Patronage laïque Jules Vallès / ACTISCE / 72, avenue Félix Faure 75015 Paris
modernes tout particulièrement, le bouddhisme a joué un rôle important pour alimenter le
nationalisme.
Pourquoi la violence bouddhiste éclate-t-elle particulièrement au Sri Lanka et en Birmanie ?
Au Sri Lanka, depuis longtemps, la religion est instrumentalisée dans le conflit interethnique,
qui est très ancien. En Birmanie, une partie du clergé bouddhiste a activement participé à la
construction du régime militaire et constitue actuellement encore un véritable pouvoir
parallèle. Il y a dans ce pays aussi un ethnocentrisme très fort, qui vire parfois au racisme.
Tout cela dans un contexte plus général: celui de l’émergence, à l’échelle de l’Asie du Sud-Est,
d’un pan-nationalisme tourné contre l’islam, sur fond d’insécurité identitaire. Le discours qui
l’alimente rappelle beaucoup celui de la défense de l’Occident chrétien.
Ce fondamentalisme est-il un phénomène marginal ou faut-il craindre son expansion ?
Le fondamentalisme est en expansion, mais c’est un phénomène mondialisé. Globalement, à
l’échelle de la planète, on observe aujourd’hui trois tendances qui font système et dépassent
les différences entre religions: celle du spiritualisme, axé sur la quête de sens et la
méditation. C’est un courant qui a beaucoup de succès dans les pays riches. Il y a ensuite le
charismatisme, qui met l’accent sur l’émotion collective et qui est surtout le fait du
protestantisme évangélique, en Afrique, en Amérique latine, en Asie et aux Etats-Unis,
surtout dans les populations défavorisées. Et puis il y a le fondamentalisme, alimenté par le
rejet, le retour vers le passé, le refus de l’ouverture. C’est une posture réactive, qui existe
dans toutes les religions et se développe surtout là où les populations souffrent d’un
manque de reconnaissance de soi.
Comme dans les pays du Moyen-Orient ?
Oui, ce qui se passe avec l’islam et ses dérives au Moyen-Orient n’a rien à voir avec l’islam
lui-même. C’est une conséquence de l’histoire : les populations de cette région ont été
particulièrement humiliées par la puissance occidentale. Pour parler comme les
psychanalystes, il y a eu une grande blessure narcissique qui a engendré un désir de
vengeance. En Asie aussi, le bouddhisme a servi de levier anticolonialiste, mais avec cette
spécificité : c’était une religion admirée en Occident, et cela dès le XIXe siècle. La blessure
narcissique était donc moins grande, et le fondamentalisme s’est développé à une échelle
moindre.
Mais cette religion que nous admirons tant n’est pas réelle, expliquez-vous…
Le bouddhisme qui séduit les Occidentaux est un fantasme, une sorte de mise en scène
planétaire et suresthétisée de traditions qui n’ont jamais existé de cette manière. Le
paradoxe, c’est que le bouddhisme s’est transformé en Asie même pour ressembler au
fantasme occidental. Aujourd’hui, les temples et les moines constituent une attraction
touristique majeure. Et pour être sur la photo, il faut être une sorte d’hyperbouddhiste
exotisé…