La naissance de la France Libre - Archives

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La naissance de la France Libre,
le 18 juin 1940
N° 1/ Référence : LONDRES 118-31
Couleurs françaises et pavillon de la France Libre flottant au mât d’un bâtiment des FNFL
(Forces navales françaises libres) (Grande-Bretagne).
1943, photographe inconnu
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Sommaire
Introduction
La France Libre
1. Naissance d’un État
1.1. Un chef : le général de Gaulle
1.2. L’acte fondateur : l’appel du 18 juin 1940
1.3. Des bases politiques
1.4. Un emblème : la croix de Lorraine
1.5. Un outil de communication
2. Les Forces françaises libres (FFL)
2.1. Les premiers ralliements individuels ou collectifs
2.2. Le ralliement des premières « figures » civiles et militaires à la France Libre
2.3. Le ralliement de l’Empire
Le quartier général de la France Libre à Londres
Les compagnons de la Libération
Conclusion
Glossaire
Bibliographie
2
Introduction
Après neuf mois d’attente de part et d’autre des lignes de défense pour les forces alliées et
allemandes, Hitler donne l’ordre à ses troupes le 10 mai 1940 d’attaquer les Pays-Bas, le
Luxembourg, la Belgique et la France. L’armée française, qui pourtant oppose une réelle
résistance à l’ennemi, est vaincue en six semaines.
Le 17 juin 1940, le général de Gaulle, alors sous-secrétaire d’Etat à la Défense nationale,
refuse cette défaite et fait le choix de continuer le combat depuis l’Angleterre d’où il adresse
un appel historique à ses compatriotes. Des Français mais également quelques étrangers,
formant des groupes disparates d’origines diverses, le rejoignent donnant ainsi naissance à la
France Libre, aux Français Libres et à la Résistance extérieure.
Engagées dès décembre 1940 en Libye, les Forces françaises libres luttent sur tous les théâtres
d’opération en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe jusqu’aux derniers combats sur le
territoire allemand en 1945.
Le service cinématographique de la France Libre, qui existe à l’état embryonnaire dès juillet
1940 à Londres, rend compte des activités politiques et militaires des Forces françaises libres.
À ses débuts, les photographies sont prises par un personnel anglais, les ralliements français
étant rares, et les prises de vue réalisées par la société de production cinématographique
British Paramount.
Une équipe accompagne le général de Gaulle dans son épopée africaine dès septembre 1940,
rapportant des images prises sur tous les territoires britanniques sous contrôle des Forces
françaises libres. Parallèlement, le quartier-maître Guy Mas filme et photographie
exclusivement les activités des Forces navales françaises libres dans tout le Royaume-Uni.
Après l’opération manquée de Dakar en septembre 1940, le service cinématographique de la
France Libre suit la 1re DFL (Division française libre) jusqu’à Damas (Syrie). A Beyrouth
(Liban), le service devient le producteur d’images de la France Libre sur tous les territoires
ralliés, hors Royaume-Uni. La distribution des films sur tous les territoires acquis à la France
Libre est assurée par l’OFIC (Office français d’information cinématographique), créé en avril
1943.
La sélection des 38 images du dossier ne reflète pas un parti pris de privilégier une
personnalité, une unité, un territoire plutôt qu’un autre. Elle est plutôt imposée par les limites
des photographies existantes dans les séries Londres (9 652 clichés), FFL (environ 5 000
clichés), Levant : Syrie et Liban (4 172 clichés), traitant du sujet. Tout ce qui concerne la
France Libre n’est pas représenté en image : il en existe peu avant 1941 ; par ailleurs, les
combats des unités de la France Libre et les ralliements des territoires coloniaux sont très peu
illustrés.
La France Libre
La France Libre désigne le « mouvement » créé par le général de Gaulle à l’occasion de son
appel lancé sur les ondes de la BBC (British Broadcasting Corporation) à Londres le 18 juin
1940 ; un appel au rassemblement, hors de France, de volontaires qui s’engagent à poursuivre
la lutte sous ses ordres, aux côtés de l’Angleterre, alors que le maréchal Pétain appelle de son
côté l’armée française à cesser le combat.
Géographiquement, dépendent de la France Libre tous les volontaires, français et étrangers,
qui ont gagné Londres et les territoires ralliés au général de Gaulle, ainsi qu’en France
occupée, les réseaux reconnus « Français libres » qu’elle a créés.
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Dans le temps, on peut en fixer les limites au 31 juillet 19431, date à laquelle s’interrompt le
recrutement. Néanmoins, après cette date l’action de la France Libre perdure avec le CFLN
(Comité français de Libération nationale) et l’armée française de la Libération.
1. Naissance d’un État
1.1. Un chef : le général de Gaulle
Chef de corps du 507e RCC (Régiment de chars de combat) à la déclaration de la guerre, le
colonel de Gaulle est chargé en avril-mai 1940 de former, puis de commander la 4e Division
cuirassée. À la tête de cette division, il se distingue lors des combats de Montcornet (Aisne) le
17 mai 1940 puis dans la Somme, où il remporte un des rares succès de l’armée française
durant l’offensive allemande de mai et juin 1940.
Par ailleurs, écrivain militaire2 visionnaire et non conformiste, il est reconnu comme un
théoricien de l’arme blindée. Ses ouvrages apportent des théories nouvelles sur la technique
militaire, reposant sur la puissance des unités mécaniques. Mais l’armée française d’alors ne
concorde pas avec ses théories de la guerre moderne et l’état-major français n’entend pas la
leçon du colonel qui avait pourtant prévu la ruée des puissantes unités motorisées allemandes.
N° 2/ Photogramme référence film : J 5 - TCI 00 :12 :21
Le président de la République, Albert Lebrun, rencontre le colonel de Gaulle, commandant le 507e RCC
(Régiment de chars de combat), lors d’une visite à Strasbourg.
Fin octobre 1939, réalisation SCA
Promu général de brigade à titre temporaire, le 5 juin 1940 il est nommé sous-secrétaire d’État
à la Défense nationale dans le gouvernement de Paul Reynaud. Il se trouve confronté au
défaitisme du maréchal Pétain, du général Weygand et des ministres et s’oppose aux partisans
de l’armistice.
Le 16 juin 1940, le général de Gaulle est de retour d’un voyage à Londres alors que la
formation d’un gouvernement formé par le maréchal Pétain se profile. Décidé à poursuivre le
combat malgré tout, il repart, seul (juste accompagné de son officier d’ordonnance, le
1
Tout rallié après cette date ne peut en effet se voir reconnaître la qualité de « Français Libre ». Le 1er août 1943,
a lieu la fusion des Forces françaises libres et de l’armée d’Afrique du général Giraud afin de mettre sur pied
l’armée de la Libération.
2
Ouvrages majeurs de Charles de Gaulle sur sa conception de l’armée : « La discorde chez l’ennemi » (1924),
« Le Fil de l’épée » (1932), « Vers l’armée de métier » (1934), « La France et son armée » (1938).
