Trouvez les réponses à ces questions et bien plus

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POINT DE VUE
SUR LES PL ACEMENTS
P R É S E N T É PA R L E G R O U P E D E S S T R AT ÉG I E S D E P L A C E M E N T
Ce qu’il faut savoir sur la « monnaie hélicoptère »
Faut-il s’attendre à ce que l’argent nous
tombe du ciel?
S T EPH EN R O G ER S , S T R AT ÈGE EN PL ACEMEN TS , S O CIÉ T É D E GE S T I O N D’ IN V E S T IS SEMEN T, I .G . LT ÉE
« ...L’agent des relations avec les médias... m’avait conseillé de renoncer à la métaphore de
l’hélicoptère... “Ce n’est pas le genre de terme qu’emploierait un banquier central”, m’a-t-il dit. Ce à quoi
je lui ai répondu : “Mais tout le monde connaît le concept de Milton Friedman”. Or, de nombreux
courtiers obligataires de Wall Street connaissent à peine, semble-t-il, l’œuvre de M. Friedman. »
(Ben S. Bernanke, The Courage to Act, 2015, W.W. Norton)
La monnaie hélicoptère est un concept qui attise toutes les
convoitises, contrairement à la plupart des exposés sur la
politique monétaire. Tous les Ben Bernanke et Bill Gross de
ce monde ne se gênent pas pour reprendre la métaphore.
Faut-il s’attendre à ce que l’argent nous tombe du ciel incessamment? De quoi s’agit-il exactement? Pourquoi cette image
revient-elle tout à coup sur toutes les lèvres? Et que signifie
au juste l’expression pour l’économie et les investisseurs?
Telles sont les questions que nous avons posées et auxquelles
nous avons répondu dans un récent article de Point de vue
sur les placements à propos d’un autre outil de la politique
monétaire : les taux d’intérêt négatifs. Dans l’article Taux
d’intérêts négatifs : implications pour les investisseurs (Groupe
des stratégies de placement du Groupe Investors, avril 2016),
nous expliquons que si les taux d’intérêt négatifs ont défrayé
la chronique, c’est parce que les banques centrales ont jugé
que les outils traditionnels de la politique monétaire ne leur
permettent pas de ranimer la croissance et l’inflation quand
l’économie est stagnante. À leur tour, les taux négatifs ne
répondent pas non plus aux attentes, et l’on s’inquiète de
leurs conséquences. La monnaie hélicoptère s’invite donc
à l’ordre du jour.
De quoi s’agit-il et
pourquoi maintenant?
La monnaie hélicoptère n’est en fait rien d’autre qu’une politique budgétaire expansionniste, qui consiste à augmenter
les dépenses publiques ou à diminuer les impôts pour stimuler
les dépenses des ménages; toutefois, cette politique est
financée par une hausse permanente de la masse monétaire,
plutôt que par l’émission de nouveaux titres de dette souveraine, comme on le fait habituellement. Il ne faut donc pas
s’attendre à ce que l’argent nous tombe du ciel (même si les
plus téméraires partisans de la monnaie hélicoptère prônent
de verser directement aux citoyens l’argent nouvellement
imprimé). S’il est très peu probable que les États-Unis (ou
même le Canada) financent directement la relance, il y a,
semble-t-il, de plus en plus de chances que la Banque du
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Il faut donc comprendre que personne
ne prône le recours à la monnaie
hélicoptère, sauf dans les cas difficiles
ou extrêmes. Mais si le concept est
d’actualité, c’est aussi parce qu’il est
important que les investisseurs et les
citoyens sachent que les gouvernements
disposent effectivement d’autres outils
pour intervenir dans les scénarios
récessionnistes et déflationnistes.
Si jamais une autre crise devait s’abattre
sur l’économie, les taux d’intérêt, aux
niveaux actuels, ne donnent guère de
marge de manœuvre pour continuer
de faire appel aux outils traditionnels.
l’idée de M. Friedman en 2002 quand, en s’exprimant en sa
qualité de gouverneur de la Réserve fédérale américaine sur
les options de la politique monétaire de la Banque du Japon,
il soutenait que les banques centrales pouvaient toujours
attiser l’inflation s’il le fallait. Cette désinvolture lui a d’ailleurs
valu à jamais le sobriquet de « Ben l’Hélico ».
S’il est aujourd’hui question, au même titre que les taux d’intérêt négatifs, de la monnaie hélicoptère, ou du « programme
budgétaire financé par la masse monétaire » comme se plaît
à l’appeler M. Bernanke, c’est parce que l’économie mondiale
n’a toujours pas réagi aussi vigoureusement qu’on le souhaitait
aux milliers de milliards de dollars, d’euros et de yens dont on
a inondé le système financier dans les années de l’après-crise
financière de 2008. Alors que l’inflation faible inquiète de plus
en plus, l’échec des mesures de relance monétaires traditionnelles et la réticence ou l’impuissance des gouvernements du
monde entier (sauf le Canada, qui brille d’exception) à adopter
des mesures de relance budgétaires, les banques centrales
évoquent des outils de politique monétaire toujours plus
avant-gardistes.
Japon le fasse. Dans les jours qui ont suivi la retentissante
victoire du Parti libéral démocrate de Shinzo Abe dans le cadre
des élections de la Chambre haute en juillet, les dirigeants
de son équipe d’économistes évoquaient ouvertement
cette éventualité.
Le terme « monnaie hélicoptère » puise ses origines dans une
recherche-réflexion dont Milton Friedman, économiste américain et lauréat du Prix Nobel, fait état dans le document publié
en 1969 sous le titre « The Optimum Quantity of Money ».
« Supposons maintenant qu’un jour, un hélicoptère survole
une localité et largue 1 000 $ de billets de banque, que les
habitants de cette localité s’empresseront bien sûr de
ramasser. Supposons encore que tous sont convaincus qu’il
s’agit d’un fait exceptionnel, qui ne se reproduira jamais. »
M. Friedman laissait ainsi entendre que les banques centrales
pourraient relancer l’activité économique et l’inflation en
versant directement de l’argent aux particuliers, qui pourraient
le dépenser librement pourvu que l’expansion de la masse
monétaire en circulation soit permanente.
Sans doute plus célèbre, du moins pour la génération actuelle
des économistes et des investisseurs, M. Bernanke a repris
Ces derniers mois, des sommités comme Paul Krugman
(lui aussi, comme M. Friedman, économiste et lauréat du Prix
Nobel), Tony Yates, économiste à la Banque d’Angleterre, et
Adair Turner, ex-président de la Financial Services Authority
du Royaume-Uni, ont exposé publiquement les avantages
et les inconvénients des transferts de fonds directs. En mars,
M. Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne
(BCE), a affirmé qu’il s’agissait d’un « concept très intéressant ».
Et en avril, M. Bernanke a revu la question sur son blogue de
la Brookings Institution, en laissant entendre que la monnaie
hélicoptère « serait sans doute la meilleure solution » dans
les « cas les plus difficiles ou extrêmes où d’autres outils de la
politique monétaire et budgétaire pourraient être indisponibles ou inefficaces ».
Il faut donc comprendre que personne ne prône le recours à la
monnaie hélicoptère, sauf dans les cas difficiles ou extrêmes.
Mais si le concept est d’actualité, c’est aussi parce qu’il est
important que les investisseurs et les citoyens sachent que les
gouvernements disposent effectivement d’autres outils pour
intervenir dans les scénarios récessionnistes et déflationnistes.
Si jamais une autre crise devait s’abattre sur l’économie,
les taux d’intérêt, aux niveaux actuels, ne donnent guère
de marge de manœuvre pour continuer de faire appel
aux outils traditionnels.
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Comment larguerait-on
la monnaie hélicoptère?
Comment au juste pourrait-on déployer la monnaie
hélicoptère, si on ne largue pas de billets du haut des airs?
