INTRODUCTION
1. Diversité des questions
Certains aspects liés soit à la non-commercialisation du corps, soit, à son contraire, à la
commercialisation de parties du corps humain conduisent à des questionnements qui
stimulent une réflexion approfondie sur ce thème. Quelques exemples peuvent illustrer ces
questionnements.
¾ Le don d'organes à partir de donneurs en état de mort cérébrale reste la principale
voie pour pourvoir les équipes de transplantation en organes. La Belgique fait partie
d'Eurotransplant, un consortium de sept pays européens qui suit des règles spécifiques pour
l’allocation des organes et qui connaît une grave pénurie d'organes. Même en Belgique,
malgré une réglementation favorisant le don d’organes après la mort, il y a une pénurie
d’organes2.
¾ Aussi, certains patients, situés loin dans la liste d'attente d'une greffe d'organe, vont en
Asie pour y recevoir, contre paiement de sommes élevées, une greffe de rein ou d'un organe
prélevé sur un condamné à mort3 ou vendu par des personnes dans le besoin. Selon des
données issues de 98 pays, 66.000 reins ont été transplantés en 2005, ce qui représente
10% des besoins exprimés. Le « tourisme de transplantation» représenterait 10% des
transplantations globales. Ne devrait-on pas élargir le débat belge sur les moyens d’accroître
la disponibilité d’organes et le conduire ensemble, par exemple au niveau des pays
concernés par Eurotransplant, voire au-delà des frontières de l’Europe?
¾ Pouvons-nous refuser que l'un des parents d'un enfant atteint d'une pathologie grave
propose de vendre un rein pour garantir un traitement adéquat à l'enfant? Par contre, en
cas d'acceptation de commercialisation de parties du corps, quelle protection pouvons-nous
garantir aux personnes contre elles-mêmes?
¾ L’interdit de la commercialisation de parties du corps s’oppose à l'autonomie de la
gestion du corps. Par contre, l’autonomie est admise lorsqu'il s'agit du don d'une partie du
corps. Un exemple: Eurotransplant a accepté qu'une mère donne un de ses reins pour que,
en contrepartie, un rein soit greffé dans un délai écourté à son fils. Ici, la mère a pu
disposer librement de son rein. D'aucuns y voient un geste d'altruisme. D'autres, par contre,
considèrent qu'il s'agit d'un troc: au lieu d'argent pour payer un organe à son fils, elle a
donné un rein. Qui peut disposer librement de son corps? Et si l'on accepte l’échange fait
par cette mère, ne devrait-on pas aussi accepter la vente de certaines parties du corps?
¾ Poussant à l'extrême une logique de raisonnement relative à la commercialisation, on
peut aboutir à des situations difficilement acceptables. Par exemple, si une commercialisation
de parties du corps était admise, ne pourrait-on pas s'attendre à ce qu'une famille dans le
besoin vende les organes d'un de ses défunts? Ne verrait-on pas aussi des familles tentées
de vendre les organes d'un défunt pour accroître la valeur de l'héritage?
¾ La commercialisation pose le problème de la valeur commerciale de la vie et des
risques auxquels s’exposent des personnes ; pour rappel, un prélèvement d’organe est
potentiellement associé à une morbidité, voire une mortalité.
2 Voir rapport annuel d’Eurotransplant sur leur site
internet :http://www.eurotransplant.nl/files/annual_report/AR2005_def.pdf
3 Voir par exemple article paru dans Le Monde du 25 avril 2006, « Au cœur du trafic d’organes en
Chine ». Voir aussi Parry, J., Chinese rules on transplantation do not go far enough,
British Medical
Journal
2006 ; 332 : 810.
Version définitive 5