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Les canaux de transmission de la politique monétaire
désignent les mécanismes par lesquels une variation
des taux directeurs a un impact sur le comportement
des agents économiques et sur la croissance. Ces
canaux sont multiples et peuvent inclure, outre l'effet
direct des taux d'intérêt sur les conditions d'endette-
ment, le taux de change, le coût des capitaux propres,
le patrimoine financier et immobilier des agents privés
et la qualité de la structure de leur bilan.
1. Une transmission relativement faible de
la politique monétaire en France
1.1 Des indices d’un moindre impact de la poli-
tique monétaire en France
La question de l'ampleur exacte des effets comparés
des politiques monétaires dans les différents pays est
encore largement débattue. Il est clair que ces effets
sont plus forts aux États-Unis que dans la zone euro.
Il existe également de fortes présomptions pour con-
sidérer que l’économie française est plutôt moins réac-
tive aux taux d’intérêt que la moyenne de la zone euro.
Les travaux académiques sur cette question se divisent
en deux catégories : les modèles macro-économétri-
ques, qui font intervenir des équations de comporte-
ment des différents agents économiques (modèles
multinationaux, modèles des banques centrales) et les
analyses économétriques directes fondées unique-
ment sur les liens statistiques entre les taux d’intérêt et
les variables réelles (modèles vectoriels auto-régressifs
ou VAR).
Les modèles macro-économétriques estiment en
moyenne qu'une baisse de 100 points de base du taux
directeur de la BCE augmente le PIB de la France
d'environ 0,3 point au bout de deux ans, contre 0,45
pour l’ensemble de la zone euro (cf. tableau1). Le
résultat est certes fragile, et seule l’étude de Els et alii
établit une comparaison directe entre l’effet en France
et l’effet en zone euro2.
Les modèles économétriques directs ne fournissent
pas de résultats probants, les intervalles de confiance
restant trop larges pour permettre d'établir des com-
paraisons précises. De plus, la création récente de
l'Union Monétaire Européenne constitue un change-
ment de régime qui rend délicates les estimations de ce
type de modèle sur longue période.
Par ailleurs, l'effet de la politique monétaire serait plus
marqué aux États-Unis que dans la zone euro. Ainsi,
selon le modèle FRB/US de la Fed, l'effet cumulé au
bout de 2 ans d'une baisse de 100 points de base sur
l'activité serait de 1,2 points de PIB aux États-Unis
(contre 0,7 points en Europe selon le modèle AWM
de la BCE).
Tableau 1 : résultats des modèles macroécono-
miques pour la France
1.2 La faiblesse de la réaction de la consomma-
tion des ménages aux conditions monétaires
Lorsque les études distinguent davantage les canaux
de transmission (voir annexe), elles mettent en évi-
dence des différences significatives entre les États-
Unis et la zone euro3. L'influence de la politique
monétaire aux États-Unis passerait principalement
par son impact sur la consommation des ménages :
trois ans après une intervention monétaire, près de
60% de l'ajustement du PIB sur la période s'explique-
rait aux États-Unis par l'évolution de la consomma-
tion. En Europe, c’est l'investissement qui
constituerait le principal facteur de réaction de l'éco-
nomie à une intervention de politique monétaire. De
plus, on constate une importante hétérogénéité au
sein même de la zone euro.
Plusieurs faits stylisés peuvent être avancés pour expli-
quer ces différences :
• Aux États-Unis, la politique monétaire agirait
davantage sur la consommation des ménages du
2. Cette étude est probablement la plus fine, dans la mesure où elle
s'appuie sur les modèles des banques centrales qui rendent le mieux
compte des particularités nationales des mécanismes de transmis-
sion de la politique monétaire.
Baisse de 100 points de base
des taux directeurs
pendant 2 ans
Effet maximal
en points de PIB
France Zone Euro
Els et aliia (2001)
a. Els, P. van, Locarno, A., Morgan, J., et Villetelle, J.-P., (2001)
«Monetary Policy Transmission in the Euro Area: What Do
Aggregate and National Structural Models Tell Us?», ECB Working
Paper No 94.
0,20 (2 ans) 0,38 (2 ans)
McAdam et Morganb (2001)
b. Mc Adam, P., and Morgan J., (2001), «The Monetary Mechanism
At the Euro-Area Level: Issues and Result Using Structural
Macroeconomic Models», ECB Working Paper No 93.
0,29 (2 ans) 0,31 (2 ans)
BRIc (1995)
c. Banque des Règlements Internationaux, (1995), «Financial
Structure and the monetary policy transmission mechanism».
0,36 (2 ans)
Baghli et aliid (2003)
d. Baghli, M., Bruhnes-Lesage, V., De Bandt, O., Fraisse, O., et
Villetelle, J-P., (2003), «Le Modèle de Prévision Mascotte pour
l'Économie Française: Principales propriétés et Résultats de
Variantes», Bulletin de la Banque de France, 118:63-86, Octobre
2003.
0,24 (3 ans)
AWM (BCE) 0,7 (2 ans)
Mésange (DP)e
e. Document de Travail de la DP (2002): «Présentation du modèle
MESANGE»
0,5 (2 ans)
3. Angeloni, I, Kashyap, A, Mojon, B et Terlizzese, D «The output
composition puzzle», NBER working paper 9985, Septembre 2003.