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chapitre de sa fameuse
Imitation de Jésus-Christ
, écrit :
« Il vaut mieux plaire au Saint-Esprit que
d’en connaître la définition. »
Cette phrase remarquable se situe, chacun le voit, dans la ligne de
ce que dit l’Écriture :
« Ceux qui disent : Seigneur! Seigneur! n’entreront pas tous dans le Royaume
de Dieu, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux »
, dit Jésus (Mt
7.21; voir Jc 1.22; 2.14).
Avec Luther, au 16e siècle, la théologie va sortir des couvents et des universités pour gagner les
Églises au cœur de la cité. En même temps, l’autorité du Magistère romain est remplacée par celle
de l’Écriture sainte. En découvrant dans l’Écriture que la justification est liée à la foi seule et que
cette foi est nourrie par l’écoute de la Parole de Dieu, Luther s’affranchit du dualisme du dogme et
des œuvres et met en lumière les fruits qui découlent de la foi. Ainsi, Luther peut-il écrire :
« La
vraie théologie est pratique et son fondement est le Christ. »
En soulignant l’importance des ministères de la Parole, Calvin aurait pu exposer de nouveau
l’Église au risque du clivage entre la théorie et de la pratique. Reconnaissons que ce risque n’est
jamais bien loin. Cependant, Calvin a placé à un niveau élevé l’exigence de la dimension
pastorale. De fait, l’
Institution de la religion chrétienne
elle-même n’est pas un ouvrage de pure
théologie : on y voit à chaque page, comme dans ses commentaires de la Bible d’ailleurs, ce
principe qui en fait toute la force : les doctrines ne sont jamais sans application pastorale;
l’application pastorale n’est jamais sans les doctrines.
Calvin présente trois signes pour reconnaître la véritable Église :
l’Écriture y est prêchée
fidèlement, les sacrements y sont administrés droitement et une saine discipline pastorale y est
pratiquée
3. Il est sans doute le réformateur qui a le plus développé la dimension pastorale du
ministère, partagée entre les pasteurs et les anciens, appuyée par le service des diacres au sein
de l’Église locale.
Il est significatif également que le Synode de Dordrecht, en 1618, ait décidé d’introduire, en plus
des
cinq points
précisant l’orthodoxie calviniste, la discipline de la théologie pratique dans les
études de théologie. L’apport des auteurs puritains, dans la deuxième partie du 16e siècle, a été
remarquable dans le domaine de l’accompagnement pastoral personnalisé4. Le constat du divorce
entre le discours et la pratique a été à l’origine des mouvements de piété (avec notamment le
recours aux groupes de maisons) et de pratiquement tous les réveils.
En même temps, le rationalisme du Siècle des lumières (18e s.) donna naissance au libéralisme
théologique qui, autour de la personne du théologien allemand Schleiermacher (1768-1834),
s’éloigna de l’Écriture en tant que révélation pour privilégier le sentiment religieux, intuitif en son
commencement, mais qui conduit, paradoxalement, à une approche de Dieu dans une démarche
de type scientifique.
Cette prétention s’accompagne, durant le 20e siècle d’une invasion des sciences psychologiques et
sociales qui s’observe encore aujourd’hui. La pratique prime, mais dans un rapport rompu avec la
doctrine biblique. La préoccupation majeure sera moins d’enseigner que de se centrer sur l’individu
dans « sa situation ». L’
approche déductive
(qui part de la théologie et va vers la pratique) est
alors remplacée par l’
approche inductive
(c’est le terrain, la situation qui est considérée en premier,
avec le recours constant à la
contextualisation
).
n’était en vue de la mettre en pratique. Érasme, mais aussi Martin Luther ont été influencés par
ce mouvement de piété.
3 J. Calvin,
Institution chrétienne
, IV.I.9.
4 Voir Richard Baxter,
The Reformed Pastor,
1656. En français,
Le pasteur réformé
. Paris, 1841.