MAT2611 : algèbre 2, hiver 2016 Travaux pratiques #9, 1 avril Exercice 1 (ex. 8, p. 344). Rappelez la définition de la torsion Tor(M ) d’un A-module M . Les membres de M sont appelés éléments de torsion de M . (a) Montrez que si A est un anneau intègre, alors Tor(M ) est un sous-module de M , appelé le sous-module de torsion de M . De plus, le module quotient M/ Tor(M ) n’a pas d’éléments non-nuls de torsion. (b) Donnez un exemple d’un anneau A et d’un A-module M pour lesquels l’ensemble Tor(M ) n’est pas un sous-module de M . [Indication : Considérez Tor(A), c’est-à-dire, le sous-module de torsion de l’A-module A.] (c) Si A a des diviseurs de zéro et M est un A-module non-nul, alors montrez que Tor(M ) 6= {0}. (d) (ex. 4, p. 356) M est appelé un module de torsion si Tor(M ) = M . Montrez que chaque groupe abélien fini est un Z-module de torsion. Donnez aussi un exemple d’un Z-module de torsion qui est infini. Solution. (a) Tout d’abord, 0M ∈ Tor(M ), puisque 1A 0M = 0M et 1A 6= 0A dans un anneau intègre. Soient m, n ∈ Tor(M ). On va prouver que m − n ∈ Tor(M ). Par définition, il y a deux éléments non-zéros a, b ∈ A tels que am = bn = 0M . Par conséquent, on trouve que ab(m − n) = (ab)m − (ab)n = (ba)m − (ab)n = b(am) − a(bn) = 0M − 0M = 0M , puisque un anneau intègre est également commutatif. De plus, on a que ab 6= 0A car a, b 6= 0A et A est intègre. Donc on conclut que m − n ∈ Tor(M ). Finalement, on va prouver que αm ∈ Tor(M ) pour tout α ∈ A. En effet, si α = 0A , alors αm = 0A m = 0M ∈ Tor(M ). Aussi, si α ∈ A \ {0A }, alors αa 6= 0A et a(αm) = (aα)m = (αa)m = α(am) = α0M = 0M , ce qui implique que αm appartient à Tor(M ). Ceci conclut la preuve que Tor(M ) est un sous-anneau de M . Il reste à prouver que M/ Tor(M ) n’a pas d’éléments non-nuls de torsion. En effet, soit m ∈ M/ Tor(M ) un élément de torsion (on dénote par m la classe d’équivalence de m modulo Tor(M )). Alors, il existe a ∈ A \ {0} tel que am = 0M . Puisque am = am, alors on trouve que am ∈ Tor(M ). Donc, il existe un b ∈ A \ {0A } tel que b(am) = 0M . Donc (ba)m = b(am) = 0M . Mais ba 6= 0A car A est intègre. Par la suite, m ∈ Tor(M ), c’est-à-dire, m = 0M . Ceci montre que Tor(M/ Tor(M )) = {{0}}, c’est-à-dire, M/ Tor(M ) n’a pas de torsion. (b) Compte tenu de la partie (a), l’anneau A doit être non-intègre. On considère l’anneau A = Z/6Z, qui est de façon triviale un A-module. Les éléments 2 et 3 appartiennent à Tor(A) car 2 3 = 0, mais 3 − 2 = 1 n’est pas un élément de torsion. Ceci montre que Tor(A) n’est pas un sous-module de A dans ce cas. (c) Par hypothèse, il existe a, b ∈ A \ {0A } tels que ab = 0A . On considère deux cas. Premièrement, si bm = 0M pour tout m ∈ M , alors Tor(M ) = M 6= (0M ). Deuxièmement, s’il existe un m ∈ M tel que bm 6= 0M , alors a(bm) = (ab)m = 0A m = 0M , ce qui implique bm ∈ Tor(M ) \ {0M }. En tout cas, on a trouvé des éléments non-nuls de torsion. 1 2 (d) Si (G, +) est un groupe abélien fini, soit de n éléments, alors le théorème de Lagrange implique que ng = g + · · · + g = 0 | {z } n fois pour tout g ∈ G. Alors Tor(G) = G. Finalement, si (G, +) est un groupe abélien fini de n éléments, alors le produit direct infini M = G × G × · · · est un Z-module par rapport à l’opération m(g1 , g2 , . . . ) := (mg1 , mg2 , . . . ). De plus, on a que n(g1 , g2 , . . . ) = (0, 0, . . . ) pour tous g1 , g2 , · · · ∈ G comme au-dessus, ce qui montre que M est un module de torsion. Exercice 2. Soit M un A-module. Si S ⊂ M , alors rappelez la définition de l’annulateur de S dans M , défini par Ann(S) = {a ∈ A : as = 0 pour tout s ∈ S}. Si on veut souligner l’anneau A, on écrit AnnA (S). (a) (Ex. 9, p. 344) Montrez que si N est un sous-module de M , alors son annulateur Ann(N ) est un idéal de A. De plus, montrez que l’action a · n := a · n rend N un (A/ Ann(N ))-module dont l’annulateur est nul. Rémarque. Un A-module M dont l’annulateur Ann(M ) est nul est appelé fidèle. (b) (Ex. 10, p. 344) Soit I un idéal de A. Montrez que l’ensemble {m ∈ M : im = 0 pour tout i ∈ I}, appelé l’annulateur de I dans M , est un sous-module de M . (c) (ex. 11, p. 344) Supposons que M = Z/24Z × Z/15Z × Z/50Z et que A = Z. (i) Calculez l’idéal Ann(M ). (ii) Soit I = 2Z. Décrivez l’annulateur de I dans M comme un produit direct de groupes cycliques. Solution. (a) Soit N un sous-module de M . D’abord, on a que 0A m = 0M pour tout m ∈ M , alors 0A ∈ Ann(M ) ⊂ Ann(N ). De plus, si α, β ∈ Ann(N ), alors (α − β)m = αm − βm = 0M − 0M = 0M (m ∈ M ), ce qui montre que α − β ∈ A. Finalement, si a ∈ A et α ∈ Ann(N ), alors (aα)n = a(αn) = a0M = 0M (n ∈ N ), ce qui prouve que aα ∈ Ann(N ). De plus, (αa)n = α(an) = 0M (n ∈ N ), puisque an ∈ N pour tout n ∈ N car N est un sous-module de M et α ∈ Ann(N ). On conclut que Ann(N ) est, en effet, un idéal de A. Finalement, si a dénote la classe d’équivalence de a modulo Ann(N ), alors on définit a · n := an. C’est une opération bien définie : si a = a0 , alors a − a0 ∈ Ann(N ) et, par conséquent, (a − a0 )n = 0. Donc, on trouve que an = a0 n, comme voulu. C’est clair que cette opération rend N un A/ Ann(N )-module. On veut montrer que l’annulateur de ce module est trivial. En effet, si an = 0M pour tout n ∈ N , alors an = 0M pour tout n ∈ N , ce qui implique que a ∈ Ann(N ), c’est-à-dire, que a = 0A . Par la suite, l’annulateur de N dans A/ Ann(N ) est nul, comme voulu. 3 (b) Soit N = {m ∈ M : im = 0M pour tout i ∈ I}. On va montrer que N est un sous-module de M . Tout d’abord, 0M ∈ N puisque a0M = 0M pour tout a ∈ A. Puis, si n1 , n2 ∈ N , alors i(n1 − n2 ) = in1 − in2 = 0M − 0M = 0M pour chaque i ∈ I, ce qui implique que n1 − n2 ∈ N . Finalement, si a ∈ A et n ∈ N , alors pour tout i ∈ I on a que ia ∈ I et, par conséquent, i(an) = (ia)n = 0M . Donc on déduit que an ∈ N , ce qui conclut la preuve que N est un sous-module de M . (c-i) On a que k ∈ Ann(M ) si est seulement si k(a (mod 24), b (mod 15), c (mod 50)) = (0 (mod 24), 0 (mod 15), 0 (mod 50)) ∀a, b, c ∈ Z ⇔ ka ≡ 0 (mod 24), kb ≡ 0 (mod 15), kc ≡ 0 (mod 50), ∀a, b, c ∈ Z ⇔ k ≡ 0 (mod 24), k ≡ 0 (mod 15), k ≡ 0 (mod 50) ⇔ ppcm[24, 15, 50]|k. Puisque 24 = 23 · 3, 15 = 3 · 5 et 50 = 2 · 52 , alors ppcm[24, 15, 50] = 23 · 3 · 52 = 600. Donc Ann(M ) = 600Z. (c-ii) Soit N = {m ∈ M : am = 0M pout tout a ∈ 2Z} l’annulateur de I dans M . On trouve que l’élément (a (mod 24), b (mod 15), c (mod 50)) de M appartient à N s-si 2k(a (mod 24), b (mod 15), c (mod 50)) = (0 (mod 24), 0 (mod 15), 0 (mod 50)) ∀k ∈ Z ⇔ 2ka ≡ 0 (mod 24), 2kb ≡ 0 (mod 15), 2kc ≡ 0 (mod 50), ⇔ ka ≡ 0 (mod 12), kb ≡ 0 (mod 15), kc ≡ 0 (mod 25), ∀k ∈ Z ∀k ∈ Z ⇔ a ≡ 0 (mod 12), b ≡ 0 (mod 15), c ≡ 0 (mod 25). Donc on trouve que N = 12Z/24Z × 15Z/15Z × 25Z/50Z ∼ = Z/2Z × Z/2Z. Exercice 3. Soit A un anneau unitaire. (a) (ex. 9, p. 356) Un A-module M est appelé irréductible si M n’est pas nul est ses seules sous-modules sont (0) et M . Montrez que M est irréductible si et seulement si M 6= {0} et M = Am pour chaque m ∈ M \ {0}. Déterminez tous les Z-modules irréductibles. (b) (ex. 10, p. 356) Soit M un A-module. Si A est commutatif, montrez que M est irréductible si et seulement si M ∼ = A/I comme A-modules, où I est un idéal maximal de A. [Indice : Pour chaque m ∈ M \ {0}, l’application A 3 a → am ∈ M est un isomorphisme de A-modules.] (c) (ex. 11, p. 356) Soit M et N deux A-modules irréductibles. Montrez que chaque application linéaire non-zéro de M à N est un isomorphisme de A-modules. Déduisez que End(M ) est un corps gauche. [Indice : Considérez le noyau et l’image de l’application linéaire.] Solution. (a) “⇒” : Supposons que M est irréductible. L’ensemble Am est un sous-module de M (il est le sous-module engendré par m). De plus, si m 6= 0, alors Am 6= (0) car m = 1 · m ∈ Am. Puisque les seuls sous-modules de M sont (0) et M , on conclut que Am = M . “⇐” : Supposons que Am = M pour tout m ∈ M \ {0}. Soit N un sous-module de M qui n’est pas nul. Donc il contient au moins un élément non-nul, soit n. L’ensemble An est 4 contenu dans N car N est un sous-module. Mais An = M par hypothèse, ce qui implique que M = An ⊂ N ⊂ M , d’où on déduit que N = M . Ceci conclut la démonstration. Finalement, on détermine tous les Z-modules irréductibles. Ils sont les groupes abéliens non-nuls qui sont aussi normaux. Soit G un tel groupe. On va montrer que G = Z/pZ pour un nombre premier p. Le groupe G n’est pas nul, donc il existe g ∈ G \ {0}. Considérons H = hgi, le sous-groupe de G engendré par g. Puisque G est normale et H n’est pas nul, on trouve que H = G. Donc G est un groupe cyclique, ce qui implique que soit G ∼ = Z ∼ soit G = Z/nZ pour un n ≥ 2. Le groupe Z n’est pas normale. Par exemple, 2Z est un sous-groupe propre et non-nul de Z. Puis, si G ∼ = Z/nZ pour un n ≥ 2 composé, alors on peut écrire n = ab pour quelques