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L’OBS/N°2627-12/03/2015
GRANDS FORMATS |ENTREPRISE
marché, est né et s’est développé ici, dans cette
riche Italie du centre. Aujourd’hui, le maire de
Carpi, bien que fils de la tradition communiste, est
devenu l’homme du fashion system. Depuis trois ans,
Alberto Bellelli se bat pour que les banques, le patro-
nat et la municipalité coopèrent afin de favoriser la
commercialisation, la publicité, et la participation
aux foires étrangères de toutes les marques pré-
sentes sur le territoire de la commune. Tout à Carpi
est très propre, très ordonné, très ecace et très
civilisé. Depuis toujours. Déjà au esiècle av. J.-C.,
le savoir-faire local en matière de textile était
reconnu: les métiers à tisser équilibrés avec des
boules en métal exposés au musée de la ville en
témoignent. Dans les années 1920, Carpi fut la capi-
tale des chapeaux de paille, fort prisés à l’époque.
Puis elle est passée au tricot: il n’y avait pas au
monde de meilleures tricoteuses que les carpigiane!
Et quand le tricot a fini son cours, on inventa ici les
textiles légers, élégants, rapides qui, à l’étranger, fai-
saient mouche. La recette de ce succès est
immuable: «C’est la sacro-sainte famille, l’artisanat
et la passion du boulot bien fait», rappelle le jeune
maire. Plus une capacité peu commune à intégrer
les immigrés: à Carpi, ils sont 10000, soit 13% de la
population, venus du Pakistan, de Chine, de Rouma-
nie, de Pologne, du Maghreb. Ils parlent avec l’ac-
cent chantant de l’Emilie-Romagne et ne sont pas
seulement pizzaioli et serveurs, mais savent aussi
travailler sur les métiers à tisser du esiècle.
«Carpi est aujourd’hui la capitale du “pronto moda”,
de la “fast fashion”», écrit le «Corriere della Sera»,
c’est-à-dire d’un prêt-à-porter… au sens littéral du
terme: il ne faut généralement pas plus de trois
semaines pour fabriquer et livrer une commande.
Un record! La rapidité, le just on time, pour faire
fructifier un patrimoine d’expériences formaté au
cours des millénaires.
Résultat, portées par cette dynamique du succès,
quatre des plus grandes sociétés carpigiane, Bluma-
rine, Twin Set , Liu.Jo et Manila Grace pourraient
bientôt être cotées à la Bourse de Milan. Sœur aînée
de Manila Grace, Liu.Jo a été créée il y a vingt ans avec
trois salariés. Elle en compte aujourd’hui 800 pour
un chire d’aaires de 300millions d’euros et un
réseau mondial de 380boutiques monomarques et
5000multimarques. «Cela veut dire que nous produi-
sons de 4 à 5millions de pièces par an », souligne
Marco Marchi, 52ans, père fondateur de la société.
Liu.Jo, qui se dédie à la femme «très féminine et très
combattante», vend un «total look» qui va du sac au
jean en passant par le bijou et la chaussure, les
lunettes et le parfum. Elle s’est pliée au défi de la glo-
balisation en délocalisant 80% de sa production. Où?
En Turquie, en Chine, en Pologne, même si son siège
social, son design et pas mal d’étapes du contrôle et
de l’assemblage restent à Carpi. «Nous sommes des
globalisés heureux», avance Marchi.
Le modèle Manila, qui s’accroche à ses racines, et
le modèle Liu.Jo qui délocalise à tout-va, les deux
faces d’un même succès. «On trouve à Carpi la meil-
leure qualité du monde et une intelligence industrielle
unique capable d’intercepter au mieux les humeurs du
temps», analyse Maria Luisa Frisa, professeur de
design et de mode, experte du secteur. Ce qui importe,
ajoute-t-elle, c’est de «rester un laboratoire créatif».
Un «laboratoire»… et bientôt une vitrine, celle du
renzisme triomphant, c’est en tous cas le rêve du chef
du gouvernement…
MARCHÉ DU TRAVAIL
La réforme de Matteo Renzi est entrée en vigueur le 1er mars. Le
Jobs Act repose sur deux mesures: la suppression du symbolique
«article 18», qui obligeait les entreprises à réintégrer les salariés
en cas de licenciement injustifié, et l’assouplissement du CDI
pendant les 36premiers mois du contrat, avec un avantage fiscal.
CONCURRENCE
Un projet de loi finalisé par le gouvernement en février vise,
comme la loi Macron, à introduire davantage de concurrence dans
certains secteurs et professions réglementés. Les avocats devront
présenter un devis à leurs clients. Les notaires pourront s’installer
plus facilement. Le secteur de l’assurance sera réformé, afin
que les prix baissent. Les pharmaciens, en revanche, conservent
leur monopole.
PRIVATISATIONS
Un vaste programme est engagé (poste, contrôle aérien, chemins
de fer, Enel –EDF local–, chantiers navals…).
INTERNET HAUT DÉBIT
Le gouvernement veut investir 6milliards d’euros d’ici à 2020.
RETARD DE PAIEMENT
C’est la mesure qui a donné le plus grand bol d’air aux entreprises
selon la Compagnie d’assurances pour le commerce extérieur:
l’Etat leur a réglé en 2014 quelque 35milliards d’euros d’arriérés
de paiements (2,2% du PIB). La baisse des taux d’intérêt, de l’euro
et celle des prix de l’énergie vont continuer à soutenir la croissance.
Des réformes pour “débloquer l’Italie”
Atelier de fabrication
de Manila Grace.
Cette marque se vante
d’assurer le cycle complet
de production à Carpi.
EMMANUELE CIANCAGLINI
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