
Le patient privé de toute fonction rénale peut survivre grâce au « rein artificiel » parce que
celui-ci est capable de compenser à la fois la fonction d’épuration des déchets et celle de
régulation hydroélectrolytique du milieu intérieur, toutes deux vitales pour l’organisme.
Cependant, si le rein artificiel assure la première aussi bien et même parfois de manière plus
performante que les reins naturels, la seconde n’est réalisée que de manière très grossière.
En effet, il n’existe encore aucune boucle de régulation permettant d’ajuster très exactement
les sorties aux apports particuliers à chacun, liés avant tout aux habitudes alimentaires. C’est
pourquoi l’expression système d’épuration extrarénale semble plus adéquate que rein
artificiel. Comme les reins naturels, les systèmes d’épuration extrarénale réalisent
l’épuration du plasma à travers une membrane dialysante. On désigne par ce terme une
membrane qui se comporte comme un tamis, c’est-à-dire qui reste imperméable aux
molécules de taille (ou de masse molaire) élevée et donc, nécessairement, à tout élément plus
gros (virus, bactéries, éléments figurés du sang…). La masse molaire au-dessus de laquelle la
membrane est strictement imperméable est appelée point de coupure (cut-off) de la
membrane. Les membranes dialysantes utilisées dans les systèmes d’épuration extrarénale
doivent être imperméables à l’albumine (M environ 70 000). Leur point de coupure, en
pratique compris entre 5 000 et 20 000 daltons, est largement inférieur à celui du filtre
glomérulaire (environ 58 000). Dans le cas du rein artificiel, l’épuration n’est pas
nécessairement assurée, comme dans le glomérule rénal, par un phénomène de filtration en
rapport avec un gradient de pression. Elle est souvent obtenue par un phénomène de diffusion
(qui, à travers une membrane dialysante, prend le nom de dialyse) en rapport avec
l’établissement d’une différence de concentration entre deux solutions circulant de chaque
côté de la membrane : le plasma contenu dans le sang, d’une part, et une solution
électrolytique appelée dialysat, d’autre part. La membrane dialysante, élément clé de tout
système d’épuration, peut être intracorporelle (dialyse péritonéale) ou extracorporelle,
nécessitant alors une circulation sanguine extracorporelle (hémodialyse au sens large) avec
un débit habituellement compris chez l’adulte entre 200 et 400 ml/min. Nous nous limiterons,
dans cet article, au traitement de l’insuffisance rénale chronique par hémodialyse et, plus
particulièrement, à ses aspects d’intérêt actuel parce qu’ils sont encore l’objet de
développements ou de controverses. Le lecteur intéressé trouvera une revue plus générale sur
le sujet dans des articles de synthèse ou des ouvrages spécialisés…
Définir le programme adéquat de traitement par hémodialyse pour un patient donné
nécessite, entre autres critères, de préciser la modalité technique et la membrane optimales
pour ce patient. Mais il convient de signaler d'emblée que les critères médicaux, qui devraient
en théorie être seuls pris en compte dans l'intérêt du patient, sont en réalité souvent masqués
par des impératifs économiques. En effet, le remboursement, en France, d'une séance de
dialyse par les organismes de protection sociale, d'un montant pourtant excessivement
variable d'une région à l'autre et même d'un centre à l'autre, est totalement forfaitaire et ne
prend en compte ni le coût de la technique (conventionnelle ou convective), ni celui de la
membrane (biocompatible ou non), ni l'efficacité de la séance (dose de dialyse délivrée), un
peu comme si le remboursement d'un traitement antibiotique ne prenait en compte ni la
nature ni l'efficacité ni la dose prescrite du médicament utilisé !
Choix de la modalité technique
L'hémofiltration n'est pas plus efficace que l'hémodialyse conventionnelle en ce qui concerne
l'épuration de l'urée et des petites molécules. Cependant, parce que le transfert convectif
dépend peu de la taille des molécules [34] et que l'hémofiltration nécessite l'utilisation d'une
membrane dialysante à forte pente dont le point de coupure est généralement élevé (de l'ordre
de 20 000 daltons), elle reste, contrairement à l'hémodialyse conventionnelle, très efficace
pour l'épuration des moyennes molécules (toxines urémiques de masse molaire comprise