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lieutenant Geoffroy de Courcel), pour Londres dès le lendemain et rentre en dissidence. Le
premier ministre britannique Winston Churchill lui accorde son soutien et l’autorise à
s’exprimer dès le soir du 18 juin sur les ondes de la BBC pour s’adresser au peuple français.
1.2. L’acte fondateur : l’appel du 18 juin 1940
Cet appel, enregistré à 18h00 pour être diffusé à 22h00, se veut avant tout militaire et non
politique. Le général s’adresse « aux officiers, aux soldats, aux ingénieurs et ouvriers [qu’il
invite] à le rejoindre et à poursuivre la lutte ». C’est donc par la radio que certains -mais peude Français apprennent la naissance de la France Libre. La déroute de l’armée française et les
quelques 8 millions de Français jetés sur les routes par l’exode font que ce discours n’a pas le
retentissement escompté.
N° 3/ Référence collection documentation Française : B223-321/1A-10846 (copyright BBC)
Le général de Gaulle prononçant un discours radiodiffusé à la BBC à Londres.
30 octobre 1941, photographe inconnu
Le général de Gaulle se trouve dans les studios de la British Broadcasting Corporation situés
à Langham Place à Londres.
Cette photographie, bien que souvent utilisée pour illustrer le général prononçant son célèbre
appel du 18 juin, est en réalité prise le 30 octobre 1941 à l’occasion d’un autre discours
(peut-être celui intitulé « La France rentre en ligne » qu’il dira le 31 octobre 1941). Le
général arbore l’insigne émaillé de la France Libre sur sa vareuse, créé après le 18 juin
1940.
Cette photographie ainsi qu’une deuxième prise vraisemblablement le même jour, sous un
angle différent, est conservée dans la série Seconde Guerre mondiale d’un fonds déposé à
l’ECPAD par la documentation Française en 2004. Les droits de ces deux clichés
appartiennent à la BBC.
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1.3. Des bases politiques
Le général de Gaulle est reconnu comme chef des Français Libres par le premier ministre
britannique Winston Churchill le 28 juin 1940. Dès lors, l’expression « Français Libre »
devient une nouvelle nationalité pour tous ceux qui suivent le général de Gaulle.
Rapidement la France Libre se dote d’un gouvernement, d’une administration, de territoires,
d’une armée, d’une représentation diplomatique distincts de ceux de l’État français. L’accord
Churchill - De Gaulle du 7 août 1940 met en forme la déclaration du 28 juin, officialise
l’existence de la France Libre et de son chef, aux yeux du gouvernement britannique et donne
à la France Libre ses assises administratives et financières. Le général est à la tête des troupes
françaises mais il déclare « accepter les directives du haut commandement britannique » et
surtout, il dépend financièrement du pays qui l’héberge3.
René Cassin, éminent professeur de droit, rallié dès le 29 juin 1940 au général, établit des
bases juridiques qui sont concrétisées par la publication d’un Bulletin officiel de la France
Libre qui paraît le 15 août 1940. C’est ensuite dans un Journal officiel de la France Libre que
chaque mois à partir de janvier 1941, sont publiés les lois et décrets organisant la France
Libre.
N° 4/ Référence : LONDRES R-39-936
René Cassin, le « légiste de la France Libre », commissaire national à la Justice et à l’Instruction publique,
dans les bureaux du quartier général de la France Libre, situé au 4 Carlton Gardens à Londres.
23 octobre 1941, photographe inconnu
A la fois juriste et président d’un million d’anciens combattants, le patriotisme et les
compétences de René Cassin font de son ralliement un atout majeur pour le général de
Gaulle. Il devient le légiste de la France Libre. Il en rédige les textes fondateurs, notamment
celui de l’accord Churchill - De Gaulle du 7 août 1940. C’est lui également qui prépare la
création du Conseil de défense de l’Empire durant l’été 1940, celle du Comité national
français l’année suivante, et en 1943 celle de l’Assemblée consultative provisoire dont il sera
un membre actif. Il est fait Compagnon de la Libération par décret du 1er août 1941.
Le 30 octobre 1940, le général de Gaulle institue par ordonnance le Conseil de défense de
l’Empire, composé des différents chefs de territoires ralliés à la France Libre.
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La dette de la France Libre contractée auprès des Britanniques croît entre 1940 et 1943 pour atteindre en 1943,
35 029 000 £ soit 6 200 000 000 F. Cette dette, qui correspond à la moitié de l’indemnité mensuelle versée par le
gouvernement de Vichy à l’occupant allemand, est entièrement remboursée en 1945.
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Le 16 novembre 1940, De Gaulle publie dans le Journal officiel de la France Libre à
Brazzaville, une déclaration organique officielle contestant la constitutionnalité et la légitimité
du régime de Vichy.
A la suite de la Charte de l’Atlantique, adoptée le 14 août 1941 par Churchill et Roosevelt,
proclamant le principe d’autodétermination des peuples, le général de Gaulle crée à Londres
le 24 septembre 1941 le Comité national français, véritable gouvernement de la France Libre.
N° 5/ Référence : LONDRES R-39-935
Le général de Gaulle, président du Comité national français, et les commissaires, réunis au quartier général de
la France Libre à Carlton Gardens à Londres, observent une minute de silence en hommage aux otages fusillés
par les Allemands à Châteaubriant le 22 octobre 1941.
De gauche à droite : Maurice Dejean, commissaire aux Affaires étrangères, André Diethelm, commissaire à
l’Intérieur, l’amiral Muselier, commissaire à la Marine et marine marchande, le général de Gaulle, René
Cassin, commissaire à la Justice et à l’Instruction publique, René Pleven, commissaire à l’Economie, aux
Finances et aux Colonies et le général Valin, commissaire à l’Air.
23 octobre 1941, photographe inconnu
•
Un événement symbolique, le 14 juillet 1940 à Londres
Le 14 juillet 1940, le premier ministre britannique Winston Churchill, qui prononce un
discours très francophile en hommage aux Français et Françaises qui n’ont pas renoncé à se
battre, permet à De Gaulle et aux premiers Français Libres de célébrer le 14 Juillet dans la
capitale anglaise, également devenue pour un temps celle de la France Libre. Le général
dépose une gerbe de fleurs au pied de la statue du maréchal Foch (il le fera également le
14 juillet 1942) et un défilé de légionnaires et de chasseurs a lieu entre le cénotaphe de
Whitehall et la statue du maréchal à Grosvenor Gardens.
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N° 6/ Référence : LONDRES O-27-724
Cérémonie du 14 juillet 1942 à Londres ; le général de Gaulle dépose une couronne de fleurs au pied de la
statue du maréchal Foch à Grosvenor Gardens.
