’une coronaropathie, il peut en -
sulter une arythmie, une ischémie et même la mort.
Les anomalies du rythme cardiaque mises en évidence
suite à des hypoglycémies sont la tachycardie ou la
bradycardie sinusale, ou encore des ectopies ventricu-
laires ou atriales. Des allongements du segment QT et
des troubles de la repolarisation ont également été as-
socs à la survenue d’une hypoglycémie. Il existe aussi
une tendance à l’hypokaliémie secondaire à l’activa-
tion du système adnergique qui favoriserait l’aryth-
mie. Enn, la tachycardie et l’augmentation de la tension
artérielle peuvent fragiliser des plaques d’athérosc-
roses existantes.
Tous ces éléments suggèrent un lien fort entre la surve-
nue d’événements cardiovasculaires et celle d’une hy-
poglycémie sévère isolée. Les évidences scientiques
manquent pour armer l’existence d’un lien direct. En
revanche, la survenue d’une hypoglycémie chez le pa-
tient diabétique constitue un facteur de vulnérabilité
en soi. Une étude utilisant des senseurs glycémiques a
montré que les épisodes d’hypoglycémie sont plus for-
tement associés à l’ischémie cardiaque que les phases
d’hyperglycémie. En outre, dans l’étude ACCORD («Ac-
tion to Control Cardiovascular Risk in Diabetes»), les
patients qui ont présenté un ou plusieurs épisodes
d’hypoglycémie sévère avaient une mortalité augmen-
tée dans les  bras de l’étude (intensif ou standard), bien
que seulement un tiers des décès constatés découlaient
de causes cardiovasculaires. Enn, les épisodes d’hypo-
glycémie étaient associés à une mortalité cardiovascu-
laire plus élevée ,.
Hypoglycémies et fonctions cognitives
chez les diabétiques de type2
Les conséquences des hypoglycémies sévères et répéti-
tives sur les fonctions cognitives sont elles aussi débat-
tues. Les données existantes montrent un lien avec l’âge.
Les jeunes enfants et les personnes âgées semblent
plus à risque d’atteintes du SNC. Dans une large étude
populationnelle, menée entre  et , les hypo-
glycémies vères ayant conduit à une hospitalisation
ou à une consultation aux urgences étaient associées à
une incidence de mence deux fois plus importante
après . Cependant, l’étude n’avait pas évalué l’état
cognitif des patients lors de leur enrôlement []. Dans
le sous-groupe ACCORD MIND («ACCORD Memory in
Diabetes Sub Study»), la cognition a été évaluée de fa-
çon longitudinale tout au long de l’étude. Les données
ne montrent pas de diérence au niveau des fonctions
cognitives entre les groupes intensif et standard [].
Hypoglycémies et qualité de vie
En sus de l’ensemble des répercussions somatiques, il
existe de nombreuses percussions émotionnelles et
sociales qui restent trop souvent ignorées car inexplo-
rées (tab.). A ce titre, il convient de souligner que la
peur de l’hypoglycémie est celle qui aecte le plus signi-
cativement la qualité de vie des patients diabétiques,
indépendamment du type de diabète. Il est par ailleurs
fréquent d’observer chez les patients sourant d’hypo-
glycémies à répétition, l’existence de conits inter-
personnels en lien direct avec la peur de la dépendance
et la perte de contrôle. Par ailleurs, après une hypogly-
cémie sévère, il existe un réel risque de stigmatisation,
Tableau 4: Facteurs de variabilité glycémique.
Préparation de l’insuline/
des antidiabétique oraux
Différence propre au site
d’injection
Facteurs d’insulino-résistance Facteur humain
Dosage Site d’injection
(intramusculaire vs
sous-cutané)
Obésité (prise de poids) et
alimentation (acides gras)
Comptage des
hydrates de carbone
Caractéristiques
physico-chimiques
(suspension, soluble)
Profondeur d’injection Activité physique Gestion de lactivité
physique
Concentration Région anatomique Cirrhose, insuffisance rénale Gestion de l’hypoglycémie
Volume Lipodystrophie Acidose Alcool, imprévus
Type Modification du flux sanguin
cutané
Tabac Emploi de l’insuline
de correction
Mélange préalable Massage Age Anxiété de performance
Matériel d’injection Température Problèmes cognitifs
Maladies intercurrentes
(infections)
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(35):707–713
1 / 8 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !