Instruction élémentaire et écoles à l'époque carolingienne
INTRODUCTION
Depuis l'Antiquité, lire, écrire, chanter et compter sont au centre de tout
enseignement rudimentaire que chacun doit absolument posséder.
Jusqu'au déplacement de l'auctoritas impériale romaine vers l'Occident en 476,
l'école (schola, scola) recouvre une réalité institutionnelle solide. Les témoignages
postérieurs tendent cependant à montrer que les éléments traditionnels de lecture,
d'écriture, de musique et de calcul, gardent une place d'importance dans la divulgation
d'un savoir rudimentaire auprès des plus humbles. "L'idéal" chrétien même ne semble
pas incompatible avec l'apprentissage d'un programme littéraire ou numérique hérité
des "païens" grecs ou romains. Ainsi, s. Augustin (354-430) voit dans la connaissance
des éléments de lecture le principal moyen d'approcher et de comprendre les paroles
de l'orator lors des prédications1. De même, Césaire, évêque d'Arles en 503, sermone
ses ouailles pour qu'ils apprennent, "lorsque les nuits sont courtes", à lire, écrire et
chanter ainsi qu'à acquérir le Symbole de Nicée (le Credo), le Pater, les Psaumes 50 (le
Miserere), 90 et quelques antiennes2.
Jusqu'au dernier quart du VIIIème siècle cependant, les sources restent muettes
quant à la mise en place d'organisations éducatives destinées au petit peuple. Les
propos de Césaire d'Arles tendent au contraire à montrer que l'éducation dite "de
masse" tient avant tout d'initiatives particulières, voire spontanées3. Aucune autorité
publique (et pas même l'Église) ne prend en main de facto l'instruction du petit peuple.
A partir du dernier quart du VIIIème siècle, dans le cadre du mouvement
intellectuel et artistique de la Renaissance carolingienne4, l'autorité royale, et par la suite
l'Église, dressent un ensemble de prérogatives destinées à institutionnaliser l'éducation.
Au centre de ce programme, se situe l'école qui est la norme admise de tout
enseignement. Le principal propos de cette étude sera de voir en quoi consistent ces
1 De doctrina christiana, Livre IV, 12, 27 et 10, 24 ; trad. G. Combes, documents annexés, in Pierre Riché, De
l'Education antique à l'éducation chevaleresque, Paris, 1968, p. 79.
2 Sermon 6, ibid., p. 80 sq.
3 Pierre Riché, Ecole et enseignement, Paris, 1989, p. 194, s'est penché sur la notion "d'école" pour en saisir la
multitude de réalités ; il cite notamment l'exemple de l'évangélisation de Wulframm en Frise, in Vita
Wulframmi, SRM V, MGH, p. 668 ; ou l'école d'Anschaire à Hrusti au Danemark encouragée par Boniface au
milieu du VIIIème siècle, Epist. III, MGH, p. 380, toutes deux écoles dites "privées".
4 Mouvement intellectuel autant que religieux, comme le dit Jean Chélini, Histoire religieuse de l'Occident
médiéval, Paris 1991, p. 173 : "la Renaissance carolingienne nous intéresse d'abord comme manifestation d'une
volonté de réforme religieuse, avant d'être un phénomène culturel."
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