14 juillet 1942, photographe inconnu
« Le 14 juillet 1940 ne marque pas
seulement la grande douleur de la
patrie. C’est aussi le jour d’une
promesse que doivent se faire tous
les Français par tous les moyens
dont chacun dispose, résister à
l’ennemi, momentanément
triomphant, afin que la France, la
vraie France, puisse être présente à
la victoire ». Général de Gaulle.
N° 7/ Référence : FFL 5345
Cérémonie du 14 juillet 1940 à Londres ; défilé des hommes de la 14e DBMLE (Demi-brigade de marche de la
Légion étrangère) qui sont parmi les premiers ralliés à la France Libre.
14 juillet 1940, photographe inconnu
1.4. Un emblème : la croix de Lorraine
Le 30 juin 1940, alors que le capitaine de corvette Thierry d’Argenlieu rejoint le général de
Gaulle à Londres, il lui propose de prendre comme emblème de la France Libre, la croix de
Lorraine, qui depuis 1871 est le symbole de Metz perdue, à opposer à la croix gammée.
L’idée est acceptée et mise en forme dans un ordre daté du 3 juillet 1940 par l’amiral
Muselier.
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N° 8/ Référence : LONDRES 205-17
La frégate « L'Aventure » battant pavillon à croix de Lorraine, emblème de la France Libre à partir
du 3 juillet 1940.
1944-1945, photographe inconnu
À l’origine, le choix d’un emblème est motivé par la volonté de distinguer la marine des
Français Libres de celle fidèle à Vichy. Le symbole, par dérision surnommé le « perchoir »
par le régime de Vichy, est ensuite adopté par tous les Français Libres et figure sur de
nombreux insignes, drapeaux et décorations telles la croix de la Libération et la médaille
commémorative des services volontaires dans la France Libre.
Dans sa version définitive, le pavillon est bleu, blanc, rouge ; le blanc étant en forme de
losange et chargé d’une croix de Lorraine non tréflée.
Après-guerre, ce pavillon est hissé sur tous les navires de la Marine nationale, auxquels le
nom d’un ancien bâtiment des Forces navales françaises libres est donné.
1.5. Un outil de communication
Dès le 18 juin, Churchill permet à De Gaulle de s’exprimer sur les ondes de la BBC, organe
de production et de diffusion de programmes radiophoniques depuis 1922 et dont les bureaux
londoniens sont situés à Langham Place et à Bush House pour la section française. À compter
du 18 juillet, 5 minutes quotidiennes sont octroyées au général dans l’émission de la France
Libre et à partir de mars 1941, la France Libre bénéficie de 5 minutes supplémentaires dans
les programmes du midi. Maurice Schumann, rallié dès le 21 juin 1940, est le porte-parole de
la France Libre sur les ondes. Le régime de Vichy et les Allemands comprennent bien que la
radio est une véritable arme de guerre et s’emploient à brouiller les émissions de la BBC.
Conscients du pouvoir radiophonique que ces émissions confèrent au général de Gaulle, la
propagande de Vichy le surnomme le « général micro ».
Près de 6,5 millions de foyers français sont équipés de récepteurs et les émissions
quotidiennes de la France Libre constituent un message d’espoir. Les Français sont appelés à
résister et informés sur la réelle situation en France (la parole est donnée à la Résistance
intérieure à partir de 1942) et sur les combats menés sur tous les fronts par les Forces
françaises libres.
Entre l’été 1940 et son départ pour Alger en mai 1943, le général s’exprime à 67 reprises.
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N° 9/ Référence : TERRE 10548 L49
Au centre, le capitaine Maurice Schumann, porte-parole de la France Libre sur les ondes radiophoniques.
Normandie, 6 juin 1945, photographe Jabely ou Germaine Kanova ou Castelli
Le 18 juin 1940, Maurice Shumann (engagé volontaire en 1939, il sert comme agent de
liaison, en qualité d'officier interprète, auprès du Corps expéditionnaire britannique) entend,
à Niort, l'appel du général de Gaulle et décide de rallier l'Angleterre. Le 21 juin, il quitte la
France à Saint-Jean-de-Luz sur un bateau polonais, le « Batory », et rejoint les Forces
françaises libres.
Principal intervenant de l'émission « Honneur et Patrie » sur les ondes de la BBC, il devient
le porte-parole de la France combattante. Entre le 17 juillet 1940 et le 30 mai 1944, il
intervient plus de mille fois à la radio de Londres. Ses messages radiodiffusés contribuent au
soutien moral des populations. Il est fait Compagnon de la Libération par décret du 13 juillet
1945.
Hormis les discours et messages radiodiffusés, le général de Gaulle multiplie les interventions
lors de rassemblements, de conférences de presse, de déjeuners… dans des lieux publics
divers. De 1940 à la Libération, le chef et les principaux responsables de la France Libre
prononcent des discours au Royal Albert Hall, au Central Hall Westminster, au Royal African
Society ou encore à l’université d’Oxford, au cours desquels ils rendent hommage à la France
combattante et stigmatise les traîtres à la Patrie.
N° 10/ Référence : FFL 1849
Rassemblement de 3 000 Français Libres au Royal Albert Hall à Londres. Le général de Gaulle, à la tribune, y
prononce un discours à l’occasion du second anniversaire de l’appel du 18 juin et de la naissance de la France
Libre, devant un amphithéâtre comble.
18 juin 1942, photographe inconnu
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2. Les Forces françaises libres (FFL)
2.1. Les premiers ralliements individuels ou collectifs
En août 1940, les FFL comptent seulement 3 200 hommes dans la Marine, 2 à 3 000 dans
l’armée de terre et environ 300 dans l’armée de l’air.
Peu veulent en effet se risquer dans une aventure dont l’issue est, en cette année 1940, plus
qu’incertaine. La majorité des militaires et les diplomates préfèrent rester dans la légalité alors
même qu’ils réprouvent la politique menée par le maréchal Pétain.
1941 et 1942 sont des années creuses alors qu’une reprise s’opère à partir de novembre 1942,
la donne ayant changé car la victoire des Alliés semble désormais inéluctable, les Allemands
ont envahi la zone libre, la flotte française s’est sabordée à Toulon…
La fusion des armées De Gaulle – Giraud (alors commandant civil et militaire en Afrique du
Nord) le 1er août 1943 permet à quelques volontaires supplémentaires d’opter pour la France
Libre avant cette date butoir (les autres faisant le choix de rester dans les rangs de l’armée
d’Afrique fidèle à Vichy jusqu’en novembre 1942).
Le nombre total de ralliés à la France Libre reste relativement modeste puisqu’il fluctue entre
52 000 et 55 000 selon les sources, toutes catégories confondues (militaires, civils, femmes,
mineurs, étrangers – essentiellement Espagnols, Polonais, Belges, Russes, Britanniques mais
également quelques Allemands, Autrichiens et Italiens-). Ce chiffre peut être majoré si l’on
inclut la totalité des ralliés des colonies difficiles à identifier et à recenser.
Au moment de leur ralliement tous les volontaires signent un acte d’engagement pour la durée
de la guerre plus trois mois.
Si beaucoup de volontaires rallient à titre individuel, peu le font en unités constituées, à
l’exception par exemple du sous-marin le « Rubis » ou de la 13e DBMLE (Demi-brigade de
marche de la Légion étrangère).
Le ralliement aux Forces navales françaises libres (FNFL)
Les marins sont les plus nombreux à rallier, leurs effectifs atteignant 7 000 hommes en août
1943 dans la marine de guerre et 4 000 dans la marine marchande. La plupart viennent de
départements du littoral français ou des colonies et sont déjà des marins de commerce, de
pêche ou de la Marine nationale ; néanmoins certains sont des civils sans lien avec la mer.
Parmi les premiers marins ralliés, se trouve le capitaine de corvette Cabanier, rallié avec son
bâtiment le sous-marin le « Rubis » et la quasi-totalité de son équipage.
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N° 11/ Référence : LONDRES R-12-207
Le capitaine de corvette Cabanier, commandant du sous-marin le « Rubis » de 1938 à mai 1941,
rallié à la France Libre en juillet 1940.
Janvier 1941 - mars 1943, photographe inconnu
Georges-Etienne Cabanier, lieutenant de vaisseau en juin 1940, se rallie à la France Libre
dès juillet 1940. Il entraîne avec lui son bâtiment, le sous-marin le « Rubis » qu’il commande
depuis 1938, son état-major et son équipage quasiment au complet le 10 juillet 1940.
Promu capitaine de corvette en janvier 1941, il quitte son commandement en mai 1941 pour
rejoindre le Pacifique.
Il est fait Compagnon de la Libération par décret du 25 mai 1943.
Au moment de la déclaration de guerre, le sous-marin mouilleur de mines le « Rubis » est
basé à Cherbourg puis à Bizerte. Le 1er mai 1940, il est mis aux ordres de l'amirauté
britannique. Après avoir assuré une mission en Norvège, il rentre à Dundee en Écosse, le 30
juin, alors que l'armistice franco-allemand est entré en vigueur depuis 5 jours. La saisie des
bâtiments français par les Britanniques commence, sauf pour le « Rubis » dont l'équipage, eu
égard aux services rendus, est laissé libre d'action. Son ralliement à la France Libre est en
grande partie l'œuvre de son commandant, le lieutenant de vaisseau Cabanier. Malgré l'affaire
de Mers el-Kebir, l'équipage du « Rubis » conserve sa volonté de servir la France Libre. Dès
la mi-juillet, la quasi-totalité de ses membres décide de s'enrôler dans les FNFL. Fait
marquant, sur les 50 hommes d'équipage, 31 resteront à bord du bâtiment durant toute la
guerre.
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N° 12/ Référence : LONDRES 139-37
Sous-marin le « Rubis », rallié à la France Libre, en carénage à Dundee (Ecosse).
1942- 1943, photographe inconnu
De retour à Dundee le 25 septembre 1942, le sous-marin le « Rubis » rentre en grand
carénage jusqu’au 2 mai 1943. Une première fois le sous-marin, mouilleur de mines, entre en
carénage entre décembre 1940 et mai 1941, pour y subir des modifications du système de
stockage et de lancement des mines, afin de l’adapter aux mines anglaises.
•
A la tête des FNFL : l’amiral Muselier
L’amiral Emile Muselier rallie la France Libre le 29 juin 1940 à Londres où il reçoit pour
mission de mettre sur pied les FNFL et les FAFL (Forces aériennes françaises libres),
respectivement créées le 1er et le 8 juillet 1940.
N° 13/ Référence : LONDRES O-07-147
L’amiral Emile Muselier est à bord d’un bâtiment naviguant vers Saint-Pierre-et-Miquelon.
Décembre 1941, lieu et photographe inconnus
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Après la défaite, l’amiral Emile Muselier s’embarque clandestinement à Marseille le 23 juin
1940 à bord du charbonnier anglais « Cydonia ». Arrivé à Gibraltar le 27, il réussit à
convaincre la majorité des marins français présents de poursuivre la lutte. Il prend l’avion le
29 juin pour Londres où il rallie la France Libre. C'est au soir du 30 juin 1940 que l'amiral
Muselier entre en contact pour la première fois avec le général de Gaulle, qui le nomme « au
commandement des forces maritimes françaises restées libres quelles qu'elles soient et quel
que soit l'endroit où elles se trouvent » et à celui, provisoire (aucun officier de l’air d’un rang
suffisamment élevé n’ayant rallié la France Libre à cette époque), des forces aériennes.
Muselier met ainsi sur pied les FNFL et les FAFL, créées respectivement le 1er et le 8 juillet
1940. Il devient le numéro deux de la France Libre. Le 3 juillet, il choisit la croix de Lorraine
comme emblème de la France Libre, en souvenir de son père d'origine lorraine. En mars
1942, il est démis du commandement des FNFL. En mai de la même année, il est remplacé à
ce poste par le contre-amiral Philippe Auboyneau jusqu’en août 1943, date de la fusion des
FNFL et des forces navales d’Afrique.
Il est fait Compagnon de la Libération par décret du 1er août 1941.
Le ralliement aux Forces terrestres françaises libres
Les forces terrestres de la France Libre sont constituées des deux divisions
emblématiques que sont :
- la 1re Division française libre qui naît le 1er février 1943 de la fusion des 1re et 2e brigades
françaises libres, aux ordres des généraux de Larminat, Koenig puis Brosset ; unité
exclusivement FFL jusqu’à la fin des hostilités, elle est forte de 7 000 hommes ;
- la 2e Division blindée, qui s’identifie à son chef, le général Leclerc, et qui a pour origine la
2e Division française libre, elle-même issue de la « Force L » et de la colonne Leclerc. Cette
unité créée le 24 août 1943 résulte du rassemblement des FFL et de l’armée d’Afrique.
Les premiers ralliés de l’armée de terre ne sont guère nombreux. Cependant, il faut rendre
hommage aux hommes de la 13e DBMLE (Demi-brigade de marche de la Légion étrangère)
qui sont parmi les premiers à se rallier à leur retour de la campagne de Norvège. La division
arrive en Angleterre le 21 juin 1940 avec son chef le colonel Magrin-Vernerey qui se rallie au
général de Gaulle. La moitié de la demi-brigade le suit.
Cet engagement est déterminant : il entraîne à sa suite d’autres ralliements et conforte le
général de Gaulle dans son action.
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N° 14/ Référence : MARINE 224-3152
Revue de la 13e DBMLE (Demi-brigade de marche de la Légion étrangère) par l’amiral Laborde, accompagné
du lieutenant-colonel Magrin-Vernerey sur le quai du port de Brest avant son départ
pour la campagne de Norvège.
23 avril 1940, photographe inconnu
La 13e Demi-brigade de la Légion étrangère est créée le 1er mars 1940 dans le cadre de la
mise sur pied du corps expéditionnaire franco-anglais destiné à intervenir initialement en
Finlande. Sa première dénomination est 13e Demi-brigade de marche de la Légion étrangère
(13e DBMLE). Le 1er juillet 1940, le 1er bataillon, 900 hommes, constitue en Angleterre au
sein des FFL, la 14e DBMLE tandis que le reste de la demi-brigade, 800 hommes issus
principalement du 2e bataillon, rentre au Maroc et conserve le nom de 13e DBMLE. Le
4 novembre 1940, la demi-brigade du Maroc est dissoute ce qui permet aux troupes restées en
Angleterre de reprendre le nom de 13e DBLE.
N° 15/ Référence : FFL 5677
Le général de brigade Magrin-Vernery dit Monclar, Compagnon de la Libération.
Lieu, date et photographe inconnus
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En février 1940, le lieutenant-colonel Magrin-Vernerey est nommé au commandement des
deux bataillons de marche de Légion qui forment la 13e Demi-brigade de la Légion étrangère
(13e DBLE). Sous ses ordres, cette unité se distingue en Norvège en mai et juin 1940, lors des
batailles de Bjervik et de Narvik. De retour en Bretagne le 16 juin 1940 avec le corps
expéditionnaire, il s'embarque le 19 juin de Saint-Jacut-de-la-Mer avec quelques officiers de
la 13e. A Jersey, la troupe est prise en charge par un cargo et parvient en Angleterre le
21 juin 1940. Magrin-Vernerey se rallie au général de Gaulle sous le pseudonyme de Ralph
Monclar (du nom d'un village du Tarn-et-Garonne d'où sa famille est originaire) et est promu
colonel. La moitié de sa demi-brigade le suit ; il constitue son unité et la met à la disposition
du général de Gaulle. Il l’entraîne dans les campagnes africaines (Dakar, Freetown,
Cameroun, Erythrée). Bien que « mis sur la touche » à partir de 1941, le général de Gaulle
reconnaît les mérites de l’« admirable entraîneur d’hommes » et du rallié de la première
heure en le faisant Compagnon de la Libération par décret du 1er juin 1943.
Le ralliement aux Forces aériennes françaises libres (FAFL)
Les FAFL réunissent les effectifs les plus faibles de la France Libre. Toutes les unités de
l’armée de l’air restant fidèles au régime de Vichy, les ralliements se font individuellement ou
en petits groupes. La faiblesse de ces effectifs empêche la création d’unités exclusivement
françaises, les personnels navigants et au sol sont donc intégrés dans la Royal Air Force. Les
historiens estiment que 3 à 5 000 personnes sont reconnues FAFL dont les parachutistes des
SAS (Special Air Service).
À partir de l’été 1941, sept groupes français libres autonomes sont crées dont notamment le
groupe de chasse « Alsace » et le groupe de bombardement « Lorraine ».
N° 16/ Référence : AIR 228-4113
Briefing de pilotes du groupe de bombardement « Lorraine » des FAFL.
Février - mars 1945, lieu et photographe inconnus
16
N° 17/ Référence : AIR 228-4101
Briefing de pilotes du groupe de bombardement « Lorraine » des FAFL.
Février - mars 1945, lieu et photographe inconnus
•
A la tête des FAFL : le général Valin
Le 6 juillet 1941, le colonel Martial Valin est nommé par le général de Gaulle, commandant
en chef des FAFL, en remplacement de l’amiral Muselier. Nommé général de brigade
aérienne le mois suivant, il occupe le poste jusqu’en août 1943.
N° 18/ Référence collection documentation Française : B223-321/5-1952 (copyright ECPAD)
Le général de brigade aérienne Martial Valin, commandant les Forces aériennes françaises libres.
Date, lieu et photographe inconnus
17
Alors colonel, Martial Valin envoie le 9 novembre 1940 un télégramme de ralliement au
général de Gaulle qui l'appelle à Londres. Embarqué pour la Grande-Bretagne à bord
d’un navire britannique en février 1941 (il est affecté depuis mars 1940 à la mission
militaire française à Rio de Janeiro auprès du gouvernement brésilien), le colonel Valin
atteint l'Angleterre le 26 mars 1941 et signe son engagement dans la France Libre le
10 avril 1941. Succédant à l'amiral Muselier, il se voit confier la charge de développer et
diriger les Forces aériennes françaises libres. Nommé commandant des FAFL le 10 juillet
1941, il crée en Angleterre le groupe de chasse « Ile-de-France » et au Tchad le groupe de
bombardement « Bretagne ». Toujours en juillet 1941, il forme le groupe de chasse
« Alsace » et le groupe de bombardement « Lorraine » avec les aviateurs stationnés au
Levant et avec les personnels ralliés après la campagne de Syrie. En octobre 1941, il est
appelé au poste de commissaire à l’air du Comité national français. Par ailleurs, il donne
à tous les volontaires une instruction aérienne et technique, réorganise l'aviation de
transport française, forme des groupes d’aviation autonomes et les unités de parachutistes
de la France libre, et constitue le groupe de chasse « Normandie » envoyé sur le front de
l'est. En juillet 1943, lorsque les FAFL fusionnent avec les forces aériennes d’Afrique, il
s’efface et renonce au poste de chef d’état-major général de l’armée de l’air en faveur du
général Bouscat. Il est fait Compagnon de la Libération par décret du 7 juillet 1945.
Les ralliements civils
Tous les ralliés ne sont pas des militaires d’active ou de réserve. La France Libre compte dans
ses rangs des agriculteurs, des pêcheurs, des ouvriers, des commerçants, des hautsfonctionnaires, des cadres supérieurs…
Ces effectifs sont essentiellement masculins, néanmoins entre 1 200 et 1 800 femmes selon les
sources, rejoignent les Français Libres. Aucune structure n’est pourtant prévue pour les
accueillir en 1940, cependant un corps des volontaires françaises voit le jour en décembre
1940 sur le modèle des Auxiliary Territorial Services britanniques. Elles servent en qualité
d’auxiliaires des armées de terre, de l’air ou de la Marine et occupent des emplois dans les
transmissions, le service de santé, l’administration.
Par ailleurs, l’âge moyen des engagés est de 25 ans de 1940 à 1942 et 23 ans en 1943. Au
moment de l’engagement, les plus de 30 ans ne représentent que 22 % des volontaires alors
que 34 % n’ont pas atteint la majorité (21 ans à l’époque) et pour certains n’ont même pas
18 ans.4
4
Les pourcentages sont cités dans l’Atlas de la France Libre, Sébastien Albertelli, Éditions Autrement, page 16.
18
N° 19/ Référence : LONDRES R-03-40
Entraînement des Cadets de la France Libre à Malvern près de Worcester en Angleterre.
