Historique des orientations théoriques et rééducatives de

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Prise en charge des troubles du langage écrit chez l’enfant
© 2013, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
CHAPITRE 3
L'intérêt porté aux troubles d'apprentissage de la
lecture à la fin du 
e
siècle est concomitant au
moment où les grandes puissances européennes
institutionnalisent une scolarité obligatoire. Cet
intérêt va se nourrir de l'approche anatomocli-
nique validée par l'observation princeps de Broca
[ 1 ] du patient Leborge, qui est atteint d'une hémi-
plégie droite et d'une aphasie réduite à l'émission
d'une stéréotypie. Cette approche anatomocli-
nique permet d'affirmer le lien entre la sémiologie
d'un désordre langagier et une lésion corticale
objectivée. Ainsi, d'un côté, des instituteurs sont
formés pour apprendre au plus grand nombre à
lire, de l'autre la pathologie du langage oral puis du
langage écrit est médicalisée en référence à une
théorie localisationniste où toute fonction cogni-
tive s'élabore au sein d'aires cérébrales bien délimi-
tées. Ces réflexions pédagogique et médicale
se nourrissent chacune des différents courants de
pensée, en premier lieu celui de la linguistique
structurale (Saussure, 1916), de diverses théories
psychologiques dont la Gestalt (Köhler, 1929)
1
, l a
psychanalyse (Freud, 1896) et la psychométrie,
avec la construction de tests mesurant le niveau
d'intelligence (Binet, 1905). Cette évaluation de
l'efficience intellectuelle s'inscrit, quant à elle, dans
un débat plus large comprenant les facteurs socio-
culturels, pédagogiques, explicatifs également des
troubles des apprentissages.
La place qu'occupe la dyslexie développementale
dans l'histoire médicale revient à Orton, neuropsy-
chiatre et neuropathologiste américain qui, de
1920 à 1930, examine près de 3000 dyslexiques de
tous âges. Ses observations, particulièrement sur
les confusions visuelles des lettres, débouchent sur
la mise au point d'une méthode de rééducation
multisensorielle. Les principes de sa théorie (le
déterminisme cérébral : une anomalie de « domi-
nance hémisphérique ») sont réinterprétés et tra-
duits sous la notion de « troubles instrumentaux »
qui ont donné naissance à différents programmes
rééducatifs dans le monde. Les recherches et
constatations d'Orton sont à l'origine de l'idée d'un
déterminisme génétique [ 2 ]. Ses positions ont ren-
forcé, en France, l'évaluation psychométrique de la
vitesse de lecture [ 3 ].
La part croissante du médical et du paramédical
dans la prise en charge des troubles des apprentis-
sages (entre autres avec le développement des
Centres Médico-Psychologiques, en 1962) déres-
ponsabilise, un temps, les enseignants de leur rôle
dans l'accompagnement des enfants souffrant de
troubles de la lecture, ou tout du moins focalise la
question des troubles de l'apprentissage de la lec-
ture sur le choix des méthodes de lecture : analy-
tique ou globale/synthétique. En France,
jusqu'auxannées 1980, les conduites d'évaluation
et d'apprentissage/de rééducation de la lecture ont
Historique des
orientations théoriques
et rééducatives
de la dyslexie en France
1. Si Köhler est considéré comme l'instigateur et propa-
gandiste de la Gestaltheorie, cette psychologie de la
forme a été initiée par Wertheimer (1923). Koffka
(1935) et Köhler sont devenus avec lui les trois fonda-
teurs de cette théorie sur la perception.
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Prise en charge des troubles du langage écrit chez l’enfant
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été le reflet d'une part de cette dichotomie entre
apprendre à lire au plus grand nombre et traiter
individuellement ceux qui n'y arrivent pas, et
d'autre part des conflits entre thérapeutes sur les
causes explicatives du trouble de la lecture. Dans
ce contexte, la lecture est envisagée comme un
processus unitaire où les mécanismes d'identifica-
tion des mots et l'accès à la compréhension ne sont
pas clairement dissociés.
Il faut attendre la fin du 
e siècle, avec l'apport
du courant cognitiviste, pour que les processus
d'identification des mots écrits et la lecture pro-
prement dite soient clairement différenciés. De
cette confusion entre mécanismes d'identifica-
tion et d'accès à la compréhension émergent par-
fois de surprenantes conclusions sur les étiologies
des troubles de lecture et sur le choix des orienta-
tions thérapeutiques, alors qu'en fait la plupart
des méthodes traitent d'abord l'identification des
mots puis parallèlement renforcent ce processus
par un accès au sens. En fait, les méthodes empi-
riques ont bien souvent exploré des voies qui ont
pu, pour certaines, être validées ultérieurement
scientifiquement. Les acquis scientifiques sur le
traitement de la reconnaissance des mots à partir
de modèles sériels ( cf. les modèles présentés dans
le premier chapitre, tels que les modèles à double
voie [ 4–6 ]) vont générer à leur tour des confusions
entre « marqueurs de déviance » et dysfonction de
la compétence de lecture [ 7 ] n'amenant pas les
résultats escomptés en remédiation. En effet, la
question, comme nous venons de le voir au cha-
pitre 2 , de l'impact des capacités reliées à la lec-
ture sur le développement déviant de la lecture,
excepté pour les compétences d'analyse phoné-
mique, reste posée.
De plus, la complexité des rapports entre le lan-
gage (oral et écrit) et la cognition qui ont toujours
été débattus redevient centrale dans la construc-
tion des protocoles de rééducation du langage.
Dans ce chapitre, nous allons décrire les trois cou-
rants (organiciste, instrumental et psychoaffectif)
qui ont animé les débats autour des causes explica-
tives et des conduites de traitement, d'aménagement
de la dyslexie. Ces trois courants permettent de
situer et de comprendre comment, en France, les
orientations de la rééducation de la dyslexie se sont
élaborées, puis confrontées entre un courant instru-
mental, inspiré du courant organiciste représenté
par Borel-Maisonny (19001995), et un courant
psychoaffectif animé par Chassagny (19271981).
Progressivement, par le développement des idées et
concepts au sein du courant organiciste, puis sous
l'impulsion des travaux en psycholinguistique et en
neuropsychologie, de nouvelles directions rééduca-
tives sont apparues dans lesannées 1980, sans pour
autant exclure les précédentes.
L e courant organiciste
De la lésion au déterminisme
cérébral
La publication en 1895, par Hinshelwood [ 8 ],
chirurgien ophtalmologiste, d'un article concer-
nant un adolescent non lecteur souffrant de ce
qu'il nommera une « cécité verbale congénitale »
inspire un médecin généraliste, Morgan, qui
publie à son tour, en 1895 [ 9 ], la première descrip-
tion d'une dyslexie développementale. Cette étude
de cas porte sur un jeune adolescent âgé de 14 ans
qui souffre de troubles massifs pour lire et écrire,
et cela malgré une scolarisation adéquate et un
niveau d'efficience intellectuelle normal. En fait,
quelquesmois plus tôt, Kerr [ 10 ], secrétaire médi-
cal, avait publié une étude comparable. Si la pater-
nité de la première description d'une dyslexie est
donnée à Morgan, la place médicale et sociale
qu'occupe par la suite la dyslexie est à attribuer à
Hinshelwood qui publie entre 1896 et 1911 une
série de rapports et d'articles sur cette maladie.
Selon lui, ce défaut d'acquisition et de stockage
dans le cerveau de la mémoire visuelle des lettres
et des mots est héréditaire, et il affecte davantage
les garçons. Hinshelwood différencie l'alexie chez
les enfants souffrant d'un retard mental, de la
cécité verbale constituant les cas les plus graves
des troubles de la lecture, et la dyslexie qu'il quali-
fie seulement de retard d'apprentissage à lire.
Cet intérêt, en cette fin de siècle, pour les troubles
de la lecture chez l'enfant fait suite à la publication
de Déjerine, en 1892 [ 11 ], décrivant des patients
adultes avec un trouble isolé du langage écrit étant
dans l'incapacité ou ayant des difficultés à lire
alors qu'ils peuvent écrire. Il dénomme cette
affection « cécité verbale pure », encore appelée
« alexie pure ou alexie sans agraphie ». Assez rapi-
dement, des interrogations émergent sur les rela-
tions entre les différents centres fonctionnels du
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Chapitre 3. Historique des orientations théoriques et rééducatives de la dyslexie en France
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cortex. Dès 1874, Wernicke [ 12 ], neurologue alle-
mand, formule l'hypothèse que les deux centres
du cerveau – moteur et sensoriel – seraient reliés
par des fibres nerveuses, ce que confirme
Lichteim, en 1885 [ 13 ], par ses travaux sur l'apha-
sie de conduction. Puis, Déjerine va plus loin en
associant la zone antérieure située dans la région
de l'aire de Broca (considérée comme le centre des
images articulatoires) et la zone postérieure
(englobant le centre des images auditives et celui
des images visuelles des mots). Cette approche
associationniste, contrairement à l'approche loca-
lisationniste, n'envisage plus les zones du cortex
comme des entités isolées, mais comme des relais
connecs en réseaux. Cette vision du fonctionne-
ment cérébral reste d'actualité opposant traite-
ments sériel et parallèle des informations,
approches localisatrices et les modèles de la neu-
ropsychologie cognitive, l'approche connexion-
niste contemporaine militant en faveur d'une
organisation en réseaux des fonctions mentales.
Toutefois, cette approche associative est long-
temps restée dans le champ de l'étude des
patients cébrolésés et l'hypothèse d'un déficit
cérébral à l'origine des troubles de lecture chez
l'enfant n'a été de nouveau défendue qu'en 1964
par Critchley [ 14 ]. Entre-temps, Orton, en 1925
[ 15 ], critique cette approche lésionnelle et
conclut à celle d'un retard dans l'établissement
de la dominance hémisphérique cérébrale [ 16 ].
Il observe une corrélation entre un retard d'ap-
prentissage de la lecture et d'autres facteurs tels
qu'une latéralité mixte ou croisée. Selon Orton,
les stimuli visuels (les lettres et les mots) sont
représentés de manière symétrique dans chaque
hémisphère cérébral, c'est-à-dire en miroir les
uns par rapport aux autres. Une inhibition pro-
gressive des représentations dans l'hémispre
droit au profit de celles dans l'hémisphère
gauche se produit au cours du développement
de l'enfant, expliquant les confusions en miroir
des mots et des lettres (inversion de lettres)
relevées chez le jeune enfant, erreurs qu'il
nomme par le terme « strephosymbolie » ( stre-
pho signifiant retourné). La persistance de ce
type d'erreurs chez le dyslexique indique une
anomalie de « dominance » hémisphérique
consécutive à un dysfonctionnement du lobe
occipital. Cependant, il souligne qu'en dehors
de la lecture, la perception visuelle et visuo-
spatiale n'est pas affectée. Or, cette théorie d'un
déterminisme cérébral est en partie détournée
et ses principes théoriques ont débouché sur la
notion de troubles instrumentaux avec la vali-
dation chez l'individu dyslexique de troubles
de la perception visuo-spatiale, de l'orientation
et surtout de la prédominance d'une domi-
nance manuelle gauche chez les dyslexiques
2 .
Ces principes ont longtemps pesé sur les
conduites d'évaluation et de rééducation des
dyslexiques.
Bien que cette théorie du déterminisme cérébral
soit réfutée, elle a permis d'apporter une pre-
mière réponse thérapeutique aux troubles d'ap-
prentissage du langage écrit et a inspiré de
nombreuses méthodes de rééducation utilisées
par des rééducateurs, des psychologues, des
enseignants et avec la participation des parents.
Les orientations thérapeutiques d'Orton et de
son équipe s'appuient principalement sur des
techniques de stimulations multisensorielles
( figure 3.1 ) : l'Orton-Gillingham Approach [ 19 ]
est toujours très répandue sur le continent améri-
cain ( cf . la méthode EMS [enseignement multisen-
soriel simultané] au Canada), avec des
entraînements très structurés comme, par exemple,
pour traiter la confusion symétrique des lettres.
Figure 3.1 . Le modèle du triangle.
« Language triangle ». Perspectives, Fall, 2006, The
International Dyslexia Association ( www.interdys.org ).
2. Le lecteur dyslexique est majoritairement droitier,
comme l'est la majorité de la population (pour une
revue, voir Geschwind et Behan [ 17 ] et Locke et
Macaruso [ 18 ]).
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Prise en charge des troubles du langage écrit chez l’enfant
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En hommage à sa mémoire a été créée l'Orton
Dyslexia Society, devenue l'International Dyslexia
Association, qui a financé, entre autres, les tra-
vaux de Galaburda etal. [ 20 ] sur le défaut d'asy-
métrie du planum temporale.
Étiologie génétique de la dyslexie
En Europe, les études sur la dyslexie sont sporadiques.
Le terme de dyslexie est certainement introduit par
Ombredane, chirurgien-pédiatre français, en 1937
[ 21 ], puis en 1939 en Grande-Bretagne avec les études
de McMeeken [ 22 ]. En fait, les recherches sur la dys-
lexie entre lesannées 1930 et 1950 se déroulent princi-
palement dans les pays scandinaves sous l'impulsion
de Norrie [ 23 ], qui fonde à Copenhague le Word Blind
Institute. L'équipe de ce premier institut européen de
diagnostic prend en charge les dyslexiques en élabo-
rant des programmes d'éducation thérapeutique spé-
cialisée
3
e t e n p r ô n a n t l ' u t i l i s a t i o n d e m a t é r i e l s
rééducatifs spécifiques comme les lettres magnétiques
(voir l'encadré ci-après).