a, b ∈ {2, . . . , n − 1}. Donc aG est un sous-groupe de G qui est propre et non-nul. Finalement, si G ∼ = Z/pZ pour un nombre premier p, alors G est normale : si H est un sous-groupe de G, on trouve que |H| divise |G| = p. Donc soit |H| = 1, c’est-à-dire, H = (0), où |H| = p = |G|, c’est-à-dire H = G, ce qui montre notre affirmation que G est normale dans ce cas. Ceci conclut la preuve. (b) Tout d’abord, on sait que A est un A-module. De plus, c’est facile à voir que I est un sous-module de A s-si I est un idéal de A. (Ici, on a besoin de la commutativité de A.) “⇒” : Supposons que M est irréductible. Puisque M est non-nul par la définition d’un module irréductible, alors il existe un m ∈ M \ {0}. On définit l’application ϕ : A → M par ϕ(a) = am. Evidemment, c’est une application linéaire sur A (ici, l’hypothèse que A est commutatif est importante). De plus, elle est surjective : son image ϕ(A) est un sousmodule non-zéro de M , donc il doit être égal à M . Par conséquent, le premier théorème d’isomorphisme de A-modules implique que A/ ker(ϕ) ∼ = M comme A-modules. Il reste de prouver que ker(ϕ) est idéal maximal de A. Tout d’abord, comme nous avons vu au-dessus, ker(ϕ) est un idéal de A car il est un sous-module de A. De plus, ker(ϕ) 6= A car M 6= 0. Finalement, si I est un idéal de A pour lequel ker(ϕ) ⊂ I ⊂ A, alors I/ ker(ϕ) est un idéal de A/ ker(ϕ). Donc I/ ker(ϕ) est un sous-module de A/ ker(ϕ). Mais A/ ker(ϕ) est irréductible car il est isomorphe à M . Par conséquent, soit I/ ker(ϕ) = 0 soit I/ ker(ϕ) = A/ ker(ϕ). Le théorème de correspondance dit que J/ ker(ϕ) = J 0 / ker(ϕ) s-si J = J 0 . Donc, soit I = ker(ϕ) soit I = A, ce qui implique que ker(ϕ) est un idéal maximal de A. “⇐” : Il suffit de montrer que A/I est irréductible comme un A-module si I est maximal. D’après le théorème de correspondence, les sous-modules de A/I sont en correspondence avec des modules J de A tels que I ⊂ J ⊂ A. Mais, J est sous-module de A s-si J est un idéal de A. Puisque I est maximal, les seules possibilités sont J = I et J = A, ce qui montre que A/I est irréductible. (c) Soit ϕ : M → N une application linéaire non-nul. Alors ϕ(M ) 6= (0). Mais N est un module irréductible et ϕ(M ) est un sous-module non-nul de N . Donc ϕ(M ) = N . Le premier théorème d’isomorphisme de A-modules implique que M/ ker(ϕ) ∼ = N . Le noyau de ϕ est un sous-module du module irréductible M . Donc soit ker(ϕ) = (0) soit ker(ϕ) = M . Si ker(ϕ) = M , alors N est nul, ce qui est une contradiction. Donc ker(ϕ) = (0), ce qui implique que ϕ est un isomorphisme de A-modules. Finalement, si M est irréductible, alors End(M ) est un corps gauche : en effet, soit ϕ ∈ End(M ) \ {0}. Par la discussion au-dessus, on trouve que ϕ est un isomorphisme de Amodules. En particulier, ϕ−1 existe et elle est une application linéaire, c’est-à-dire, ϕ−1 ∈ End(M ). De plus ϕ−1 ◦ ϕ = ϕ ◦ ϕ−1 = 1M , par définition. Ceci conclut la solution.