1941, photographe inconnu
Dès l’été 1940, des jeunes de moins de 18 ans n’ayant pas achevé leurs études et ne possédant
aucune formation militaire s’engagent dans les Forces françaises libres. À partir de février
1941, ces jeunes volontaires reçoivent une instruction militaire rigoureuse, indispensable pour
de futurs officiers, à l’école militaire des Cadets de la France Libre – « cadets » étant
l’appellation donnée en Angleterre aux élèves officiers – encadrés par des officiers de carrière
français. Entre 1941 et 1944, l’école forme 211 aspirants au total ; presque tous participent
aux combats menés par la France Libre. En 1954, l’école des Cadets de la France Libre est
assimilée à l’École supérieure militaire de Saint-Cyr.
N° 20/ Référence : LONDRES R-31-698
Jeunes français ralliant la France Libre, reçus à Londres par Winston Churchill et son épouse.
22 septembre 1941, photographe inconnu
Mr et Mrs Churchill accueillent cinq adolescents français âgés de 15 à 19 ans ayant traversé
la Manche à bord de canoës pour rejoindre la France Libre en Grande-Bretagne ; certains
rallient les FNFL, d’autres les Cadets de la France Libre.
19
2.2. Le ralliement des premières « figures » civiles et militaires à la France Libre
Parmi les premiers ralliés civils, figurent quelques hauts-fonctionnaires, universitaires,
journalistes, avocats ou encore directeurs de société. André Diethelm, Maurice Dejean, René
Pleven, Jacques Soustelle, ou René Cassin, cité auparavant, en sont quelques exemples. Le
général de Gaulle leur a confié des responsabilités importantes au sein de la France Libre.
N° 21/ Référence : FFL 1023
René Pleven.
Lieu, date et photographe inconnus
Directeur d’une société américaine de téléphonie installée à Londres et chef-adjoint du
Comité de coordination franco-britannique, il choisit à la fin juin 1940 de rejoindre la
France Libre. La rencontre dans les rues de Londres de marins bretons venus s’engager et la
connaissance préalable des thèses militaires du général de Gaulle influencent sa décision. Il
devient un des piliers Outre-Manche de la France Libre. Il jette notamment les bases de
l’Afrique équatoriale française libre dont il devient le secrétaire général (été 1940 - début
1941). Il joue par ailleurs un rôle majeur dans l’administration et la diplomatie gaullistes,
occupant de nombreux postes de responsabilité civile à l’économie et aux finances. Le
24 septembre 1941, il est nommé commissaire à l’Economie, aux Finances et aux Colonies
dans le premier Comité national français. S’affirmant comme le fidèle numéro deux de De
Gaulle, il est fait Compagnon de la Libération par décret du 20 mai 1943.
Chez les militaires, rares sont les officiers à rallier le général de Gaulle. On peut néanmoins
citer les généraux Catroux et Legentilhomme, les colonels de Larminat et Brosset, les
capitaines de Hauteclocque, Koenig, Dewavrin, le lieutenant de vaisseau d’Estienne d’Orves,
le second maître Philippe Kieffer.5
5
Les grades cités sont ceux détenus par les intéressés au moment de leur ralliement au général de Gaulle.
20
N° 22/ Référence : FFL 100369
Les généraux Catroux et de Gaulle lors de la cérémonie du 18 juin à Alger (Algérie).
18 juin 1943, photographe inconnu
En août 1940, le général Georges Catroux, qui a entendu l'appel du 18 juin, se rallie au
général de Gaulle. Le 17 septembre 1940, il atterrit à Londres et rencontre Winston
Churchill, (De Gaulle étant alors à Dakar), qui lui propose de prendre la direction de la
France Libre (du fait de son grade, général d’armée). Catroux décline l'offre, se mettant sous
les ordres du général de Gaulle, bien que ce dernier ne soit « que » général de brigade à titre
temporaire. Le 17 octobre 1940, il est accueilli à Fort-Lamy (Tchad), par De Gaulle et le
gouverneur Félix Eboué. Il est nommé membre du Conseil de défense de l'Empire et
commandant en chef et délégué général de la France Libre au Moyen-Orient, en juin 1941. À
sa création, le 3 juin 1943, il est nommé membre du Comité français de la Libération
nationale (CFLN) dont il est commissaire d'État.
Il est fait Compagnon de la Libération par décret du 23 juin 1941.
N° 23/ Référence : TERRE 264-L5922
Portrait du général de Larminat en Méditerranée à bord du paquebot « S. S. Batory » qui s’apprête à
débarquer en Provence dans le cadre de l’opération « Anvil-Dragoon ».
16 août 1944, photographe inconnu
21
En juin 1940, Edgard de Larminat, alors colonel, est chef d’état-major du général
commandant le théâtre d’opérations du Moyen-Orient. Jugeant l’armistice déshonorant et
refusant la défaite, il tente de maintenir les troupes du Levant dans la lutte. Désavoué, il est
emprisonné à Damas le 27 juin mais le 1er juillet, il parvient à s’évader et à rejoindre les
Forces anglaises en Palestine puis au Caire. Informé de l’appel du général de Gaulle, il lui
télégraphie son adhésion et devient chargé de mission des Forces françaises libres au MoyenOrient. Il échoue dans la tentative de ralliement des Somalis à la France Libre mais il joue un
rôle prépondérant dans celui du Congo en août 1940. Il est alors nommé par le général de
Gaulle gouverneur général et commandant supérieur des troupes d’AEF puis hautcommissaire des territoires africains de la France Libre et membre du Conseil de défense de
l’Empire. Promu général de brigade en juillet 1941, il organise les forces qui constitueront le
noyau de la 1re DFL dont il assume le commandement à partir de janvier 1943. En juin 1943,
il devient chef d’état-major des Forces françaises libres.
Il est fait Compagnon de la Libération par décret du 1er août 1941.
N°24/Référence : FFL 7587
Le général de brigade Leclerc, commandant la 2e DB (Division blindée), défile à bord d’un char Sherman M4,
au cours de la cérémonie du 11 Novembre à Rabat (Maroc).
11 novembre 1943, photographe inconnu
Le 25 juillet 1940, le capitaine Philippe de Hauteclocque se présente à Londres au général de
Gaulle sous le pseudonyme de Leclerc. Promu chef d’escadrons, il part pour le Cameroun le
6 août 1940 avec pour mission de ramener ce territoire dans la guerre et, le 27 août 1940, à
Douala, il reçoit le ralliement du territoire à la France Libre et en est nommé commissaire
général. En novembre 1940, il rallie le territoire du Gabon à la France Libre puis, promu
lieutenant-colonel, est désigné comme commandant militaire du Tchad. Dès le 25 janvier
1941, il lance avec sa Colonne éponyme, une opération contre le fort italien de Koufra qu’il
conquiert le 1er mars. Promu colonel puis général de brigade la même année, il entreprend la
conquête du Fezzan. Il débarque en Normandie le 1er août 1944, à la tête de son unité,
devenue 2e Division blindée.