D è s c e t t e é p o q u e , N o r r i e r e p r e n d l ' i d é e d ' u n e
étiologie d'origine familiale de la dyslexie, telle
qu'elle avait été évoquée également par Orton [ 15 ]
et antérieurement par différents cliniciens [ 24 ].
Cette approche étiologique prend corps avec
l'étude d'un médecin psychiatre, Hallgren [ 25 ], la
plus fréquemment citée du fait de son étendue
(112 familles examinées, 276 dyslexiques). Cette
étude suggère que la dyslexie a pour origine une
transmission autosomique dominante, hypo-
thèse qui a été contestée puisque la fréquence de
la dyslexie est moins importante chez les femmes
que chez les garçons. Ce courant de pensée est
apporté en France par Debray-Ritzen [ 26 ], qui
cherche à établir un arbre généalogique des dys-
lexiques en distinguant les ascendants « porteurs
de trouble » de ceux qui en sont indemnes. Il s'ap-
puie pour cela sur une validation de leur déficit
de lecture par un test : l'Alouette [ 3 ], qui conserve
de nosjours cette valeur leximétrique.
Contrairement aux pays scandinaves, les orienta-
tions trapeutiques en France ne sont pas organi-
sées et sont plutôt éclectiques. Le débat repose le
plus souvent sur le choix des méthodes de lecture
en privilégiant la méthode analytique et l'organi-
sation, ou la remise en question, de classes spécia-
lisées qui n'accueillent pas seulement les
dyslexiques, mais toute une population de lecteurs
en difficulté pour des causes multiples allant du
retard mental à des troubles comportementaux.
La recherche génétique a gagné ces derniè res
années une place de premier plan ( cf. le projet euro-
péen Neurodys). Différentes régions chromoso-
miques pouvant être responsables d'un trouble de
la lecture ont été identifiées, ainsi que divers gènes
( ROBO1 [ 27 ] ; DYX1C1 [ 28 ] ; C2ORF3 [ 29 ]), ce qui
ne permet pas encore de définir lesquels sont res-
ponsables d'un trouble spécifique du langage écrit.
Même si le rôle des gènes s'avérait décisif,
on est encore loin de pouvoir proposer une théra-
Magnetic letter case [ 23 ]
Le but est de stimuler des ressources multisen-
sorielles (visuelles, tactiles et kinesthésiques) à
partir d'un support de lettres magnétiques que
l'on dispose sur un tableau. Les sujets peuvent
se déplacer et changer les lettres pour écrire
L'éducation multisensorielle
Orton a suggéré que le renforcement kinesthé-
sique et tactile par l'association de stimulations
visuelles et auditives pouvait corriger la ten-
dance à confondre des lettres similaires et leurs
transpositions lors de la lecture et de l'écriture.
Par exemple, pour le sujet qui confond les
lettres « b » et « d », on lui enseigne di érentes
techniques pour les écrire, comme tirer un
trait vertical avant de dessiner le cercle pour
réaliser le « b » et inversement réaliser un cercle
puis tirer un trait vertical pour la lettre « d ».
des syllabes, des mots avec une expérience
« concrète » du fonctionnement alphabétique.
Les lettres sont disposées dans l'espace plutôt
que de manière séquentielle, selon qu'elles sont
voisées ou non voisées. Les voyelles sont en
rouge. Un renforcement est demandé en res-
sentant avec la main la vibration des cordes
vocales et le mouvement des lèvres.
3. Ces programmes, toujours développés dans différents
centre de rééducation pour dyslexiques, utilisent le
matériel d'Edith Norrie (Helen Arkell, Dyslexia
Centre, Grande-Bretagne).
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Chapitre 3. Historique des orientations théoriques et rééducatives de la dyslexie en France
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pie génique de la dyslexie ; chaque sujet dyslexique
possède un profil cognitif et des particularités
cérébrales propres qui sont le résultat de la combi-
naison spécifique de facteurs génétiques dont il est
porteur, et de facteurs non génétiques auxquels il a
été exposé (pour une revue, voir l'expertise collec-
tive de l'Inserm [ 30 ], p. 497–512).
Retard de maturation
Selon Fijalkow [ 31 ], le retard de maturation consti-
tue la troisième thèse issue du courant organiciste.