Sans l’ombre d’un doute, le moyen logistique le plus facile,
pour une banque centrale comme la Fed, consiste à simplement créditer le compte du Trésor à la banque (ce qui obligerait
le Congrès à l’y autoriser par une mesure législative). Ou encore,
le Trésor pourrait émettre des titres de dette comme il le fait
généralement pour financer des programmes budgétaires;
toutefois, la Banque centrale doit alors s’engager à racheter
les titres de dette pour les détenir indéfiniment. Dans un cas
comme dans l’autre, elle doit s’engager à ne pas en répercuter
l’effet sur la masse monétaire. Si la dette détenue rapportait
des revenus sous forme d’intérêts à la banque, ces revenus
seraient reversés au Trésor (puisque les banques centrales
sont de toute manière des phalanges de l’État souverain,
qui finissent toujours par lui reverser leurs « excédents »).
En récoltant les fruits du financement monétaire, le gouvernement pourrait alors soit engager des dépenses pour relancer
directement l’économie, soit consentir des baisses d’impôts
pour distribuer les fonds. Certains partisans de la monnaie
hélicoptère ont suggéré de distribuer des « bons d’achat »,
au lieu de consentir des baisses d’impôts, pour accroître
davantage la propension des destinataires à dépenser les
fonds ainsi distribués.
En quoi est-ce différent de
l’assouplissement quantitatif?
La version exposée ci-dessus de la monnaie hélicoptère,
selon laquelle le Trésor émet des obligations que rachète et
Hormis ces différences d’intention
et de crédibilité, c’est parce qu’elle
cible les ménages et les consommateurs, plutôt que les investisseurs
et les épargnants, que la monnaie
hélicoptère se distingue le plus des
autres mesures de relance.
détient la Banque centrale, ressemble beaucoup aux bons
vieux programmes d’assouplissement quantitatif. En fait,
dans son numéro de mai 2016 d’Investment Outlook, le gestionnaire de fonds obligataires de Janus Capital Group et ancien
chef des placements de PIMCO, M. Bill Gross, soutient que la
Fed, la BCE, la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon,
en gonflant leurs bilans par l’assouplissement quantitatif depuis
six ans, déploient déjà discrètement la monnaie hélicoptère.
Les banques centrales soutiennent bien sûr qu’elles n’ont pas
autorisé le Trésor à financer gratuitement ce déploiement
puisque les obligations et les autres actifs rachetés finiront
bien par être revendus sur le marché libre. À cette idée, M. Gross
répond : « Jamais de la vie! ». Si jamais le grand public reconnaît que les titres de dette accumulés par les banques centrales
seront perpétuellement reconduits, ces titres deviendront,
par le fait même, de la monnaie hélicoptère. (La prorogation
perpétuelle des échéances est la seule porte de sortie que
M. Gross entrevoit en particulier pour le Japon, dont le ratio
dette publique/PIB est aujourd’hui de l’ordre de 250 %.)
Par conséquent, la seule différence entre l’assouplissement
quantitatif et cette forme de monnaie hélicoptère est l’engagement de détenir les actifs en permanence. La Fed continue
d’affirmer qu’elle prévoit dénouer ces positions quand la
conjoncture sera favorable. On oublie aussi de rappeler
que cette expansion de la masse monétaire ne se produira
qu’une seule fois. Aux États-Unis, le premier cycle de l’assouplissement quantitatif (QE1) s’est amorcé en mars 2009. Le
deuxième cycle (QE2) a été annoncé en novembre 2010, et
le QE3, en septembre 2012. Ainsi, toute décision d’annoncer
désormais comme un fait exceptionnel un largage de billets
de banque dans l’économie serait sans doute accueillie par
une forte dose de scepticisme.
Hormis ces différences d’intention et de crédibilité, c’est
parce qu’elle cible les ménages et les consommateurs, plutôt
que les investisseurs et les épargnants, que la monnaie hélicoptère se distingue le plus des autres mesures de relance.
Cette distinction est importante, comme nous le verrons
ci-dessous.
Les avantages
Parce que la monnaie hélicoptère s’apparente étroitement à
l’assouplissement quantitatif traditionnel, c’est en comparant
l’une et l’autre que l’on peut faire ressortir la plupart de ses
avantages et de ses inconvénients.
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• Plus efficace que l’assouplissement quantitatif. On a dit
de la monnaie hélicoptère qu’elle est l’équivalent financier
d’une dose d’adrénaline injectée directement dans le cœur.
Dans l’assouplissement quantitatif traditionnel, selon lequel
les obligations et les autres actifs souverains sont essentiellement émis en contrepartie des réserves des banques
centrales, les mesures de relance se répercutent indirectement sur l’économie réelle, ce qui en atténue l’impact. En
transférant les fonds directement aux gouvernements pour
qu’ils les dépensent ou aux particuliers grâce à des baisses
d’impôts, on agirait plus directement sur la demande
globale, au lieu de manipuler les taux d’intérêt en espérant
de produire un effet de goutte-à-goutte par l’entremise des
marchés des capitaux. Les ménages enrichiraient leurs
revenus grâce à des baisses d’impôts, ce qui relancerait les
dépenses de consommation, alors que l’augmentation des
dépenses de l’État dans les travaux publics dynamiserait
le PIB, l’emploi et les revenus.
• Moins risqué que l’assouplissement quantitatif. Parce
que l’assouplissement quantitatif vise les taux d’intérêt,
il produit un effet inflationniste très direct sur les cours des
actifs (les actions et les obligations), plutôt que sur les prix
à la consommation. C’est pourquoi on a reproché à cette
forme de relance économique d’alimenter des bulles sur les
marchés des capitaux mondiaux. En outre, l’assouplissement
quantitatif vise à stimuler la croissance en augmentant la
dette, ce qui alourdit encore le risque pour le système quand
l’incertitude suscitée par la crise remet déjà en question
la fiabilité du système bancaire. Les programmes budgétaires financés par la masse monétaire permettent d’éviter
ces problèmes.
faudra bien rembourser cette dette. En théorie, l’effet des
dépenses pourrait être émoussé par les consommateurs qui
épargneraient davantage en prévision de l’alourdissement
du fardeau de la dette. On pourrait donc s’attendre à ce que
la monnaie hélicoptère incite davantage à dépenser.
Les inconvénients
• Ce n’est pas vraiment de l’argent disponible. En fait, il ne
s’agit pas d’un « inconvénient », puisque l’idée de la monnaie
hélicoptère est de ranimer l’inflation. Mais en dévaluant la
masse monétaire qui existe déjà dans l’épargne des particuliers, un peu comme une société qui diluerait son capitalactions en attribuant de nouvelles actions à ses cadres
supérieurs, les consommateurs pourraient en avoir assez
de toujours finir par payer les pots cassés.
• Le danger que l’inflation s’emballe. Pour produire l’effet
théorisé souhaité, il est essentiel que le grand public voie
vraiment, dans la création de cette masse monétaire, un
fait exceptionnel à caractère permanent. Si l’opinion pense
que l’argent nouvellement imprimé est temporaire, il se
pourrait qu’on ne puisse pas relancer les dépenses comme
on le souhaite. Ainsi que l’a affirmé Paul Krugman, les banques centrales doivent « s’engager à être irresponsables tout
en restant crédibles » (Krugman, Helicopters don’t help, New
York Times, le 9 décembre 2013). Or, si les citoyens pensent
que le gouvernement pourrait s’habituer à la relance et
répéter l’exploit, les attentes inflationnistes augmenteront,
• Des avantages mieux répartis. La monnaie hélicoptère
dépensée directement par les États ou versée aux citoyens
grâce à des baisses d’impôts peut s’adresser aux chômeurs,
ou encore aux industries ou aux travailleurs dans les zones
défavorisées. On peut relancer l’économie quand la propension marginale à consommer et les multiplicateurs
économiques sont à la hausse. Par contre, on a soutenu
que ce sont les banques commerciales, les investisseurs
fortunés et les spéculateurs qui récoltent la plupart des
avantages de l’assouplissement quantitatif.
• La monnaie hélicoptère n’alourdit pas le fardeau fiscal.
Si les dépenses des États sont financées par un programme
traditionnel d’endettement, les consommateurs penseront
probablement que les impôts finiront par monter, puisqu’il
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...l’idée de la monnaie hélicoptère
est de ranimer l’inflation. Mais en
dévaluant la masse monétaire qui
existe déjà dans l’épargne des
particuliers, un peu comme une
société qui diluerait son capitalactions en attribuant de nouvelles
actions à ses cadres supérieurs,
les consommateurs pourraient
en avoir assez de toujours finir
par payer les pots cassés.
et l’inflation repartira de plus belle. Lorsqu’un précédent
est créé, il est facile d’imaginer que le législateur, séduit par la
monnaie hélicoptère, favorisera les dépenses ou les baisses
d’impôts alors que les enjeux économiques ne l’y obligent
pas. Scott Waugh, vice-président, gestionnaire de portefeuille du Fonds d’obligations canadiennes Investors, fait une
mise en garde : « Bien que Milton Friedman ait affirmé que
l’inflation, ce soit trop d’argent consacré à trop peu de biens,
l’hyperinflation ou l’inflation débridée est caractérisée par
l’effritement de la confiance portée à une devise. Le risque
de la monnaie hélicoptère, c’est qu’elle devienne un nouvel
outil politique, et qu’elle risque par conséquent de miner
la confiance envers les décideurs de l’État ».
• Une guerre des devises? Comme les taux d’intérêt faibles
et négatifs, la monnaie hélicoptère pourrait indirectement
servir à affaiblir une devise pour stimuler les exportations.
Une guerre des devises pourrait donner lieu à d’autres politiques clairement protectionnistes, ce qui ne serait guère
mieux pour la croissance mondiale.
• Difficile d’application. Dans son blogue d’avril 2016, Ben
Bernanke met en lumière les différentes difficultés causées
par le largage de la monnaie hélicoptère. Sa principale
inquiétude s’articule autour de la difficulté d’assurer la
coordination nécessaire entre les décideurs de la politique
budgétaire et les décideurs de la politique monétaire.
En outre, il se demande comment une augmentation
de la masse monétaire pourrait dans la pratique devenir
« permanente », puisque les outils de relance permanente
des banques centrales visent les taux d’intérêt, et non
directement la masse monétaire. (Il suggère de rehausser
expressément l’objectif d’inflation, décision qui à son avis
reviendrait à s’engager à accroître la masse monétaire.)
intégré, que M. Bernanke entrevoit comme une difficulté de
mise en œuvre, constituent également, aux yeux de certains,
des risques à long terme pour l’indépendance des banques
centrales. Dans son édition d’Investment Outlook de mai 2016,
M. Gross a prévenu qu’en donnant aux banques centrales
un rôle aussi important dans la politique budgétaire, on les
dépouillerait de leur indépendance politique.
• Absence de légitimité politique. Dans de nombreux pays,
certaines versions du concept de la monnaie hélicoptère,
par exemple les baisses d’impôts, qui obligent à demander
l’approbation du législateur, n’auraient donc aucune légitimité politique si ces mesures étaient instituées par les
banques centrales. En Europe, où la loi interdit à la BCE de
financer les gouvernements, l’assouplissement quantitatif
était déjà considéré comme le prolongement de l’intention
du législateur. Pour adopter la monnaie hélicoptère,
il faudrait presque certainement modifier le Traité, ce qui
constitue un obstacle de taille si l’on tient compte des
différences culturelles, par exemple en Allemagne, où l’on
est plus réfractaire à l’inflation et à l’endettement.
• Une mesure vouée à l’échec de toute manière. Depuis
la crise financière de 2008, ce qui caractérise surtout l’économie mondiale, c’est sans doute que rien, en économie,
ne semble fonctionner de la manière dont l’enseignent
les manuels. Les particuliers pourraient donc simplement
épargner la monnaie hélicoptère au lieu de la dépenser, en
particulier si sa création est considérée comme un signal
que l’économie est dangereusement fragilisée.