Par décret du 6 mars 1941, il est nommé Compagnon de la Libération par le général de
Gaulle.
22
Le général d’armée Koenig, qui vient
de quitter les fonctions de ministre de
la Défense, est ici en visite sur les
lieux où se sont déroulés les combats
de Bir-Hakeim (Libye), du 26 mai au
11 juin 1942. La 1re Brigade
française libre du général Koenig
s’est illustrée lors de cet engagement.
L
e
g
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n
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r
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25/ Référence : F55-237 R55
Le général Koenig à Bir Hakeim (Libye).
1er et 2 novembre 1955, photographe André Branlard
Pierre Koenig est l’un des premiers officiers à rallier le général de Gaulle. Capitaine à la
13e DBMLE, après avoir pris part à la campagne de Norvège, il est de retour en Bretagne le
16 juin 1940 avec le Corps expéditionnaire français en Scandinavie et devant l'impossibilité
de reprendre le combat sur le sol français, il s'embarque le 19 juin de Saint-Jacut-de-la-Mer
avec quelques officiers de son unité et son chef, le colonel Magrin-Vernerey. Il parvient en
Angleterre le 21 juin 1940 et se met aux ordres du général de Gaulle. Au sein de la France
Libre, il devient le combattant qui accepte toutes les missions difficiles car fratricides. De fait,
son ascension est remarquable : le général de Gaulle le fait passer de capitaine à général en
un an. Le nom de Koenig reste surtout associé à Bir-Hakeim (Libye), un des premiers faits
d’armes des FFL contre les Allemands, où il combat à la tête de la 1re Brigade française
libre. Le 1er août 1943, il quitte le commandement de la 1reDFL pour prendre les fonctions de
chef d'état-major adjoint de l'armée à Alger et y opérer la fusion entre les troupes d'Afrique
du Nord et celles de la France Libre.
Il est fait Compagnon de la Libération par décret du 25 juin 1942.
23
N° 26/ Référence : LONDRES 179-12
A gauche, le colonel Dewavrin-Passy, chef du BCRA (Bureau central de renseignement et d’action).
Londres. Date et photographe inconnus
Le capitaine André Dewavrin se place sous les ordres du général de Gaulle à la fin du mois
de juin 1940. Celui-ci le charge de la direction du 2e et du 3e bureau. Sous le pseudonyme de
Passy, il met sur pied le SR (Service de renseignements) des FFL qui devient le BCRAM
(Bureau central de renseignement et d’action militaire) puis le BCRA. Grâce à cet organisme,
la France Libre glane une masse considérable de renseignements militaires et civils sur la
situation et l’action de l’ennemi en France.
Le colonel Dewavrin-Passy est fait Compagnon de la Libération par décret du 20 mai 1943.
N° 27/ Référence : FFL 136
Le lieutenant de vaisseau d’Estienne d’Orves, agent de renseignement de la France Libre
exécuté par les Allemands.
Lieu, date et photographe inconnus
Le lieutenant de vaisseau Honoré d’Estienne d’Orves rejoint Londres le 27 septembre 1940.
Le 1er octobre 1940, il se voit confier le poste de chef du 2e bureau de l’état-major des FNFL.
Il sollicite l’autorisation de passer en France pour y organiser un réseau de renseignements,
24
le réseau « Nemrod ». Il est arrêté par les Allemands à Nantes le 20 janvier 1941 sur
dénonciation. Le capitaine de frégate d’Estienne d’Orves est le premier agent de la France
Libre exécuté par l’ennemi le 29 août 1941.
Il est fait Compagnon de la Libération par décret du 30 octobre 1944.
2.3. Le ralliement de l’Empire
Les ralliements successifs de différents territoires et colonies de l’Empire confèrent au chef de
la France Libre une souveraineté territoriale indispensable et un réservoir d’hommes pour son
armée. Les Nouvelles-Hébrides, les établissements français des Indes, les établissements
français d’Océanie et la Nouvelle-Calédonie, territoires lointains dont les intérêts sont liés à
ceux de l’Angleterre, se rallient dès la première heure, entre juin et septembre 1940. Alors que
l’AOF (Afrique occidentale française) reste fidèle à Vichy, l’AEF (Afrique équatoriale
française) choisit majoritairement la France Libre (Tchad, Oubangui-Chari, Congo). Il
convient de rajouter le Cameroun qui rallie dès cette époque. Puis jusqu’en 1943, rejoindront
le Liban, la Syrie, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Antilles, Madagascar, la Réunion et la
Guyane.
N° 28/ Référence : LONDRES FFL 657
Félix Éboué, gouverneur général du Tchad, rallié à la France Libre.
Fort-Lamy (Tchad), date et photographe inconnus
Gouverneur au Tchad, Félix Éboué écrit le 3 juillet 1940 au général de Gaulle sa
détermination à refuser la défaite et à continuer le combat. Il devient ainsi le premier
résistant de la France d’outre-mer. Le 26 août 1940, il parvient à rallier le Tchad à la France
Libre, lui donnant ainsi le premier territoire de l’Afrique française libre. Il est nommé par De
Gaulle membre du Conseil de défense de l’Empire puis gouverneur général de l’AEF. Il joue
durant le conflit un rôle fondamental pour la contribution de l’Afrique noire à la guerre.
Par décret du 29 janvier 1941, le gouverneur Éboué est fait Compagnon de la Libération.
Félix Éboué « représente le grand symbole du ralliement de l’Afrique et en fut également le
principal initiateur ».6
6
Marc Michel, « Les ralliements des colonies françaises à la France Libre (1940) », in Les ralliements,
CROCEMIC, Bordeaux 3, 1998, page 241.
25
N° 29/ Référence : FFL 637
Le général de Gaulle, accompagné du commandant de Roux et du gouverneur de Saint-Mart,
passe les troupes ayant rallié la France Libre en revue à Bangui (Oubangui-Chari).
21 octobre 1940, photographe inconnu
N° 30/ Référence : LONDRES O-14-417
Referendum pour le ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon à la France Libre.
Décembre 1941, photographe inconnu
N° 31/ Référence : LONDRES O-12-386
Quartier général des Français Libres à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Décembre 1941, photographe inconnu
26
Le quartier général de la France Libre à Londres
N° 32/ Référence : FFL 1020
Quartier général de la France Libre au 4 Carlton Gardens à Londres.
1940 - 1943, photographe inconnu
Le général de Gaulle installe le QG (Quartier général) de la France Libre au 4 Carlton
Gardens à Londres le 24 juillet 1940. Celui-ci abrite les organes militaires et les services
civils de la France Libre :
- Organes militaires (104 personnes) : un cabinet militaire, un état-major (1er, 2e, 3e et 4e
bureaux) et des services (dépôt de recrutement de l’Olympia, l’intendance et le trésor, la santé
et les bases et les dépôts).