Ce retard ne répond pas de manière uniforme au
critère de l'origine innée ou acquise des difficultés
d'apprentissage de la lecture, il peut être dû à une
prédisposition héréditaire ou d'origine acquise
consécutive à des événements périnataux [ 32 ].
Cette hypothèse des difficultés d'apprentissage du
fait d'une agénésie ou d'un retard de développe-
ment du système nerveux central a été posée dès le
départ par Morgan [ 9 ]. Elle a pris toute son
ampleur en France dans lesannées 1970 après la
traduction de l'ouvrage de Critchley [ 14 ], neuro-
logue, qui est le premier à utiliser le terme de
« dyslexie développementale » ou « dyslexie d'évo-
lution » pour décrire les troubles d'apprentissage
du langage écrit chez l'enfant. Cette conception
d'une immaturité cérébrale responsable des diffi-
cultés d'apprentissage est apparue comme un
compromis, une explication moins radicale que
celle du déterminisme ou d'une lésion cérébrale,
et a donc été acceptée par le plus grand nombre.
La première étude de Geschwind [ 33 ] est venue
renforcer l'hypothèse d'un retard de maturation ;
elle insiste sur le rôle du gyrus angulaire, aire
associative permettant de relier entre elles les
informations sensorielles de la vue, de l'audition
et du toucher. « Cette zone à maturation tardive
chez l'enfant et intervenant dans la lecture chez
les adultes, paraissait susceptible d'être impliquée
dans la dyslexie » (Van Hout et Estienne [ 34 ],
p. 194) et donna lieu à différentes recherches sur
les capacités de dénomination et d'appariement
intermodal. La seconde étude [ 17 , 35 ] fait réappa-
raître le lien entre la gaucherie et la dyslexie par le
fait d'un mécanisme intra-utérin retardant le
développement du cerveau et du thymus dans une
proportion analogue. Un certain nombre d'études
[ 36 , 37 ] ne permettent cependant pas de mettre en
évidence cette association.
Suite à ces travaux et à ceux de Galaburda etal. [ 38 ]
sur des cerveaux de sujets dyslexiques adultes pré-
sentant des anomalies discrètes au niveau du thala-
mus (ectopies et dysplasies), Livingstone etal. [ 39 ]
mettent en évidence un nouveau type d'anomalies
au niveau des noyaux relais thalamiques des voies
visuelle et auditive (voir le chapitre 2 ). Cette étude
renforce la théorie d'un déficit magnocellulaire
dans les troubles d'apprentissage du langage écrit
proposée par Lovegrove etal. [ 40 ], et appuie l'hy-
pothèse d'un trouble de la migration et de la matu-
ration neuronale comme étiologie des troubles du
langage écrit. Cependant, si l'hypothèse d'un
trouble magnocellulaire est compatible avec un
certain nombre de données comportementales
relatives à la sensibilité aux contrastes à basse fré-
quence spatiale ou à haute fréquence temporelle,
les publications reproduisant ces travaux expéri-
mentaux sont plus nombreuses à démontrer une
absence de tels problèmes de sensibilité ou la pré-
sence d'un trouble de la sensibilité aux contrastes
dans des zones de fréquences qui ne dépendent pas
du système magnocellulaire [ 41 ]. Dans tous les cas,
ces travaux relancent le courant de recherches sur
le lien entre un trouble de la lecture et les compé-
tences visuelles (voir le chapitre 2 ).
De la même façon, les corrélats neuronaux des
traitements phonologiques en accord avec la
théorie phonologique, à ce jour la plus robuste,
trouvent leur confirmation par exemple avec le
relevé d'activations réduites des aires périsyl-
viennes gauches (plutôt que bilatérales) chez les
dyslexiques [ 42 ]. Enfin, il semble acquis que la
plasticité cérébrale permettrait de contourner le
dysfonctionnement des aires postérieures de la
lecture en créant des mécanismes compensatoires
utilisant des voies cérébrales inhabituelles [ 43 ],
renvoyant au concept selon lequel rééduquer les
processus de lecture, c'est rééduquer le cerveau.
Quelques autres orientations
au sein du courant organiciste
La thèse considérant la dyslexie comme une
manifestation d'un dysfonctionnement cérébral
minime ( minimal brain damage [MBD]) a été sou-
tenue en France par Debray-Ritzen [ 44 ] sans être
confortée dans les faits. Ce concept de MBD a été
opérationnalisé par Wender [ 45 ] à l'aide d'un
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