INTRODUCTION GENERALE
[...], the ideas of economists and political philosophers, both
when they are right and when they are wrong, are more
powerful than is commonly understood. Indeed the world is
ruled by little else. Practical men, who believe themselves to
be quite exempt from any intellectual influence, are usually
the slaves of some defunct economist. Madmen in authority,
who hear voices in the air, are distilling their frenzy from
some academic scribbler of a few years ago. I am sur that the
power of vested interests is vastly exaggerated compared
with the global encroachment of ideas.
J. M. Keynes,
The General Theory of Employment, Interest and Money
(1936), P. 383.
C’est le 4 février 1936, il y a 80 ans, que la prestigieuse maison d’édition londonienne
Macmillan mettait en vente la première édition de The General Theory of Employment, Interest
and Money , oeuvre maîtresse de l’économiste John Maynard Keynes, qui exercera sur la pensée
et les politiques économiques des XX et XXI siècles une influence déterminante et
ième ième
probablement inégalée. C’est le 21 avril 1946, il y a 70 ans, que Keynes meurt d’un arrêt
cardiaque dans sa ferme de Tilton dans le Sussex. 2016 marque donc un double anniversaire
décennal, qui nous fournit une occasion de revenir sur la pensée de cet économiste exceptionnel
et différent.
Le texte ci-dessous ne mériterait probablement pas votre attention si son intérêt tenait
uniquement dans la coïncidence des dates. Malheureusement, à la coïncidence des dates se
superpose celle, plus grave, des préoccupations car la similitude entre les deux époques est
frappante. Certes, les niveaux de richesse et de protection sociale que nous connaissons
aujourd’hui sont sans comparaison avec ceux de l’Angleterre avant Beveridge. Mais, pour le
surplus, on ne peut qu’être préoccupé de la similitude des situations. Une crise boursière
américaine, survenue en octobre 1929, déclenche une crise économique mondiale dont la
principale caractéristique est la chute de la croissance et la montée puis la persistance du
chômage. Une autre crise boursière américaine survenue en septembre 2008 déclenche une crise
économique mondiale dont la principale caractéristique est la chute de la croissance et la montée
puis la persistance du chômage. La crise de 1929 inspirera à Keynes ses travaux les plus
originaux et les plus féconds. La crise de 2008 a, certes, quelque peu ébranlé les certitudes
“classiques” qui prévalaient jusqu’alors; mais on est loin encore du retour du Maître auquel R.
Skidelsky fait allusion dans son livre de 2010 (voir ci-dessous).
Et pourtant, la situation économique est aujourd’hui à ce point préoccupante, surtout,
dans l’Union européenne et la Zone Euro, qu’on pourrait utilement s’inspirer de la sagesse et de
la prodigieuse clairvoyance de Keynes. Revenir sur Keynes, c’est donc remettre au centre du
débat une conception différente de la politique économique, une conception plus réaliste,
dépouillée de ces hypothèses léonines qui étonnent le profane - à juste titre ! - et... ne trouvent
que rarement confirmation dans les faits. Une conception dont le plus grand mérite est
probablement de s’attaquer avec détermination aux problèmes qui, ici et aujourd’hui, minent le
bien-être des citoyens, laissant pour plus tard, ou pour la pure réflexion théorique, les non-
problèmes, les problèmes qui n’existent plus et ceux dont nous ne pouvons savoir s’ils existeront