« Larguer de l’argent d’un hélicoptère
est une idée saugrenue, mais le seul
autre choix est de replonger aussitôt
en période d’austérité et de s’enliser
dans une longue récession. J’ai bien
peur que les élus et les banques
centrales décideront de monter dans
l’hélicoptère, plutôt que d’y laisser
leur peau. » (Bill Gross, Investment
Outlook, mai 2016, Janus Capital Group)
• Difficile à dénouer. Bien que l’accroissement de la masse
monétaire par un largage de la monnaie hélicoptère soit
destiné à être permanent, il pourrait y avoir des cas (par
exemple, la surinflation) dans lesquels les élus voudraient
dénouer les mesures de relance. À la différence des programmes d’assouplissement quantitatif qui consistent
à racheter des actifs que l’on peut échanger par la suite,
certaines versions des mesures de relance financées par
la masse monétaire n’offrent pas du tout la même marge
de manœuvre.
• L’indépendance des banques centrales en péril.
La collaboration étroite et le cadre monétaire et budgétaire
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Qu’en est-il pour les investisseurs?
L’un des dénouements possibles du concept de la monnaie
hélicoptère, c’est que les taux d’intérêt restent faibles pour des
durées prolongées et qu’ils continuent donc de faire monter
les cours des actifs (les actions et les obligations). Dans notre
article d’avril intitulé Taux d’intérêts négatifs : implications pour
les investisseurs, nous avons évoqué certaines éventualités
liées à un environnement de taux ultra-faibles, notamment
pour l’or, les obligations à rendement élevé et les actions
productives de dividendes. (Pour un exposé complet de
la question, veuillez lire l’article Taux d’intérêts négatifs :
implications pour les investisseurs.)
Les mesures de relance budgétaire financées par la masse
monétaire offriraient d’autres perspectives, selon les différents
canaux de transfert. Par exemple, grâce aux fonds portés au
compte de l’État à la Banque centrale, les titres boursiers liés
aux dépenses d’infrastructure et de construction seraient plus
attrayants. Une distribution directe de fonds aux citoyens,
grâce à des baisses d’impôts ou à des bons d’achat, ferait
évidemment rejaillir des retombées sur les entreprises et les
détaillants de biens de consommation.
En raison des innombrables modalités d’application des
programmes de relance, les investisseurs professionnels
et les gestionnaires de fonds sont bien placés pour profiter
de leurs vastes connaissances et dénicher des occasions
attrayantes. Et, comme nous l’avons déjà dit des taux d’intérêt négatifs, les conséquences des politiques monétaires
innovantes sont mal comprises. « On a bien vu ce qui s’est
produit quand le Japon a pris le marché de court en adoptant
un environnement de taux négatifs : le marché a finalement
pris les devants et réagi dans le sens contraire des prévisions »,
affirme M. Waugh. L’équipe d’experts en placements du Groupe
Investors, qui comprend des gestionnaires de portefeuilles
et des analystes en Europe et en Asie, surveille constamment
l’évolution de la conjoncture pour profiter des perspectives
attrayantes de certains marchés et de certains titres boursiers.
Le présent commentaire est publié par le Groupe Investors. Il reflète les vues de
notre Groupe des stratégies de placement et est offert à titre d’information générale
seulement. Il ne vise pas à prodiguer des conseils de placement ni à faire la promotion
d’un placement donné. Il se peut que le Groupe Investors ou ses fonds de placement,
ou encore les portefeuilles gérés par nos conseillers externes, détiennent certains des
titres mentionnés dans ce texte. Aucun effort n’a été ménagé pour assurer l’exactitude
de l’information contenue dans ce commentaire à la date de publication. Toutefois, le
Groupe Investors ne garantit ni l’exactitude, ni l’exhaustivité de cette information et
décline toute responsabilité relativement à toute perte découlant de cette information.
© Groupe Investors Inc. (07/2016)
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