- Services civils (53 personnes) : un cabinet civil, un service financier, un service des affaires
extérieures et coloniales, un service technique et de l’armement, un service juridique, un
service de presse et d’information et un service des Français à l’étranger.
Le quartier général et les états-majors des FFL, FNFL, FAFL, les locaux du BCRA (Bureau
central de renseignement et d’action), la caserne des volontaires françaises sont concentrés à
l’ouest de Londres, entre Hyde Park, Regents Park et St James Park.
Les compagnons de la Libération
La création d’une nouvelle distinction par le général de Gaulle répond au besoin de
récompenser le dévouement et les mérites de ceux qui ont accepté de tout quitter pour
rejoindre la France Libre dès 1940.
Le général ne pouvant décerner la légion d’Honneur (acte réservé au chef de l’État), il
convient de créer une nouvelle décoration. Le 16 novembre 1940, le général signe à
Brazzaville l’ordonnance n° 7 créant l’ordre de la Libération. La nomination des tous
premiers compagnons intervient le 29 janvier 1941, formant ainsi le premier conseil de
l’ordre : le capitaine de vaisseau Georges Thierry d’Argenlieu, premier grand chancelier de
l’Ordre de 1941 à 1958, le gouverneur général du Tchad Félix Eboué, le lieutenant Emmanuel
d’Harcourt, Edmond Popieul, officier de la marine marchande et Henry Bouquillard, adjudant
des FAFL.
27
N° 33/ Référence : FFL 7915
Avers de la croix de la Libération.
Date et photographe inconnus
N° 34/ Référence : FFL 7916
Revers de la croix de la Libération.
Date et photographe inconnus
N° 35/ Référence : N2009-160J01-0035
Croix de la Libération sur coussin. Mont-Valérien (Hauts-de-Seine).
2009, photographe Jérôme Salles
La décoration est volontairement très sobre : écu de bronze portant un glaive surchargé d’une
croix de Lorraine. Les couleurs du ruban sont symboliques : le noir représente le deuil de la
France opprimée, le vert l’espérance de la Patrie.
Il y eut deux modèles de rubans : le premier, à bandes noires en diagonale, à l’anglaise,
décerné jusqu’en août-septembre 1942, remplacé ensuite par le ruban à bandes verticales.
Au revers de l’écu, est inscrite la devise « Patriam servando - victoriam tulit » (« En servant
la patrie, il a remporté la victoire »).
•
Quelques compagnons
L’admission dans l’ordre est prononcée par voie de décret, par le chef de la France Libre,
après avis du conseil de l’ordre. Lorsque le général de Gaulle quitte le pouvoir en janvier
1946, l’ordre est forclos par décret le 23 janvier 1946. A cette date, 1 036 personnes,
28
5 communes françaises et 18 unités combattantes ont été faites « Compagnons de la
Libération » ; trois quart sont issues de la France Libre et un quart de la Résistance intérieure.
N° 36/ Référence : D11-1-65
Le lieutenant-colonel Dimitri Amilakvari, commandant la 13e DBLE (Demi-brigade de la Légion étrangère) et
adjoint au général Koenig, commandant la 1re BFL (Brigade française libre).
Date et lieu probables 10 août 1942, El Tahag (Egypte), photographe inconnu
•
Villes compagnons de la Libération
La commune de Vassieux-en-Vercors est faite
compagnon par décret du 4 août 1945 et la croix
de la Libération est remise à son maire par
Georges Bidault, président du Conseil, fin juillet
1945, à l’occasion de la première commémoration
des combats du Vercors.
N° 37/ Référence : TERRE 10763-G2
Remise de la croix de la Libération au maire de la commune de Vassieux-en-Vercors,
faite Compagnon de la Libération.
Fin juillet 1945, photographe Jabely
29
L’Ile de Sein est faite Compagnon par décret du
1er janvier 1946 et la croix de la Libération est remise
à son maire par le général de Gaulle le 28 août 1946.
113 marins bretons de l’île de Sein rallient la France
Libre dès le 24 juin 1940.
N° 38/ Référence : MARINE 642-13561
Le général de Gaulle remet la croix de la Libération au maire
de l’Ile de Sein, faite Compagnon de la Libération.
28 août 1946, photographe inconnu
Conclusion
Bien que l’appel du 18 juin ait été peu entendu et, bien que constituée d’à peine 60 000
hommes et femmes et dirigée par un général de brigade à titre temporaire inconnu du peuple
français, la France Libre n’en est pas moins un mouvement politique et militaire remarquable,
qui a difficilement mais néanmoins obtenu une reconnaissance internationale, mené des
combats victorieux sur de nombreux territoires jusqu’à la Libération et ouvert la voie à la IVe
République.
L’existence de la France Libre prend fin officiellement le 31 juillet 1943. Néanmoins, les
photographes et cameramen du service cinématographique de la France Libre continuent à
suivre l’action du CFLN (Comité français de la Libération nationale) puis du GPRF
(Gouvernement provisoire de la République française) à Alger et en métropole. Ils couvrent
également, et surtout, les combats menés par les Forces françaises libres pour la libération de
la France jusqu’aux ultimes engagements menés sur le territoire allemand ainsi que les
cérémonies et les défilés célébrant la Victoire alliée durant l’été 1945.
30
Glossaire
BBC : British Broadcasting Corporation
BCRA : Bureau central de renseignements et d’action
CNF : Comité national français
CFLN : Comité français de la Libération nationale
FFL : Forces françaises libres
FAFL : Forces aériennes françaises libres
FNFL : Forces navales françaises libres
GPRF : Gouvernement provisoire de la République française
OFIC : Office français d’information cinématographique
Bibliographie
Ouvrages
La France Libre I, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, collection Folio histoire, Éditions
Gallimard, 1996
Dictionnaire historique de la Résistance, ouvrage collectif, collection Bouquins, Éditions
Robert Laffont, 2006
Histoire de la France Libre, Henri Michel, collection Que sais-je ?, Éditions Presses
Universitaires de France, 1980
Atlas de la France Libre, De Gaulle et la France Libre, une aventure politique, Sébastien
Albertelli, collection Atlas /Mémoires, Éditions Autrement, 2010
Les femmes au combat, L’arme féminine de la France pendant la Seconde Guerre mondiale,
Jean-François Dominé, collection Cahiers d’histoire militaire appliquée, Les statuts du monde
combattant, Service historique de la Défense, 2008
Périodiques
Revue Historique des Armées n° 2, 2000 « L’année 1940 », Service historique de la Défense,
juin 2000
Revue historique des armées n° 252 – 2008, « Guerre et cinéma », Service historique de la
Défense, 3e trimestre 2008
Le Monde, hors-série « 1940, la débâcle et l’espoir », mai - juin 2010
Site internet : http://www.ordredelaliberation.fr/
Dossier réalisé par Albane Brunel et Christine Majoulet
Référence : FFL 6438
31
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